Mise en évidence de l’impact du procédé de découpe sur le comportement des aciers dual phase

 Description du procédé de découpe à la cisaille 

La découpe à la cisaille constitue le procédé le plus répandu et le moins coûteux pour séparer des panneaux de tôles à partir d’une bobine. La technologie du procédé, notamment en ce qui concerne le réglage de l’outillage, repose essentiellement sur l’expérience acquise dans les ateliers. Cette acquisition empirique de connaissances s’est faite au détriment de l’étude théorique des phénomènes mis en jeu en cours de découpe.

Géométrie du procédé 

Le découpage regroupe plusieurs opérations telles que la découpe à la cisaille, la découpe à l’emporte-pièce, ou le poinçonnage. Le principe de chacun de ces procédés consiste à « détacher un coutour donné d’un produit plat : une tôle, l’opération se faisant par une presse par l’intermédiaire d’un outil dont les parties travaillantes sont les lames et les matrices » [Cha78]. Ces procédés permettent d’obtenir des pièces de formes plus ou moins complexes en fonction de la géométrie des outils.

Dans le cadre de notre étude, nous nous limiterons à la découpe à la cisaille standard : une découpe en ligne droite sur toute la largeur de la tôle par l’action d’une lame mobile, perpendiculairement au plan de la tôle (Figure 1). Cependant, les observations réalisées sur des cisailles de technologie différente ainsi que les résultats obtenus lors de campagnes d’essais d’expansion de trou, nous conduisent à supposer que les conséquences métallurgiques de la découpe sont équivalentes d’une géométrie de découpe à une autre.

Description physique du procédé et analyse de la courbe de découpe 

La première description du procédé (que nous avons rencontrée) dans la littérature est celle proposée par Dieter [Die61]. Celui-ci décrit le mécanisme de découpe comme la déformation par cisaillement jusqu’à rupture de la fine bande de matière située entre les deux lames. La qualité de la découpe est alors caractérisée par le chemin de la fissure entre les deux points de contact de la tôle avec les lames (Figure 2). Il ne différencie les bonnes des mauvaises découpes que par l’espacement des deux lames qu’il évalue idéal entre 2 et 10% de l’épaisseur de la tôle. Il associe par cette approche un endommagement minimal à une forte localisation.

Les travaux de Johnson et Slater [Joh67] offrent une première décomposition du procédé. S’appuyant sur l’enregistrement de courbes d’effort de poinçonnage (Figure 3), ils distinguent :
– une phase de déformation élastique [OA]
– une phase de déformation plastique avec écrouissage [AB]
– une phase de déformation plastique avec réduction de section [BC]
– l’amorçage de la fissure en C et sa propagation jusqu’à la rupture au point D.

La charge résiduelle enregistrée après le point D est attribuée aux frottements entre la lame et le morceau de tôle resté sur la matrice. Les descriptions 2D du poinçonnage et de la découpe à la cisaille étant identiques , on transpose naturellement les observations de Johnson et Slater à notre géométrie.

Concernant le chemin de chargement rencontré en cours de découpe, deux points de vue s’opposent (Figure 4):
– Selon les travaux de Pyttel et al sur la découpe des alliages d’aluminium, la première phase de la course de la lame (jusqu’au maximum de la courbe) correspond au cisaillement élastoplastique de la tôle sans changement important dans la section de coupe. La seconde phase consiste alors en une indentation plastique pour laquelle une réduction de section intervient [Pyt00]. Il s’agit de la description la plus couramment adoptée.
– Selon Osaki et Yoshikai, qui ont travaillé avec de l’aluminium pur, le chemin est inverse : la lame indente d’abord la tôle puis les fibres de la tôle sont cisaillées jusqu’à apparition et propagation de la fissure [Osa78].

Dans les deux cas, les auteurs présentent des chargements peu endommageants : le cisaillement et la compression. Nous verrons que ces conclusions ne s’accordent pas avec les observations réalisées au cours de cette étude .

Profil de découpe 

Dans sa thèse [Mai91], Maillard rapproche les différentes phases de la découpe décrites par Johnson et Slater des différentes zones observées sur un bord de découpe (Figure 5) :
– le bombé formé par la flexion de la tôle au cours de la phase AB
– la zone cisaillée, d’aspect brillant, formée par le contact de la lame au cours des phases AB et BC
– la zone rompue, présentant un faciès de rupture ductile et dont une partie constitue la bavure formée lors de la propagation de fissure CD.

La géométrie du bord découpé a longtemps constitué le principal critère de qualité de la découpe. Les caractéristiques les plus recherchées sont :
– une taille de bavure minimale, pour faciliter les assemblages ou simplement l’empilement des pièces
– une zone cisaillée maximale pour assurer la rectitude des cotes dans le cas, par exemple, d’un trou poinçonné.

Ces exigences ont conduit à l’établissement de « règles de métier » basées essentiellement sur le réglage du jeu entre les lames [Hug69]. Des problèmes spécifiques à certains champs d’application, ou à certains matériaux, ont aussi conduit à la définition d’autres exigences concernant la découpe comme la réduction des contraintes résiduelles, qui influent sur les propriétés magnétiques des aciers pour applications électriques [Mau02], ou l’élimination de la pollution par production de paillettes liée à la découpe des alliages d’aluminium [Bac06]. La géométrie du bord découpé est, en effet, fortement liée à la nature du matériau découpé (Figure 6). Ainsi les matériaux très ductiles, tels les alliages de cuivre, rompent très tardivement au cours du procédé, ce qui conduit à une très grande zone cisaillée visible sur le faciès de découpe. L’émission de paillettes pour les alliages d’aluminium est, quant à elle, due à l’interaction de la lame avec une protubérance qui naît de la trajectoire convexe de la fissure de rupture (Figure 7). Elle se traduit sur le profil par la formation d’une zone cisaillée secondaire.

La littérature ne répertorie pas d’étude portant sur l’impact de la découpe sur la formabilité des tôles. Dans cette première partie nous allons donc explorer les conséquences du procédé d’une part à l’échelle du bord découpé mais aussi à l’échelle de la tôle. Six nuances de laboratoire différentes sont intégrées dans cette partie de l’étude de manière à éventuellement établir des corrélations entre la sensibilité à l’endommagement de découpe et la composition chimique, la microstructure ou les propriétés mécaniques.

Présentation des six nuances de l’étude préliminaire 

Un code constitué d’une lettre et deux chiffres est adopté pour désigner les nuances d’aciers de cette étude :
– la lettre rend compte de la teneur en carbone de la nuance, H pour les haut carbone (taux de carbone supérieur à 0.1% massique) et B pour les bas carbone (taux de carbone inférieur à 0.1% massique)
– les deux chiffres sont les chiffres des centaines et des dizaines de la valeur de la résistance mécanique en traction de la nuance (mesurée dans le sens du laminage et exprimée en MPa).

Ainsi la nuance H86 désigne une nuance haut carbone dont le Rm vaut entre 860 et 869 MPa.

Compositions chimiques et microstructures

Les compositions et les microstructures des six nuances sont respectivement présentées dans le Tableau 1 et sur la Figure 8. Les six nuances se répartissent entre deux gammes de résistance DP600 et DP780. Toutes ont été obtenues par laminage à froid. Leur épaisseur est d’environ 1.5 mm pour les DP600 et 1.3 mm pour les DP780. Toutes sont galvanisées à l’exception de la nuance H60 qui est nue. Au niveau des compositions chimiques, l’effet des différents éléments d’alliage peut se résumer ainsi :
– le carbone conduit à la formation de la maille quadratique de la martensite lors de la trempe de l’austénite ; la dureté de la martensite est liée à son taux de carbone
– les éléments gammagènes (C, Mn, Ni, Cu) favorisent la formation de l’austénite à haute température et augmentent ainsi le taux de martensite obtenu à l’ambiante (pour des traitements thermiques identiques)
– les éléments alphagènes (Si, Cr, Mo) durcissent la ferrite par solution solide et retardent la formation de perlite
– le titane, le vanadium et le niobium peuvent entraîner la formation de carbures et carbonitrures qui apportent un durcissement supplémentaire dans la ferrite et limitent sa recristallisation
– le phosphore et le soufre constituent des impuretés qui nuisent à la soudabilité et sont susceptibles de former des inclusions fragiles.

En comparant les six compositions, on constate essentiellement l’effet de balance entre les éléments gammagènes : les nuances bas carbone présentent de plus forts taux de manganèse de manière à assurer une résistance équivalente à celles des nuances haut carbone.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Mise en évidence de l’impact du procédé de découpe sur le comportement des aciers dual phase
I Description du procédé de découpe à la cisaille
I.A Géométrie du procédé
I.B Description physique du procédé et analyse de la courbe de découpe
I.C Profil de découpe
II Présentation des six nuances de l’étude préliminaire
II.A Compositions chimiques et microstructures
II.B Caractéristiques mécaniques
III Impact du procédé de découpe
III.A Quantification de l’impact de la découpe sur la formabilité
III.B Impact métallurgique du procédé sur le bord découpé
IV Présentation de la nuance retenue
IV.A Composition chimique et microstructure
IV.B Caractéristiques mécaniques
IV.C Sensibilité à l’endommagement de découpe
Conclusion partielle
Références
DEUXIEME PARTIE : Compréhension des mécanismes mis en jeu au cours de la découpe à la cisaille des tôles en acier dual phase
I Avant-propos : Rupture ductile à faible taux de triaxialité des contraintes
I.A Le rôle de la triaxialité des contraintes dans la rupture ductile
I.B Essais mécaniques à faible taux de triaxialité des contraintes
II Modélisation du procédé de découpe : Etat de l’art
II.A Modèles analytiques
II.B Simulation par éléments finis
III Approche expérimentale et simulation numérique
III.A Présentation du montage développé pour l’étude
III.B Présentation de la simulation numérique du procédé
III.C Confrontation des résultats des approches expérimentale et numérique à l’échelle macroscopique
IV Description des mécanismes intervenant au cours de la découpe
IV.A Déplacements macroscopiques
IV.B Analyse du chemin de chargement
IV.C Evolution de l’endommagement en cours de découpe
IV.D Quelques mots sur la découpe des alliages d’aluminium
Conclusion partielle
Références
TROISIEME PARTIE : Comportement de la zone affectée par la découpe lors des sollicitations de mise en forme
I Le mécanisme d’amorçage des fissures dans les bords découpés
1.A Observations post-traction des bandes cisaillées
1.B Observations sur essais interrompus
I.C Modèle bimatériau
II Mécanique des petites fissures
II.A Essai de traction sur bande fissurée
II.B Simulation numérique du phénomène
Conclusion partielle
Références
CONCLUSION

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