Mise en place et érosion glaciaire du batholite de la Cordillère Blanche (Nord Pérou) 

Segmentation de la subduction

   Trois zones de subduction horizontales le long des Andes Aux variations géographiques et climatiques dans la Cordillère des Andes s’ajoutent des variations de la géométrie de la subduction le long de la marge. En moyenne, le pendage de la plaque plongeante est de ∼30◦ vers l’est mais il existe des segments où la plaque plongeante est subhorizontale. Le long de la marge andine trois zones de subduction horizontales ont été identifiées (Fig. 1.2) : au Chili (28◦S – 33◦S), au nord du Pérou (4◦S-14◦S) et en Colombie (2◦N-12◦N) (Barazangi & Isacks 1976, Ramos & Folguera 2009). D’autres segments de subduction horizontale ont existé par le passé et ont marqué la morphologie de la chaîne (Ramos & Folguera 2009, Martinod et al. 2010, O’Driscoll et al. 2012). En effet, les zones de subduction horizontale affectent l’activité magmatique le long de la chaîne, l’arc s’éloigne de la fosse puis cesse de fonctionner lors de l’aplatissement de la subduction (Ramos & Folguera 2009). L’applatissement de la subduction augmente également le couplage à l’interface entre les deux plaques et induit une augmentation et une migration du raccourcissement vers l’est (e.g., Ramos & Folguera 2009). De nombreux travaux montrent un soulèvement dans les régions d’avant arc et d’arrière arc en lien avec la géométrie de la subduction (e.g., Spikings et al. 2008, Clift et al. 2003, Clift & Ruiz 2007, Regard et al. 2009, Eakin et al. 2014). Origines des variations de pendages de la plaque plongeante Dans les zones de subduction la majorité des séismes est localisée à l’interface entre la plaque plongeante et le manteau, la répartition des séismes permet donc d’obtenir une image du plan de subduction et de définir le pendage de la plaque plongeante. Les valeurs de pendages sont très différentes suivant la zone de subduction étudiée (∼30◦ au niveau de l’Amérique du Sud, ∼80◦ dans la région des Mariannes). De nombreuses études ont été réalisées pour déterminer quels paramètres contrôlent le pendage de la plaque plongeante, différents paramètres ont été proposés : (I) l’âge de la plaque plongeante (Vlaar & Wortel 1976, Molnar & Atwater 1978), (II) le régime thermique de la plaque plongeante (e.g., Furlong & Chapman 1982), (III) le taux de convergence (Luyendyk 1970, Furlong & Chapman 1982), (IV) la traction associée à la plaque plongeante et la poussée au niveau de la ride (Uyeda & Kanamori 1979), (V) la direction de la plaque plongeante (E vs. W ; Doglioni et al. 1999), (VI) la vitesse absolue et la nature de la plaque chevauchante (Schellart 2005, Lallemand et al. 2005). Les travaux récents de Lallemand et al. (2005) mettent en évidence qu’il n’y a pas de corrélation entre le taux de convergence, le régime thermique, l’age de la lithosphère, la traction ou la poussée de la plaque plongeante et la direction de la subduction ; seule la vitesse absolue de la plaque chevauchante contrôlerait le pendage de la plaque plongeante. Dans le cas de la subduction andine, le mouvement vers l’ouest de l’Amérique du Sud, lié à l’ouverture de l’océan Atlantique depuis ∼130-125 Ma (Larson & Ladd 1973), entraine une migration de la fosse vers l’océan et une subduction faiblement pentée (∼30◦ en moyenne). Les variations latitudinales du pendage de la plaque Nazca et les segments de subduction planes semblent s’expliquer par l’entrée en subduction de zones de fractures (Ride de Nazca et Ride de Juan Fernandez) présentes sur la Plaque Nazca. La flottabilité importante de ces zones empêcherait la plaque océanique de plonger et entrainerait ainsi un aplatissement de la plaque plongeante (van Hunen et al. 2002).

La Cordillère Blanche

    Les sommets de la Cordillère Blanche forment le footwall de la faille normale de la Cordillère Blanche. La Cordillère Blanche (6768 m) regroupe les plus hauts sommets du Pérou, elle s’étend parallèlement à la chaîne andine sur plus de 200 km de long pour, en moyenne, une vingtaine de kilomètres de large (Fig. 1.6). La Cordillère Blanche correspond à un pluton granitique d’âge Miocène (12-5 Ma ; Mukasa 1984, McNulty et al. 1998, Giovanni 2007) qui s’est mis en place dans des sédiments Jurassique et Crétacé de la formation Chicama. Sa mise en place au dessus de la zone de subduction horizontale du nord Pérou, où le faible pendage de la plaque plongeante ne permet, en théorie, pas la fusion et aucune activité magmatique y est attendue (e.g., Ramos & Folguera 2009, Barazangi & Isacks 1976, Jordan et al. 1983, Ramos et al. 2002). Sa composition adakitique (e.g., Atherton & Petford 1993) indique une source basaltique et une fusion à haute température, c’est à dire située en base de croûte ou dans la plaque plongeante et non dans le coin mantellique (Ather-ton & Petford 1993, Petford & Atherton 1996, Coldwell et al. 2011). Le contexte tectonique de la mise en place du batholite de la Cordillère blanche est débattu ; Petford & Atherton (1992) suggèrent un contexte décrochant dextre sur la base d’observations de la déformation ductile dans le batholite, alors que McNulty et al. (1998), basés sur des données de susceptibilité magnétique d’échantillons du batholite, proposent une mise en place dans un régime décrochant sénestre. Le timing de la mise en place comme la composition chimique du batholite sont anormales. Actuellement, la morphologie de la Cordillère Blanche est marquée par les glaciations passées avec par exemple des vallées glaciaires de plus de 1000 m de profondeur qui recoupent le granite et de nombreuses moraines (Fig. 1.4 Farber et al. 2005, Clapperton 1983, Rodbell 1993).

Détermination d’un âge AHe

    Les âges (U-Th)/He sont le résultat de la production, de l’éjection et de la diffusion de l’hélium au sein d’un cristal d’apatite pour une histoire thermique donnée. Pour déterminer un âge (U-Th)/He sur apatite il faut mesurer les quantités d’4He et d’U-Th contenues dans le grain. Au dessus de la température de fermeture du système (75◦C) les atomes d’hélium produits diffusent rapidement hors du grain d’apatite. En dessous de 75◦C la diffusion est moins importante, l’hélium produit reste dans le grain. La température de fermeture du système (U-Th)/He dépend de la vitesse de refroidissement, et de la taille du grain. La température de fermeture très basse pour le système (U-Th)/He sur apatite implique qu’il est particulièrement sensible à l’histoire thermique lors de l’exhumation récente des roches (Fig. 2.1) mais aussi à tout les réchauffements potentiels (réenfouissement, incendies ; e.g., Mitchell & Reiners 2003).

Thermobarométrie sur amphibole

Principe La texture et la composition des amphiboles sont utilisées pour déduire les processus magmatiques et les paramètres de cristallisation (Bachmann & Dungan 2002, Rutherford & Devine 2008, Ridolfi et al. 2010, Ridolfi & Renzulli 2012, De Angelis et al. 2013, Shane & Smith 2013, Turner et al. 2013). L’amphibole est souvent utilisée pour calculer la température et la pression de cristallisation d’un magma. Son utilisation comme géothermomètre est généralement admise, mais son utilisation en tant que géobaromètre continue d’être débattue (e.g., Shane & Smith 2013, Holland & Blundy 1994, Bachmann & Dungan 2002, Rutherford & Devine 2003). Les premiers baromètres amphiboles ont été calibrés pour la teneur totale en Al de l’amphibole, aux pressions de la croûte et du manteau supérieur, et des intervalles de température limités (e.g., pour ∼750 ◦C : Johnson & Rutherford 1989, Schmidt 1992). Récemment, Ridolfi et al. (2010) et Ridolfi & Renzulli (2012) ont publié des équations thermobarométriques pour estimer la température, la pression, fO2, l’hydratation du magma, et la composition en oxydes, qui entrent dans la composition des amphiboles. Leurs calibrations sont recommandés pour des amphiboles cristallisées dans des magmas calco-alcalins à alcalins (c’est le cas de la Cordillère Blanche), pour des pressions mantelliques jusqu’à la partie supérieure de la croûte, pour différentes conditions d’oxydation et d’hydratation. Les formulations de Ridolfi et al. (2010) et Ridolfi & Renzulli (2012) utilisent les concentrations de Si, Ti, Al, Fe, Mg, Ca, Na, K dans les amphiboles pour le calcul de pression et de température. Grâce à leur large gamme d’applications possibles et leur facilité d’utilisation, ces thermobaromètres sont souvent utilisés.
Protocole J’ai réalisé des sucres à l’ISTerre à partir d’échantillons du pluton de la Cordillère Blanche puis je les ai envoyés en Italie pour la confection de lames minces (Pierluigi Canepa, Laboratorio Petrografico, Quart). Les lames minces contenant des amphiboles ont été couvertes par un film de carbone de façon à rendre la surface de l’échantillon électriquement conductrice et à éviter le chargement par le faisceau d’électrons de la microsonde. J’ai réalisé les analyses à l’ISTerre (Grenoble) sur la Microsonde électronique JEOL JXA-8230. Pour chaque échantillon, j’ai analysé entre trois et cinq amphiboles en éléments majeurs. Les analyses ont été faites en suivant des profils passant par le coeur des cristaux pour détecter d’éventuelles variations de composition au sein des amphiboles. Classiquement, les compositions les plus appauvries en Si (pôles ferropargasite ou ferrotschermakite selon la valeur (Na+K)A) sont caractérisées par une concentration en Fe élevée et les amphiboles enrichies en Si (magnesiohornblende ou edenite) sont caractérisées par une concentration élevée en Mg.
Calcul de pression et de température de mise en place du granite Les estimations de pressions et de températures sont basées sur le thermobaromètre de l’amphibole de Ridolfi & Renzulli (2012), calibré pour les roches magmatiques alcalines et calco-alcalines. Ce thermobaromètre prend en compte la composition en plusieurs éléments des clinoamphiboles et calcule les conditions de pressions et de température lors de la mise en place du granite. J’ai filtré les données de composition des amphiboles sur la base d’un pourcentage d’erreur apparente (APE) liée à la pression et calculé grâce à la méthode thermo-barométrique de Ridolfi & Renzulli (2012). L’APE maximum pour garder les données a été fixé à 50, comme préconisé par les auteurs (filtre 1, indice de confiance modéré). J’ai appliqué un second filtre (indice de confiance élevé) qui permet d’exclure les amphiboles dont la chimie ne correspond pas à la gamme de compositions et de formules structurales pour lesquelles le thermo-baromètre a été calibré. Après l’application de ces 2 filtres, ∼15% des amphiboles ont été écartées.
Validitée de la méthode de Ridolfi & Renzulli (2012) En dépits des nombreux contrôles et des mesures sélectives de Ridolfi & Renzulli (2012), quelques études ont souligné des problèmes systématiques (pas de prise en compte de la composition du magma) et des différences entre les conditions de cristallisation estimées à partir de la composition des amphiboles et d’autres méthodes (e.g., De Angelis et al. 2013, Shane & Smith 2013, Kiss et al. 2014). Plusieurs auteurs ont proposé que les pressions calculées en utilisant le baromètre de Ridolfi & Renzulli (2012) sont sensibles aux variations de la composition du magma (De Angelis et al. 2013, Shane & Smith 2013, Erdmann et al. 2014). Cependant, la plupart des études considèrent que les conditions de cristallisation calculées avec les équations de Ridolfi & Renzulli (2012) sont fiables (Turner et al. 2013, Costa et al. 2013, Zanon et al. 2013, Yücel et al. 2013, Brenna et al. 2014, Putirka 2014), et démontrent que le baromètre de Ridolfi & Renzulli (2012) donne des résultats satisfaisants de pressions sur les amphiboles expérimentales dans une large gamme de compositions de magma (basalte – rhyolite) et de pressions (200-800 MPa).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1 Contexte 
1.1 Les Andes, une chaîne segmentée
1.1.1 Topographie
1.1.2 Climat
1.1.3 Segmentation de la subduction
1.1.4 Modèles de soulèvement des Andes
1.2 Région de la Cordillère Blanche
1.2.1 Contexte tectonique régional et faille normale de la Cordillère Blanche
1.2.2 La Cordillère Blanche
1.2.3 Le Callejón de Huaylas
1.2.4 La Cordillère Noire
2 Méthodes 
2.1 Thermochronologie basse température
2.1.1 Traces de fission sur apatites (AFT)
2.1.2 (U-Th)/He sur apatites
2.1.3 Thermochronologie OSL
2.1.4 Méthodes d’inversion numériques des données de thermochronologie
2.2 Analyse de la fracturation : inversion de populations de plans striés
2.2.1 Principe
2.2.2 Protocole
2.3 Thermobarométrie sur amphibole
2.3.1 Principe
2.3.2 Protocole
2.3.3 Calcul de pression et de température de mise en place du granite
2.3.4 Validitée de la méthode de Ridolfi & Renzulli (2012)
2.4 Modélisation numérique de l’évolution du paysage : FastScape
2.4.1 Principe
2.4.2 Intérêt de cette méthode
3 Subduction horizontale, magmatisme et soulèvement de la Cordillère Occidentale (Nord Pérou) 
3.1 Résumé étendu en français
3.2 Paper accepted in Geology
3.2.1 Abstract
3.2.2 Introduction
3.2.3 Geologic and geodynamic context
3.2.4 Methods
3.2.5 New thermochronological data
3.2.6 Time temperature inversion
3.2.7 Discussion
3.2.8 Summary
3.2.9 Acknowledgements
3.2.10 References cited
4 Evolution temporelle du régime tectonique en contexte de subduction plane (Cordillère Blanche, Nord Pérou) 
4.1 Résumé étendu en français
4.2 Paper in preparation for Journal of South American Earth Sciences
4.2.1 Abstract
4.2.2 Introduction
4.2.3 Geodynamic and tectonic context of northern Peru
4.2.4 Methods
4.2.5 Results
4.2.6 Discussion
4.2.7 Conclusions
4.2.8 References
4.2.9 Figures
5 Mise en place et érosion glaciaire du batholite de la Cordillère Blanche (Nord Pérou) 
5.1 Résumé étendu en français
5.2 Paper in preparation for Journal of Geophysical Research, Solid Earth
5.2.1 Abstract
5.2.2 Introduction
5.2.3 Geological context
5.2.4 Glacial valleys morphology in the Cordillera Blanca
5.2.5 Methods
5.2.6 Results
5.2.7 Discussion
5.2.8 Conclusions
5.2.9 References
5.2.10 Figures
6 Faille normale d’extrado, érosion et rebond flexural dans la Cordillère Blanche (Nord Pérou) 
6.1 Résumé étendu en français
6.2 Paper in preparation for Geophysical Research Letter
6.2.1 Abstract
6.2.2 Introduction
6.2.3 Context
6.2.4 Methods
6.2.5 Results
6.2.6 Discussion
6.2.7 Conclusions
6.2.8 References
7 Conclusions et perspectives 
7.1 Conclusions
7.2 Perspectives
Bibliographie
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *