Migrations, genre et gestion des ressources halieutiques

En Afrique de l’Ouest l’agriculture, l’élevage et la pêche ont toujours été les principales activités qui ont contribué au développement économique local et aux moyens de subsistance des communautés. En Afrique, la majeure partie de la population vit en milieu rural et au Sénégal particulièrement 57% de la population vit dans le monde rural (Banque Mondiale, 2010). Depuis quelques décennies, vu la précarité dans le monde rural causée en grande partie par les nombreuses sécheresses des années 1970 ; et maintenant avec la baisse de la pluviométrie  due aux changements climatiques, on assiste à un très fort exode rural.

Les migrations en général, sont une forme de réponse aux nécessités socio-économiques et écologiques. Elles traduisent également des stratégies communautaires d’adaptation et de survie. La région ouest africaine particulièrement l’espace soudano sahélien, constitue un véritable bastion de mobilité compte tenu de plusieurs facteurs notamment l’instabilité politique, l a précarité des ressources naturelles, la faiblesse des revenus et les conflits. Au regard de tous ces facteurs écologiques/environnementaux, politiques, socioculturels, et politiques, la migration est devenue non seulement nationale, mais sous-régionale, régionale, et globale. Elle ne concerne plus seulement les hommes et les jeunes, mais aussi les femmes qui souvent en tant que chefs de ménage sont à la recherche de conditions meilleures pour leur famille.

En outre, cet espace revêt une importance particulière du fait qu’elle abrite l’écorégion marine d’Afrique Occidentale qui s’étend sur une façade maritime d’environ 3500km, de la Mauritanie au nord, jusqu’en Guinée au sud, et les côtes des iles du Cap Vert à l’ouest. Les potentialités naturelles, notamment en ressources halieutiques et économiques d es régions littorales et côtières, demeurent considérables et constituent la cause d’une dynamique démographique croissante. C’est le cas au Sénégal où les recettes de la pêche ont généré en 2007 près de 137 milliards FCFA pour un volume de captures de 411 000 t onnes (ANSD, 2007). En outre, il représente environ 2% du PIB total et comptabilise 600 000 emplois directs ou indirects. Sa part dans les exportations totales du pays est de 32%. Les produits de la pêche jouent aussi un rôle primordial dans l’alimentation des populations, avec une contribution de 70 % aux apports nutritionnels en protéines d’origine (MEM, 2007). Les deux tiers (2/3) de ces emplois sont logés dans les filières de production et de transformation artisanale des produits de la pêche où l’on note une forte présence de femmes (Fall M., 2009).

De ce f ait, le littoral sénégalais n e cesse d ’être un pôle d’attraction considérable malgré les difficultés et les menaces (surpêche, climat….) qui pèsent sur le secteur de la pêche. Ce dernier a enregistré une forte croissance après le déclin de l’agriculture et de l’élevage marquée par l’arrivée d’acteurs nationaux et internationaux. D’ailleurs, à ce d éclin s’ ajoute celui d’autres secteurs impactés par les changements climatiques et anthropiques notamment l’exploitation des ressources forestières qui constitue une part importante de l’alimentation des ménages d’Afrique surtout en Guinée. C’est qu’en effet l’exploitation des ressources forestières peut offrir des possibilités d’emploi et assurer le bien être et la sécurité alimentaire des communautés exploitantes. Aujourd’hui la relation entre les populations rurales et la forȇt est caractérisée par une forte dépendance des économies et de la population locale vis-à-vis de ces ressources forestières. En cas de crise la migration apparait dès lors comme un recours pour assurer sa subsistance.

Définition et Analyse des concepts

❖ Genre : concept qui se réfère aux différences culturelles et sociales entre les hommes et les femmes, attribuées par la société. Les rôles dits « masculins » et ceux dits « féminins » ne sont pas innés, mais biens socialement construits (Glossaire Flora, 2010).
❖ Le terme “genre” fait référence aux rôles, responsabilités et opportunités socialement assignés et associés aux femmes et aux hommes, autant qu’aux structures de pouvoir cachées qui gouvernent les relations entre eux. Le genre est “…par essence, un terme utilisé pour souligner le fait que les inégalités entre les sexes ne sont pas dues aux différences anatomiques et physiologiques qui caractérisent les hommes et les femmes, mais plutôt au traitement inégal et inéquitable qui leur est socialement accordé. Dans cette acception, le genre fait allusion aux conditions culturelles, sociales, économiques et politiques qui sont la base de certains standards, valeurs et types de comportements relatifs au sexe et à leur relation” (Riquer, 1993).

La gestion des pêches est «le processus comprenant la collecte d’informations, l’analyse, l’élaboration, la consultation, la prise de décisions, l’attribution des ressources, la formulation et la mise en place, avec application si nécessaire, des règles ou des règlements qui régissent les activités de pêche afin d’assurer une productivité continue des ressources, et la réalisation d’autres objectifs en matière de pêche.» (FAO, 1997).

La migration est un déplacement d’une personne ou d’un groupe de personnes, soit entre pays, soit dans un pays entre deux lieux situés sur son territoire. La notion de migration englobe tous les types de mouvements de population impliquant un changement du l ieu de résidence habituelle, quelles que soient leur cause, leur composition, leur durée, incluant ainsi notamment les mouvements des travailleurs, des réfugiés, des personnes déplacées ou déracinées (Glossaire OIM).

La transformation artisanale est une forme de valorisation des produits de la pêche au niveau artisanal. Elle permet d’avoir des produits transformés tels que le poisson fumé, le fermenté et le séché. Ces produits sont destinés au marché local et sous régional ; par opposition à la transformation industrielle qui fournit des produits élaborés (conserves et sous produits comme la farine de poisson, les huiles et autres, les produits frais et congelés) destinés principalement aux marchés européens et asiatiques .

Les ressources halieutiques appartiennent à l’ensemble très large des ressources naturelles. Ils déterminent tout stock d’animaux aquatiques vivants (sauf ceux qui sont spécifiquement interdits par la loi) qui peuvent être pris par la pêche, et leur habitat. La p êche étant une activité qui consiste à capturer des animaux aquatiques, principalement des poissons, dans leur milieu naturel (mers, océans, étangs, lacs, cours d’eau, etc.).

La vulnérabilité est la condition dans laquelle se trouve une population qui est exposée à des phénomènes naturels ou humains ou qui risque d’être affectée par ces derniers. Elle est dynamique et change avec le temps, le lieu et les conditions sociales, économiques, et politiques (WilchesChaux, 1998).

Cadre théorique 

Migration, genre et ressources

La complexité du phénomène migratoire permet de dire qu’il n’ya pas de théorie unique des migrations. Les théories des migrations tentent d’expliquer les migrations par des forces externes : économiques, sociologiques, politiques et systémiques et à travers des niveaux d’analyse macro et micro. Toutefois la théorie économique des m igrations constituée principalement de la théorie néoclassique, la nouvelle économie des migrations, la théorie du double marché du travail et de la théorie des systèmes mondiaux a le plus marqué ce siècle. Dans notre étude de cas, on abordera l’approche économique néoclassique de la migration pour appuyer la relation migration-ressources, ensuite l’approche théorique du r éductionnisme qui intègre la relation genre – migration. Enfin nous insisterons sur les modèles push-pull factors de la théorie sociologique qui caractérisent les lieux de destination et de départ.  Pour les théories néoclassiques d’une manière générale, la composition des flux migratoires est caractérisée par des forces structurelles telles que l’économie mondiale (déséquilibre de ressources entre la zone de départ et celle d’arrivée). Aussi, les écarts socioculturels et tous ses asp ects influant le capital humain (niveau d’instruction…) ont des implications importantes pour la mobilité individuelle.  La théorie néoclassique au niveau macro, développée initialement pa r Harris et Todaro (1970) stipule que les migrations se produisent des pays pauvres vers les pays riches. L’accent est donc mis ici non sur l’étude de l’individu et de ses motifs propres d’émigration, mais sur l’analyse des forces macro structurelles avec lesquelles il doit composer, telles que les dynamiques provoquées par l’offre et la demande sur différents marchés (des salaires, du travail, des assurances,…), ou encore les liens historiques liant pays d’origine et pays d’accueil. Au niveau micro, l’approche fait ressortir l ’individualité du migrant dont les actions ne sont pas complètement déterminées par l’environnement structurel dans lequel il s’inscrit. Bien au contraire, le migrant, selon ces approches individualistes, garde une certaine marge de manœuvre dans sa prise de décision de migrer ou de rester.

En outre, une autre théorie t ente d’expliquer la relation genre – migration, il s’agit du réductionnisme théorique (Kofman E., 2004) qui est défini comme une simplification des classifications et des cadres conceptuels, qui peut prendre une multitude de formes. L’une des plus courantes a été de séparer l’économique, prééminent dans l’explication du phénomène migratoire et qui reste associé au masculin, du social et du culturel, considéré comme relevant du féminin. Enfin nous évoquons les push factors notamment les facteurs de répulsion qui sont les facteurs négatifs aux lieux de départ et l es pull factors les facteurs d’attraction positifs aux lieux de destination (Lee, 1996). En Afrique de l’Ouest, parmi les causes structurelles des facteurs push on retient particulièrement l’instabilité politique, la faible rentabilité agricole, les infrastructures de base inexistantes ou inadéquates, l’urbanisation – les faibles revenus, la pauvreté des ménages, le chômage, les conflits et le mal-vivre, la corruption et la mal gouvernance. Pour ce qui est des causes conjoncturelles, il s’agit d’une part de la baisse qualitative et quantitative des ressources naturelles (écosystèmes) qui sont la base de la production et de la sécurité alimentaire au Sahel et d’autre part la dégradation de l’environnement qui accentue la pauvreté, mais aussi inversement, l’accentuation de la sécheresse, les catastrophes naturelles. Les facteurs de destination (“pull”) sont essentiellement la tradition de migration, le différentiel du niveau de vie/ meilleures conditions de vie, les opportunités de travail, l’éducation, la sécurité, les liens familiaux, la disponibilité des ressources, etc.

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Table des matières

Introduction
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE1. Cadre conceptuel et théorique
1.1- Définition et Analyse des concepts
1.2- Cadre théorique : Migration et Genre
CHAPITRE 2. Cadre Politique
2.1- Politiques de pêche en Afrique de l’ouest : quelle place pour les questions de genre et migration ?
2.2- Genre – changement climatique et réduction de la pauvreté
CHAPITRE 3. Méthodologie de recherche
3.1- Recherche documentaire
3.2- Recherche sur le terrain
3.3- Analyse des données
DEUXIEME PARTIE : FACTEURS ET CARACTERISTIQUES DE L’IMMIGRATION DES GUINEENNES A JOAL ET RELATION DE GENRE
CHAPITRE 1. Contexte biophysique et socio économique de la zone d’étude, Joal
1.1 – Contexte biophysique
1.2 – Contexte socio-économique
1.3 – Changements Climatiques: Impacts, Risques, Vulnérabilité, et Adaptation
CHAPITRE 2. Du statut d’accompagnatrice à la migrante autonome
2.1- D’où viennent- elles ?
2.2- Qui sont ces immigrantes ?
2.2- Pourquoi migrent-elles ?
CHAPITRE 3. Relations de genre – Modes d’acquisition et d’exploitation des produits halieutiques
3.1- Modes d’acquisition
3.2- Modes d’exploitation
TROISIEME PARTIE : MIGRATIONS DES TRANSFORMATRICES GUINEENNES : QUELLES IMPLICATIONS SELON LE GENRE ?
CHAPITRE 1. Les implications sociales et économiques
1.1- Impacts sur la vie familiale
1.2- Vulnérabilité et risques
1.3- Conflits
1.3.1 – Allochtones versus autochtones
1.3.2 – Foncier
1.3.3 – Eleveurs et transformatrices
1.4- Dégradation des mœurs
1.5- Barrières culturelles et linguistiques
1.6- Scolarisation et intégration des enfants des migrantes
1.7- Création de réseaux sociaux
1.8- Revenus et développement économique local
CHAPITRE 2. Les implications environnementales
2.1- Dans le lieu d’origine en Guinée
2.1.1 – Exploitation des ressources forestières
2.1.2 – Activités agricoles
2.2- Dans le lieu de destination, Joal
2.2.1 – Surexploitation de la ressource
2.2.2 – Occupation de l’espace
2.2.3- Coupe abusive du bois
2.2.4- Déchets solides et les ordures
2.2.5- Déchets liquides
2.2.6- Pollution atmosphérique
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

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