Modélisation de l’intégration agriculture – élevage 

Modélisation de l’intégration agriculture – élevage 

Les systèmes d’élevage de ruminants

L’élevage est pratiqué par 3 grands groupes ethniques et socioprofessionnels: les pasteurs traditionnels dominés par les ethnies peuls et arabes showa ; les agro-éleveurs traditionnels issus des ethnies de plaine (toupouris, massas, moundangs) et de montagne (mafa, kapsikis) ; et enfin, les agro-éleveurs récents de bovins de trait qui ont émergé avec la diffusion du coton et de la traction animale dès 1950, et qui proviennent de toutes les ethnies de la région.

L’élevage des pasteurs traditionnels

Bien qu’ayant connu diverses mutations, le pastoralisme traditionnel reste surtout l’apanage des peuls et des arabes showa.
Les arabes showa élèvent le zébu à petit cornage, de gabarit réduit et crédité d’une meilleure production de lait, caractéristiques qui le diffère de celui des peuls. Ils sont répartis dans la province de l’Extrême-Nord, où ils détiennent 22% du cheptel provincial.
Ils se situent globalement aux abords du lac Tchad et dans le yaérés où ils organisent leurs systèmes de production systématiquement autour de l’agriculture et de l’élevage.
Ils transhument sur des rayons moins importants entre la plaine inondée et la plaine sèche sur des campements identiques. Depuis les années 1980, ils font davantage des séjours plus longs (sept à huit mois) sur les sites de transhumance pour pratiquer une agriculture de décrue, et partent à l’intérieur des terres rejoindre le village originel dès les premières pluies pour mettre en place les cultures pluviales. Ce système particulier d’association de l’agriculture à l’élevage les diffère des peuls transhumants qui se livrent exclusivement à la culture pluviale autour du campement de sédentarisation qui fixe entièrement la famille, à l’exception des bergers qui transhument en cas de nécessité pastorale. Ces processus du changement de genre de vie des arabes showa, qui auparavant était similaire à celui des peuls, ont été minutieusement décrits par Seignobos (2004a). Ils sont entre autres liés à la baisse du niveau du lac, à l’afflux d’autres éleveurs peuls et d’agriculteurs, et aux changements de type d’agriculture et d’itinéraires de transhumance.
Les peuls encore appelés fulbés, sont constitués au Nord-Cameroun de plusieurs dizaines de lignages mineurs minutieusement décrits par Seignobos (2004c) sur la base de leur filiation au grand groupe parental, de l’origine géographique des ascendants ou du groupe, de l’historique et des processus d’installation, des rapports avec l’islam et les grands royaumes précoloniaux, du mode de vie et des types d’activités pratiquées.  Ces lignages mineurs appartiennent à deux grands groupes socioprofessionnels (Seignobos, 2004d) : i) les fulbé anciennement sédentarisés sont constitués de lignages vivant sur le territoire de grands royaumes qu’ils ont eux-mêmes fondés ou ceux dont ils ont assujetti la population; ii) les fulbé semi-nomades dont les familles ont commencé depuis les années 70 à se sédentariser plus ou moins définitivement sur des territoires d’attache qui servent aujourd’hui comme base pour organiser les déplacements journaliers et les transhumances saisonnières du bétail.
Les fulbé anciennement sédentarisés sont davantage désignés sur le terme générique de « fulbé ». Ils vivent en ville ou en zone périurbaine où ils font du commerce et pratiquent l’agriculture en s’appuyant sur une main d’œuvre salariée, afin de diversifier l’activité d’élevage à la quelle ils sont culturellement attachés. La conduite et le gardiennage de leur bétail sont confiés aux sous groupes serviles ou aux seminomades.
Les fulbé semi-nomades sont constitués majoritairement de « mbororo », mais aussi d’autres sous groupes affranchis des grands royaumes musulmans traditionnels. Suite au changement de genre de vie (islamisation, sédentarisation, diversification d’activités par l’agriculture et le commerce), ces semi-nomades préfèrent être désignés sous le nom générique de « peul » ou « fulbé » plutôt que sur celui du sous groupe « mbororo » dont ils font majoritairement partie.
Les peuls élèvent le zébu « white fulani ou mbororo akou » appelé encore « danedji » pour sa robe blanche, et le zébu « red mbororo ou mbororo djafoun » dit encore « mbororodji », Ces zébus mbororos mesurent entre 1,5 et 1,6 m au garrot, pèsent entre 350 et 500 kg, avec une conformation plus adaptée à la transhumance et s’élèvent dans les provinces du Nord et de l’Extrême-Nord. Par contre, le zébu goudali, plus massif, à cornage réduit, moins rustique mais plus productif en lait et en viande, est élevé par les peuls de l’Adamaoua, au sud de la zone cotonnière.

L’élevage traditionnel des agriculteurs de plaine et de montagne

Le développement de l’élevage chez les groupes d’agriculteurs massas, toupouris, musgums et moudangs de l’Extrême-Nord du Cameroun est ancien. Ces peuples, cantonnés dans les plaines inondées pour résister à la poussée des conquérants musulmans du XIXème siècle, s’adonnaient déjà à une forte intégration de l’agriculture à l’élevage qui s’apparente au système serrer du Sénégal (Faye et Landais, 1985). Le développement de l’agriculture s’est fait simultanément avec le maintien de l’élevage et conséquemment, une organisation de l’espace réservant à chaque système d’activités ses ressources naturelles. Les pistes à bétail bien délimitées par rapport aux aires de culture, et bordées d’arbres fourragers, ont été très tôt prévues dans le système de façon endogène. Le bétail dont le cheptel familial varie de quelques têtes à plus d’une centaine, a une valeur symbolique, rituelle et financière. C’est un capital économique et social sur pied qui peut être reconverti en numéraire, et qui est systématiquement valorisé lors des dots dans la plupart d’ethnies d’agro-éleveurs originaires de l’ExtrêmeNord. Chez les massas et les moudangs par exemple, la famille du jeune homme qui se marie peut donner jusqu’à 10 voire15 bœufs à la famille de sa fiancée au titre de la dot, Par contre, chez certains agriculteurs moins nantis en bovins (mafas, mofous, guizigas, etc.), le fiancé doit fournir une importante main d’œuvre ou des sacs de céréales à la famille de sa fiancée pour assurer sa dot.
Dans les monts mandaras de l’Extrême-Nord, l’élevage est savamment intégré dans le paysage, de façon à en tirer un intérêt. Les peuples kirdi des monts mandaras se sont illustrés par leur pratique d’embouche du taureau de maray qui dure 2 ans et qui est abattu lors de la fête du maray (Thys et al., 1986). Leur système d’affouragement est  similaire à celui développé par les wolof du Sénégal pour les bovins d’embouche (Faye et Landais, 1985). Cet élevage du « boeuf de case » est né de la contrainte imposée par les fortes densités de peuplement, d’une mise en terrasses des pentes, de la disparition des zones de parcours (Boutrais, 1973 cité par Seignobos, 2004b) et, enfin, de la volonté de maintenir comme base des cérémonies, le bovin. Essoufflé par les contraintes de travail et une rémunération somme toute symbolique, « le bœuf de case » a récemment eu un regain d’intérêt suite au droit de commercialiser sa viande (Seignobos, 2004b). Il peut être plus économiquement rentable et mieux valorisant pour les résidus de cultures et le temps travail qui lui sont consacrés, si une réduction de la durée d’embouche est opérée (Thys et al., 1986). A court terme une réduction à 18 mois d’embouche permettrait simultanément de maintenir l’aspect sacrificiel et de se départir des contraintes d’une saison sèche supplémentaire. A moyen terme une mise à marché d’un animal tous les ans serait garantie de rentabilité économique.

L’agro – élevage récent, à base d’animaux de trait

La diffusion de la culture du coton à partir des années 50, s’est accompagnée de l’adoption de la traction animale bovine (Vall et al., 2002). Les attelages bovins sont essentiellement des zébus bororos, constitués seulement à 5 % de femelles. La traction bovine est très présente dans le centre et le sud de la zone cotonnière en raison d’un besoin de force de traction pour effectuer le labour de désherbage. Bien qu’actuellement concurrencés d’une part au centre et au sud de la région par la forte utilisation des herbicides et du semis direct, et d’autre part au nord par la traction asine, le maintien d’une paire de bovins de trait et si possible la constitution d’un noyau d’élevage sont au cœur des projets d’agriculteurs. Dans les sociétés d’agriculteurs, le bovin sert d’outil de capitalisation et de diversification des sources de revenus par la plus value opérée à la vente d’animaux en fin de carrière, et reste un vecteur social incontournable.
L’agriculteur qui possède une paire de bœufs est socialement plus respecté, car il peut prêter sa paire de bœufs avec ou sans contrepartie directe, et peut la reconvertir en numéraires en cas de besoin.
Pendant la campagne 2002/2003, la Sodécoton a recensé 150 000 animaux de trait, dont environ 120 000 constitués de bovins. Bien que marginal parce que cantonné dans les provinces du Nord et de l’Extrême-Nord, ce cheptel bovin de trait, qui contribue à hauteur de 3 à 4% au cheptel bovin national, constitue un élément central des stratégies des 326 000 planteurs de coton recensés dans la région au cours de la campagne agricole 2002/2003. Cet agro-élevage basé sur les bovins de trait, en dehors de l’encadrement de la Sodécoton qui vise à améliorer la force de travail des attelages, ne bénéficie pas de l’appui du Ministère camerounais en charge de l’élevage. Pourtant il
participe à la dynamique globale de l’élevage (Dongmo et al., 2007b), et contribue de plus en plus significativement à l’approvisionnement en viande des grandes villes.
Djamen (2008) estime à 10% des effectifs totaux de bovins abattus, la contribution des bovins de trait à l’approvisionnement en viande de Garoua.

Les agriculteurs et leurs pratiques

En zone cotonnière du Nord-Cameroun, la traction animale est un élément central dans les stratégies des agriculteurs (Vall et al., 2002a, 2002b, 2003, 2004 ; Dugué et Dongmo, 2004). C’est non seulement un élément fondamental de discrimination des unités de production tant dans leur structure que dans leur fonctionnement, mais aussi  un indicateur du niveau d’intégration agriculture-élevage . Quelle que soit leur ethnie, les agriculteurs ont des pratiques apparentées au sein des différentes formes d’accès à la traction animale (Dongmo, 1999 ; Cuvier, 1999). Les paysans cultivant à la daba (pratiquant uniquement la culture manuelle), très peu nombreux dans la région, possèdent une très faible surface cultivée, souvent inférieure à 1 ha. Ils n’intègrent pas la traction animale dans leur stratégie de production, mais peuvent l’utiliser occasionnellement lorsqu’ils y ont gratuitement accès. En revanche, une bonne moitié des exploitations utilisent la traction animale sans la posséder. Parmi elles, les paysans bouviers n’obtiennent l’attelage que dans le cadre d’un contrat au cours duquel ils conduisent les animaux sur les parcelles du patron (propriétaire de l’attelage) et en échange, ils en bénéficient pour effectuer leurs propres travaux. Ils cultivent en moyenne 1,5 ha. Les contrats d’échange de travail qui les lient au « patron propriétaire » sont en fait une forme de tuteurage et d’insertion progressive du nouveau migrant (bouvier) pendant ses 2 à 4 premières années. Ce qui lui permet en même temps de constituer sa réserve foncière et de s’inscrire dans un projet d’équipement.
Les paysans locataires d’attelages accèdent aux attelages par le paiement d’une contrepartie financière ou en nature au propriétaire, par unité de surface travaillée.  Les propriétaires d’attelages (les laboureurs) se différencient entre les villages selon leur importance et par les types d’attelages. Ils représentent entre la moitié et le quart des paysans dans les zones où la traction asine n’est pas bien développée. Dans le cas contraire, les bovins, plus difficiles à acheter, sont supplantés par les ânes qui sont mieux acceptés socialement à l’Extrême-Nord qu’ailleurs. Dans la plaine de kaélé, la
présence des bœufs est liée à leur utilisation pour la construction des diguettes en vue de recueillir suffisamment d’eau sur les parcelles destinées à la culture du sorgho de saison sèche.
A côté des types d’agriculteurs traditionnels, on constate que les éleveurs peuls et arabes showas se sont, suite à leur sédentarisation, consacrés à l’agriculture, et ont recours à la main d’œuvre agricole auprès des villages voisins. La culture céréalière est prioritaire chez eux et la valorisation des déjections animales pour la fertilisation des champs est une pratique très courante.
Il est évident que les systèmes de production d’aujourd’hui sont surtout mixtes et qu’il n’existe quasiment plus d’agriculteurs sans bétail (petits ruminants au minimum), et non plus d’éleveurs qui ne pratiquent pas un minimum d’agriculture.
De même, il n’existe quasiment plus de zones réservées à un seul groupe social. Partout quasiment, les territoires d’agriculteurs se rapprochent voire entrent en contact ou se superposent aux campements d’éleveurs, généralement avec des conséquences ambiguës. Pour tirer un meilleur parti de ces interactions au Nord – Cameroun, il semble nécessaire tout d’abord, de savoir comment on en est arrivé là.

Une faible planification par l’Etat, de la gestion de l’espace

Au Nord-Cameroun, l’occupation de l’espace tant par les éleveurs que par les agriculteurs se fait de manière spontanée. L’insertion sociale (adhésion aux us et coutumes locales) et économique (accès aux structures de développement) et la sécurité des biens, sont une condition sine qua non d’installation, auxquelles viennent s’ajouter d’autres facteurs attractifs tels que la disponibilité des terres cultivables et la possibilité pour l’agriculteur d’y accéder. Pour l’éleveur, la facilité de circulation et d’alimentation du bétail et la sécurité sanitaire et civile, sont des atouts recherchés. Le
schéma actuel d’organisation globale du territoire est marqué par l’entrelacement des « terroirs d’agriculteurs » et des « campements d’éleveurs sédentarisés » dans l’espace.
(Dongmo et al., 2006). Les terroirs agropastoraux qui sont des entités associant les villages d’agriculteurs et les campements d’éleveurs peuls voisins, se sont faits dans la majorité des cas sans planification, ni régulation institutionnelle. Pourtant, dans nombre de pays de la zone des savanes, le législateur a prévu des droits et des structures régissant l’occupation des terres et l’affectation des espaces aux différentes communautés et activités. Au Cameroun, trois lois se distinguent dans ce domaine :
– Le Décret N° 76-166 du 27 avril 1976, chapitre IV précise les modalités de fonctionnement de la commission consultative chargée de proposer à l’autorité préfectorale les modalités d’affectation de l’espace rural en zones agricoles et pastorales selon les besoins des populations et entre autres, de régler les litiges fonciers
– Le Décret N° 78/263 du 03 septembre 1978 fixe les modalités de règlement des litiges agro-pastoraux et stipule en son article 6 que « dans les zones d’élevage, le déplacement du bétail d’une zone de pâturage à l’autre ou vers des points d’eau doit se faire uniquement par des couloirs de transhumance comportant une emprise de vingt cinq mètres de part et d’autre des pistes réservées à cet effet ».
– L’arrêté N° 58/MINAGRI fixe les modalités et les montants d’indemnisation d’agriculteurs par les auteurs des dégâts occasionnés par le bétail à leurs arbres et à leurs cultures .En plus des différents ministères techniques en charge de la gestion du territoire (planification et aménagement du territoire ; administration territoriale ; affaires foncières, etc.), il existe donc une commission consultative chargée de proposer à l’autorité préfectorale des modalités d’affectation de l’espace rural en zones agricoles et pastorales selon les besoins des populations et entre autres, de régler les litiges fonciers (décret n° 76-166 du 27 avril 1976, chapitre IV). En pratique, les commissions consultatives ne fonctionnent pas tel que prévu. Elles n’interviennent finalement et en réalité que dans l’urgence, pour réguler les conflits sur l’espace et les ressources naturelles afin de préserver l’ordre public et réaffirmer l’autorité de l’Etat (Dongmo et al., 2007c).

Modélisation de l’intégration agriculture – élevage

La modélisation est entendue comme un processus de simplification et de représentation d’une « réalité complexe ». Elle rend compte des indicateurs et déterminants d’évolution de cette réalité. Les modélisations et simulations permettent de construire, de représenter ou de simplifier la réalité systémique (Legay, 1997), en vue de comprendre les facteurs susceptibles de la faire évoluer, les interactions en jeu, ainsi que les conséquences sur les systèmes de production. Les simulations qui
lui sont associées permettent de déduire des trajectoires d’évolution possibles.
Les indicateurs quantifiés au terme du suivi des systèmes de culture et d’élevage permettront de proposer des modèles conceptuels rendant compte des pratiques des acteurs et de leurs effets sur la durabilité des systèmes de production, et permettant d’explorer les voies d’amélioration. Les facteurs influençant actuellement la production (rendements de différents types et composants de biomasses) et la gestion (quantification des flux entre le système de culture et le système d’élevage
ou entre différents types d’acteurs) des biomasses seront présentés. En même temps, les voies d’amélioration du système seront discutées à trois échelles : « parcelle » ; « unité de production » ; et « terroir ».

Conduite du système de culture

Organisation et gestion du parcellaire au sein des unités de production

Les 48 unités de production suivies dans les 3 terroirs agropastoraux d’étude disposent pendant l’année initiale du suivi (année 1 ou campagne agricole 2006/2007), d’un total de 181 blocs de cultures, soit une moyenne de 4 blocs de cultures par unité de production. Ici, le bloc de culture représente l’espace occupé par un ensemble de parcelles contiguës dans l’espace et appartenant à la même unité de production ; la parcelle étant elle-même une portion de terre qui porte une même culture ou une association de cultures conduite de façon homogène. La surface moyenne d’un bloc de cultures est de 1 ha. Chaque unité de production dispose d’une superficie cultivée moyenne de 4 ha dont 75% détenus en tant que propriétaire et 25% obtenues comme locataire.
Malgré que les unités de production des agriculteurs suivies soient constituées à majorité (75%) de propriétaires de bovins de trait ou d’élevage, seulement 25 d’entre elles sur 48 ont valorisé la fumure organique pendant la campagne agricole 2006-2007.
Cette valorisation est quantitativement très modeste car elle ne porte que sur 50 parcelles sur un total de 181 et ne concerne généralement qu’une petite partie de la superficie de la parcelle. Les producteurs utilisent la fumure organique prioritairement sur les parcelles dont ils sont propriétaires (48 parcelles sur les 50 fertilisées appartiennent à l’unité de production).
Le parc arboré participe à la conservation de l’environnement, avec une densité de 15 pieds/ha. Ce parc est peuplé de ligneux à usages multiples tels que le Karité (Butyrospermum parki), le Daniella (Daniella oliveri) et le Faidherbia (Faidherbia albida.), mais aussi d’autres espèces.

Assolement et succession culturale

Traditionnellement, deux types de rotations donnant lieu à plusieurs formes de successions culturales sont pratiqués. La première, biennale, est constituée d’une part de la culture du coton en première année qui est suivie du maïs (ou sorgho) en deuxième année, ou d’autre part du maïs (ou sorgho) en ouverture de la friche suivi de l’arachide. La seconde rotation est triennale et comporte en première année le coton, suivi en seconde année du maïs (ou sorgho), et en troisième année de l’arachide, à laquelle sont associées des lignes très espacées de sorgho. En situation ordinaire de production, l’assolement est choisi de manière à respecter ces types de rotation et de succession qui permettent une meilleure gestion de la fertilité des sols et une bonne valorisation par la céréale, des engrais résiduels issus de la culture du coton. Par contre, en situation actuelle de crise cotonnière, l’assolement est bouleversé et les paysans pratiquent les successions biennales : maïs (ou sorgho) – arachide ; maïs (sorgho) – coton ; coton – arachide. L’arachide prend de plus en plus de l’importance.
En considérant la situation de 2004 comme repère, on constate que l’assolement global issu du recensement exhaustif des unités de production dans l’ensemble des terroirs étudiés , était dominé à 38% par l’arachide et à 35% par les céréales (maïs, sorgho, riz). Par ailleurs, le coton est déjà en nette régression (21% de la surface cultivée), par rapport au 1/3 de la surface cultivée totale qu’elle représentait en 2002 (Prasac, 2002). L’estimation de l’assolement actuel, calculé à partir des seules unités de production suivies, montre une évolution des systèmes de production entre 2003 et 2006. Toutefois, en raison d’un choix dirigé des unités de production faisant l’objet du suivi, ces données sont davantage illustratives. La modification de l’assolement se poursuit en 2007/2008 chez les agriculteurs, avec notamment une baisse drastique des surfaces de cotonnier. Cette baisse est imputable à la faible marge brute obtenue par la culture du coton en 2006 ayant fortement compromis le remboursement des « crédits-intrants » auprès de l’Organisation des Producteurs de Coton du Cameroun (OPCC-GIE). Par conséquent, faute de disposer des intrants à crédit ou par crainte de voir leurs revenus de coton affectés à ces remboursements, beaucoup d’agriculteurs ont abandonné cette culture au cours de l’année 2007/2008.

Production des biomasses sur les différentes parcelles

Durant les campagnes agricoles 2006/2007 et 2007/2008, les biomasses totales ont été quantifiées sur 225 parcelles (Tableau 22). Les mesures ont porté sur les parties végétatives (fanes d’arachide, paille de maïs et de riz, tiges et feuilles de sorgho, feuilles et capsules résiduelles du coton), les graines des différentes cultures vivrières et leurs résidus d’égrainage (rafles de céréales, gousses vides de niébé, coques d’arachide).
Le prélèvement et l’estimation des biomasses d’arachide s’est opéré sur 4 placettes de 1 m² chacune pour les parcelles mesurant 1 quart d’hectare ou sur 8 placettes de 1 m2 chacune pour les parcelles plus grandes (plus de 2 quarts d’hectares). Pour les cultures de maïs, de sorgho et de coton, les prélèvements ont été effectués sur 4 lignes de 5 m chacune, choisies de façon aléatoire. En revanche, les échantillons de biomasses de niébé et de riz, ont été prélevés de la même façon que ceux des parcelles d’arachide ou du maïs selon que ces deux cultures (niébé et riz) étaient respectivement semées à la volée ou en ligne. La date de collecte des échantillons des différentes cultures était systématiquement antérieure à l’arrivée des troupeaux sur la parcelle. Les parties végétatives (fanes de légumineuse, pailles, cannes ou feuilles de céréales) et les graines (y compris le support constitué de rafles ou de coques) ont été séchées séparément à l’étuve du laboratoire de l’IRAD de Garoua, pour déterminer la teneur en matière sèche. Les rendements ont été estimés, ainsi que la corrélation entre les différentes composantes de la biomasse totale de chaque spéculation.

Gestion des biomasses produites par l’UP ou importées, et des parcelles

Biomasses stockées sur l’unité de production

Pendant la période de récolte, les agriculteurs procèdent simultanément au stockage progressif des biomasses végétales (résidus de la culture vivrière principale et fourrage d’une culture éventuellement associée) produites au sein de leur unité de production . Il ressort que 71% des unités de production procèdent au stockage des résidus de cultures, mais en faible quantité, soit seulement 3% de la production totale de résidus. Le Tableau 33 montre que plus de 85% des quantités de biomasses stockées sont constituées de résidus des cultures principales (arachide, sorgho, maïs). En dehors des tiges de sorgho qui servent comme « biomasses d’œuvre » (construction de clôtures et de hangars), tous les résidus de cultures produits sont utilisés principalement pour l’alimentation des bovins de trait chez les agriculteurs ou des animaux fragiles (vaches allaitantes ou gestantes et des veaux) chez les éleveurs. Les éleveurs-stockeurs sont peu nombreux (3 UP sur les 12 suivies dans les campements) et collectent surtout de la paille de maïs (69% du total) dans leur stock .
Le niveau de stockage par rapport au disponible varie selon le type de biomasses . Les fanes de légumineuses non dégradées par les dernières pluies sont très prisées tant par les « propriétaires de bétail » que par les agriculteurs sans bétail.
Cette fane de niébé dont la production globale est marginale (1% des biomasses totales produites) est mieux stockée  que l’arachide qui représente 43% de la production totale des biomasses, mais dont seulement 2% de la production spécifique sont stockés. Le faible nombre d’unités de production pratiquant le stockage de la paille de maïs, s’explique par la faible densité de cette biomasse et le manque d’équipements de transport. De plus, ces pailles bien appétées par le bétail sont aussi rapidement dégradées par piétinement des troupeaux bovins dès que l’accès à la parcelle est possible .

Approche de modélisation pour raisonner la gestion des biomasses

Retour sur les systèmes de culture pratiqués à l’échelle du terroir

Au Nord-Cameroun, les systèmes de culture et les pratiques de gestion des biomasses et de la fertilité des sols diffèrent finalement d’une collectivité à l’autre .
Les éleveurs pratiquent une succession culturale céréale-céréale, entrecoupée rarement par les légumineuses à graines, qui est en principe peu durable d’un point de vue agronomique. Pourtant leur système de culture a un rendement en céréale bien meilleur que celui des agriculteurs qui font une rotation culturale traditionnelle. Les éleveurs sont en effet « propriétaires » de la totalité de leurs parcelles. Ils les fertilisent mieux grâce au parcage de leur important cheptel (le rapport UBT disponibles / ha à fertiliser se situe entre 10 et 34) au contraire des agriculteurs qui ont peu d’animaux (le rapport UBT disponibles / ha à fertiliser est inférieur à 0,5 pour la quasi-totalité des UP). Les agriculteurs dont 25% de la surface agricole cultivée sont obtenus par location aux « grands propriétaires terriens » produisent peu de fumure organique et la valorisent partiellement. Ces « grands propriétaires terriens » louent en effet temporairement leurs « terres fatiguées » aux migrants tardivement installés dans le village. Ces terres dégradées, paradoxalement, sont les moins entretenues à cause de la transaction foncière (absence de contrat, rupture possible à tout moment si le « propriétaire » le souhaite) qui ne garantit pas la rentabilité d’un éventuel investissement et l’usufruit de la parcelle à terme. Les terres exploitées par les agriculteurs sous forme d’usufruit direct n’échappent pas non plus à la baisse de fertilité du sol. Les agriculteurs n’y restituent la fumure organique au meilleur des cas, que sur respectivement 8% et 12% des surfaces de sorgho et de maïs cultivées.

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Table des matières

SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 : CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
Chapitre 1 : Le Nord – Cameroun à l’épreuve des mutations 
Introduction
1. La zone cotonnière au cœur du Nord-Cameroun 
1.2. Les systèmes d’élevage de ruminants 
1.2.1. L’élevage des pasteurs traditionnels
1.2.2. L’élevage traditionnel des agriculteurs de plaine et de montagne
1.2.3. L’agro – élevage récent, à base d’animaux de trait
1.3. Les agriculteurs et leurs pratiques 
2. Des systèmes mixtes agriculture-élevage, produits de l’histoire 
2.1. Au départ : une différenciation spatiale et ethnique d’activités 
2.2. Dès 1980 : rapprochement spatial d’activités et difficultés d’intégration 
2.2.1. Développement sectoriel en priorité
2.2.2. Difficultés d’intégration d’activités sur le territoire
Chapitre 2 : Problématique générale et objectifs 
1. Problème général 
1.1. Une faible planification par l’Etat, de la gestion de l’espace 
1.2. Difficultés de gestion locale du territoire et des ressources agropastorales 
2. Problèmes spécifiques 
2.1. Une dégradation des sols
2.2. Une insuffisante gestion des biomasses 
2.3. Un déficit d’accompagnement de l’innovation 
3. Position du problème 
4. Questions de recherche 
5. Objectifs de recherche 
PARTIE 2 : CADRE THEORIQUE, HYPOTHESES ET METHODOLOGIE
Chapitre 3 : Cadre théorique et hypothèses de recherche 
1. Mise à plat des concepts clés 
2. Hypothèses de recherche 
Chapitre 4 : Démarche méthodologique 
1. Aperçu des approches d’analyse de l’intégration agriculture-élevage 
2. Choix d’une approche de recherche tournée vers l’action 
3. Zone d’étude 
4. Objets de recherche et échelles d’intervention 
5. Méthode de recherche 
5.1. Le diagnostic des pratiques 
a. Diagnostic agropastoral au niveau des terroirs étudiés
b. Diagnostic des pratiques individuelles de valorisation des ressources naturelles
c. Diagnostic des modes collectifs de gestion ou d’intervention sur les ressources
5.2. Suivi des pratiques et des modes de gestion 
a. Suivi et quantification des biomasses produites ou valorisées
b. Suivi et quantification de l’activité des troupeaux
5.3. Modélisation de l’intégration agriculture – élevage 
PARTIE 3 : RESULTATS
Chapitre 5 : Systèmes agropastoraux du Nord – Cameroun 
Introduction
1. Installation et appropriation agricole et pastorale des terroirs 
1.1. Processus d’installation des communautés 
1.1.1. Installation sur le terroir agropastoral d’Ourolabo III
1.1.2. Installation sur le terroir agropastoral de Laïndé karéwa
1.1.3. Installation sur le terroir agropastoral d’Israël
1.2. Emprise agricole et gestion de l’espace 
1.2.1. Gestion de l’espace dans les villages d’agriculteurs
1.2.2. Gestion de l’espace dans les campements d’éleveurs peuls sédentarisés
1.2.3. Pression anthropique
2. Gestion intracommunautaire du territoire et des ressources 
2.1. Les ressources naturelles à usage collectif 
2.2. L’usage des ressources naturelles collectives 
2.2.1. Réglementation prévue pour la gestion du domaine national
2.2.2. Règles d’accès et droits d’usage pratiqués
3. Gestion des systèmes de production 
3.1. Diversité des terroirs et des formes d’emprise agricole 
3.2. Diversité des unités de production et de l’intégration agriculture-élevage 
3.2.1. Le type A : « Agriculteurs »
3.2.2. Le type AE : « Agro – éleveurs »
3.2.3. Le type E : « Eleveurs »
4. Un cadre d’analyse des interactions entre l’agriculture et l’élevage 
4.1. Dabundé : saison sèche froide (mi-novembre à mi-février)
4.2. Cheedu : saison sèche chaude (mi-février à mi-avril) 
4.3. Seeto : période de transition sèche- pluvieuse (mi-avril à fin mai) 
4.4. Ndungu : plaine saison des pluies ou saison de culture (juin à septembre) 
4.5. Yamdé : saison des récoltes (octobre à novembre) 
Conclusion
Chapitre 6 : Systèmes de culture et intégration à l’élevage 
Introduction
1. Conduite du système de culture 
1.1. Organisation et gestion du parcellaire au sein des unités de production
1.2. Assolement et succession culturale 
1.3. Valorisation de la fumure organique dans les parcelles cultivées 
1.3.1. Le parcage du troupeau
1.3.2. L’épandage de la fumure organique dans les unités de production d’agriculteurs
1.3.3. Synthèse
1.4. Conduite culturale 
1.4.1. Phase d’installation.
1.4.2. Phase d’entretien
1.4.3. Récolte et post-récolte
1.4.4. Synthèse
2. Production des biomasses sur les différentes parcelles
2.1. Production des fanes et des grains d’arachide 
2.2. Production des pailles, graines et rafles de maïs 
2.3. Production des tiges (ou cannes), feuilles et graines de sorgho 
2.4. Biomasses des cultures secondaires (riz, niébé) et du cotonnier 
3. Gestion des biomasses produites par l’UP ou importées, et des parcelles 
3.1. Biomasses stockées sur l’unité de production 
3.2. Biomasses résiduelles disponibles sur les parcelles des agriculteurs 
3.2.1. Résidus de culture présents sur la parcelle immédiatement après la fin du stockage
3.2.2. Résidus de cultures présents sur la parcelle juste avant la nouvelle mise en culture
3.3. Apport de fumure organique sur les parcelles des agriculteurs en fin de campagne 
4. Approche de modélisation pour raisonner la gestion des biomasses 
4.1. Retour sur les systèmes de culture pratiqués à l’échelle du terroir
4.2. Modèles de gestion des biomasses et voies d’amélioration à l’échelle de la parcelle cultivée 
4.3. Modèles de gestion des biomasses et voies d’amélioration à l’échelle de l’unité de production 
4.3.1. Situation et perspectives dans les UP d’agriculteurs (types A1 et A2)
4.3.2. Situation et perspectives au sein des unités de production d’éleveurs (type E)
4.3.3. Autres contraintes à lever pour faciliter la valorisation de la fumure organique
Conclusion et perspectives
Chapitre 7 : Systèmes d’élevage et intégration au territoire 
Introduction
1. Elevage et stratégies de gestion des ressources à l’échelle de la région 
1.1. Partition du cheptel et du territoire, fondement de trois stratégies d’élevage 
1.2. Des stratégies sédentaires basées sur la gestion du troupeau de case 
1.3. Des stratégies mixtes basées sur la transhumance d’une partie du troupeau 
1.3.1. Le retour sur le territoire d’attache pour la vaine pâture (yamde et dabundé)
1.3.2. La petite transhumance de saison sèche chaude (cheedu) entre février et avril
1.3.3. La grande transhumance de saison sèche (cheedu) entre avril et mai
1.3.4. La grande transhumance de saison des pluies (ndungu)
1.4. Des stratégies mixtes avec délocalisation permanente d’une partie du cheptel 
1.5. Enjeux de gestion durable de l’élevage à l’échelle de la région
2. Elevage et stratégies de gestion des ressources à l’échelle du terroir 
2.1. Elevage sous entrave agricole pendant ndungu 
2.1.1. Des circuits de pâturage ajustés suivant la structure du terroir
2.1.2. L’affouragement est très dépendant des interstices de cultures
2.2. Elevage opportuniste sur les résidus de cultures pendant yamde 
2.2.1. Des circuits de pâturage orientés vers les parcelles déjà récoltées
2.2.2. Le repli vers les blocs de cultures pour déplacer et affourager le bétail
2.3. Elevage fructueux grâce au « droit de vaine pâture » pendant dabundé 
2.4. Elevage de résistance pendant cheedu 
2.5. Elevage de transition pendant seeto 
2.6. Synthèse et discussion sur la conduite du troupeau au niveau du terroir 
3. Interactions entre éleveurs et autres acteurs (secteurs d’activités) 
3.1. Echanges de biens et services entre agriculteurs et éleveurs 
3.2. Tensions et conflits entre agriculteurs et éleveurs 
3.2.1. Facteurs de risque pendant ndungu
3.2.2. Facteurs de risque pendant yamde
3.3. Transferts de biomasses via le bétail au profit d’éleveurs 
3.4. Elevage et insertion au marché 
Conclusion et perspectives
Chapitre 8: Vers une gestion innovante des biomasses sur le terroir 
Introduction
1. Des innovations repérées pour améliorer les systèmes de production 
1.1. Forces, faiblesses et potentialités de chaque type de producteur 
1.2. Valorisation adéquate de la fumure organique et des résidus de culture 
1.3. Valorisation des SCV ou des associations de cultures 
2. Des leçons acquises au terme d’un partenariat avec les producteurs 
2.1. Tests d’association d’une plante fourragère à une céréale 
2.1.1. Identification avec les producteurs d’une question spécifique de recherche
2.1.2. Conception d’un dispositif facile à gérer par le collectif de recherche-action
2.1.3. Discussion des résultats
2.2. Concertation entre acteurs pour faciliter la diffusion des SCV sur le terroir 
2.2.1. Identification du problème
2.2.2. Réunions de concertation
2.2.3. Formalisation des acquis de la concertation
2.3. Vers un programme de recherche action en partenariat 
2.3.1. L’implication de la recherche
2.3.2. L’implication des partenaires
3. Proposition d’un modèle d’intégration agriculture-élevage sur le terroir 
3.1. La démarche
3.2. Le cadre opératoire pour la mise en œuvre de l’innovation 
Conclusion et perspectives
CONCLUSION GENERALE

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