Mieux comprendre la persévérance dans l’enseignement supérieur en France dans la transition lycée

Accéder et suivre des études supérieures est une expérience de plus en plus vécue par les jeunes détenteurs du diplôme du baccalauréat, depuis la restructuration du système éducatif et la volonté politique d’amener une plus grande part de leur population à obtenir un niveau d’études de plus en plus élevé. La transformation successive des études secondaires et supérieures impulsée par les pouvoirs publiques a eu pour effet de démocratiser les études supérieures (Prost, 1986), du moins, quantitativement (Merle, 2002).

Néanmoins, le fait d’accéder aux études ne garantit pas d’y rester ni de les réussir (Coulon, 1997) puisque les taux d’échecs et de décrochages affichés restent préoccupants pour les institutions qui forment les étudiants et la collectivité (Beaupère et al., 2007, 2009). Les risques d’échec académique et de départ institutionnel concernent principalement les formations dont le recrutement est non sélectif, autrement dit, les formations universitaires généralistes et longues et surtout pendant la période de transition entre le lycée et les études mais nous soulignons également que les autres types de formations ne sont pas épargnées non plus (RERS, 2014). A titre d’illustration, sur les étudiants inscrits en 2011-2012 en première année de licence, moins d’un étudiant sur deux passe en deuxième année, plus d’un quart redouble et l’autre se réoriente ou abandonne ses études supérieures (note d’information, 13.10. novembre 2013).

La concentration des départs institutionnels ayant lieu en première année d’études supérieures en France (RERS, 2014, 2015) comme à l’étranger (Grayson, 2003 ; Tinto, 1993 ; Krause et al., 2005 ; Bennet, 2003 ; Tremblay, 2005), nous nous sommes interrogée sur les processus expliquant le décrochage et la persévérance institutionnelle étant spécifiques à cette période transitoire. Plusieurs chercheurs ont mis en avant que ce passage pouvait être associé à un nombre élevé de facteurs à risque de décrochage puisque les étudiants doivent composer simultanément avec un nouvel environnement académique, institutionnel, social et personnel d’autant plus lorsqu’ils quittent leur domicile parental (Coulon, 1997 ; Kohn, Lafreniere & Gurevich, 1991 ; Tinto, 1982, 1993 ; Vollrath, 1988, 2000 ; Grignon, 2000 ; Lahire, 1994). Détenteurs d’un expérience scolaire et d’un projet d’orientation qui leur sont particuliers, les étudiants vivront une expérience des études marquée par la nécessité de répondre aux nouvelles exigences académiques et extra-académiques en adoptant des stratégies d’adaptation qui leur sont propres (Coulon, 1997 ; Romainville, 2000 ; Dubet, 1994). Ces diverses exigences ont été catégorisées en plusieurs dimensions d’intégration ou d’ajustement aux études afin de pouvoir mieux comprendre et prédire la réussite académique et/ou la persévérance institutionnelle (Baker & Siryk, 1986, 1989 ; Tinto, 1993 ; Nora et al., 1993 ; Sandler, 2000 ; Pascarella et al., 2005). Les recherches actuelles reconnaissent donc que la persévérance institutionnelle et la réussite académique sont le résultat de processus complexes et multidimensionnels (Sauvé et al., 2006, 2007).

La persévérance dans les études supérieures : une délimitation conceptuelle problématique

L’étude de la persévérance scolaire sous-tend la question du sens de ce concept qui souffre actuellement d’un manque de consensus dans la littérature de recherche (Roland et al., 2015). La première partie de notre étude sur la persévérance s’attache donc à restituer les différentes compréhensions de la persévérance qui existent dans la recherche. D’abord, nous avons observé que certains chercheurs adoptent le point de vue selon lequel la persévérance dépendrait avant tout de l’étudiant et qu’elle se traduit non pas comme un sentiment mais comme une intention (Roy, 2005) ou une décision de persévérer (Deremer, 2002 ; Seidman, 2005). La persévérance aux études supérieures se comprend alors comme le fait de poursuivre ses études et lorsque les étudiants le décident, les auteurs emploient un terme différent de persévérance : la persistance (persistence en anglais). La persévérance ou la persistance illustrent alors l’idée selon laquelle l’étudiant se pose comme acteur rationnel qui fait le choix ou non de persévérer. En ce sens, c’est ce qu’il retire personnellement de son vécu et de son expérience institutionnelle qui peut le mener à vouloir continuer ses études ou, au contraire, à les cesser (Tinto, 2005). Le choix de persévérer peut être repéré à l’aide d’indicateurs tout au long de l’année universitaire comme le fait d’être investi académiquement lors des cours (participation, présentéisme important) et hors des études (en terme de quantité de travail personnel). Dans ce cas, la persévérance a une signification qui s’inscrit dans des approches théoriques plutôt motivationnelles et elle inclut une dimension spécifique à l’engagement qui est prise en compte pour expliquer la poursuite des études (Roland et al., 2015) en dépit de difficultés pouvant être rencontrées tout au long de l’année d’études (Lessard & Fortin, 2013 ; De Clerc et al., 2014 ; Neuville et al., 2013).

Le décrochage dans l’enseignement supérieur : vers un constat réciproque

Comme pour l’approche de la persévérance dans l’enseignement supérieur, le concept de décrochage des études supérieures peut être appréhendé de façon variable et pose également la question de la réussite et de l’échec académiques dans sa compréhension.

Dans le contexte spécifique de l’enseignement supérieur en France (Vasconcellos, 2006) , l’examen du décrochage des études supérieures s’insère le plus fréquemment dans la problématique d’abandon du premier cycle long et général à l’université car il y concentre les taux les plus importants d’étudiants sortant sans diplôme (RERS, 2014 ; Beaupère et al., 2007). Selon la SIES , le décrochage dans l’enseignement supérieur se définit par la non-réinscription des bacheliers inscrits en études supérieures dans le même cursus d’études supérieures, juste après l’obtention de leur baccalauréat. Le décrochage dans l’enseignement supérieur se distingue du décrochage scolaire dans les niveaux d’éducation précédents puisque le sortant sans diplôme de l’enseignement supérieur est détenteur d’un titre scolaire au moins équivalent au niveau de formation baccalauréat, CAP ou BEP. En d’autres termes, l’élève qui décroche du système scolaire sans un niveau de qualification professionnelle minimum requis par la loi, n’appartient pas à la même catégorie de décrocheur que les sortants sans diplôme post-secondaire .

La première définition du décrochage dans les études supérieures renvoie donc à une délimitation problématique du phénomène d’abandon des études car elle n’apporte aucun élément de précision sur le processus notamment sur la place de la réussite ou de l’échec académiques et celle de la réorientation. Sa définition peut donc être plurielle et dépend des structures qui le mesurent (Beaupère, Chalumeau, Gury & Hugrée, 2007). Prenons le cas de l’ « étudiant fantôme » (Legendre, 2002) qui n’informe pas sur le caractère volontaire de l’abandon : ce type d’étudiant en décrochage est invisible durant l’année universitaire mais pas administrativement. Un autre cas issu de la recherche française est celui du « sortant » (Stoeffler-Kern & Martinelli, 1998 dans CEREQ), il est question d’un étudiant qui a été inscrit dans une formation sans s’y réinscrire l’année suivante, ce qui rejoint la définition proposée par la SIES. Afin d’affiner le concept de décrochage dans l’enseignement supérieur, seul le suivi longitudinal de cohortes d’étudiants permet d’apporter des degrés de différenciation importants (RERS, 2014 ; Millet, 2012).

La persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur : des enjeux pluriels

A l’étranger comme en France, le décrochage et l’échec dans l’enseignement supérieur sont préoccupants pour les établissements de l’enseignement supérieur, principalement les formations dispensées dans le premier cycle long universitaire. Aux États-Unis ainsi qu’au Canada, le taux d’abandon en première année universitaire s’élève entre 20 et 25% (Grayson, 2003), au RoyaumeUni, on estime qu’un étudiant sur six quitte l’université avant la fin de la première année (Bennet, 2003). Quant à l’Australie, une enquête récente (Krause, Hartley, James & McInnis, 2005, Horstmanshof & Zimitat, 2004) révèle que 25 % d’étudiants interrogés ne pensent pas poursuivre leur première année à l’université au terme du premier semestre. Une étude comparatiste hors Québec montre que le décrochage dans l’enseignement supérieur est focalisé sur la première année à l’université, voire les premiers mois (Tremblay, 2005). D’autres études américaines (Tinto, 1993) et australiennes (Horstmanshof & Zimitat, 2004) convergent vers la même observation. Ces études confirment que la transition entre l’enseignement secondaire et supérieur est problématique. Ce n’est pas un hasard si de nombreuses revues américaines se sont spécialisées exclusivement aux étudiants débutants.

En France, les statistiques de l’enseignement supérieur et de la recherche convergent vers les mêmes constats et montrent également que le décrochage ne se focalise pas seulement sur les formations longues universitaires (RERS, 2014, 2015).

Les questions de la persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur représentent également un intérêt scientifique important puisque la recherche internationale sur le décrochage et la persévérance dans l’enseignement supérieur se traduit par plus de quarante années où l’abandon et la poursuite des études ont fait et font encore l’objet d’enquêtes, les États-Unis étant le pays le plus tôt investi dans ces thématiques de recherche (McNeely, 1937, Summerskill, 1962, Spady, 1970, Astin, 1977-85, Bean & Metzner, 1985, Tinto, 1975, 1993, 2005, Braxton, Millem & Sullivan, 2000, Cuseo, 2005), plus récemment le Royaume-Uni (Bennet, 2003, David & Elias, 2003), le Canada (Sauvé et al., 2006) et l’Australie (Krause, Hartley, James & McInnis, 2005, Horstmanshof & Zimitat, 2004). Les études empiriques et les théories confirment la complexité de ces deux processus dont les définitions varient d’un champ théorique et d’une discipline à un autre. La complexité s’exprime à travers les appréhensions différentes des phénomènes ainsi que dans les approches (voir chapitre suivant avec le classement des théories en 5 catégories, Tinto, 1992). Les autres pays francophones de l’OCDE en Europe (la France, la Belgique, la Suisse) et sur le continent américain (Canada, Québec) se sont intéressés aux deux phénomènes plus tardivement à partir de la fin des années 1980 surtout depuis que les gouvernements sont devenus de grands commanditaires de travaux de recherche d’abord pour le décrochage scolaire aux niveaux d’études de l’enseignement secondaire puis pour le supérieur, les transitions entre ces différents niveaux d’étude n’étant pas sans lien. En France, l’appel d’offres de recherche sur le processus de déscolarisation en décembre 1999 est particulièrement probant et montre comment les politiques se sont progressivement emparées de la thématique du décrochage qu’ils ont transformée comme véritable problématique institutionnelle dont la reconnaissance se manifeste entre autres par le nombre de dispositifs prévus afin de prévenir et de lutter contre des risques de décrochage (Bernard, 2014).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : DEFINITION ET ETAT ACTUEL DE LA PERSEVERANCE ET DU DECROCHAGE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
1. La persévérance dans les études supérieures : une délimitation conceptuelle problématique
2. Le décrochage dans l’enseignement supérieur : vers un constat réciproque
3. La persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur : des enjeux pluriels
4. Présentation et analyse des données statistiques nationales de la persévérance et de la réussite aux études supérieures
5. Conclusion du premier chapitre
Chapitre 2 : Approches théoriques de la persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur
1. L’explication psychologique
2. L’explication sociale ou sociologique
3. L’explication économique
4. L’explication organisationnelle
5. L’explication interactionnelle
6. Conclusion du deuxième chapitre
Chapitre 3 : Approches empiriques de la persévérance et du décrochage dans l’enseignement supérieur
1. Les facteurs personnels
2. Les facteurs familiaux
3. Les facteurs d’apprentissage ou scolaires
4. Les facteurs interpersonnels ou interactionnels
5. Les facteurs institutionnels et organisationnels
6. Conclusion du troisième chapitre
SOMMAIRE
Chapitre 4 : Délimitation du cadre théorique et présentation de la problématique de recherche
1. Définition de la persévérance retenue pour notre recherche
2. Délimitation théorique et opérationnelle des facteurs explicatifs de la persévérance institutionnelle
2.1. Modèle de l’intégration étudiante de Tinto (1997)
2.2. Le type d’études (Lahire, 1997)
3. Conclusion de ce chapitre présentant la problématique de recherche
Chapitre 5 : Méthodologie de recherche
1. Accès au terrain de recherche
2. La passation des entretiens
3. Notre terrain de recherche : quatre lycées implantés en zone rurale de l’académie de la Côte d’Or
4. Présentation de notre échantillon
5. Outil de notre recherche : les entretiens semi-directifs
6. La déontologie
7. Protocole d’analyse
8. Les critères de scientificité appliqués à notre recherche
Chapitre 6 : Résultats et discussion du premier corpus d’entretiens
1. Codage de premier niveau des données textuelles
2. Codage de second niveau : le codage thématique
3. Analyse descriptive du premier corpus : décrire et explorer les différents processus d’élaboration de projet d’études et professionnel
3.1. Analyse thématique fréquentielle
3.1.1. D’où viennent les informations pour définir le projet d’études et/ou professionnel des lycéens ?
3.1.2. Quelles sont les difficultés rencontrées par les lycéens lors de l’élaboration de leur projet ?
SOMMAIRE
3.1.3. Les motivations des lycéens : pour quelles raisons les lycéens décident-ils de suivre telle formation au sein de l’enseignement supérieur ?
3.1.4. Quelles sont les représentations de l’enseignement supérieur des lycéens ?
3.1.5. Quels sont les types de projets scolaires et professionnels des lycéens ?
3.1.6. Quel est le statut et l’implication de la famille du lycéen dans l’élaboration du projet post-baccalauréat du lycéen ?
3.1.7. Quel a été le rapport à la scolarité des lycéens rencontrés ?
3.2. Typologie des lycéens en fonction de leur projet
3.2.1. Projet professionnel
3.2.2. Projet scolaire
3.2.3. Projet contraint
4. Comprendre le type de persévérance à partir des caractéristiques de pré-admission
4.1. Comment se caractérisent les quatre types de persévérance indépendamment les uns des autres ?
4.1.1. La persévérance au sein du même cursus et la réussite en tant que validation de la première année
4.1.2. La persévérance malgré l’échec académique
4.1.3. Se réorienter en ayant été en échec académique
4.1.4. Se réorienter malgré la réussite académique
4.2. Les quatre formes de persévérance se différencient-elles en fonction des caractéristiques de pré-admission ?
4.2.1. Être bon élève et aimer l’école : un garant de la réussite et de la persévérance aux études supérieures ?
4.2.2. La famille et le projet : son implication plus importante que son statut pour expliquer la réussite et la persévérance
4.2.3. La difficulté d’établir un lien entre le type de projet, la réussite et la persévérance
5. Conclusion générale, limites et perspectives de recherche concernant les résultats du premier corpus – chapitre 6
CONCLUSION GENERALE

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