Mise en place du projet d’indépendance

Mise en place du projet d’indépendance

Méthodologie

Le cadre temporel choisi correspond à la réalisation et la commercialisation des cinq premiers longs métrages de Perrault57 : Pour la suite du monde (1963)58, Le règne du jour (1967)59, Les voitures d’eau (1968)60, Un pays sans bon sens (1970)61 et L’Acadie, l’Acadie?!? (1971)62. Le choix de ces films se justifie de trois façons. Tout d’abord, filmés entre 1961 et 1969, ils sont directement liés à la conjoncture sociopolitique du Québec de la Révolution tranquille. Cette période est marquée, notamment, par les deux mandats du gouvernement libéral de Jean Lesage (1960-1966) avec les nombreux changements institutionnels propres aux revendications du néonationalisme; l’Exposition universelle de 1967 à Montréal; mai 1968 et les mouvements de contestation à travers le monde; les attentats du Front de libération du Québec (FLQ); les mouvements de décolonisation; la popularité grandissante des mouvements souverainistes au Québec avec, entre autres, la création du Parti québécois en 1968.

Ces événements ont été interprétés, directement ou indirectement, dans les cinq films choisis. Grâce à leur proximité avec le contexte sociopolitique ainsi qu’aux caractéristiques de la forme cinématographique utilisée par Perrault – le cinéma direct – ces films proposent en quelque sorte une analyse de la décennie qui nous intéresse. Ils permettent également de suivre l’évolution de la pensée du cinéaste sur la question du nationalisme. La notion de pays63 et de la transformation du Québec en un État souverain y sont présents. En outre, chacun des films aborde un aspect particulier de la représentation que Perrault se fait de la nation. Si nous nous arrêtons à ces cinq premiers films, c’est également parce qu’ils forment, mis ensemble, un tout dans lequel le cinéaste élabore un projet de société. Dans les films qui suivent – le cycle abitibien64 – il est plutôt question de la quête inachevée du peuple québécois, trahi par ses élites65. Il y a donc, à ce moment, une rupture observable dans la pensée de Perrault.

Pour l’analyse de ces cinq films, nous nous appuyons sur l’approche de Marc Ferro. Nous verrons de quelle façon nous pouvons comprendre la société des années 1960 à partir des images et des dialogues proposés dans l’oeuvre cinématographique de Perrault. Comme le souligne Ferro : « Les images fournissent une sorte d’énergie d’information, qu’il convient de dresser comme un animal. On est pris par la force des images, des discours ou de la musique, on ne peut donc pas aller directement à un discours magistral, car ce type de discours ne passerait pas. Il faut partir des images, partir de ce qui est dit66 ». Le but est de faire ressortir les scènes marquantes et les moments forts de chacun des films, autant dans les images que le réalisateur nous montre que dans les dialogues qu’il nous fait entendre. Pour parvenir à cette fin, nous nous basons sur la méthode employée par Olivier Côté dans sa thèse sur le docudrame de Radio-Canada :

Le Canada, une histoire populaire (1995-2002) : « de la retranscription systématique, scène par scène, de ce large corpus, de même que de la capture transversale de plans […] nous avons extirpé les extraits qui exemplifiaient la présence de mythistoires, c’est-à-dire des “motifs conducteurs”, des “redondances”, qui convergent par la forme et les significations et qui forment un réseau symbolique sanctionné par le système social67 ». La sélection des scènes doit donc permettre de suivre la pensée de Perrault. Il s’agit donc de trouver les scènes dans lesquelles la représentation de la nation du cinéaste sont exprimées, en lien avec le contexte sociopolitique. Autrement dit, nous retiendrons les passages où le réalisateur exprime son opinion et met de l’avant sa façon de voir l’avenir politique du Québec. Pour compléter cette analyse, nous nous servirons aussi du Fonds d’archives de Pierre Perrault, situé à l’Université Laval, à Québec, et dans lequel se trouvent une multitude de textes et d’entrevues de Perrault concernant les films analysés. Cela permettra notamment de nous éclairer davantage sur la pensée de Perrault. Ce dernier a abondamment commenté ses films et débattu de ses idées et, de par ce fait, ce complément d’analyse devient fondamental.

Hypothèse

À partir de cette méthodologie, l’analyse des cinq films nous permet de comprendre le projet du cinéaste. Perrault s’intéresse à l’Homme et nous montre l’Homme. Il nous montre le Québec. À l’aide d’exemples concrets, comme la réalité des habitants de l’Île aux Coudres ou celle des étudiants acadiens, il révèle de quelle façon il se représente la nation et comment il envisage sa participation à la construction d’un projet collectif. Lorsqu’il fait référence à la nation, Perrault parle du Québec comme d’une entité politique souveraine. À travers son cinéma, il articule sa conception du nationalisme de façon à montrer la nécessité de l’indépendance de l’État québécois. Toutefois, pour que la nation soit souveraine, selon Perrault, les Québécois doivent d’abord être en mesure de se nommer, de s’ancrer dans leur passé et dans un projet collectif. Ils doivent prendre conscience de ce qui peut nuire à leur épanouissement. Ce qui est nécessaire au projet de société que Perrault a mis de l’avant : l’émancipation politique et la prise de possession de leur territoire autant physique que culturel et politique.

Ce mémoire se divise en trois chapitres. Le premier traite de la dénomination du pays selon Perrault. De fait, il appert que pour le cinéaste, la parole et le pouvoir de se nommer sont primordiaux pour qu’une société puisse exister et réclamer son indépendance. C’est pourquoi, dans ce chapitre, il est question de la capacité des Québécois à se nommer, de l’importance du langage et de la capacité du peuple à s’ancrer dans sa mémoire et dans un projet collectif. Le deuxième chapitre traite de la prise de conscience des Québécois par rapport à leur situation sociopolitique. Selon Perrault, le peuple doit d’abord affirmer sa distinction nationale en opérant une rupture avec ses référents identitaires externes et avec la tradition du nationalisme canadien-français. Il doit ensuite prendre conscience des problèmes économiques et sociopolitiques qui le concernent pour finalement constater l’échec du fédéralisme canadien. Le troisième et dernier chapitre de ce mémoire concerne l’élaboration du pays telle que vue par Perrault. Cette fois, il s’agit d’exposer le projet d’indépendance proposé à travers les films, qui passe par la prise de possession du territoire ainsi que par le développement de l’État pour atteindre l’émancipation politique.

Être capable de se nommer

L’oeuvre de Perrault est décrite comme un cinéma de la parole, ce dernier étant un élément central dans sa recherche de l’Homme. Pour lui, la capacité d’un peuple à se nommer est intrinsèquement liée à son désir de se distinguer du point de vue identitaire et d’exister en tant que nation définie. Cette parole, que le cinéaste met de l’avant à travers les cinq films étudiés, met en scène la détermination des peuples à vouloir s’affirmer dans le monde, comme c’est le cas des Québécois durant les années 1960. Selon Perrault, la prise de parole est fondamentale dans le réveil identitaire du Québec en pleine Révolution tranquille : elle « est une action69 ». Cette capacité de se nommer est donc primordiale dans l’affirmation des différents groupes rencontrés dans les films de Perrault. La faculté de se raconter, de se mettre en récit est un élément fondamental de l’identité. Perrault montre, entre autres par la grande place qu’il accorde à l’oralité dans ses films, que se nommer et se raconter dans ses propres mots est une étape cruciale de la quête identitaire pour la nation québécoise.

Cette dernière se traduit dans la recherche du pays à travers les différents personnages qui prennent la parole devant la caméra. Le pays, tel que vu par Perrault, est donc, de prime abord un peuple, une communauté rassemblée autour d’un même projet. Toutefois, le peuple ne peut exister que dans la mesure où il est audible, capable de prouver au reste du monde qu’il possède sa propre voix et que cette dernière peut être entendue70. Dans le cinéma de Perrault, la capacité de se nommer est donc un facteur déterminant de l’identité nationale71. Sans cette dernière, le peuple québécois ne peut tout simplement pas exister et, bien sûr, s’émanciper culturellement et politiquement.

À travers l’ensemble des longs métrages que Perrault réalise durant les années 1960, années mêmes où le peuple québécois s’affirme graduellement en tant que nation distincte, plusieurs personnages montrent ce désir, mais aussi ce besoin des peuples de prendre la parole pour affirmer qui ils sont. Cette prise de parole traduit une volonté de se définir vis-à-vis des autres nations, de se distinguer par rapport à ces dernières, mais aussi de se faire reconnaître en tant que nation à part entière. Avec les protagonistes mis de l’avant, Perrault a voulu montrer le savoir-faire québécois et prouver leur existence. Une scène qui montre ce fait se trouve à la fin du film Pour la suite du monde. Rappelons que ce film met en scène la relance d’une technique ancestrale de pêche au béluga – au marsouin. On y voit des hommes qui mettent en place les dispositifs nécessaires pour attraper l’animal, et, en parallèle Léopold, personnage central et habitant de l’Île aux Coudres, qui tente de vendre les produits de la pêche. Résultat : une fois le béluga vivant pris au piège, l’aquarium de New York envoie une offre d’achat pour accueillir le mammifère marin dans ses bassins. À la suite de la transaction et de la livraison du marsouin à New York, la réplique de Léopold est très éloquente : « lui le marsouin va parler de nous à l’Amérique72 ». En permettant à un aquarium de montrer à ses visiteurs un béluga de l’Île aux Coudres, les pêcheurs ne font pas seulement la preuve de leur expertise, ils affirment au reste du monde qu’ils existent.

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Table des matières

Résumé
Introduction
Mise en contexte
État de la question
Problématique
Méthodologie
Hypothèse
Plan de rédaction
Dénomination du Pays
Être capable de se nommer
Importance du langage
Ancrer la nation dans sa mémoire
Ancrer la nation dans un projet collectif
Prise de conscience
Affirmation de la distinction nationale
Changement de règne
Prise de conscience du problème économique
Prise de conscience du problème sociopolitique
Échec du fédéralisme canadien
Élaboration du Pays
Mise en place du projet d’indépendance
Prise de possession du territoire
Développement de l’État pour l’émancipation politique du Québec
Conclusion
Bibliographie
Annexe

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