Migration secondaire : analyse clinique et diagnostic

MIGRATION SECONDAIRE : ANALYSE CLINIQUE ET DIAGNOSTIC 

Définition 

La migration pathologique d’une dent, également appelée migration secondaire, a été définie comme un déplacement dentaire provoqué lorsque l’équilibre entre les facteurs qui la maintiennent dans une position physiologique est perturbé. Elle se distingue de la migration physiologique qui s’effectue tout au long de la vie, et ce même après la croissance (dérive mésiale, égression naturelle). Les migrations pathologiques surviennent le plus souvent dans la région antérieure, cependant, les dents postérieures peuvent également être affectées. La compréhension actuelle de ce phénomène est basée sur des observations cliniques. De multiples recherches commencent à confirmer les découvertes cliniques. (1) Bien souvent, ce phénomène mène les patients à consulter afin d’entreprendre un traitement. En effet, l’altération du sourire causée par la migration des dents antérieures peut avoir des conséquences importantes sur l’image corporelle du patient ainsi que pour son amour‐propre.

Prévalence

Dans leur étude, Brunsvold et al. classent la migration secondaire au 6ème rang parmi les 21 motifs de consultation les plus fréquents liés à la maladie parodontale. Moka et al. notent que l’âge moyen des patients présentant une migration secondaire est d’environ 48 ans et que les femmes sont plus touchées que les hommes (55,10% contre 44,90% respectivement). (3) (4) Plusieurs études ont tenté de déterminer la prévalence de ce phénomène chez les patients atteints d’une pathologie parodontale. Leursrésultats varient entre 30% et 55%. Cette fluctuation s’explique par le mode de dépistage utilisé, une étude pratiquait un examen parodontal complet tandis que l’autre distribuait aux patients un simple questionnaire.

Signes cliniques 

Les différentes formes cliniques 

Une migration pathologique peut se présenter sous différentes formes cliniques comme :
‐ une migration des dents par vestibulo‐version ou encore migration « en éventail » ;
‐ un diastème ;
‐ une bascule par rotation ;
‐ une égression.

Dans la plupart des cas, il est difficile de classer la situation clinique dans une seule de ces catégories. En effet, la majorité des patients atteints de migration pathologique présentent une combinaison de déplacements dentaires. Plusieurs études ont montré que le type de migration le plus fréquemment rencontré est la vestibulo‐version suivi du diastème.

Étiologies 

L’étiologie des migrations secondaires est complexe et multifactorielle. En effet, la position d’une dent est maintenue par un jeu complexe de forces qui impliquent à la fois les tissus durs et les tissus mous. Tout facteur capable de perturber cet équilibre peut entraîner un mouvement indésirable des dents et donc une migration secondaire. Les principaux facteurs sont d’ordre parodontal (maladie parodontale, tissu de granulation, élargissement gingival), occlusal (mastication, forces occlusales), anatomique (lèvre supérieure et inférieure, langue) et peuvent également être liés à des habitudes nocives.

Les facteurs parodontaux 

Mécanismes biologiques liés à la parodontite

En 1986, Listgarten a défini la parodontite comme une maladie inflammatoire du parodonte caractérisée par une destruction progressive du système d’attache de la dent. En effet, la maladie parodontale lèse le parodonte profond en détruisant notamment l’os alvéolaire mais également les fibres qui assurent l’ancrage de la racine à la gencive et à l’os. Son étiologie est principalement infectieuse, elle est causée par des bactéries opportunistes sur un hôte permissif. (9) Page et Schroeder ont, quant à eux, décrit les principes généraux de l’inflammation sur le plan vasculaire et cellulaire. Ils distinguent 4 stades histopathologiques: la lésion initiale, précoce et établie concernent le parodonte superficiel (gencive) tandis que la lésion avancée concerne le parodonte profond (os alvéolaire, ligament, cément) avec l’apparition de poches parodontales, signe pathognomonique de la maladie parodontale. (10)

Destruction du support parodontal

Plusieurs études ont montré que la maladie parodontale joue un rôle majeur dans l’étiologie des migrations secondaires. Il semble clair que la qualité, mais également l’intégrité des tissus parodontaux influencent la stabilité dentaire ainsi que son équilibre positionnel. Au cours de la maladie parodontale, l’inflammation provoque une plus grande laxité ligamentaire et un affaiblissement du support osseux. L’altération de ces éléments diminue la capacité d’une dent à résister à l’impact des facteurs externes et donc, diminue sa résistance au déplacement. Dans leur étude, Martinez‐Canut et al. démontrent que la perte osseuse est le principal facteur responsable de migrations secondaires. Ils observent également que la prévalence de ces dernières augmente avec la sévérité de la maladie parodontale. En effet, les résultats montrent que les dents présentant une perte osseuse de 50 à 75% sont associées à une prévalence de migration secondaire de 80%, contre seulement 33,6% pour celles ayant une perte osseuse de moins 25%. (6) Towfighi et al. ont déterminé la corrélation entre migration secondaire et perte d’attache. La conclusion de leur étude est que la perte d’attache moyenne des dents ayant migré est significativement supérieure à celles des dents témoins n’ayant pas migré. Ils notent également qu’un tiers des 343 patients atteints de parodontite inclus dans cette étude présente une migration secondaire.

Selwyn et al. ont, quant à eux, comparé la perte osseuse chez des patients atteints de maladie parodontale avec migration secondaire et sans migration secondaire. Les résultats montrent que la perte osseuse est significativement plus élevée dans le premier groupe que dans le deuxième avec respectivement un pourcentage moyen de 53,6% contre 19,2%. (11) En outre, les fibres trans‐septales jouent également un rôle important dans la migration secondaire. Une étude menée sur des singes a permis de mettre en évidence leur influence sur la migration proximale des dents. Lesrésultatsindiquent que ces dernières participent à la stabilisation de la position dentaire. En effet, ces fibres forment une chaîne de dent à dent permettant de maintenir les contacts le long de l’arcade. Lorsque cette continuité est affaiblie, voir rompue par la maladie parodontale, l’équilibre des forces disparaît rendant ainsi possible un déplacement dentaire.

Pression exercée par le tissu inflammatoire 

Ce phénomène a été décrit par Hirschfeld en 1933. Il affirme que la migration pathologique d’une dent suite à une maladie parodontale est, entre autres, le résultat de la pression exercée par la croissance des tissus inflammatoires au sein de la poche parodontale. Il note également que, très souvent, la dent se déplace dans une direction diamétralement opposée à la partie la plus profonde de la poche parodontale. (13) Del Fabbro et al. ont étudié la dynamique des fluides gingivaux lors d’un phénomène d’inflammation afin d’expliquer les déplacements observés. Dans le cas d’une gencive saine, il n’y a ni de production de fluide gingival, ni filtration des fluides. En effet, le gradient de pression entre le tissu interstitiel (ou interstitium) gingival et l’espace sulculaire favorise la réabsorption du fluide gingival dans l’interstitium. Ce dernier est donc retrouvé en faible quantité dans un sulcus sain. En revanche, lors d’une inflammation, l’augmentation du gradient de pression et de la filtration des fluides de l’interstitium gingival à l’espace sulculaire conduit à la production d’un fluide gingival .

Sutton propose une théorie selon laquelle les forces hydrodynamiques et hydrostatiques dans les vaisseaux sanguins et les tissus enflammés de la poche parodontale expliquent la migration anormale d’une dent. (15) Pour résumer, la parodontite est une maladie inflammatoire qui entraîne une augmentation de la perméabilité vasculaire. Par conséquent, l’extravasation extra‐capillaire augmente et la pression dans le tissu interstitiel accroît. L’œdème survenant au sein du tissu de granulation génère une pression tissulaire capable de déplacer une dent au support parodontal affaibli. La proposition selon laquelle la pression tissulaire inflammatoire est une des étiologies de la migration secondaire est corroborée par l’existence de nombreux cas de correction spontanée par simple contrôle de l’inflammation parodontale.

Martinez‐Canut et al. considèrent que l’inflammation gingivale reflète la manifestation clinique du tissu granulomateux inflammatoire. Les auteurs classent cette dernière, déterminée par l’indice gingival selon la classification de Silness et Loë, comme un des facteurs significativement lié aux migrations secondaires.

L’hyperplasie gingivale 

L’hyperplasie gingivale correspond à l’augmentation de la masse gingivale ainsi qu’à la surcroissance des tissus gingivaux. Elle débute au niveau des papilles puis progresse jusqu’à recouvrir une partie ou même la totalité d’une dent. Les dents antérieures sont les premières atteintes, mais l’évolution peut également se faire jusqu’aux dents postérieures. Plusieurs facteurs peuvent en être responsable tels que des facteurs endocriniens (puberté, menstruation, grossesse), hématologiques (leucémie), nutritionnels (avitaminose, malnutrition) mais également médicamenteux.

En effet, certaines médications peuvent induire une hypertrophie gingivale, on parle alors d’accroissement gingival médicamenteux, maladie gingivale ou gingivite induite par la plaque dans la classification de Chicago (16). Les principaux médicaments concernés par cet effet indésirable sont :
‐ les traitements antiépileptiques tels que les phénytoïnes ;
‐ les inhibiteurs de canaux calciques tels que la dihydropyridine (nifédipine, nitrendipine), utilisés dans de nombreuses pathologies cardiaques et pour l’hypertension artérielle ;
‐ les traitements immunosuppresseurs utilisés dans le contrôle de certaines maladies auto‐ immunes ainsi que pour limiter les rejets de greffe tels que la ciclosporine et le tacrolimus.

Une étude animale menée par Fu et al. a permis de mettre en évidence un lien significatif entre l’hyperplasie gingivale induite par la ciclosporine et la migration secondaire. En effet, la distance inter‐ incisale et la dimension de la papille inter‐dentaire sont significativement plus importantes chez les rats traités par ciclosporine que chez les rats témoins. Il est intéressant de noter que ces modifications sont apparues plus rapidement pour la papille inter‐dentaire que pour la distance inter incisale. Par conséquent, ilsemble évident que l’hyperplasie médicamenteuse induite par les ciclosporines constitue une force active sur les dents capable de les déplacer. (18) De nombreux auteurs soutiennent cette idée par la présentation de cas cliniques de résolution spontanée de migration secondaire par l’intermédiaire de soins parodontaux, qu’ils soient chirurgicaux ou non. Dans tous les cas, l’élimination des facteurs étiologiques est primordiale. Cette dernière passe par une motivation à l’hygiène bucco‐dentaire, un assainissement parodontal et parfois, par la modification des traitements médicamenteux mis en cause. Une thérapeutique parodontale chirurgicale par gingivectomie peut également compléter la prise en charge.

L’effet d’un programme de contrôle de plaque préventif sur l’incidence et la sévérité des changements gingivaux induits par la ciclosporine a été étudié par Seymour et al. Une hyperplasie gingivale a été retrouvée aussi bien dans le groupe sans traitement que dans le groupe ayant reçu une instruction préalable à l’hygiène bucco‐dentaire. Cependant, le groupe sans instruction présentait une augmentation significative des scores de plaques, de l’inflammation gingivale ainsi que des profondeurs de sondage. Ils en concluent que le contrôle de plaque est donc bien nécessaire, mais non suffisant, pour prévenir l’hyperplasie gingivale. (21) Pour conclure, l’accroissement gingival notamment lorsqu’il est d’origine médicamenteuse, n’est pas seulement un « piège à bactéries », il constitue un levier puissant capable de déplacer les dents malgré l’équilibre censé être assuré par la musculature labiale et l’occlusion. Le contrôle de l’inflammation et l’élimination chirurgicale des accroissements gingivaux persistants s’accompagnent d’un retour à une situation proche de celle d’origine. Le maintien de celle‐ci nécessite une compliance consciencieuse du patient ainsi que le remplacement, lorsque cela est possible, de la molécule suspectée par une autre d’une famille différente.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. MIGRATION SECONDAIRE : ANALYSE CLINIQUE ET DIAGNOSTIC
1. DEFINITION
2. PREVALENCE
3. SIGNES CLINIQUES
3.1. Les différentes formes cliniques
3.2. Les degrés de sévérité
4. ÉTIOLOGIES
4.1. Les facteurs parodontaux
4.1.1. Mécanismes biologiques liés à la parodontite
4.1.1.1. Destruction du support parodontal
4.1.1.2. Pression exercée par le tissu inflammatoire
4.1.2. L’hyperplasie gingivale
4.1.3. Insertion basse du frein labial
4.2. Les facteurs occlusaux
4.2.1. Perte de calage postérieur
4.2.2. Anomalies de guidage
4.3. Les facteurs anatomiques
4.3.1. Pression exercée par les tissus mous environnants
4.3.2. Classe II squelettique
4.4. Les parafonctions
4.4.1. Le bruxisme
4.4.2. Succion et onychophagie
5. DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
5.1. Anamnèse
5.2. Examen clinique et complémentaires
5.3. Arbre décisionnel
6. CONCLUSION
II. PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES MIGRATIONS SECONDAIRES
1. PRISE EN CHARGE PARODONTALE
1.1. Thérapeutique étiologique
1.1.1. Traitement parodontal non chirurgical
1.1.1.1. Résultats cliniques sur la guérison des maladies parodontales
1.1.1.2. Résultats cliniques sur le repositionnement spontané
1.1.2. Interception des facteurs associés
1.2. Traitement parodontal chirurgical
1.2.1. Définitions et hypothèse de Melcher
1.2.2. Potentiel de régénération des lésions parodontales
1.2.3. Les différentes techniques et matériaux de régénération
1.2.3.1. Régénération Tissulaire Guidée
1.2.3.2. Régénération Tissulaire Induite
1.2.3.3. Comparaison des procédures
1.2.4. Évolution vers la chirurgie minimalement invasive
1.2.4.1. Accès chirurgical
1.2.4.2. Design du lambeau
2. THERAPEUTIQUE ORTHODONTIQUE
2.1. Effets de l’orthodontie sur le parodonte sain
2.1.1. Acteurs du déplacement dentaire
2.1.2. Déplacement dentaire provoqué
2.1.2.1. Remodelage osseux
2.1.2.2. Effets biologiques à court terme : face en pression et face en tension
2.1.3. Changement de la flore bactérienne
2.1.3.1. Modifications quantitatives
2.1.3.2. Modifications qualitatives
2.2. Orthodontie appliquée au parodonte réduit
2.2.1. Conditions d’activation
2.2.1.1. Prérequis parodontaux
2.2.1.2. Forces appliquées : intensité et rythme d’application
2.2.2. Apport de l’orthodontie en fonction des mouvements utilisés
2.2.2.1. Intrusion
2.2.2.2. Extrusion
2.2.2.3. Correction des axes
2.2.2.3.1. Sens vestibulo-lingual
2.2.2.3.2. Sens mésio-distal
2.2.3. Résultats
2.2.4. Cas particulier des aligneurs
2.2.4.1. Conditions d’application
2.2.4.2. Résultats
2.3. Apport de l’orthodontie dans la régénération du parodonte réduit
2.3.1. Principe biologique
2.3.2. Résultats
2.3.3. Chronologie : quand déclencher les mouvements orthodontiques ?
3. ILLUSTRATIONS CLINIQUES
3.1. Cas clinique n°1
3.2. Cas clinique n°2
4. CONCLUSION
III. MAINTIEN DES RÉSULTATS ORTHO-PARODONTAUX
1. LES CONTENTIONS
1.1. Objectifs
1.2. Durée
1.3. Les différents types de contention
1.3.1. Techniques de conception par méthode directe
1.3.1.1. Le fil collé
1.3.1.2. La grille d’Ellman
1.3.1.3. Systèmes fibrés
1.3.2. Techniques de conception par méthode indirecte
1.3.2.1. Attelle coulée collée
1.3.2.2. Attelle en composite fibré
1.4. Critères de décision
1.5. Le syndrome du fil
1.5.1. Définition
1.5.2. Les différentes formes cliniques
1.5.3. Conduite à tenir
2. SUIVI ET MAINTENANCE PARODONTALE
2.1. Maintenance per-orthodontique
2.2. Thérapeutique parodontale de soutien
CONCLUSION

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