Méthodes probabilistes pour l’analyse des tolérances des systèmes mécaniques

Modèles géométriques des mécanismes

   Cette section présente la façon de modéliser les écarts géométriques des pièces ainsi que les jeux entre les surfaces des différentes pièces. C’est une première étape essentielle pour pouvoir simuler le comportement du mécanisme. Les imperfections de fabrication engendrent des défauts de la géométrie des mécanismes. La modélisation des défauts se base sur une modélisation de la pièce avec défauts, celle imaginable après les opérations de fabrication. La géométrie d’une pièce peut être appréhendée via différentes modélisations, voir Figure 1.1 :
⋄ Surface nominale : surface parfaite (plan, cylindre,. . .) dont les dimensions et la position correspondent idéalement aux dimensions de conception.
⋄ Surface non-idéale (skin model) : modélisation de la surface obtenue par le processus de fabrication, représentant l’interface entre l’environnement et la matière.
⋄ Surface de substitution : surface parfaite associée à la surface fabriquée. Cette modélisation néglige les défauts de forme. La surface de substitution peut être choisie tangente à l’intérieure matière, à l’extérieure matière ou encore obtenue par la méthode des moindres carrés.
Le paramétrage des défauts peut être défini entre :
⋄ la géométrie nominale et une représentation mathématique de la géométrie non idéale [Samper et al., 2009; Schleich et Wartzack, 2014; Anwer et al., 2014].
⋄ la géométrie nominale et la géométrie de substitution.
Hypothèse de travail : Les défauts de forme sont négligés. Nous nous plaçons dans les cas où les défauts de forme ont un impact négligeable sur le comportement des mécanismes. Cette hypothèse a été en partie validée par Adragna et al. [2010] lorsque les jeux sont d’un ordre de grandeur supérieur. Dans ce cas, il existe deux types d’écarts géométriques modélisant les défauts, dont voici leurs définitions.
Définition 1.2.1 Les écarts intrinsèques sont spécifiques à chaque surface de substitution, ils définissent les variations dimensionnelles de la surface. Par exemple, l’écart intrinsèque d’un cylindre de substitution correspond à la variation du diamètre de ce cylindre.
Définition 1.2.2 Les écarts de situation définissent l’écart d’orientation et de position d’une surface de substitution par rapport à un repère de référence associé à la géométrie nominale. Quels que soient leurs types, les écarts géométriques sont modélisés par des variables notées x = {x1, . . . , xn}. Les tolérances spécifiées sur les composantes particulières du mécanisme ont pour objectif de limiter les écarts géométriques. Suivant la méthode d’analyse des tolérances, les écarts géométriques autorisés vis-à-vis des tolérances sont définis soit via un domaine de variation admissible soit via des variables aléatoires qui modélisent les imperfections de fabrication. Dans le cadre de ces travaux de thèse, la seconde modélisation est préférée car l’objectif est d’utiliser des approches probabilistes. Étant donné que les écarts géométriques sont modélisés par un vecteur aléatoire, il est nécessaire lors de l’analyse des tolérances de vérifier :
⋄ La montabilité du mécanisme,
⋄ le respect des exigences de fonctionnement ou fonctionnelles du mécanisme,
⋄ le respect des spécifications géométriques

Formalisations et approches des problèmes d’analyse des tolérances des mécanismes hyperstatiques

   L’objectif principal de l’analyse des tolérances est de pouvoir calculer le niveau de qualité du produit pour des tolérances de conception données. Les méthodes d’analyse doivent donc utiliser une formalisation mathématique la plus représentative de la réalité, capable de prendre en compte les écarts géométriques et les jeux dans le calcul. Il existe deux approches distinctes pour formaliser les problèmes d’analyse des tolérances : l’accumulation des tolérances et l’accumulation des déplacements. Quelle que soit l’approche utilisée, le calcul du niveau de qualité d’un mécanisme fait intervenir deux notions : celle de la montabilité du mécanisme et celle de sa fonctionnalité. Ces deux conditions sont définies de la façon suivante.
Définition 1.2.4 Condition d’assemblage : un mécanisme avec jeux doit pouvoir s’assembler malgré les écarts géométriques et sans qu’il y ait d’interpénétration entre ses pièces.
Définition 1.2.5 Condition fonctionnelle : les variations maximales et/ou minimales d’une ou plusieurs caractéristiques fonctionnelles, dues aux écarts géométriques et aux jeux, ne doivent pas dépasser un certain seuil pour garantir le bon fonctionnement du mécanisme, à condition qu’il soit montable. Les deux approches d’analyse des tolérances se basent sur deux techniques différentes. L’accumulation des tolérances définit des domaines de variation admissibles sur les écarts géométriques et les jeux [Bhide et al., 2005; Davidson et Shah, 2012; Giordano et Duret, 1993; Giordano et al., 2005]. Elle se base principalement sur la méthode d’analyse au pire des cas. Elle est présentée dans la sous-section 1.2.4.1. L’approche d’accumulation des déplacements est décrite dans la sous-section 1.2.4.2. La technique consiste à définir des contraintes sur les paramètres [Qureshi et al., 2012; Dantan et Qureshi, 2009]. Elle se base sur la méthode d’analyse statistique. La figure 1.5 montre le classement des méthodes actuelles d’analyse des tolérances en fonction du type de mécanisme étudié. Il existe actuellement peu de méthode basées sur des approches probabilistes pour l’analyse des tolérances des mécanismes hyperstatiques, excepté les méthodes développées par Qureshi et al. [2012] et Beaucaire et al. [2013] ainsi que Ballu et al. [2008] dans le cas où la fonction f est explicite.

Avantages et inconvénients de la méthode FORM 

⋄ Lorsque la fonction de performance est linéaire et fonction de variables aléatoires Gaussiennes, la méthode FORM permet de calculer la valeur exacte de la probabilité de défaillance.
⋄ La méthode FORM peut retourner une mauvaise approximation de la probabilité de défaillance dans certains cas où la fonction d’état-limite est fortement non linéaire ou si plusieurs points P∗ sont à prendre en compte. Une solution habituellement utilisée est de valider les résultats par la méthode de simulation par tirages d’importance (voir sous-section 1.3.2.2).
⋄ Un atout de cette méthode est que le calcul de l’indice de fiabilité par les algorithmes HLRF ou iHLRF est économique. Le nombre d’appels à la fonction de performance n’est pas excessif car ils convergent assez rapidement (en général moins de 100 itérations). La convergence est fonction du nombre de variables et non de l’ordre de grandeur de la probabilité. C’est une méthode très économique lorsque la fonction de performance est très coûteuse en temps de calcul.
⋄ Une variante de la méthode FORM par une forme simplifiée analytique est la méthode SORM qui, à l’instar de la méthode FORM, approxime la fonction d’état limite. Cependant la méthode SORM la remplace par une hyper-surface d’ordre 2 [Lemaire, 2009; Ditlevsen et Madsen, 1996]. La formule de Breitung permet de prendre en compte la courbure de la fonction d’état limite en P∗ dans le calcul de Pd. L’amélioration de l’évaluation de la probabilité de défaillance est sensible mais la prise en compte des courbures rend cette méthode plus coûteuse en temps de calcul que la méthode FORM.

Krigeage

   Le krigeage est une méthode de modélisation issue de la géostatistique minière. Il fut introduit par l’ingénieur minier ud-africain Krige [1951], le formalisme mathématique est cependant l’œuvre du français Matheron [1962]. Le krigeage possède des variantes telles que le krigeage avec erreurs de mesures [Roustant et al., 2010], le cokrigeage [Wackernagel, 2003], le krigeage d’indicatrices [Journel, 1983] ou encore le krigeage disjonctif [Matheron et al., 1976]. Ces variantes ne seront pas développées par la suite. Le krigeage est une méthode d’interpolation spatiale qui permet d’obtenir le meilleur prédicteur linéaire non biaisé (Best Linear Unbiased Predictor, BLUP). Cette technique possède plusieurs particularités intéressantes :
⋄ elle interpole exactement les points du plan d’expériences, c’est-à-dire que les prédictions passent obligatoirement par ces points (définissant le modèle de krigeage).
⋄ elle fournit un estimateur de confiance local sur la valeur prédite via la variance de krigeage.

Formulation d’un problème d’optimisation auxiliaire

   La condition d’assemblage générale du problème d’analyse des tolérances comme elle est définie dans la sous-section 1.2.4.2 spécifie que le mécanisme est montable s’il existe une valeur des jeux telle que toutes les équations de compatibilité et les contraintes d’interface soient vérifiées. L’objectif n’est pas de savoir quelle sera la valeur des jeux g la meilleure suivant un critère particulier, mais de savoir s’il existe au moins une valeur admissible. Cet objectif est également celui de la phase 1 de l’algorithme du simplexe [Bertsimas et Tsitsiklis, 1997]. Le but est de déterminer une solution réalisable d’un programme linéaire permettant ainsi de démarrer l’algorithme avant la recherche de l’optimum. Cela correspond au cas du problème d’assemblage, car seule la recherche d’une solution réalisable est nécessaire.

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Table des matières

Introduction
1 Analyse des tolérances et méthodes d’analyse probabilistes 
1.1 Introduction
1.2 Formalisation des problèmes d’analyse des tolérances 
1.2.1 Modèles géométriques des mécanismes
1.2.2 Modèle de comportement
1.2.3 Typologie des mécanismes
1.2.4 Formalisations et approches des problèmes d’analyse des tolérances des mécanismes hyperstatiques
1.2.5 Synthèse
1.3 Méthodes probabilistes pour l’analyse des tolérances et l’analyse de fiabilité 
1.3.1 Méthodes d’approximation
1.3.2 Méthodes de simulation
1.3.3 Techniques de méta-modélisation
1.3.4 Synthèse
1.4 Conclusion
2 Formulation des problèmes d’analyse des tolérances des mécanismes hyperstatiques 
2.1 Introduction
2.2 Formulation probabiliste pour l’analyse des tolérances
2.2.1 Condition d’assemblage – Formulation de la probabilité de non montage
2.2.2 Condition fonctionnelle – Formulation de la probabilité de non fonctionnement
2.2.3 Synthèse
2.3 Linéarisation par morceaux des contraintes d’interface 
2.3.1 Procédure de linéarisation
2.3.2 Application à un exemple académique
2.3.3 Synthèse
2.4 Problème fonctionnel – Proposition d’une formulation système 
2.4.1 Décomposition du mécanisme par configurations
2.4.2 Formulation système existante
2.4.3 Proposition d’une nouvelle formulation système
2.4.4 Illustration détaillée sur un exemple académique
2.4.5 Synthèse
2.5 Problème d’assemblage – Recherche de formulations alternatives
2.5.1 Formulation d’un problème d’optimisation auxiliaire
2.5.2 Recherche de formulation système
2.6 Conclusion
3 Méthode de résolution des problèmes d’analyse des tolérances des mécanismes hyperstatiques 
3.1 Introduction
3.2 Méthode MCO – Monte Carlo couplée Optimisation 
3.2.1 Principe de la méthode MCO
3.2.2 Applications académiques de la méthode MCO
3.2.3 Applicabilité des méthodes probabilistes alternatives
3.2.4 Synthèse
3.3 Problème fonctionnel – Résolution de la formulation système 
3.3.1 Recherche des combinaisons de contraintes actives dominantes
3.3.2 Résolution par la méthode FORM système
3.3.3 Applications de la méthode de résolution système
3.3.4 Synthèse
3.4 Problème d’assemblage – Procédures adaptatives basées sur la méthode MCO
3.4.1 Propriétés du problème d’assemblage
3.4.2 Procédure EBS – Estimation d’une Borne Supérieure de Pda
3.4.3 Procédure EIC – Estimation d’un Intervalle de Confiance de Pda
3.4.4 Application des procédure EBS et EIC
3.4.5 Synthèse
3.5 Conclusion 
4 Applications 
4.1 Introduction
4.2 Exigence de fonctionnement d’une fiche électrique 
4.2.1 Modélisation et formulation des problèmes d’assemblage et fonctionnel
4.2.2 Résultats
4.3 Assemblage d’un connecteur Radiall
4.3.1 Modélisation et formulation du problème d’assemblage
4.3.2 Résultats
4.4 Exigence de fonctionnement d’une pompe à débit variable Pierburg 
4.4.1 Modélisation et formulation des problèmes d’assemblage et fonctionnel
4.4.2 Résultats
4.5 Conclusion 
Conclusions et perspectives
A Table des notations
A.1 Notations générales
A.2 Notations relatives à l’analyse des tolérances
A.3 Notations relatives aux méthodes probabilistes
B Application analytique
B.1 Modélisation géométrique
B.2 Valeurs des paramètres
C Application appui plan et deux goupilles
C.1 Modélisation géométrique
C.1.1 Points et coordonnées
C.1.2 Définition des écarts géométriques
C.1.3 Définition des jeux
C.1.4 Définition du torseur jeu fonctionnel
C.1.5 Équations de compatibilité
C.1.6 Contraintes d’interface
C.1.7 Condition fonctionnelle
C.1.8 Calcul des composantes de rotation
C.1.9 Formulation
C.2 Valeurs des paramètres
C.3 Résultats
D Fiche électrique
D.1 Modélisation géométrique
D.2 Valeurs des paramètres
E Connecteur Radiall
E.1 Modélisation géométrique
E.2 Valeurs des paramètres
F Pompe à débit variable Pierburg
F.1 Modélisation géométrique
F.2 Valeurs des paramètre

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