Mimésis, narrativité, expressivité. Le cinéma dans son rapport au réel

METTRE A L’EPREUVE UN REEL/PRODUIRE UNE REALITE

Profigurant/Figuratif/Figural 

Le cinéma – c’est un trait distinctif par rapport aux autres arts de la représentation – ne se met pas seulement en rapport avec ce qu’il représente sous le régime de l’analogie. Il est aussi, et parfois indépendamment de ce qu’il représente, l’indice de quelque chose qui a existé et qui l’a rendu possible, dont il témoigne, sous un certain rapport, de l’existence passée ; en cela, il est en forte parenté avec la photographie. Néanmoins, dire de l’image photofilmique qu’elle enregistre du réel ne signifie pas qu’elle le redoublerait ou le livrerait. Ce qui est capté par elle l’est sous un certain angle, dans une certaine lumière, dans une certaine durée, celle du plan tourné, puis celle du plan monté1 , et cette production d’objet invente une réalité nouvelle. Ainsi, alors que la perception sensible vise une réalité du monde, l’invention de la photographie et du cinéma fabrique un objet qui « image » le monde, et comme toute image, à la fois possède des caractéristiques inhérentes à son dispositif technique (planéité, composition, cadrage, durée objective, etc.) et des propriétés renvoyant à sa qualité de représentation2 . Il serait donc vain de vouloir distinguer ce que le cinéma capte d’un réel, et qui échappe, par l’enregistrement même – le pouvoir proprement mécanique du cinéma – à toute préméditation, et la réalité constituée par le cinéaste, le point de vue par lequel il donne à voir quelque chose.

Qu’il me soit permis d’oser une comparaison qui, pour insolite qu’elle paraisse au premier abord1 , me semble s’autoriser de ce qu’elle permet de franchir certaines difficultés concernant les relations de l’objet filmique au réel1 . Si le rapport entre l’objet extérieur à la représentation et le film ne se déroule pas dans les mêmes conditions que pour les autres arts dits de la représentation, c’est dans la mesure où, pourrait-on dire, l’opération cinématographique procède d’une mise en conserve, à la manière dont les sardines du grand large, une fois pêchées, sont conditionnées afin qu’une fois cuites, elles deviennent disponibles à la consommation. S’il y a conservation, ce n’est pas par homogénéité d’état ; celle-ci doit être pensée, au contraire, comme une production. Dans les deux cas, en effet, ce qui est conservé est radicalement transformé : des animaux vivants, se déplaçant par banc en eau profonde, ont disparu pour laisser place à des aliments prêts à être mangés. Ce qui est conservé, ce n’est pas une homogénéité d’aspect, qui persévèrerait en dépit du conditionnement ou de la préparation culinaire, mais une révélation2 de qualités gustatives et nutritives de la sardine grâce à cette transformation qui fait d’un animal capable de mouvements et vivant, un aliment comestible ; entre les deux, on pose certes une identité, mais elle est, pourrait-on dire, généalogique. Ce qui est conservé, donc, ce sont des propriétés que la sardine vivante avait assurément : petit format, contours du corps, chair ferme, etc. mais qui sont réorganisées pour un usage de bouche, et réorientées : la date de péremption de la boîte de conserve, sa disponibilité au consommateur, le mode d’accès aux sardines, et même beaucoup d’éléments de leur aspect – leur texture, leur couleur – sont dus au conditionnement et à la préparation de la mise en conserve. On peut même affirmer que certaines propriétés de la sardine de haute mer n’existent que par la possibilité qu’offre sa mise en conserve de les mettre à jour : sa texture, sa saveur en tant qu’aliment existaient bien dans l’animal, mais ne se révèlent véritablement que par son conditionnement. Si je m’efforce maintenant de comparer le processus par lequel la sardine est transformée et conservée à la fabrication d’un enregistrement filmique, il me semble pouvoir dire que le film n’existe que par l’enregistrement d’objets existant indépendamment de lui, mais qu’il reconfigure, et ce dès le tournage : au-delà de la transformation de l’usage, et la fabrication d’un objet nouveau, si l’on s’en tient au seul rapport aux objets filmés, on peut dire que les  conditions perceptives, et la signification donnée à ce qui est vu sont inscrites une première fois par le geste d’enregistrement1 . L’objet filmé est bien reconnu, c’est un homme, c’est tel acteur, c’est une ville, c’est Dunkerque, etc., mais la manière dont il m’est donné par le film en fait un objet auquel je me rapporte dans un mode d’usage et une lecture toute différente. Ce qui a été filmé m’est révélé, au sens photographique du terme, qui joue sur la continuité comme sur la transformation, puisqu’il désigne la production – le développement – d’une photographie qui fabrique un visible tout en gardant la trace de ce qui a été enregistré. Cette élaboration se poursuivra au montage avec la fabrication particulière que cette opération entraîne. Mais revenons d’abord à l’enregistrement.

Quel rapport ce qui est enregistré entretient-il avec l’objet enregistré ? Si l’on s’avise de regarder la sardine dessinée sur la boîte de conserve, elle possède également une relation à la sardine de haute mer : elle lui ressemble, sous un certain rapport. Mais elle n’apparaît pas de même nature que la sardine dans la boîte. La sardine dessinée représente une sardine, qui vaut pour toutes les sardines, et l’évoque en s’y rapportant par un jeu codé d’analogies. Le consommateur de la boîte de conserve peut trouver le dessin ressemblant, et grâce à lui rêver à la sardine de haute mer, il a néanmoins l’impression que la sardine réelle est dans la boîte, et non dessinée. Pour autant, cette impression n’est due qu’au savoir qu’il a, savoir qui du reste n’est jamais vérifié – il faudrait être un consommateur paranoïaque, et les moyens de vérification ne sont pas à sa portée – que la sardine rangée dans la boîte a été la sardine de haute mer, et que la chair qu’il mange fut un poisson se mouvant2.

Si l’on revient maintenant à l’opération d’enregistrement et au processus de fabrication auquel il donne lieu, on peut dire que l’image filmique donne l’impression qu’il y a conservation de l’objet filmé en dépit de sa transformation. Pour le dire autrement : l’objet perçu grâce à l’image filmique constitue une réalité nouvelle par rapport à l’objet filmé, il est le résultat d’une élaboration due aux partis pris de réalisation comme aux propriétés inhérentes au dispositif technique, mais le spectateur ne doute pas de percevoir un objet « réel », quand bien même il sait que ce qui lui apparaît appartient à une matière imagée, qu’il est une réalisation1.

Il faut donc distinguer deux choses : d’une part l’authentification, qui est due à un savoir du spectateur que ce qu’il voit a été filmé. C’est un savoir général : il déduit spontanément de ce qu’il perçoit l’existence d’objets profilmiques* qui ont rendu possible sa perception actuelle ; pour autant, il distingue aussi, selon l’état de sa culture et les marques de régime de réalisation, s’il a affaire à un film qui propose une fiction, ou qui filme des situations réelles. Cela ne signifie pas qu’il y aurait moins de production, ou d’élaboration filmique dans le documentaire que dans la fiction ; simplement, l’authentification est un savoir général concernant l’origine de l’image cinématographique ; elle se module en régimes de savoir concernant cette fois le statut de la réalisation.

D’autre part, il faut relever l’impression donnée par le dispositif technique d’une présence paradoxale de l’objet. Jean Mitry décrit ainsi cette relation de curieuse présomption d’identité posée par le spectateur entre l’objet filmique et l’objet profilmique* :

« L’image filmique n’est pas un analogon. Le terme en effet ne saurait se rapporter qu’à la peinture. Dans la toile de Van Gogh qui représente sa chambre à coucher, la chaise paillée est l’analogon de celle qu’on peut supposer lui avoir servi de modèle ou qu’on imagine à travers elle. Mais la chaise peinte n’existe qu’en vertu et à la faveur du tableau. Tout analogue qu’elle soit, elle est distincte et autonome. Au cinéma on n’imagine pas un objet à la fois distinct et semblable : on voit la chaise réelle dans le même temps que l’image affirme, en tant qu’image, l’absence de cet objet cependant perçu comme présent. »

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Table des matières

INTRODUCTION
PROBLEME
LECTURE
HYPOTHESE DE TRAVAIL
METHODE
CHAPITRE I : METTRE A L’EPREUVE UN REEL/PRODUIRE UNE REALITE
PROFIGURANT/FIGURATIF/FIGURAL
FIGURATION/PRESENTATION, A PROPOS DE VALSE AVEC BACHIR, D’ARI FOLMAN
PRESENCE/ABSENCE, A PROPOS DE CACHE, DE MICHAEL HANEKE
OBJECTIF/SUBJECTIF – LA FIGURE, A PROPOS DE LOST HIGHWAY, DE DAVID LYNCH
CHAPITRE II : FABRIQUER/REALISER
CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES
CONTEXTURE A L’ŒUVRE, A PROPOS DE VALSE AVEC BACHIR
ELABORATION D’UN POINT DE VUE : UN EXEMPLE DE MONTAGE CONTRE TOURNAGE, A PROPOS
DE EUT-ELLE ETE CRIMINELLE…, DE JEAN-GABRIEL PERIOT
POETIQUE/PLASTIQUE, A PROPOS DE MULHOLLAND DRIVE, DE DAVID LYNCH
PERCEPTIBILITE/LISIBILITE, A PROPOS DE L’HOMME A LA CAMERA, DE DZIGA VERTOV
CHAPITRE III : PERCEVOIR/IMAGER
PROBLEMES RELATIFS A L’ACTIVITE SPECTATORIELLE
SUIVRE UNE LOGIQUE NARRATIVE/EPOUSER UNE POSTURE PERCEPTIVE
DUREE FILMIQUE/TEMPORALITE SPECTATORIELLE
JUGEMENT ET DUPLICITE SPECTATORIELS
CONCLUSION
GLOSSAIRE

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