Modélisation des écoulements internes en turbomachines

Au cours des dernières années, le développement des moyens informatiques accompagné par la réduction des temps de calculs et des coûts, ont permis de mieux connaître la structure fine des écoulements en turbomachines, d’approcher de façon plus approfondie les processus physiques qui gouvernent leur fonctionnement et d’analyser, avec une précision accrue, les phénomènes internes. Pour ce faire, la solution idéale est la résolution des équations de Navier-Stokes tenant compte du caractère tridimensionnel, instationnaire et visqueux de l’écoulement. Cependant, cette modélisation est mal adaptée au stade du dimensionnement d’une machine. Confronté à ces problèmes, le souci de la majorité des constructeurs de turbomachines est de disposer d’outils de conception et d’analyse rapide suffisamment précis. Ces outils doivent donc opérer avec des modèles moins sophistiqués en décomposant l’écoulement tridimensionnel en deux écoulements bidimensionnels, permettant à la fois une précision suffisante et une réduction importante des délais et coûts de développement.

Projet des turbomachines

De très importants progrès ont été accomplis dans le domaine de la conception des turbomachines ces dernières années et l’éventail des méthodes et des outils à la disposition du concepteur a subi un important développement. Parmi toutes ces possibilités, les ingénieurs chargés de ces tâches doivent savoir choisir l’outil le mieux adapté à chaque étape du projet. La plupart des industries ont leurs propres schémas de conception, leurs codes ou leurs méthodes de calcul. Par exemple, dans la série publiée par l’AGARD (Advisory Group for Aerospace Research and Development) en 1989 [ii], plusieurs auteurs ont décrit des méthodes avancées et exhaustives pour le projet de divers types des turbomachines : compresseurs (Stow, Meauzé), turbines (Bry, Hourmouziadis), aubages bidimensionnels (Starken), pour n’en citer que quelques-uns. D’autre part, Howard et al. [iii] présentent une méthode pour la conception aérodynamique et thermique des turbines. Nojima [iv] montre une description similaire pour la conception de compresseurs centrifuges industriels. La méthodologie de conception des turbomachines dépend de l’application, de la géométrie et du domaine industriel d’application ; par conséquent, il n’existe pas d’approche unifiée.

Une démarche méthodologique générale peut cependant être retenue concernant la conception des turbomachines, elle est présentée en figure I.1. La spécification des paramètres globaux (cahier des charges) comprend le débit, l’élévation de pression, le rendement souhaité, les dimensions globales de la machine ou l’espace disponible pour la loger, les caractéristiques du fluide de travail et le type de machine en fonction de la tâche qui lui est destinée. Parmi d’autres paramètres qui sont aussi acquis au début du projet, on peut considérer les bases de données contenant les géométries des profils, les corrélations pour le calcul des pertes sur les aubages et les flasques, les fuites par jeux radiaux et les modèles pour le calcul des angles de déflexion.

La première étape du calcul consistera en une analyse globale faite à l’aide de modèles simplifiés de type unidimensionnel portant généralement sur le tube de courant moyen et utilisant l’équation d’Euler des turbomachines combinée avec les lois de l’équilibre radial simplifié (Noguera et al [v]). Dans cette étape, nous ferons appel à de nombreuses corrélations définissant les angles de déflexion (Rey [vi]) et les pertes (Bakir [vii]) en grilles d’aubes. Les résultats les plus importants de cette première étape seront les caractéristiques globales en fonction du débit et surtout une première approximation de la géométrie de la machine (notamment les profils des pales) qui servira à initialiser les autres étapes de la démarche.

Il existe deux approches différentes pour la sélection des profils des pales : le problème direct et le problème inverse. Ils peuvent être décrits ainsi :

• Problème direct (analyse). Les profils des pales sont générés par des techniques géométriques dont une loi d’évolution de la ligne moyenne (loi de cambrure) et une loi d’épaisseur. Des séries de grilles ainsi construites avec ces profils sont ensuite analysées par des méthodes théoriques, numériques ou expérimentales pour identifier les plus performantes et déterminer leurs caractéristiques aérodynamiques détaillées [viii] [ix] [x].

• Problème inverse (dimensionnement). Cette technique permet au concepteur de spécifier les distributions des vitesses ou pression sur les surfaces des profils à construire. Des méthodes numériques très poussées permettent de déterminer la géométrie des profils qui réalisent ces distributions (Wilkinson 1967 [xi], Cheng 1981 [xii], Lewis 1982 [xiii] et 1991 [xiv], Luu 1992 [xv]). D’autres méthodes simplifiées permettent avec certaines contraintes imposées sur la géométrie (par exemple une famille fixe de profils), d’obtenir la géométrie la mieux adaptée aux conditions d’entrée et de sortie imposées au départ.

Si les méthodes inverses semblent offrir la solution idéale pour obtenir les caractéristiques souhaitées, elles présentent plusieurs inconvénients, notamment, il n’existe pas toujours un profil correspondant à toute distribution imaginable et, d’autre part, s’elle existe, la solution n’est pas toujours réaliste ou structurellement stable (Wilkinson 1967 [xi]). Il est important de noter que les deux approches peuvent être utilisées dans le cadre de la conception de turbomachines, mais que les méthodes directes doivent être utilisées dans une boucle itérative dont la géométrie recherchée est obtenue par des améliorations successives de critères objectifs. La deuxième phase, plus évoluée dans cette progression, est représentée par l’analyse dite quasi-tridimensionnelle ; le présent travail s’inscrit plus particulièrement dans ce domaine. Ces méthodes ont en commun l’idée de décomposer l’écoulement tridimensionnel qui se produit à l’intérieur de la machine en deux écoulements bidimensionnels couplés : l’écoulement aube à aube et l’écoulement méridien. Pour ces deux types de calcul il existe plusieurs méthodes de modélisation et de résolution. On n’en verra que quelques-unes parmi les principales. A cette étape de la conception, il est fréquent de faire appel aux méthodes ou corrélations pour prendre en compte les effets des couches limites, écoulements secondaires, fuites dans les jeux et pertes visqueuses. Dans le processus de conception des turbomachines, l’étape la plus évoluée et la plus complexe celle qui demande le plus de moyens, aussi bien matériels qu’intellectuels, est sans doute l’analyse tridimensionnelle. Cette partie constitue la phase finale de la conception hydraulique ou aérodynamique proprement dite, elle est normalement accomplie à l’aide de codes de calcul résolvant les équations de Navier-Stokes dans tout le domaine concerné. Ces codes donnent un aperçu de l’évolution et de l’effet des couches limites, des écoulements secondaires ou des écoulements dans les jeux radiaux. Les effets instationnaires peuvent aussi être pris en compte par des logiciels spécialement conçus pour cette tâche. Le principal résultat de cette étape est une connaissance détaillée de l’écoulement à l’intérieur de la machine qui permettra de contrôler ses caractéristiques et de réaliser d’éventuelles modifications de la géométrie. Il est évident que ces codes très lourds ne sont pas adaptés aux premières étapes de la conception. Néanmoins, ces logiciels ont évolué aussi bien dans le domaine de la convivialité et facilité d’utilisation que dans le domaine algorithmique. Par conséquent, ils trouvent une place de plus en plus importante dans les étapes amont de la conception.

La dernière étape avant de passer aux essais indispensables pour le développement de toute nouvelle machine, consiste à calculer et à contrôler ses caractéristiques structurelles et thermiques. Bien entendu, cette étape échappe complètement à l’objectif du présent travail. Il faut noter que dans chaque phase du projet, les paramètres géométriques peuvent être modifiés jusqu’à ce que les objectifs soient atteints. De même, il est souvent possible et parfois nécessaire, de revenir sur les étapes déjà accomplies pour effectuer les modifications nécessaires.

Equations générales de base

Les équations utilisées pour résoudre les écoulements dans les turbomachines dérivent, généralement des équations de Navier-Stokes et sont accompagnées d’hypothèses simplificatrices, associées à des considérations sur la géométrie, les bilans énergétiques ou la séparation des vitesses en une valeur moyenne et une partie fluctuante. En dehors du repère absolu, les équations peuvent aussi s’exprimer dans le repère relatif, en termes de la fonction de courant ou encore des variables exprimant sa courbure. Nous présenterons ensuite l’ensemble des équations générales de la mécanique des fluides sur lesquelles sont basées les équations régissant l’écoulement dans les turbomachines.

Equations particulières pour les turbomachines 

D’une manière générale, les écoulements dans les turbomachines sont tridimensionnels, instationnaires, visqueux, turbulents et compressibles. Parmi les approches simplificatrices, on trouve l’hypothèse d’Euler supposant un nombre infini d’aubages. Cette hypothèse est équivalente à l’hypothèse de symétrie axiale de l’écoulement à condition d’être accompagnée d’un champ de forces d’aubages équivalent. Depuis longtemps, les concepteurs ont traité l’écoulement tridimensionnel complexe dans les machines comme la superposition d’un certain nombre d’écoulements bidimensionnels. La première formalisation de cette idée a été proposée par Wu en 1952 [i]. Ceci a permis une démarche simplifiée du tracé des pales ou des techniques de sélection de profils. Wu a démontré qu’en combinant les différentes composantes des équations dynamiques qui régissent l’écoulement, on peut obtenir des systèmes d’équations pour les deux types de surfaces définies en figure I.3. Cette décomposition est à l’origine de deux types d’ écoulements : l’écoulement « méridien » et l’écoulement « aube à aube ». C’est ainsi que ces deux types des surfaces S1 et S2 sont appelées, respectivement, surfaces aube à aube et surfaces méridiennes. On peut définir un nombre arbitraire de surfaces de chaque type, mais les méthodes les plus utilisées considèrent une seule surface méridienne moyenne. Cette simplification équivaut à négliger les différences induites par la proximité des pales sur les surfaces aube à aube (figure I.4). Néanmoins, la méthode proposée par Hirsch et Warzee [xxv] prend en compte ces différences par les moyennes azimutales des équations dynamiques.

L’écoulement tridimensionnel complet peut donc être modélisé par une série de grilles planes bidimensionnelles, chacune correspondant à une surface S1 axisymétrique, plus ou moins régulièrement distribuées dans l’espace annulaire. Normalement, six à dix sections seront suffisantes pour représenter correctement l’écoulement dans une machine classique. L’avantage de cette approche simplifiée réside dans le fait que l’équation d’Euler peut être appliquée à chaque section de façon indépendante pour déterminer les triangles de vitesse à l’entrée et à la sortie de chaque section. La tâche du concepteur consiste à sélectionner la forme du profil pour obtenir la déflexion requise entre l’angle β1 à l’entrée et l’angle β2 à la sortie tout en limitant les pertes d’énergie par frottement.

Les équations du mouvement régissant les écoulements turbulents en turbomachines sont fortement non linéaires et la plupart des solutions analytiques disponibles sont pour des écoulements très simples. La résolution implique plusieurs hypothèses selon le type de machine, la géométrie des aubages et les conditions d’écoulement. Les premières tentatives pour résoudre numériquement ces équations sont apparues vers la fin des années 60 (Cooper et Bosch, 1966 [xxix]; Marsh, 1968 [xxx]). L’analyse tridimensionnelle classique est basée sur une résolution itérative des équations axisymétriques de l’écoulement méridien et des formulations aube à aube (solution en grilles d’aubes). Les techniques suivantes peuvent être classées comme des solutions axisymétriques:

•L’équilibre radial simplifié
•Théorie des disques actuateurs
•Equations moyennées et leurs solutions
Les solutions non axisymétriques sont généralement classées ainsi:
•Méthode des lignes et surfaces de portance
•Méthodes quasi-tridimensionnelles
•Solutions numériques des équations tridimensionnelles (Euler et Navier-Stokes).

Les solutions axisymétriques sont employées pour prédire globalement les variations radiales des propriétés de l’écoulement. Ces solutions sont strictement valables loin en amont et en aval des pales, mais certaines hypothèses, comme celle d’Euler, permettent de les utiliser à l’intérieur de la zone aubée. Une fois que les valeurs locales des paramètres de l’écoulement sont connues, les modèles aube à aube peuvent être utilisés pour prévoir les variations azimutales de la vitesse et de la pression. Cette technique de combiner les théories axisymétriques avec la théorie des grilles d’aubes est limitée normalement aux turbomachines axiales. Les théories de lignes de portance et de surfaces de portance sont principalement utilisées pour l’analyse axiale, notamment des hélices propulsives. Ces deux méthodes sortent du cadre de notre travail et par conséquent elles ne seront pas exposées.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I – Modélisation des écoulements internes en turbomachines
I Introduction
I.1 Projet des turbomachines
I.2 Equations générales de base Erreur
I.2.1 Equation de continuité et équation dynamique (Navier-Stokes)
I.2.2 Equations sous forme conservative
I.2.3 Equations simplifiées de mouvement
I.2.3.1 Equations d’Euler
I.2.3.2 Equations de l’écoulement incompressible
I.2.3.3 Équations liées à l’écoulement potentiel
I.2.3.4 Équations en termes de fonction de courant
I.3 Equations particulières pour les turbomachines
I.3.1 Solutions axisymétriques
I-3.2 Equations dans le repère relatif
I-3.3 Solutions quasi-tridimensionnelles
I.3.4 Ecoulement aube à aube
I-3.5 Solutions tridimensionnelles
I-3.6 Solutions unidimensionnelles
I.3.6.1 Equations d’Euler pour les turbomachines
I.3.6.2 Equilibre radial simplifié
I.3.6.3 Théorie des disques actuateurs
I.3.7 Equations moyennées en azimut
Chapitre II – Modélisation retenue pour l’écoulement méridien
II Introduction
II.1 Equations de base
II.2 Forces d’aubage dans le cas d’un nombre infini d’aubages
II.3 Calcul aube à aube simplifié
Chapitre III – Modélisation simplifiée pour les machines axiales
III Introduction
III.1 Equations simplifiées
III.2 Discrétisation du domaine
III.3 Conditions aux limites et de frontières
III.4 Résolution des équations
III.5 Validation
III.5.1 Validation dans le cadre d’écoulements irrotationnels
III.5.2 Influence du positionnement des conditions aux limites
III.5.3 Validation pour différents types de vortex
III.5.4 Validation à partir de la théorie du disque actuateur
III.5.5 Validations à partir de machines réelles
III.5.5.1 Pompe axiale N3 en vortex libre
III.5.3 Pompe axiale N5
III.5.3 Ventilateur H-2
Chapitre IV – Solution numérique du problème par la méthode des éléments finis
IV.1 Equation elliptique
Chapitre V – Applications sur des machines mixtes
V Introduction
V.1 Roue NS32
V.2 Roue VM51
VI – Conclusions générales

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