Modélisation de l’approvisionnement en produits frais pour la restauration collective

L’observatoire et la gouvernance régionale en PACA

La politique régionale en faveur du développement des circuits courts définit ceux-ci comme des circuits de commercialisation de produits agricoles et agroalimentaires qui impliquent soit une vente directe du producteur au consommateur, soit une vente indirecte avec le moins possible d’intermédiaires mais répondant à certains critères de proximité.
Les enjeux qu’ils représentent pour la Région tiennent au fait qu’en diminuant, voire en supprimant les intermédiaires dans les circuits de vente, les circuits courts représentent l’opportunité pour les producteurs d’une meilleure valorisation de leur marge et donc d’un meilleur revenu. Outre cet impact économique direct pour les producteurs, ils sont également susceptibles d’avoir des impacts sur l’emploi, la revitalisation rurale, le lien entre les consommateurs et leur territoire, le développement de nouvelles filières de production, l’environnement etc.
Suite à une étude en 2008 commandée par la Région il a été identifié les éléments suivants :
 Problématique: les circuits courts nécessitent une technicité élevée et augmentent la charge de travail agricole.
 Besoin de communication : il existe une confusion de la part des consommateurs, entre produits issus de l’agriculture biologique et les produits commercialisés en circuits courts.
 Une question sur le potentiel de développement: En 2008, la vente en circuit court représentait environ 2% de la valeur totale de la production agricole de la région.
 Problématique : il existe, à l’heure actuelle, une gamme de produits quasi complète à l’échelle de la région et mobilisable en circuit court, mais incomplète en infra-territorial. De plus, les bassins de consommation sont très majoritairement urbains en région paca.
 Problématique + Besoin de définitions faisant acte : la notion de proximité n’étant pas absolue dans le concept des circuits courts et l’offre locale étant bien inférieur à la demande, il y a un risque majeur dans l’arrivée possible d’une offre concurrente non locale.
En conséquence, la politique régionale de soutien au développement des circuits courts insiste sur la pérennisation et l’autonomie progressive des projets de circuit s courts, la restauration hors domicile, la structuration sur l’existant et la mutualisation logistique. Pour cela une délibération précisant le cadre politique régional en matière d’accompagnement des circuits courts a été approuvée par l’Assemblée plénière (n°10-1571 du Conseil Régional) le 10 décembre 2010 (Annexe 2).
Le 5 ème axe de la délibération se nomme Vers une Gouvernance régionale des circuits courts.
Il doit permettre la coordination des échanges entre porteurs de projets et mutualiser les moyens utilisés dans les projets d’approvisionnement en circuits courts . Un observatoire régional des circuits courts agricoles sera construit et animé, en partenariat étroit avec les structures impliquées dans le développement des circuits courts.
L’observatoire est entendu comme un outil permettant d’améliorer la visibilité spatiale et temporelle des circuits courts par la localisation des démarches et la mesure des évolutions mais aussi d’en comprendre les déterminants (Définition de Scheffer et Dalido). Il a deux fonctions principales (LiProCo, 2011) : à la fois d´être un outil de création de données permettant d’établir le diagnostic d’un phénomène ainsi que d’en suivre les évolutions dans le temps et dans l’espace; à la fois d´être un outil de développement territorial coordonné par différents acteurs. Ainsi, l’observatoire régional des circuits courts agricoles de PACA a vocation à structurer la gouvernance sur ce thème. Ses objectifs sont affichés dans la délibération qui permet sa création :
1. De faire un état des lieux exhaustif, cartographique et actualisé des démarches existantes et en projet sur le territoire régional,
2. D’évaluer les projets dans leur réussite et leurs limites pour capitaliser les retours d’expériences,
3. De proposer une boîte à outils comprenant notamment des méthodologies qui ont fait leur preuve,
4. De regrouper les techniciens et agents de développement accompagnant les projets des territoires et des producteurs,
5. De pérenniser le groupe régional de réflexion sur la thématique des circuits courts rassemblant tous les acteurs ayant un rôle dans le développement des circuits courts.
Les objectifs du stage effectué portent sur le premier point et participent au cinquième point dans la mesure où il permet l’élaboration d’outils spatialisés d’aide à la décision. Un premier stagiaire a travaillé à la mise en place de l’observatoire . Sur la base de la délibération cadre du Conseil régional, il a été défini quatre éléments (Figure 2) à partir desquels doit s’organiser l’observatoire et émerger une gouvernance régionale.

TRANSITION

Nous avons dans un premier temps différencié l’objet circuit court –qui est une organisation de la commercialisation alimentaire anciennement basée sur une rente de proximité – du mouvement des circuits courts auquel nous assistons aujourd’hui, qui a vu le jour dans un contexte d’insatisfaction vis-à-vis du modèle de production, commercialisation et consommation alimentaire moderne.
Ce mouvement des circuits courts se caractérise par une diversité des modalités (organisations collectives, individuelles, vente directe ou indirecte) mais aussi des territoires dans lesquels ils s’inscrivent (territoires ruraux, périurbains polarisés, agglomérations). Il apparait que le mouvement des circuits courts regroupe un ensemble diversifié d’enjeux liés à différents types de stratégies d’acteurs.
L’enjeu politique qui nous intéresse ici est fortement lié au fait que les circuits courts sont identifiés comme des vecteurs possibles de développement local. Pour autant la réappropriation de la question alimentaire par les territoires n’est pas évidente, notamment parce qu’elle touche de nombreuses thématiques habituellement abordées distinctement par les pouvoirs publiques. Elle nécessite aussi de réunir l’ensemble des acteurs en vue d’une action concertée et intégrée : acteurs étatiques, des territoires, techniques, associatifs, citoyens etc. S’il est admis qu’une gouvernance alimentaire locale est nécessaire, il apparait que c’est l’implication des élus qui définira l’ambition de cette gouvernance. (Observatoire Bretagne, FRCIVAM, projet SALT, 2009).
Ce contexte explique la multiplication depuis environ cinq ans de démarchesde gouvernance, d’observatoire et plus largement de programmes de recherche et de développement qui associent le milieu de la recherche aux techniciens des territoires (Ex : PSDR). Ces dispositifs montrent que le caractère socialement innovant des circuits courts induit une nécessaire expérimentation institutionnelle pour les pouvoirs publics. Ces derniers se saisissent de la question dans un besoin de répondre à l’engouement de la société civile mais aussi parce qu’ils ont perçu le potentiel de développement local que portent les circuits courts. De plus, ils soulignent le besoin d’une structuration territoriale et d’un développement intégré. La réalisation du stage au sein de l’observatoire régional des circuits courts de PACA a permis de mettre en avant les réponses apportées par la région pour mettre en place cette gouvernance locale mais aussi les freins qu’elle rencontre.
Pour Odile Castel (2010) le développement des circuits courts en tant qu’innovation sociale implique une absence de modèle ; une forme de développement endogène, autocentré et donc la recherche d’un certain degré d’autonomie vis à vis des centres de décisions extérieurs ; un processus de mobilisation des acteurs, d’émergence de nouvelles relations sociales ; une réaction au modèle économique dominant puisqu’il s’agit d’organiser les activités de production, d’échange et de distribution dans la complémentarité et la solidarité plutôt que dans la concurrence. Ce positionnement montre toute la complexité d’accompagner ce phénomène tout en lui préservant une autonomie de fonctionnement afin que l’innovation sociale qui est en cours puisse perdurer, évoluer et se diffuser.
Dans cette perspective nous avons cherché à mettre en place une approche des circuits courts qui permette à la fois l’identification des phénomènes d’émergence qui le caractérise et qui permette de caractériser les leviers pertinents pour l’action publique. Pour cela nous posons deux hypothèses fortes : d’une part, il faut articuler l’analyse des réseaux d’acteurs localisés à une approche territoriale multi-scalaire. D’autre part, il faut observer et comprendre les processus en jeu et plus particulièrement les processus de constitution des circuits courts.
Notre approche est donc dynamique et fait appel aux concepts de réseau et de territoire.

Territoire et réseau

Le territoire est une notion polysémique. Nous parlons de notion et non de concept justement parce que le territoire prend des sens variés voire contrastés selon les discours et leurs objectifs. Ce n’est pas un concept opératoire dont tout à chacun peut se saisir sur des bases communes. Il est nécessaire de définir notre usage du territoire en tant qu’objet géographique.
De plus nous souhaitons mieux appréhender les rapports entre territoire et réseaux, non pas de les opposer comme c’est assez souvent fait mais de les articuler. Nous allons dans un premier temps présenter notre approche géographique des circuits courts comme réseaux d’acteurs localisés. De cette présentation nous tirerons les entrées par lesquelles les réseaux circuits courts se confrontent au territoire : tant dans la construction de celui-ci que dans l’adaptation à celui-ci. En cela nous parlons de la territorialité des circuits courts. Enfin nous présenterons et justifierons les méthodologies d’analyse que nous utilisons pour comprendre, chercher à expliquer et susciter des propositions au sujet du développement des circuits courts.

L’approvisionnement en question

Les circuits courts se différencient par l’importance de la dimension locale de leur organisation. Il s’avère que cette organisation locale pose la question de l’optimisation des transports et pas seulement pour une modalité mais aussi pour plusieurs types de modalités. Précédemment, nous avons pu voir que cette dimension locale induit une approche territoriale et les circuits courts semblent participer à l’établissement de systèmes alimentaires territorialisés. Un enjeu fort est alors pressenti dans l’organisation des transports. Au-delà de cet enjeu de la structuration territoriale, l’aspect écologique des circuits courts est souvent mis en avant : « c’est court donc il y a moins de distance et de temps de transport donc ça pollue moins ». Cette première vision est vite pondérée par la complexité de la réalité logistique et l’effet des économies d’échelles en faveur du circuit long. Pour autant, il est difficile de se procurer des études qui posent des comparaisons pertinentes des deux systèmes : il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble des actions du circuit pour comparer le court au long, c’est-à-dire le modèle productif de transport et de consommation (Figure5).
Quoiqu’il en soit l’aspect transport reste peu viable écologiquement et économiquement pour les circuits courts : il est nécessaire d’optimiser au mieux cet aspect logistique. L’ADEME a récemment produit une note (Annexe 3) où elle précise : il ne suffit pas toujours de rapprocher lieux de production et lieux de consommation pour réduire son empreinte écologique. La saisonnalité, la logistique et le mode de production ont leur importance. (Lu sur Novethic, 2012).
Une des formes de réponse proposée par les collectivités est d’orienter les circuits courts sur de plus gros volumes. Ceci dans l’idée de solliciter plus de producteurs, d’optimiser les transports, d’aider à structurer et pérenniser le circuit mais aussi parce que cela relève des compétences des collectivités territoriales et leur permet de mobiliser des financements sur le sujet.
Une étude commandée par la Région PACA à Coop de France Alpes Méditerranée (fédération des coopératives agricoles en région) en 2010 établit le constat suivant quant à l’approvisionnement de la restauration collective : La majeure partie des expériences en cours semblent confrontées aux mêmes problématiques. Pour les collectivités il n’est pas possible de rédiger un appel d’offres, conforme à la législation, imposant le recours à l’approvisionnement local. Faire évoluer le savoir -faire des personnels du gestionnaire au commis demande beaucoup d’investissements. Pour la production et la mise en marché, il faut comprendre les appels d’offre publics et exécuter correctement les contrats et être en mesure de livrer à des coûts économiques acceptables. Les préoccupations principales sont le problème d’un langage commun entre metteur en marché et gestionnaire d’établissement. La problématique de la logistique fait rapidement grossir les coûts sur de faibles quantités(Coop de France Alpes Méditerranée pour la région PACA. 2010). Ces différents éléments soulignent la difficulté à faire coïncider offre et demande tant d’un point de vue des acteurs que techniquement en termes d’approvisionnement. La logistique doit pouvoir répondre à ces freins techniques.
L’approche par les flux de l’approvisionnement: La gestion des flux consiste à piloter l’ensemble des activités qui sont à réaliser lors de la distribution d’un produit. Cette gestion est complexe quand il n’y a pas qu’un type de flux à gérer mais une série de flux différents : multiplicité des lieux de productions, plusieurs plateformes de groupages (dit lieux d’éclatement), plusieurs lieux de livraison (l’ensemble des lycées de P ACA représente 250 lieux à titre d’exemple).
Pour les circuits courts on parlera de modèle logistique à flux poussé, c’est-à-dire que la demande est déterminée par l’amont. Ainsi, la disponibilité du produit et du volume dépend de l’offre agricole de proximité, des aléas climatiques et du marché. Le client adapte sa demande à cette disponibilité mais cela suppose qu’il ait une connaissance du calendrier prévisionnel de production et du volume récolté minimum disponible auquel il peut s’attendre. Le client doit aussi augmenter sa flexibilité en termes de temps de décalage lié e à la collecte. De son côté, le fournisseur s’adapte à la demande en termes de produits de proximité, produits frais, cahiers des charges de la production, du suivi qualitatif, de la livraison.
Dans l’optique de l’approvisionnement de la restauration collective, une difficulté supplémentaire intervient : la saisonnalité. Effectivement, les correspondances entre les temporalités de l’offre et de la demande sont compliquées quand il s’agit de restauration scolaire puisque les cantines scolaires ferment durant la période où les maraîchers produisent le plus. Il parait donc important d’articuler le marché entre les structures scolaires et les structures de vacances, maisons de retraite etc. qui ouvrent l’été. Il faut alors tenir compte de cette articulation dans l’organisation de l’approvisionnement. De cette manière la sollicitation de l’UNAT auprès de la Région, pour être intégrée dans des projets d’approvisionnement de la  restauration collective, apparait comme une déclaration d’intention positive de la part des centres de vacances.
Concernant les circuits courts de type vente directe de paniers, il a été observé la mise en place d’une mutualisation des transports par les Paniers Marseillais (Entretien auprès de DIANO M. et BRUMAULD N. en février 2012).

Circuits courts et territoire : quelle territorialité ?

Plutôt que de chercher à proposer une définition du territoire nous rejoignons la position de Bernard DEBARDIEUX (in LEVY et LUSSAULT, 2003) qui identifie des enjeux recoupant la notion de territoire. Ces enjeux servent alors de base à une approche conceptuelle du territoire : la matérialité, l’appropriation, la configuration spatiale et l’auto référence. Matérialité : Il faut réaffirmer l’importance du rapport au matériel dans la notion de territoire face à des définitions focalisant l’approche par les représentations jusqu’à voir le territoire comme une représentation comme une autre. « Si la matérialité du territoire ne précède pas sa représentation, elle en est constitutive. Dans cette perspective le territoire est à la fois ressource dynamique (le produit du corps à corps matériel et idéel) et sa figure (représentation de cette relation).»
Enjeu identifié : Il apparait important de définir et décrire les espaces en question lorsque l’on parle de territoire. Cette matérialité a une importance d’autant plus forte qu’elle induit des contraintes aux pratiques. Cette matérialité s’exprime fortement dans la localisation des acteurs des circuits courts et impacte le système construit pour les relier. Appropriation : D’une part les versions «dures » issues des acceptions juridiques (souveraineté politique) et éthologiques (agressivité) font « la part belle à l’idée que l’appropriation exclusive d’un espace par un individu ou un groupe était une condition de sa nature territoriale. » D’autre des versions « molles » où individus et collectifs sociaux s’approprient des territoires sur des registres essentiellement cognitifs ou symboliques, sans déployer, le plus souvent, de dispositifs de contrôle et de défense qui définissent le sens « dur » de l’appropriation ».
Enjeu identifié : Il apparait que l’appropriation corresponde aux modes de projection des individus et des groupes sur des espaces spécifiques. Comme il est précisé plus haut, on est bien dans une interaction entre idéel et matériel. Il est important de saisir ce processus pour comprendre la constitution des circuits courts : entre contraintes spatiales et poids des représentations se construit une dynamique collective et émerge un réseau d’acteurs localisés. Configuration spatiale: Les approches du territoire par l’appropriation« forte » se pensent comme une entité strictement définie et délimitée par le contrôle exercé sur l’espace. De l’autre, le territoire pensé par les Sciences Humaines et Sociales (psychologie sociale, géographie etc.) est souvent à échelles multiples et emboitées, combinant pluralité des ressources et des modes de mobilisation de celles-ci.
Enjeu identifié : La complexité des rapports à l’espace se situe d’une part dans la diversité des acteurs et de leurs stratégies qui induisent des pratiques différentes d’un même espace et d’autre part dans l’hétérogénéité de l’espace géographiques: les circuits courts mobilisent une offre et une demande qui s’organisent de manière différenciée et dont les acteurs ont des stratégies différentes. Ajoutons que cet ensemble se confronte aux modalités d’organisation des pouvoirs publics, et ce à différentes échelles géographiques.

Territoires organisés et circuits courts

Nous n’avons pas encore abordé l’impact de l’organisation politique du territoire : effectivement le territoire est alors autre chose que celui des circuits courts défini précédemment comme réticulaire, territoire-réseau qui se construit par des processus singuliers et propres, mais pour autant qui donne lieu à certaines régularités dans l’espace géographique. Parallèlement, l’appropriation politique du territoire passe par le contrôle et la gestion de continuums spatiaux et s’organise selon un découpage multi scalaire : les collectivités territoriales à l’échelle la plus petite (hors l’état), les intercommunalités à une échelle méso-géographique et enfin les communes. S’ajoute à cela des organisations ponctuelles telles que les parcs naturels régionaux ou encore les pays qui s’étendent à l’échelle méso-géographique en tenant compte des spécificités territoriales. Ces territoires organisés ont un impact important dans la mesure où ils accompagnent ou pas les initiatives ayant lieu sur leurs espaces de contrôle dans l’objectif de les développer. Au -delà de leurs compétences spécifiques (en termes d’aménagement, de développement économique, d’emplois etc.) l’orientation de ce développement dépend de la vision politique. Les enjeux que posent les rapports entre territoires organisés et circuit courts sont de deux ordres : ils se formalisent dans les discours des acteurs par la gouvernance et la structuration. D’une part à quel niveau doit se situer l’accompagnement des circuits courts par les collectivités et territoires organisés ? Entre ascendant et descendant, la gouvernance est une forme de questionnement de cet aspect et cherche à se situer à l’équilibre de ces deux dynamiques de construction du territoire.
Effectivement, une difficulté pour la collectivité a été d’intervenir financièrement auprès des démarches de circuit court tout en préservant la compétence organisationnelle aux producteurs et aux acteurs de terrain. Ce qui induit un deuxième questionnement plus large sur la normalisation des organisations en circuits courts, qui accompagne les volontés de donner plus d’ampleur au mouvement et par la même de l’institutionnaliser: cela ne risque-t-il pas de rentrer en opposition avec le caractère socialement innovant de circuits courts ? D’autre part, comment tenir compte des externalités induites par la nature réticulaire des circuits courts et ce au regard du maillage territorial multi-scalaire ? C’est-à-dire quelle visibilité ont les territoires de l’offre et de la demande quand celle -ci semble s’affranchir du maillage territorial ? Comment structurer territorialement les circuits courts sans aller à l’encontre de cette dynamique de réseau qui s’affranchit des découpages institutionnels ?

Définir la territorialité pour les circuits courts

Nous avons précédemment souligné que le territoire formait un ensemble (Figure 6) traversé par quatre enjeux conceptuels. Il relève de la matérialité, c’est l’espace géographique ; il est approprié, suivant la conscience que chacun s’en fait au travers notamment de la perception et du vécu qu’il en a, mais aussi de l’usage qu’il en fait. Il est enfin ce que certains acteurs veulent ou souhaitent qu’il devienne au gré des aménagements qui ne cessent d’être envisagés de manière quelquefois contradictoire, idéal projeté ou tout simplement anticipation d’un devenir souvent imprécis.(MOINE, 2006) Il en résulte une organisation spatiale complexe. Identifier de quelle manière les circuits courts participent à ces enjeux permet de caractériser leur territorialité.
La territorialité des circuits courts s’établit à première vue par la proximité. Le soutien à l’agriculture locale est un élément d’une forte territorialité, porteuse d’identité. La référence du territoire n’est alors pas dans sa limite, mais dans la proximité spatiale (D’AQUINO, 2002 in MOINE, 2006) Mais il s’avère que l’intention qui cherche à établir un lien commercial avec un producteur à proximité est très pondérée par le type des consommateurs (urbain/périurbain) et surtout par la disponibilité de producteurs proches. Sans réelle volonté politique, la territorialité est faible, et parler de reterritorialisation de l’alimentation devient difficile. L’exemple d’Aubagne est révélateur de l’impact d’un engagement politique jusque dans l’action.
On voit là l’importance de l’engagement d’une structure juridique légitime sur le territoire.
Pour autant, on ne peut pas non plus négliger l’importance d’un mouvement émergent sans cadre institutionnel qui a aussi un fort potentiel structurant. Que ce soit par les acteurs institutionnels ou les acteurs de la société civile, l’intention et l’engagement sont deux éléments primordiaux pour faire des circuits courts des vecteurs de développement local, c’est-à-dire des producteurs de territoire, notamment via la constitution d’un système alimentaire territorial. Le monde est institué par les individus en fonction de leurs actions et de leurs intentions» (DEBARDIEUX 1999 in MOINE, 2006)
Dans cette optique, le Réseau Rural Régional de PACA cherche à construire une approche territoriale de l’agriculture et de l’alimentation, c’est-à-dire à intégrer les enjeux agricoles et alimentaires dans le projet global de territoire. Mathilde HOUZET (coordinatrice du RRR) voit l’articulation de ces travaux à l’approche territoriale des circuits courts, souhaité par l’observatoire régional des circuits courts de PACA (groupe de travail n°2), comme très utile notamment en terme de message envoyé aux territoires qui sont plus enclins à s’intéresser à la dimension “circuit court” en raison de son image valorisante, qu’à des questions de foncier agricole ou de planification qui sont peu maitrisées et parfois/souvent mal perçues par les habitants.
De cette manière le réseau rural souhaite amorcer une réflexion sur les politiques agricoles et alimentaires locales/territoriales, avec l’objectif que ces politiques soient intégrées , c’est à dire que les démarches en faveur du développement des circuits courts s’intègrent dans le projet de territoire (occupation de l’espace, santé, social, etc.).
Le FRCIVAM de Bretagne dans son dossier de candidature du SALT (p.11) présente les circuits courts comme participant à un contexte français sensible au terroir à l’ancrage territorial du produit alimentaire . Les circuits courts permettraient une relation entre une dynamique de construction d’un territoire éco-politique et identitaire d’une part, et un processus de stratégies collectives de décision et de développement à destination des filières d’autre part. Si l’on peut discuter l’effectivité de ce dernier lien, on voit que cet organisme du monde agricole rejoint l’approche cherchant l’équilibre entre l’ascendant et le descendant pour que la territorialité des circuits courts s’exprime pleinement et soit vecteur de développement.

La complexité de notre objet d’étude

Notre approche des circuits courts se définit de manière systémique dans une vision holistique du phénomène. Nous considérons l’ensemble des éléments composant un circuit court mais surtout leurs relations entre eux et avec leur environnement ; ce sont ces relations qui nous permettent de comprendre les processus explicatifs de son organisation spatiale.
Cette approche nous a ainsi amené à appréhender les réseaux AMAP comme un système nécessitant une grille d’analyse spécifique de ses relations spatiales. Cette abstraction de notre objet d’étude nous a amené à caractériser un système spatial des AMAP multi niveaux (GUIRAUD, 2010). Cette approche est valable pour tout type de circuit court mais ne mettra pas en évidence les mêmes systèmes spatiaux. Nous en avons une première perspective avec l’analyse statistique des corrélations entre la localisation des différents types de modalités circuits courts en région PACA et les OTEX (orientation technico-économiques des exploitations agricoles par commune) d’une part et l’occupation des sols d’autre part. La méthode du Khi deux met en valeur l’existence d’une relation pour ces deux variables explicatives. D’après le test de Schripov, la localisation des types de modalités circuits courts sont expliqués à 28% par la typologie d’occupation du sol en région PACA et, indépendamment, à 26% par les types d’OTEX communaux.
Ainsi, selon les modalités de circuits courts, on appréhende des structurations agricoles différentes à l’échelle régionale. Si l’on souhaitait mettre en place une typologie des systèmes spatiaux des modalités circuits courts, ce premier élément devra être approfondi par l’analyse d’autres variables (démographiques, reliefs, urbanisation) et ce, à différentes échelles géographiques. Mais l’analyse spatiale devra aussi se faire pour les autres lieux du système circuit court : lieux de production et lieux de consommation. Cette dernière piste d’analyse est fortement contrainte par la possibilité d’obtenir ces informations de manière la plus exhaustive possible et ce à l’échelle régionale.
Les aspects structurels et fonctionnels du système sont les entités et les relations qui les unissent : pour notre objet d’étude les espaces de la production, de la distribution et de la consommation sont les entités tandis que les déplacements induits (matériels et immatériels) sont les relations. Cette approche du circuit alimentaire nous amène à le représenter sous forme de graphe. Ci-dessous deux exemples, le premier présente des AMAP en Bouches du Rhône sous forme de graphes (Figure 14), le deuxième représente le graphe de l’approvisionnement de cantines par des producteurs locaux (Figure 15). Le deuxième exemple tient compte du réseau routier contrairement au premier : les liens sont qualifiés par les distances routières en kilomètres (plus de 500 km de routes représentés) et les points noirs sont les intersections majeures du réseau viaire. Les points rouges et verts représentent respectivement les cantines et les producteurs sélectionnés. Pour les deux exemples les distances sont réalistes, les graphes ont été construits à partir d’informations géo référencées.

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Table des matières

INTRODUCTION 
SOMMAIRE 
1er PARTIE. UNE PIERRE À L’ÉDIFICE 
1. Contexte
1.1 Les circuits courts
1.1.1 Origine et définitions
1.1.2 Diversité
1.1.3 Enjeux
1.2 L’observatoire et la gouvernance régionale en PACA
2. Territoire et réseau
2.1 Circuits courts et réseau : un système d’action
2.1.1 Approche géographique des réseaux d’acteurs
2.1.2 La proximité au producteur
2.1.3 L’approvisionnement en question
2.2 Circuits courts et territoire : quelle territorialité ?
2.2.1 Territoires organisés et circuits courts
2.2.2 Définir la territorialité pour les circuits courts
2.3 Analyse spatiale et modélisation individu-centrée
2.3.1 Grille d’analyse spatiale de l’objet circuit court
2.3.2 Modélisation individu-centrée : focus sur lesprocessus
2e PARTIE. MODELES DE CONSTITUTION DE CIRCUITS COURTS
1. Modélisation de la constitution des AMAP
1.1 Aperçu du modèle
1.1.1 But-Intention
1.1.2 Variables d’état et les échelles
1.1.3 Aperçu du processus et ordonnancement
1.2 Concepts du modèle
1.3 Détails
1.3.1 Initialisation
1.3.2 Entrées
1.3.3 Sous modèles
2. Modélisation de l’approvisionnement en produits frais pour la restauration collective
2.1 Aperçu
2.1.1 But-Intention
2.1.2 Variables d’état et les échelles
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
TABLE DES FIGURES 
TABLE DES ANNEXES

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