Mettre en place un environnement inclusif grâce à la représentation en littérature jeunesse

Met tre en place un environnement inclusif grâce à la représentation en lit térature jeunesse

Quand la fiction se fait le miroir de la société

On dit souvent que la fiction est le reflet de la réalité. Un reflet partiel, parfois déformé, mais susceptible de l ’ éclairer d’une certaine façon. Et si le contraire était possible, et que la fiction devenait le miroir de la réalité ? En quoi la fiction permettrait-elle alors de mener une réflexion sur notre société ?
A l ’ occasion du Festival des Cultures LGBT de Paris (organisé par le centre LGBT de Paris) ayant eu lieu à la bibliothèque Marguerite Audoux en 2018 s’ est tenu une table ronde sur le thème Représentation LGBT et Littérature jeunesse.
Animée par Cordélia, écrivaine et vidéaste; Marie, vidéaste étudiant les différentes représentations dans les productions médiatiques; Anne Fleur Multon, auteure de la série Allô Sorcières; Doha, bibliothécaire et auteure de Fille d’album, un blog regroupant des ressources pour une littérature jeunesse antisexiste ainsi qu’Hélène Brézac, maîtresse de conférence en SIC, étudiant les représentations dans les séries TV et les médias de manière générale. Les intervenantes sont revenues tour à tour sur leur vision de la représentation LGBT en littérature jeunesse, son évolution, mais également sur la question de proposer une “bonne” représentation.
Lors de cette table ronde, elles sont revenues dans un premier temps sur l ’importance de proposer des hér.os.oïnes LGBT+ dans la littérature dès la petite enfance en s’appuyant sur trois idées : d’une part, le besoin en tant que lecteur. trice d’ être représenté.e, ainsi que d’avoir à sa disposition une diversité de représentations (du monde, du couple, de la famille, des identités …) pour se défaire de la norme hétérosexuelle qui se déploie dès la petite enfance. D’autre part, la représentation LGBT peut aussi être une demande faite par les adultes afin d’accompagner le développement des enfants, comme c’ est le cas pour les professionnel.le.s de crèches ou les éducateur. trice.s au sens large. Enfin, l ’importance des représentations en littérature jeunesse renvoie à ce qu’ on appelle en philosophie et en sociologie les théories de la reconnaissance, soit le besoin de reconnaissance sociale, le besoin d’ être considéré.e comme existant.e au sein d’une société. Il existe une diversité de personnes et de vécus différents au sein de notre société, et cette diversité ne se retrouve pas ou très peu dans les productions culturelles : on assiste à une sur-représentation des modèles cisgenre et hétérocentrés, de la famille nucléaire, des personnes valides et principalement blanches. Par conséquent, on assiste aussi à une sous-représentation, une invisibilisation des personnes appartenant à des minorités raciales, sexuelles ou de genre. Cette invisibilisation est une forme de pression, de négation de leur existence. Les théories de la reconnaissance vont mettre en exergue ce besoin de représentation, considéré comme ayant une place centrale dans le développement de l ’ estime de soi. Anne Poénot, étudiante en licence professionnelle Bibliothèques et Documentation, dans son article L ’album jeunesse au service de la banalisation des sujets LGBTQ+ met en avant la nécessité d’ être considéré.e.s comme existant.e au sein d’une société et désigne l ‘invisibilisation comme étant une “négation de l ’ existence d’un modèle. ”
Ainsi, avoir accès à une littérature jeunesse représentative des personnes et vécus LGBT apparaît comme étant primordial afin de redonner à la communauté LGBT une légitimité, un héritage social qu’ elle peine à faire reconnaître, mais également pour prévenir le développement de comportements homophobes chez les enfants (et plus tard en tant qu’adulte), ou dans une moindre mesure des moqueries, de l ’incompréhension, qui peuvent aller jusqu’à des violences.
Puis, elles ont abordé la question de l ’ évolution de la représentation LGBT dans les rayons de littérature jeunesse, en essayant de déterminer depuis quand on trouve plus de hér.os.oïnes LGBT . Les intervenantes mettent en avant le fait que beaucoup de livres publiés au début des années 2000 qui n’avaient pas été écoulés sont ré-imprimés ces dernières années. Pour les romans, l ’apparition de personnages LGBT débute à la fin des années 80 voir au début des années 90, principalement par le biais de traductions de romans américains, et se développe réellement depuis les années 2000 sur la question de l ’homosexualité. Pour latransidentité en revanche, il faudra attendre 2015.
Pour les albums, on remarque un décalage d’une dizaine d’années : on commence au tournant des années 2000 avec un premier album qui utilise le mot homosexuel Marius à l ’atelier du poisson soluble (écrit par Latifa Margio et illustré par Stéphane Poulin, 2001), avec une tendance qui s’accélère depuis 2010. Doha, bibliothécaire et auteure de Fille d’album, un blog regroupant des ressources pour une littérature jeunesse antisexiste, dresse le constat que la représentation LGBT en littérature jeunesse est essentiellement portée par des petits éditeurs. Au niveau du contenu, elle met en avant trois catégories : des livres traitant d’homoparentalité, fonctionnant comme des “ catalogues de famille” avec une visée éducative; des contes de fée, ainsi que des histoires d’amour entre enfants de même genre, très peu représentées. Cependant, ces représentations de l ’homoparentalité tendent à produire l ’inverse de l ’ effet escompté en retombant dans des stéréotypes hétéronormatifs, comme l ’avance Anne Poénot : […] On remarque que le sujet est souvent le même : une famille homoparentale, témoignant de l ’ existence de schémas familiaux différents mais stéréotypés pour rentrer dans les codes d’une famille normale. On peut citer l ’ exemple de Jean a deux mamans : une maman rassurante, qui cuisine et fait des câlins, l ’autre qui bricole et répare. Cette famille homoparentale répète alors, malgré sa différence, un schéma hétéronormé où l ’un des individus possède uniquement des stéréotypes attribués généralement aux hommes et l ’autre des stéréotypes dits féminins. ”
La seconde catégorie réunit des contes de fée, renversant le schéma traditionnel patriarcal et hétérocentré de ces derniers, tout en reprenant les codes habituels du conte, une forme très prisée chez les enfants. On peut notamment citer l ’album La princesse qui n’aimait pas les princes d’ Alice Brière-Haquet, illustré par Lionel Larchevêque. Cet album édité aux éditions Actes Sud dans la collection
Encore une fois… reprend les codes classiques du conte avec des sujets tels que le mariage d’une princesse, l ’intervention de personnages fantastiques comme les fées, avec un trait humoristique.
Bien que quelques aspects du conte soient discutables, notamment en terme de stéréotypes du genre, Alice Brière-Haquet nous offre avec cet album une belle réappropriation du conte. Cerise sur le gâteau : l ’histoire commence par « il était une fois » et se termine par « elle vécurent heureuses ». « Elles ne purent pas vraiment se marier, et pour faire des bébés ce fut un peu compliqué… Mais toutes les deux, elles vécurent très heureuses. Et c’ est ainsi que doit s’achever tout véritable conte de fées. »
Enfin, Doha évoque le sujet des histoires d’amour entre enfants de même genre, qui recourent à la douceur pour banaliser l ’amour homosexuel, mais sont très peu présentes en littérature jeunesse. Elle dresse ainsi le constat que certains sujets restent absents de la littérature jeunesse, tels que la bisexualité ou la transidentité, le signe qu’il reste du chemin à faire vers une littérature jeunesse réellement représentative des diversités. La question de l ’ évolution de la représentation LGBT dépend aussi d’ où l ’ on se place dans la francophonie, et si on parle de littérature traduite ou d’œuvres publiées en langue française. Par exemple, au Québec, cela fait plus de dix ans qu’ on trouve dans les salles de classe des boîtes à livre avec des ouvrages traitant d’homosexualité, de transidentité etc.
Cependant, cela ne fait pas tout d’avoir des œuvres de littérature jeunesse représentant des personnages LGBT , car faut-il encore qu’ils soient bien représentés. Hélène Brézac, maîtresse de conférence en SIC, étudiant les représentations dans les séries TV et les médias de manière générale, met ainsi en avant les stéréotypes les plus récurrents chez les personnages LGBT : une représentation de l ’homoparentalité reproduisant des stéréotypes hétéronormatifs (comme évoqué précédemment dans le cas de Jean a deux mamans); l ’idée selon laquelle le fait de se sentir appartenir à la communauté LGBT en tant qu’adolescent.e est seulement une passade ou une phase de questionnement qui ne va pas durer a été popularisée dans les années 2000; et enfin la méchanceté attachée aux personnages LGBT , souvent pour exprimer la souffrance, prouvant encore une fois la méconnaissance des auteur.e.s sur les enjeux qu’ ont leurs représentations sur les lect.eur.rice.s.
Marie, vidéaste étudiant les différentes représentations dans les productions médiatiques, revient sur cette question de la “bonne” représentation et met en avant trois critères de représentation aidant à évaluer la qualité des représentations proposées. Déjà, elle rappelle l ’importance pour les producteur.rice.s de contenus de se fier aux retours du public, mais surtout d’écouter les retours des concerné.e.s. Puis, elle met en lumière la nécessité de documenter, c’ est-à-dire de vérifier et d’ exposer clairement le travail de recherche effectué sur le sujet, avec l ’intervention en prime de personnes concernées dans le processus d’ écriture. Enfin, elle revient sur la nécessité de dépasser la représentation d’un personnage “tolkien” , sur laquelle on reviendra par la suite.
La représentation a longtemps été portée par les petites maisons d’édition, bien que ce phénomène tende à disparaître ces dernières années avec l ’apparition d’histoires LGBT chez des maisons d’ édition plus importantes telles que Pocket Jeunesse ou Hachette, mais aussi avec la montée en puissance des maisons d’ édition spécialisées dans les ouvrages LGBT telles que Kaléidoscope ou les éditions du Remue-Ménage. Ce phénomène s’ explique par l ’idée de contrainte et de prise de risque longtemps associée à la représentation LGBT , qu’aborde également Anne Poénot :
“Il est évident que l ’ édition d’ ouvrages jeunesse a un but commercial : il faut vendre. Or l ’homosexualité ou la transidentité sont des sujets controversés dans notre société actuelle, des sujets que l ’ on considère comme délicats d’autant plus auprès des enfants. Un deuxième constat s’impose alors à nous : aujourd’hui, la production d’albums jeunesse évoquant l ’homosexualité, la bisexualité, l ’asexualité ou la transidentité relève de la prise de risque pour les maisons d’ édition. Le paysage éditorial est le reflet de notre société et nous montre clairement ici que malgré l ’impression que l ’homosexualité est globalement socialement acceptée, elle ne l ’ est en réalité pas vraiment. Sans même évoquer la transidentité qui est pour le moment encore nouvelle dans l ’imaginaire collectif, bien qu’ étant elle aussi une réalité sociale depuis bien longtemps.”
La vidéaste fait aussi mention des Comités de lecture organisés aux Etats-Unis avant la sortie d’un livre, afin d’ informer les auteur.e.s sur la représentation, où plutôt le manque de représentation dans leurs textes. Cela permet d’ éviter les personnages “tolkien” cités auparavant, qui donnent l ’impression que certain.e.s auteur.e.s respectent plus les lieux que les personnages qu’iels représentent. Elle donne pour exemple une histoire se déroulant dans un lycée, que le.la lecteur.rice va être amené.e à découvrir dans sa globalité (les différents lieux, acteurs, les dynamiques entre les groupes d’ élèves), avec un.e hér.os.oïnes bisexuel.le dont la bisexualité ne sera plus évoquée après la présentation initiale du personnage. Ces comités de lecture rassemblent la plupart du temps des personnes concernées, c’est-à-dire faisant partie de la communauté LGBT . Cependant, l ’ équivalent n’ existe pas en France car ces comités sont considérés comme une contrainte vis-à-vis de la liberté d’ expression et de la conception traditionnelle de l ’ écriture comme étant une possession, un processus personnel de l ’auteur.e.
Par conséquent, certains livres se retrouvent sur le marché en ayant une représentation faussée des personnes LGBT . Ce phénomène est par ailleurs significatif du processus d’ édition, durant lequel à aucun moment s’ est posée la question de la représentation. Cependant, Anne Fleur Multon, auteure de la série Allô Sorcières, insiste sur l ’aspect enrichissant pour les écrivain.e.s d’inclure des personnages LGBT . Elle met en avant le rôle primordial des écrivain.e.s, qui ont pour devoir de faire l ’ effort de ne plus voir l ’inclusion de personnages LGBT+ comme contraignante; mais au contraire de mettre en avant la richesse qu’iels apportentaux histoires écrites.

Engager les élèves dans la lutte contre les LGBT phobies

L ’approche majoritaire à l ’Ecole, qui passe par le biais d’une éducation à la tolérance, comme évoquée précédemment, pourrait être remplacée par la mise en place d’une pédagogie critique de la norme (ou PCN). Cette approche, démocratisée par le pédagogue brésilien Paulo Freire et ses travaux sur l ’alphabétisation des classes populaires, considère le savoir comme un outil qui permet de gagner en indépendance, mais aussi de réfléchir à la dynamique entre privilège et oppression.
La visée de la PCN est de conscientiser les privilèges des classes dominantes, ainsi que de rendre visible les normes et les oppressions qui en découlent.
La deuxième hypothèse formulée était que la littérature jeunesse représente un point d’accès et de mobilisation de l ’attention des élèves, à travers la didactique et les pédagogies info-documentaires, permettant la conscientisation des stéréotypes, aussi bien chez les élèves que chez les enseignant.e.s. La pédagogie critique de la norme est reprise dans l ’ enceinte scolaire avec la mise en place d’une éducation critique aux médias et à l ’information, qui met en lumière les dynamismes de pouvoir entre celleux qui maîtrisent l ’accès à l ’information et celleux qui sont dans une démarche passive de réception. L ’ éducation critique aux médias et àl ’information vient renverser cette tendance en donnant les clés aux élèves pour analyser les supports médiatiques ainsi que la littérature, le cinéma, la publicité qu’iels consomment et qui les entourent au quotidien; l ’hypothèse énoncée précédemment étant donc vérifiée. Le processus de conscientisation des stéréotypes est lié à ce que la maître de conférences en Sciences de l ’Information et de la Communication Y olande Maury désigne par la notion d’ empowerment : “Il s’agit pour l ’ école, idéalement, d’aller au-delà des pédagogies à dominante transmissive, et de permettre aux élèves de vivre des situations complexes, des expériences « empouvoirantes » (Freire, 2013 [2006]), dans un processus actif de construction personnelle, porté par un projet de transformation de la société, et incluant les dimensions sociales et politiques (Liquète & Maury , 2007). ”
La PCN apparaît comme un moyen de créer un environnement scolaire bienveillant et réellement inclusif, par le biais d’un travail sur les modèles dominants et les rapports de pouvoir qui en découlent. De nombreux supports pédagogiques ont émergé de la PCN, tels que le manuel BREAK THE NORM! produit par The Living History Forum and RFSL Ungdom (la Fédération Suédoise pour les droits des jeunes lesbiennes, gay , bisexuel.le.s et personnes transgenres).
Ce dernier propose une série d’ exercices mettant en lumière le rôle des classes dominantes et les normes, notamment hétérosexistes. On peut par exemple citer l ’ exercice “Guess who’ s straight” (“Devines qui est hétéro”) : on dispose sur une table à la vue de tous des photos de personnes. Chaque élève choisit une personne qu’iel pense être hétéro. Chacun.e leur tour iel parle de la photo qu’iel a sélectionné et explique son choix. Sur le tableau sont notés les mots utilisés pour décrire les personnes, comme “masculin” , “macho” , “maquillage” , “féminin” . Les élèves sont ainsi amené.e.s à réfléchir sur la présomption d’hétérosexualité, sur la façon dont nos préconceptions de la fémininté et de la masculinité influencent la manière dont on considère l ’homosexualité; ainsi qu’à étudier comment la société prend differemment en compte l ’ orientation sexuelle selon la couleur de peau, la classesociale ou le fait que la personne concernée soit porteuse d’un handicap ou pas.
Lorsqu’ on remet en question l ’hétéronormativité, la discussion bascule facilement sur l ’homosexualité, ce qui perd de vue l ’ objectif principal de la pédagogie critique de la norme, à savoir remettre en question la norme, et donc les dominant.e.s plutôt que les dominé.e.s. Il s’agit de garder en tête que parler de ce qui dévie de la norme renforce l ’hétéronormativité et, par conséquent, ce qui est considéré comme anormal. Par exemple, l ‘énoncé d’un commentaire tel que “les femmes lesbiennes sont souvent masculines” implique que les femmes hétérosexuelles ne le sont pas.
On peut alors revenir, en groupe, sur la raison pour laquelle il est plus facile de parler des comportements déviants à la norme plutôt que de la norme en elle-même. Dans ce contexte de discussion ouvert, toute réponse ou résistance à l ’ exercice de la part des élèves est sujet à de la déconstruction.
L ’ exercice du “Scavenger hunt” (chasseur.euse de têtes) a pour but de démontrer quels types de personnes sont représentés ou pas dans les médias, et comment iels le sont. Les élèves reçoivent une sélection de magazines et de publicités et par groupe, iels doivent retrouver le plus de personnes possibles listées dans un tableau (comme par exemple une personne qui peut passer pour un homme et une femme, une femme masculine, un homme blanc dans une position de pouvoir, une personne avec un handicap visible …). Les élèves sont réparti.e.s par groupes de 3 et chacun.e doit noter comment iel a trouvé telle personne afin de pouvoir l ’ expliquer aux autres par la suite. Les élèves mènent leur travail de groupe pendant une quinzaine de minutes puis on effectue une mise en commun des résultats trouvés en notant combien de groupes ont trouvé telle personne de la liste fournie. Après avoir récolté leurs résultats, on revient sur chaque personne listée et on examine quels ont été leurs critères pour identifier cette personne : quelle était leur définition d’une personne hétérosexuelle ? D’un étranger ? La personne qu’iels ont identifiés comme étant hétérosexuelle pourrait-elle en réalité être bisexuelle mais également être dans une relation avec une personne du sexe opposé ? Il s’agit de prendre en compte l ’ ensemble des perspectives et solutions apportées par les élèves, et d’ encourager la réflexion collective autour de leurs perceptions personnelles : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Dans certains cas, une personne de la liste sera trouvée très facilement dans les supports fournis, mais il faudra parfois lire entre les lignes ou faire des suppositions pour en trouver d’autres. On analysera ensuite les questions de norme et de hiérarchisation grâce à des questions telles que quelle(s) personnes les élèves ont-iels trouvé.e.s en premier ? Pour quelles raisons ? Certaines personnes étaient-elles plus difficiles à trouver que d’autres ? Quelles personnes n’ ont-iels pas trouvés ? Cet exercice permet de mettre en lumière le fait qu’ on associe des groupes sociaux aux personnes représentées en fonction de leur apparence grâce à un processus d’assignation. Se questionner sur ce processus permet de déconstruire la façon dont fonctionne cette assignation et amène à un travail sur la notion de “passing” (passer pour/ avoir l ’air de), à savoir la lecture sociale d’une personne faite par autrui comme un processus actif et qui varie. A l ’inverse, ce travail permet aussi de voir qui est représenté dans la presse, la publicité, et on peut même envisager d’ ouvrir le travail aux manuels scolaires par exemple.
L ’ exercice du “Before, During, After ” (avant, pendant, après) consiste à dessiner deux cases sur un tableau, une case “féminin” et une case “masculin” , que les élèves remplissent en faisant des propositions qu’iels attribuent à une case plutôt qu’à une autre. Cet exercice permet de les amener à réfléchir sur ce qui est sociétalement désigné comme étant des caractéristiques féminines ou masculines, et engager une réflexion sur ces dernières, à l ’aide d’un questionnement sur les effets d’une transgression de ces cases. En mobilisant les stéréotypes de genre, onamène les élèves à s’interroger sur les raisons pour lesquelles les femmes qui “piochent” du côté masculin sont-elles mieux vues que les hommes qui “piochent” du côté masculin ? Quels avantages a-t-on d’adhérer au côté féminin quand on est une femme / masculin quand on est un homme ? Que se passe-t-il quand une personne est difficile à “lire” , soit qu’ on ne peut pas la ranger directement dans une de ces cases ?
Ces exercices peuvent être réalisés dans le cadre d’un enseignement pluridisciplinaire et transversal, et s’inscrivent avant tout dans le règlement intérieur de chaque établissement, comme le rappelle la circulaire n° 2011-112 du 1er août 2011 qui précise que le « refus de tout propos ou comportement à caractère raciste, antisémite, xénophobe, sexiste et homophobe » est obligatoire. De plus, l ’homophobie est inscrite en tant qu’ objet d’ enseignement dans les programmes d’ enseignement moral et civique dès le cycle 2 (« Le respect des autres dans leur diversité »). Le sujet de la transphobie est quant à lui introduit dans le programme d’EMC du cycle 4.
Les programmes d’ enseignement du lycée permettent aussi d’aborder les sujets de l ’homophobie, de la transphobie et de l ’ évolution des droits des personnes LGBT , bien que ces sujets ne soient pas formalisés tels quels dans les programmes. Lesquestions relatives à l ’ orientation sexuelle et affective ainsi qu’à l ’identité sont également inscrites dans les objectifs de l ’ éducation à la sexualité. L ’ éducation auxmédias et à l ’information apparaît comme un enseignement privilégié de la lutte contre les LGBT phobies et participe activement à la déconstruction des stéréotypes hétéronormatifs. Grâce à un travail sur la compréhension des mécanismes de diffusion des stéréotypes par les médias, les élèves sont amené.e.s à comprendre le processus de conditionnement et d’ancrage des stéréotypes mis en place lorsqu’iels consomment, sans recul critique, des contenus médiatiques.
Plus généralement, les sujets relatifs à l ’ orientation et à l ’identité sexuelle, aux stéréotypes de sexe et aux discriminations peuvent être abordés dans l ’ ensemble des disciplines tout au long de la scolarité des élèves, comme définit par la circulaire n° 2018-111 du 12 septembre 2018. Le portail des professionnel.le.s de l ’ éducation Eduscol avance dans sa page “ Agir à l ‘École contre les LGBT phobies : leviers et ressources utiles” : “En effet, les personnes LGBT ne doivent pas seulement être évoquées pour dénoncer les violences dont elles sont victimes : elles peuvent aussi être positivement citées pour leur contribution à la littérature, à l ’histoire ou aux arts (par exemple : histoire de la dépénalisation de l ’homosexualité ou encore l ’ étude de la conquête des droits). Car la visibilité est un levier puissant pour faire reculer l ’homophobie et la transphobie. ” Enfin, la Journée mondiale de lutte contre l ’homophobie et la transphobie, organisée tous les 17 mai depuis 2005 peut ancrer et donner de la visibilité à la lutte contre les LGBT phobies en établissement scolaire. Cette date, symboliquement choisie car marquant la suppression de l ’homosexualité de la liste des maladies mentales par l ’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a pour but de dénoncer l ’ ensemble des discriminations faites aux personnes LGBT et de promouvoir des actions de sensibilisation. Moment fort de visibilité et de solidarité avec les jeunes LGBT , cette journée doit devenir dans les établissements unmoment privilégié de déconstruction des stéréotypes hétéronormatifs permettant d’aborder les enjeux de la lutte contre les LGBT phobies. On peut imaginer lancer à cette date une “alliance” , inspirée des mouvements développés dans les établissements scolaires, principalement américains, des « alliances gay-straight », qui sont des groupes de réflexion ou des clubs sur les questions de genre, d’ orientation et d’identité sexuelle. Dirigés par des élèves volontaires, ces groupes fournissent un lieu sûr où les jeunes, LGBT ou pas, peuvent échanger, se soutenir mutuellement et discuter des enjeux liés aux LGBT phobies et au sexisme. Ce type d’initiative doit être encouragée et accompagnée par l ’ équipe éducative afin de favoriser l ’ engagement et l ’implication des élèves dans la lutte contre les LGBT phobies, de privilégier le dialogue entre pairs et d’atténuer l ’isolement parmi les élèves LGBT.

L ’ intégration des questions Queer en éducation

Les freins actuels à une éducation pleinement inclusive

La sociologue du genre Gabrielle Richard dresse deux constats sur le climat scolaire et l ’homophobie dans son article Il y a au moins trois gais dans la classe (Apports d’une analyse des pratiques enseignantes pour comprendre l ’hétéronormativité, 2016) : d’une part, la violence homophobe est omniprésente dans les interactions des enfants et des adolescent.e.s. Elle décrit ce phénomène avec : “Il est question de violences quotidiennes (insultes, rumeurs, étiquetage) et épisodiques, qui briment l ’intégrité physique, sexuelle ou virtuelle des élèves ciblés. ”
D’autre part, les victimes d’homophobie à l ’ école ne sont pas uniquement les jeunes s’identifiant comme lesbiennes, gais ou bisexuel.le.s, ou en questionnement; mais elles regroupent une diversité d’ élèves, sans égard à leur auto-identification en matière d’ orientation sexuelle. L’École apparaît donc comme un lieu majeur de développement par les élèves d’une identité genrée et sexuée. Ainsi, les normes qui y perdurent et sont encouragées à la fois dans les interactions entre pairs, par la célébration de celleux qui conforment aux attentes traditionnelles de genre et réprimandent de celleux qui y dérogent. Les insultes et violences LGBT phobes seraient donc le reflet de l ’inadéquation à l ’ expression de genre attendue. Dans le corps enseignant, elles apparaissent comme des termes banalisés, sanctionnés uniquement par un rappel à l ’ ordre appuyé du règlement intérieur. Ces comportements sont égalementrenforcés par le corps enseignant, qui entretiennent leurs propres attentes genrées à l ’ égard de leurs élèves, qui transparaissent dans certaines de leurs pratiques pédagogiques.

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Table des matières
Introduction 
Partie 1 : Lut ter contre les LGBT phobies : un enjeu de société, une mission de l ’École 
1.1 L’École, berceau de l ’hétéronormativité : la réalité des LGBT phobies dans les établissements scolaires
1.2 Déconstruire l ’hétéronormativité afin de mieux identifier les comportements homophobes et transphobes
Partie 2 : Met tre en place un environnement inclusif grâce à la représentation en lit térature jeunesse
2.1 Quand la fiction se fait le miroir de la société
2.2 Engager les élèves dans la lutte contre les LGBT phobies
Partie 3 : L ’ intégration des questions Queer en éducation 
3.1 Les freins actuels à une éducation pleinement inclusive
3.2 Engager l ‘École dans la déconstruction de l ’hétéronorme
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes 

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