Mise sur le marché d’un médicament en France : du développement à l’enregistrement

Mise sur le marché d’un médicament en France : du développement à l’enregistrement

Les phases du développement d’un médicament

Le développement d’un médicament suit un parcours long et très couteux (jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros en fonction du médicament développé), et chacune de ces étapes est encadrée par la loi. Ce développement dure environ une dizaine d’années, mais cela peut varier en fonction du type de molécule développée (chimique ou biologique), du degré d’innovation du médicament (nouvelle molécule, nouvelle forme pharmaceutique, générique, médicament de thérapie innovante…) ainsi que de la pathologie (pathologie déjà traitée ou maladie orpheline sans traitement existant). Ce processus est composé de différentes étapes : la première correspond à la découverte de la molécule, suivi par les premiers essais dits « précliniques » sur des cellules en culture (in vitro) et chez l’animal (in vivo) puis les essais cliniques chez l’homme, pour aboutir à l’enregistrement du médicament et à l’obtention de son AMM. Sur 10 000 molécules criblées pendant la première étape du développement, 1 seule molécule parviendra à devenir un médicament, les autres molécules étant éliminées pendant les différentes phases du développement pour cause de rapport bénéfice/risque négatif [3]. Il est important pour les entreprises d’arrêter le développement d’un médicament avec un rapport bénéfice risque négatif le plus précocement pendant son développement afin de limiter l’impact financier.

Il est important de noter qu’après l’obtention de l’AMM, le « processus administratif » n’est pas terminé. En effet, des procédures de fixation de prix et/ou de demande de remboursement interviennent, rallongeant ainsi la mise à disposition du médicament aux patients. Entre 2015 et 2018, en France, ce délai moyen de disponibilité (date d’obtention de l’AMM et date de mise à disposition des patients) était de 566 jours et variait entre 300 et 650 jours, plaçant la France au 19ème rang sur 28 pays européens. Dans le top 3 des pays avec un temps de mise à disposition court, on retrouve l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas avec respectivement une moyenne de 127 jours, 154 jours et 158 jours. En effet, en fonction des pays ce délai moyen peut être multiplié par 6. Plus généralement, les patients d’Europe du Nord et de l’Ouest accèdent à de nouveaux produits 100 à 350 jours après l’AMM et les patients principalement en Europe du Sud et de l’Est entre 600 et 850 jours.

La phase de découverte de la molécule 

Les axes de recherche de la molécule peuvent être initiés par :
– Les résultats de la recherche fondamentale qui peut être menée dans les hôpitaux, les laboratoires d’université ou les entreprises,
– L’étude des besoins médicaux exprimés (lutter contre une pathologie en particulier, une épidémie) ou
– La stratégie de l’entreprise (entreprise axée sur le développement de médicaments en onco-immunologie par exemple).

Cette phase de recherche peut être conduite en interne ou en collaboration avec différentes entités par l’intermédiaire de partenariat privé ou public (CNRS, INSERM, université…).

Les molécules identifiées sont ensuite soumises au « screening », batterie de tests systématique qui permet l’identification de leurs propriétés chimiques et pharmacologiques. A ce stade, il ne reste qu’une centaine de molécules sur les 10000 testées. Les molécules conservées vont continuer d’être étudiées lors des prochaines étapes. Le dépôt des brevets intervient durant cette phase, l’objectif étant de protéger commercialement l’innovation. La durée de protection d’un brevet est de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande. La particularité du médicament est qu’au moment de ce dépôt une dizaine d’années de développement est encore nécessaire avant que le médicament ne soit commercialisé. Le médicament est alors protégé qu’environ une dizaine d’années à partir de l’obtention de son AMM. Afin de palier à la durée exceptionnellement longue de cette recherche, un Certificat Complémentaire de Protection (CCP) peut être accordé pour le médicament afin de prolonger la durée du brevet de 5 ans maximum.

La phase de recherche préclinique

La phase préclinique est définie par l’ensemble des études réalisées in vitro (cellules, organes isolés, tissus…) et in vivo (chez l’animal). Il s’agit de la phase qui précède les essais réalisés chez l’Homme, préalable scientifique et éthique qui peut durer entre 2 et 3 ans.

L’in vitro met notamment en évidence la réponse pharmacologique et le mécanisme d’action et prévoit un bénéfice clinique ultérieur. En effet l’in vitro permet d’avoir une information précoce, reproductible et ciblée. Depuis les années 80, de plus en plus de modèles voient le jour car l’expérimentation in vitro possède de nombreux avantages, et notamment de limiter le nombre d’animaux utilisés lors des tests in vivo (pression sociétale avec les associations de défense des animaux, économie de temps et d’argent). Cependant, il n’est pas possible de s’affranchir de l’expérimentation animale. En effet, l’in vitro possède certaines limites, comme par exemple, l’extrapolation à l’Homme peut soulever plus de questions que l’in vivo, il s’agit de système isolé, simplifié et déconnecté de l ’environnement physio/pathologique et certains modèles peuvent parfois être très onéreux et posséder une origine animale. Il n’existe pas de protocole obligatoire standardisé pour les expérimentations animales, uniquement des lignes directrices (guidelines ICH (International Council for Harmonisation), EMA et FDA (Food and Drug Administration), OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), comité d’éthique, règle des 3R…) qui permettent une convergence des méthodologies, des outils analytiques et de l’éthique animale. De plus ces tests doivent être réalisés selon les Bonnes Pratiques de Laboratoire (BPL). Ces pratiques ont pour but d’assurer la qualité, la reproductibilité et l’intégrité des données générées à des fins réglementaires. Reconnues au niveau international, elles permettent de limiter la reproduction d’études équivalentes et de réduire l’utilisation des animaux de laboratoire.

L’objectif de ces études non clinique est de fixer les conditions de la première administration à l’homme. Pour cela, différents tests sont réalisés :
• Toxicologiques :
o Les études de toxicité aiguë permettent la mise en évidence des effets toxiques de la molécule et leur apparition en fonction du temps après l’administration d’une dose unique. Des paramètres importants sont calculés : la DL50 (Dose Létale 50, dose tuant 50% des animaux traités dans un temps déterminé), la dose la plus forte n’entrainant aucun effet indésirable (« no observable adverse effect level » (NOAEL)) et la dose la plus forte n’entrainant aucun effet du tout (« no observed effect level » (NOEL)).
o Les études de toxicité à doses répétées sont réalisées sur au moins 2 espèces animales, dont une non rongeur. L’étude est généralement réalisée avec 3 doses et sa durée est dépendante de l’indication et de la durée de traitement chez l’Homme. L’objectif est de déterminer la nature et la fréquence des effets toxiques.
o Les études de toxicité de la reproduction étudient la fertilité, le développement embryonnaire et fœtal, le pouvoir tératogène et le développement prénatal et post natal.
o Les études de mutagenèse permettent de détecter des effets mutagènes avec notamment la réalisation de deux types de tests obligatoires : test de mutations géniques et test d’aberration chromosomique. En effet, il est important de savoir si le futur médicament est susceptible d’entrainer des mutations génétiques soit pour le patient lui-même, soit pour ses descendants.
o Les études de carcinogénicité sont des études longues, qui permettent de mettre en évidence le pouvoir tumorigène du médicament.
o Les études de toxicologie locale sont réalisées en fonction de la voie d’administration et de l’utilisation thérapeutique du médicament.
• Pharmacodynamiques :
La pharmacodynamie préclinique permet d’étudier les effets de la molécule sur les cibles cellulaires ou subcellulaires mais également ces interactions. A savoir, la relation effet-dose et effet-temps, dose efficace 50 (DE50), dose entrainant 50% de l’effet maximum et le mécanisme d’action de la molécule. Des modèles in vivo et in vitro sont utilisés dans ces études de pharmacodynamie préclinique. Les modèles animaux doivent être les plus représentatifs possible des systèmes et maladies humaines. On entend par modèle animal, un animal qui a une maladie similaire à celle d’un humain et dont on se sert comme modèle pour étudier l’affection.
• Pharmacocinétiques :
La pharmacocinétique animale étudie le comportement des molécules dans l’organisme animal mais également son devenir au sein de l’organisme. Celui-ci est divisé en 4 étapes, connue notamment sous l’acronyme ADME :
– Absorption,
– Distribution,
– Métabolisme, transformation de la molécule en métabolites actifs ou non,
– Elimination.
Ces études sont utiles pour décider de la formulation galénique pour le passage à l’Homme et le choix des doses.

Les résultats des études précliniques sont très importants. En effet, un principe de précaution est appliqué, si les résultats chez l’animal sont négatifs, c’est-à-dire, une toxicité, une absence d’effet thérapeutique et/ou une pharmacocinétique défavorable, l’expérimentation sur l’Homme (phase clinique) ne sera pas menée. Cependant, lorsque les résultats sont positifs, ils permettent de définir les conditions de la première utilisation chez l’Homme, à savoir la posologie, la voie d’administration et la forme pharmaceutique. Il faut noter que s’agissant d’études spécifiques, la grande majorité de celles-ci sont soustraitées auprès de prestataires de service externes.

L’ensemble des données recueillies lors des études précliniques sera compilé dans le module 4 du dossier CTD (Common Technical Document), format du dossier de demande d’AMM.

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Table des matières

I. Introduction
II. Mise sur le marché d’un médicament en France : du développement à l’enregistrement
1. Les phases du développement d’un médicament
1.1 La phase de découverte de la molécule
1.2 La phase de recherche préclinique
1.3 La phase de recherche clinique
1.3.1 Phase I des essais cliniques
1.3.2 Phase II des essais cliniques
1.3.3 Phase III des essais cliniques
1.3.4 Phase IV des essais cliniques
1.4 Rédaction du dossier de demande d’AMM
1.4.1 Le CTD et e-CTD
1.4.2 Composition du dossier de demande d’AMM
2. Les différentes procédures d’enregistrement du médicament en vue de l’obtention d’une AMM en France
2.1 La procédure nationale
2.2 Les procédures communautaires
2.2.1 Les instances Européennes
2.2.2 La procédure centralisée
2.2.3 La Procédure de Reconnaissance Mutuelle (MRP)
2.2.4 La Procédure Décentralisée (DCP)
2.2.5 Procédure de « Repeat use » RUP
3. Critères d’octrois d’une AMM
III. Les dispositifs d’accès précoce en France
1. AMM Conditionnelle (CMA)
1.1 Procédure d’évaluation d’une AMM conditionnelle
1.1.1 Rapport bénéfice/risque (B/R) positif
1.1.2 Il est probable que le demandeur pourra fournir par la suite les données cliniques complètes
1.1.3 Le médicament répond à des besoins médicaux non satisfaits
1.1.4 Les bénéfices pour la santé publique découlant de la disponibilité immédiate du médicament concerné sur le marché l’emportent sur le risque inhérent au fait que des données supplémentaires sont encore requises
1.2 Etat des lieux des CMAs
2. AMM sous circonstances exceptionnelles
2.1 Procédure d’évaluation d’une AMM sous circonstances exceptionnelles
2.2 Etat des lieux
3. Comparaison AMM conditionnelle et AMM sous circonstance exceptionnelle
4. Evaluation accélérée
4.1 Procédure
4.1.1 La demande d’évaluation accélérée
4.1.2 Evaluation d’une demande d’AMM selon la procédure d’évaluation accélérée
4.1.3 Etat des lieux
5. L’ATU
5.1 Historique
5.1.1 Les médicaments importés
5.1.2 Les médicaments en cours de développement
5.2 Cadre réglementaire tel que nous le connaissons aujourd’hui
5.3 L’ATU nominative
5.3.1 Procédure de demande d’une ATUn
5.3.2 Rôle des différents acteurs dans le cadre d’une demande d’ATU nominative
5.4 L’ATU de cohorte
5.4.1 Procédure
5.4.2 Modalité d’information du patient et initiation du traitement
5.4.3 Rôle des différents acteurs intervenant dans le cadre d’une ATUc
5.5 ATUc et ATUn : deux procédures, mais des similitudes
5.5.1 Protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil d’informations
5.5.2 Rapport de synthèse
5.5.3 Prescription, dispensation et importation, le cas échéant
5.5.4 Pharmacovigilance
5.5.5 Renouvellement d’une ATU
5.5.6 Etat des lieux des ATUs
5.5.7 Post-ATU
6. La RTU
6.1 Procédure d’octroi d’une RTU
6.2 Prescription et délivrance d’un médicament bénéficiant d’une RTU
IV. Les dispositifs d’accès précoce à l’étranger : Europe et Etats-Unis
1. Europe
1.1 L’usage compassionnel
1.1.1 Principes
a. L’usage compassionnel
b. L’usage compassionnel nominatif
1.1.2 Notification des EMs et avis de l’EMA
1.1.3 Etats des lieux de l’usage compassionnel en Europe
1.2 PRIME : PRIority MEdicine
1.2.1 Historique et principe
1.2.2 Eligibilité
a. Répond à un besoin médical non satisfait
b. Possède un potentiel à répondre à des besoins médicaux non satisfaits pour maintenir et améliorer la santé
1.2.3 A quel moment la demande doit-elle être faite ?
1.2.4 Procédure de demande et d’évaluation d’une demande d’éligibilité au dispositif PRIME
1.2.5 Soutien apporté par le programme
a. Nomination du rapporteur
b. Point de contact dédié à l’EMA
c. Réunion de lancement
d. Les avis scientifiques
1.3 Etat des lieux de PRIME
2. USA
2.1 L’« expanded access », accès élargi ou usage compassionnel
2.1.1 Historique et principe
2.1.2 Catégories d’EA
a. L’EA individuel
i. IND pour un patient unique
ii. Protocole pour un patient unique
iii. EA d’urgence
b. EA de population de patients de taille intermédiaire
i. L’IND pour une population de patients de taille intermédiaire
ii. Le protocole pour une population de patients de taille intermédiaire
c. AE pour une population généralisée
i. IND pour une utilisation généralisée
ii. Protocole de traitement
Conclusion

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