Modélisation de la dynamique spatio-temporelle des populations de Culicoides à La Réunion

Modélisation de la dynamique spatio-temporelle des populations de Culicoides à La Réunion

La dynamique temporelle du nidus

Parce que les facteurs environnementaux et climatiques évoluent dans le temps, la dynamique de transmission de l’agent infectieux sera également affectée temporellement. Diverses échelles de temps peuvent être considérées : saisonnière, inter-annuelle et à plus long terme. Les variations saisonnières et inter-annuelles changent de façon temporaire la dimension des biotopes favorables. L’augmentation de la taille des populations d’hôtes et de vecteurs qui peut en résulter, favorisera le contact et la transmission de l’agent infectieux (Reisen, 2010). Par exemple dans le cas de l’encéphalite à tiques pour laquelle Ixodes ricinus intervient en tant que vecteur, les variations saisonnières de température et d’humidité plus favorables au printemps et en été permettent une augmentation de l’abondance des nymphes (stade infectant) et de la transmission (Korenberg, 2000). Les relevés effectués dans plusieurs pays d’Europe entre 2005 et 2007 (Kilpatrick and Randolph, 2012) montrent que le nombre de cas d’encéphalites à tiques atteint un pic en début d’été conjointement au pic d’abondance des nymphes d’I. ricinus.

En hiver, lorsque la population d’I. ricinus est basse, le nombre de cas est quasiment nul. Un exemple de variations inter-annuelles concerne l’oscillation australe d’El Niño, qui est un facteur climatique pluriannuel conditionnant des épisodes extrêmes de températures et des précipitations au niveau local et régional. Il a été en effet reporté que ce phénomène climatique a un impact sur l’incidence des cas de dengue dans le monde (Johansson et al., 2009; Poveda et al., 2000) ou encore de la fièvre de la vallée du Rift dans la corne de l’Afrique (Linthicum et al., 1999). Les variations sur le long terme, c’est à dire dues aux changements climatiques auront un impact tout autre car elles n’incluent pas, jusqu’à présent, de retour à la normale et peuvent profondément modifier la dynamique du nidus. Les changements climatiques affectent principalement l’expansion et les contractions saisonnières de l’aire de répartition des maladies à transmission vectorielle (Semenza and Suk, 2017), le cycle de vie des vecteurs, le taux de reproduction de l’agent infectieux et donc l’intensité de la transmission (Semenza and Menne, 2009).

Vecteur et dynamique vectorielle 

facteur de régulation d’une maladie à transmission vectorielle ? Dans la mesure où les conditions sont favorables (densité d’hôtes, densité des réservoirs, présence de l’agent infectieux, climat et environnement), les caractéristiques liées aux populations de vecteurs dictent l’établissement, la dynamique de transmission et la persistance de l’agent infectieux (Reisen, 2010). L’aptitude d’un vecteur à assurer efficacement la transmission d’un agent infectieux repose sur sa compétence vectorielle et sa capacité vectorielle (encadré 2).

La compétence vectorielle, qui mesure le niveau de co-adaptation entre l’agent infectieux et le vecteur (Robert, 2017), a un impact sur le taux de vecteurs infectés. Bien que dépendant essentiellement de facteurs génétiques, il a été démontré que des microbiotes naturels ou acquis influencent aussi la compétence vectorielle (Weiss and Aksoy, 2011). Il en résulte des « bons » et des « mauvais » vecteurs selon l’agent infectieux considéré. Par exemple, Aedes aegypti a montré une très bonne compétence vectorielle pour le virus du Chikungunya comparativement à Ae. polynesiensis en Polynésie française (Richard et al., 2016a). En ce qui concerne le virus Zika, Ae. aegypti s’est montré peu compétent dans la même zone (Richard et al., 2016b). Toutefois, la compétence vectorielle peut varier au sein d’une même espèce entre des populations géographiques différentes.

En effet, il a été démontré une variabilité de la compétence vectorielle entre des populations d’Ae. aegypti pour différentes souche du virus Zika (Roundy et al., 2017). La compétence vectorielle apparait ainsi comme un facteur clé pour le maintien et la dissémination d’une maladie à transmission vectorielle. Cependant, elle ne suffit pas à déterminer quel vecteur intervient majoritairement dans une zone donnée. Pour continuer notre exemple, Ae. aegypti a effectivement une meilleure compétence vectorielle pour le virus du Chikungunya qu’Ae. polynesiensis en Polynésie française. Toutefois, l’abondance plus élevée d’Ae. polynesiensis fait que c’est cette espèce qui contribue le plus au maintien et à la dissémination du virus du Chikungunya dans ce contexte (Richard et al., 2016a). Il en résulte que d’autres facteurs, qui ne relèvent pas de la simple présence du vecteur et de sa compétence vectorielle doivent être considéré. Les éléments qui caractérisent la capacité vectorielle montrent que l’abondance du vecteur mais aussi sa longévité et son comportement de piqure sont à prendre en considération.

Une abondance de vecteur plus élevée augmente le ratio vecteur-hôte et permet des contacts plus importants. Cela a aussi pour conséquence d’augmenter les risques qu’un pathogène s’établisse dans une zone donnée tout en favorisant sa transmission et sa dispersion locale (William et al., 2018). Par exemple, l’augmentation de l’abondance de Culicoides imicola dues aux changements climatiques (élévation des températures) en Europe du Sud a permis l’émergence de la fièvre catarrhale ovine dans les régions méditerranéennes dans les années 90 (William et al., 2018). La transmission et la dispersion au sein d’un troupeau de bovins d’Anaplasma marginale par son vecteur mécanique que sont les stomoxes est d’autant plus efficace que les stomoxes sont nombreux (Gilles, 2005). En ce qui concerne la persistance d’un agent infectieux, elle peut être liée à l’aptitude du vecteur biologique à survivre à un stade infecté tout au long de l’année, notamment pendant la période d’hiver en milieu tempéré (William et al., 2018). Cela s’applique surtout pour les moustiques (Rudolf et al., 2017; Tesh et al., 2016) et les Culicoides (Mayo et al., 2016a). Pour les maladies à tiques, la persistance de l’agent infectieux est davantage corrélée à la densité du réservoir, qui est soit l’hôte soit la tique elle-même (William et al., 2018). Enfin, le comportement du vecteur a aussi un rôle important dans la transmission d’un agent infectieux. Par exemple, le taux de piqure des Culicoides diffère selon la température (Brand and Keeling, 2017). L’augmentation de la température dans le nord-ouest de l’Europe a augmenté le taux de piqûre d’espèces de Culicoides autochtones et leur compétence vectorielle, faisant d’eux des vecteurs efficaces pour le sérotype 8 du virus de la fièvre catarrhale ovine lors de l’épizootie massive de 2006-2007 (Guis et al., 2011).

La dynamique des populations de vecteurs comme proxy du risque d’une maladie à transmission vectorielle Compte tenu de la place centrale qu’occupe le vecteur dans une maladie à transmission vectorielle, toutes variations des paramètres biologiques de sa population, notamment l’abondance, aura des conséquences sur la dynamique de la transmission du pathogène. De nombreuses études se sont ainsi attachées à décrire la dynamique spatio-temporelle des populations de vecteurs. Ne pouvant toutes les citer, quelques exemples récents existent sur les tiques (Pak et al., 2019; Remesar et al., 2019; Yawa et al., 2018), les moustiques (Endo and Eltahir, 2018; Ewing et al., 2016; Yamashita et al., 2018) ou encore les Culicoides (Cuéllar et al., 2018b; Sanders et al., 2019; Villard et al., 2019a). Les observations répétées dans le temps et l’espace ont permis de corréler la dynamique spatio-temporelle des populations de vecteurs à des facteurs climatiques et environnementaux, pour ensuite prédire la présence ou l’abondance des vecteurs pour des points spatio-temporels non échantillonnés par des méthodes statistiques ou mathématiques.

Couplé aux autres connaissances obtenues sur le vecteur (compétence et capacité vectorielle incluant non seulement l’abondance mais également la longévité et le taux de piqure), les hôtes (densité, susceptibilité) et l’agent infectieux (pouvoir infectant), il est alors possible d’extrapoler à partir de l’abondance des populations de vecteurs, la dynamique de transmission d’une maladie à transmission vectorielle. Un indicateur essentiel pour évaluer le risque ou la persistance d’une épidémie dans une zone donnée est le taux de reproduction de base : le R0 (Dietz, 1993; Hartemink et al., 2009). Cet indicateur définit le nombre de cas secondaires attendus après introduction d’un hôte infectieux dans une population naïve. D’après son calcul simplifié (Lancelot et al., 2017), le R0 fait intervenir pour des maladies vectorielles des paramètres relatifs à la population de vecteur résumé par la compétence et la capacité vectorielle ainsi que la susceptibilité des hôtes:

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Table des matières

Résumé
Summary
PREFACE
INTRODUCTION GENERALE
1.Une danse en trio : hôte, pathogène, vecteur avec l’environnement et le climat comme chef d’orchestre
2.La dynamique temporelle du nidus
3.Vecteur et dynamique vectorielle : facteur de régulation d’une maladie à transmission vectorielle ?
4.La dynamique des populations de vecteurs comme proxy du risque d’une maladie à transmission vectorielle
5.De la difficulté à caractériser une espèce vectrice au sein du genre Culicoides
6.Les Culicoides, la fièvre catarrhale ovine et la maladie hémorragique épizootique
6.1. Généralités, rôle nuisant et vectoriel des Culicoides
6.2. La fièvre catarrhale ovine
6.3. La maladie hémorragique épizootique
6.4. La situation dans le sud-ouest de l’Océan Indien
6.5. Les Culicoides et les « bavites » à La Réunion
6.6. La Réunion démunie face aux « bavites » ?
PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE
Chapitre I : Les facteurs conditionnant la dynamique temporelle des populations de Culicoides à La Réunion
Modelling temporal dynamics of Culicoides Latreille (Diptera: Ceratopogonidae) populations on Reunion Island (Indian Ocean), vectors of viruses of veterinary importance
Abstract
Background
Methods
Results
Discussion
Conclusion
References
Figures legends
Tables
Additional files
Chapitre II : Modélisation de la dynamique spatio-temporelle des populations de Culicoides à La Réunion
Spatio-temporal modelling of Culicoides Latreille (Diptera: Ceratopogonidae) populations on Reunion Island (Indian Ocean)
Abstract
Backgroung
Methods
Results
Discussion
Conclusions
References
Figure legends
Additional file
Chapitre III : La circulation des virus de la fièvre catarrhale ovine et de la maladie hémorragique épizootique dans les populations de Culicoides
Assessing infectious rates in field-collected Culicoides populations: Large scale study of Bluetongue and Epizootic Hemorrhagic Disease Virus infectious rates in Culicoides species (Diptera: Ceratopogonidae) present in Reunion Island, Indian ocean
Abstract
Background
Material and Methods
Results
Discussion
Figures legends
Tables
DISCUSSION GENERALE
1.Piégeage, modélisation et recherche de génome viral
1.1. La caractérisation de la diversité et de l’abondance des Culicoides à partir d’échantillonnage de terrain
1.2. Caractérisation de l’écologie et de la dynamique des Culicoides par modélisation
1.3. La détection du génome viral de BTV et de l’EHDV à partir d’échantillonnage de populations sauvages de Culicoides
2.La composante vectorielle de la BT et de l’EHD à La Réunion
2.1. Ecologie et dynamique des Culicoides
2.2. Des espèces vectrices avérées, candidates et potentielles
2.2.1. Des Culicoides aux comportements trophiques mammophiles
2.2.2. Etude d’infection expérimentale sur les espèces de Culicoides retrouvées à La Réunion
2.2.3. Infection naturelle des populations sauvages de Culicoides
2.2.4. Des Culicoides vecteurs à La Réunion
2.3. Implication pour l’épidémiologie de la BT et de l’EHD à La Réunion
2.3.1. La bluetongue (BT)
2.3.2. La maladie hémorragique épizootique
3.Intérêts de la modélisation de la dynamique des Culicoides dans la compréhension et la maitrise du risque BT et EHD
3.1. Vers le renforcement de la surveillance des Culicoides en Europe
3.2. Vers un outil de sensibilisation et de prévention à La Réunion
4.Le risque BT et EHDV dans la zone du Sud-Ouest de l’Océan Indien par la dispersion des Culicoides
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUE

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