Mise en forme à froid de soupapes en acier inoxydable austénitique

Cogne Acciai Speciali

   Cogne Acciai Speciali est un groupe sidérurgique dont la maison mère est basée à Aoste, en Italie. Fondée au début du 20ème siècle, et longtemps entreprise d’état, Cogne affiche en 2006, un chiffre d’affaires de 650 millions d’euros pour une production de 205 mille tonnes d’acier. Cogne possède trois sites de production, dont deux en Italie et un en Chine, ainsi que des antennes commerciales en France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Suisse, Brésil, Corée du Sud et Chine, pour un total de 1450 collaborateurs. Les activités sidérurgiques de Cogne sont multiples :
– les produits longs en acier inoxydable sous forme de couronnes, barres et demiproduits ;
– les aciers à outils sous forme de barres laminées et de blocs forgés :
– les aciers à soupapes ;
– la métallurgie des poudres ;
– les produits spéciaux…
Un aperçu de ces différents produits est fourni ci-dessous (Figure 1.1).

Aciers inoxydables

Cogne figure parmi les leaders européens et mondiaux dans le secteur des produits longs en acier inoxydable et plus particulièrement dans le secteur des aciers à soupapes. Cogne élabore et transforme des demi-produits en aciers inoxydables austénitiques et martensitiques pour la fabrication de soupapes de moteurs à combustion. Ses clients, équipementiers automobiles, mettent aujourd’hui en forme des soupapes par forgeage à chaud. Dans un contexte concurrentiel de plus en plus sévère, les industriels sont à la recherche de la moindre économie. En cela, la mise en forme à froid des soupapes est une solution à explorer. Dans un souci d’économie d’énergie et plus généralement de réduction des coûts de fabrication pour ses clients, Cogne souhaite ainsi étudier la faisabilité d’une mise en forme à froid de soupapes en acier inoxydable austénitique. Le sujet de cette thèse consiste donc à étudier la formabilité à froid des nuances d’acier inoxydable austénitique existantes et de l’optimiser pour réussir à obtenir des soupapes via une ou plusieurs gammes satisfaisantes d’un point de vue économique. En parallèle, Cogne souhaite développer de nouvelles nuances pour cette application, dans la famille des superalliages base fer.

Deux applications bien distinctes

   Dans un moteur à combustion, on distingue deux types de soupapes (Figure 1.3). La soupape d’admission [A] permet au gaz frais [C] (mélange d’air et d’essence) de rentrer dans la chambre de combustion depuis le carburateur ou l’injecteur. La soupape d’échappement [B] permet aux gaz brûlés [D] de sortir de la chambre de combustion vers l’échappement. Les soupapes en position fermée doivent assurer l’étanchéité de la chambre de combustion lors des phases de compression et de combustion des gaz frais. Ces deux applications bien distinctes, qui supposent des sollicitations différentes, amènent à classer les aciers à soupapes en deux catégories :
– les nuances martensitiques utilisées pour les soupapes d’admission (température de travail assez basse) ;
– les nuances austénitiques pour les soupapes d’échappement (température de travail plus élevée, jusqu’à 750 °C).
Les nuances austénitiques, de par leur structure métallurgique, sont plus stables que les nuances martensitiques à haute température. Une soupape est en fait une pièce complexe (Figure 1.4). La forme de la tête [A] permet d’assurer l’étanchéité requise. Le diamètre de la tête des soupapes d’admission est en général plus important que celui des soupapes d’échappement. La tige [B] coulisse dans les guides de soupape et permet de guider la soupape lors de son mouvement alternatif d’ouverture et de fermeture. La queue [C] dispose d’une gorge qui permet de relier la soupape au dispositif assurant son mouvement. Le collet [D] relie la tête à la tige de la soupape.

Objectifs industriels

   Aujourd’hui, Cogne fournit aux principaux fabricants de soupapes des demi-produits en aciers inoxydables austénitiques et martensitiques. Cogne souhaite développer sa maîtrise du procédé de mise en forme à froid des soupapes. Un programme de cinq ans a été mené de 2002 à 2006, programme qui vise à aborder les différents aspects matériaux et procédé. Le but final est de développer et de valider des solutions industrielles pour la frappe à froid de soupapes en aciers martensitiques et austénitiques. Le premier objectif de Cogne est d’étudier la faisabilité de mettre en forme à froid les soupapes en aciers austénitiques. Les intérêts de la mise en forme à froid des soupapes apparaissent multiples :
– le chauffage avant la déformation n’est plus nécessaire d’où une économie d’énergie significative ;
– la surface de la soupape n’est pas oxydée par le chauffage à la température de forgeage d’où la limitation des opérations de parachèvement (near net shape) ;
– la déformation à froid provoque un écrouissage de la matière et donc des caractéristiques mécaniques (limite élastique, dureté) plus élevées.

Influence des éléments d’alliage

   La structure à haute température de l’alliage ternaire Fe-Cr-Ni dépend essentiellement de la proportion relative de chrome, élément α-gène qui réduit le domaine austénitique γ et stabilise la ferrite, et du nickel, élément γ-gène qui étend ce même domaine γ. A titre d’exemple, on peut s’intéresser à la section isotherme à 1000 °C du diagramme d’équilibre ternaire Fe-Cr-Ni. L’augmentation de la teneur en chrome (équivalent) d’un acier inoxydable austénitique (point a) fait apparaître une certaine proportion de ferrite F (point b). L’augmentation de la teneur en nickel (équivalent) restitue ensuite la structure entièrement austénitique (point c). Les autres éléments présents dans l’alliage ont un caractère α-gène ou γ-gène. Parmi les éléments γ-gènes, outre le nickel, on retrouve le cobalt, le manganèse, le carbone, le cuivre et l’azote. Parmi les éléments α-gènes, outre le chrome, on retrouve le silicium, le molybdène, l’aluminium, le niobium, le titane et le tungstène.

Durcissement des alliages

Durcissement de la solution solide Le durcissement de la solution solide est dû à la présence dans la matrice d’éléments en insertion (C, N) ou en substitution (Ni Cr). Ceci a pour effet de déformer la maille cristalline, et contribue à augmenter sa raideur. Dans le cas du VA61, on peut citer l’azote dont le pouvoir durcissant est important. La solubilité de l’azote dans la matrice austénitique est de l’ordre de 0,15 %. Pour les superalliages, on peut citer le chrome, le molybdène, le vanadium…
Durcissement par précipitation Lors du traitement thermique de revenu, on cherche à faire précipiter des phases durcissantes, tout en contrôlant leur répartition, leur taille et leur forme. Les meilleures caractéristiques seront obtenues avec une précipitation fine, abondante et de forme adaptée (en général sphérique ou équiaxe). Dans le cas du VA61, les précipités sont des carbures ou des carbonitrures de type M7(C,N)3, M23(C,N)6, M(C,N) ou M6(C,N) où M représente un mélange de fer et de chrome. Le bore, dès une faible teneur de quelques ppm, peut contribuer à améliorer les caractéristiques mécaniques. En effet, il réduit la solubilité du carbone et augmente ainsi l’abondance et la finesse des précipités de carbures type M23C6 ou MC. Dans les superalliages base nickel et les superalliages base fer, les carbures sont présents mais en quantité plus faible, du fait de la moindre teneur en carbone. La principale phase précipitée est la phase γ’ Ni3(Al,Ti) parfois complétée par la phase γ’’ Ni3Nb. La phase γ’ présente une structure cubique à faces centrées semi-cohérente avec la matrice. Elle précipite au cœur de la matrice et participe à son raidissement. Son action durcissante dépend de la quantité formée, de sa composition chimique (rapport Ti/Al) et de sa morphologie. Hochmann [HOC] parle d’une distance optimale entre les particules de l’ordre de 50 nm. Le rôle des carbures n’est cependant pas négligeable. Comme on le verra plus loin, les joints de grains jouent un rôle important dans les caractéristiques de fluage. Avec une matrice très dure et un joint de grain faible, on peut s’attendre à une rupture intergranulaire prématurée. Les carbures de type M23C6 ou M7C3 vont précipiter aux joints de grains et les renforcer.

Oxydation dans l’air [HOC]

   L’oxydation intervient via la mise en contact du métal et de l’oxygène de l’air. La résistance à l’oxydation des aciers et alliages pour soupapes est obtenue via la formation d’une couche d’oxyde adhérente et peu perméable. L’adhérence est régie par le caractère plus ou moins volatil de l’oxyde formé, la perméabilité par le volume relatif de l’oxyde par rapport au volume du métal. Si le volume d’oxyde est inférieur à celui du métal, la couche d’oxyde est poreuse. L’oxygène peut alors parvenir au contact du métal et l’oxydation se poursuit. Si le volume de l’oxyde est supérieur à celui du métal, la couche est compacte et l’oxydation ne peut se faire que par diffusion de l’oxygène ou des atomes métalliques à travers la couche d’oxyde formée. Les éléments susceptibles de former une couche stable et protectrice sont le silicium, le chrome et l’aluminium qui forment respectivement les oxydes SiO2, Cr2O3 et Al2O3. La résistance à l’oxydation à haute température des aciers à soupapes est obtenue grâce à la présence d’une couche protectrice d’un oxyde très riche en chrome, voisin de la formule Cr2O3. Cependant la formation de cette couche d’oxyde se fait via un appauvrissement en chrome du métal proche de la surface. Il faut donc un niveau assez élevé de chrome dans le matériau. Le nickel a pour effet de stabiliser la couche protectrice et permet donc de limiter la teneur en chrome. On peut donc dire que la résistance à l’oxydation à haute température sera d’autant meilleure que les teneurs en chrome et nickel seront élevées. L’addition de silicium ou d’aluminium dans un acier au chrome permet encore d’élargir son domaine d’utilisation via la formation des oxydes SiO2 et Al2O3.

Influence de la microstructure

   La taille des grains intervient de façon significative dans les caractéristiques de fluage. Pour les aciers, à basse température (jusqu’à 600 °C), le fluage concerne essentiellement le corps des grains. Par contre à température plus élevée (750 à 850 °C), les joints de grains jouent un rôle prépondérant. On peut définir une concentration volumique de joints de grains comme le rapport du volume des joints sur le volume du matériau. Ainsi, un matériau à grains fins aura une concentration de joints de grains élevée, alors qu’un matériau à gros grains sera plus résistant au fluage aux températures élevées, car il présentera une concentration de joints de grains plus faible. Tous les défauts de la structure, phases précipitées, inclusions, sont autant de freins au mouvement des dislocations et favorisent donc la résistance au fluage.

Microscopie Electronique

   A l’aide de la microscopie électronique à balayage (MEB), nous pouvons aller plus loin dans l’observation et l’identification des particules précipitées. Le MEB du CEMEF est, de plus, équipé du système EBSD (Electron Back-Scattered Diffraction) qui permet d’observer de manière semi-automatique la texture du matériau. Le faisceau d’électrons entre en contact avec la matière et produit des électrons rétro diffusés. Ces électrons sont ensuite captés par une caméra sous forme d’un spectre de lignes entrecroisées appelées lignes de Kikuchi. L’analyse automatique de ces spectres par un PC relié au dispositif permet de remonter à la texture cristallographique locale du matériau.

Microscopie optique

   Les échantillons de VA34, VA61 et VA66 présentent tous une précipitation importante de carbures et carbonitrures de chrome essentiellement. Les précipités évoluent peu pour les états bruts et mis en solution (MES) à 1050 °C. Ils commencent à disparaître dans l’état MES à 1115 °C, et la mise en solution est réellement efficace à 1180 °C. Les échantillons de VA34 (Figure 3.5) présentent une taille de grains fine, supérieure à 8 selon la norme ASTM pour les états bruts, MES à 1050 °C et à 1115 °C. Cette taille de grains atteint 2 à 5 pour l’état MES à 1180 °C. La taille des grains des échantillons de VA61 (Figure 3.6) et de VA66 (Figure 3.7) est également fine, supérieure à 8 selon la norme ASTM, pour les états bruts et MES à 1050 °C, et de l’ordre de 6 à 8, pour l’état MES à 1115 °C. Cette taille de grains atteint 3 à 6 pour l’état MES à 1180 °C. Sur le SF286 (Figure 3.8), on observe une précipitation plus sporadique. Les échantillons présentent une taille de grains de l’ordre de 6 à 8 selon la norme ASTM pour les états bruts,MES à 880 °C et à 970 °C. Cette taille de grains atteint 1 à 5 selon la norme ASTM pour l’échantillon MES à 1060 °C. La précipitation évolue peu avec la température de mise en solution.

Microscopie électronique en transmission (MET)

   La microscopie électronique en transmission permet d’observer les particules à partir de quelques nanomètres. En mode diffraction, le diagramme obtenu permet de remonter aux distances inter réticulaires du cristal. Un plan est noté (h k l) et les distances inter réticulaires d’une famille de plan sont notées Dhkl et sont exprimées en Angström (1 Ǻ = 10-10 m). Ces distances dépendent à la fois de la taille des atomes et de leur disposition dans l’espace. L’ensemble de ces distances permet le plus souvent de déterminer, à l’aide de bases de données, la nature du composé observé. Dans le cas contraire, on peut utiliser le MET en mode analyse (EDS), mais cette option n’est pas disponible au CEMEF. Pour exploiter un diagramme de diffraction, on mesure les distances entre le faisceau transmis et les différents points visibles. Les points les plus proches permettent en général de déterminer la nature du matériau. Ces distances sont directement converties en Dhkl par le MET.

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Table des matières

Introduction
1- Présentation du problème – Contexte industriel 
2- Alliages utilisés pour les soupapes d’échappement 
3- Caractérisation des nuances actuelles 
4- Développement de nouvelles nuances 
5- Mise en forme à froid des soupapes
Conclusion et perspectives

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