Méthodes numériques pour les systèmes dynamiques non linéaires

 Périodicité et oscillations spontanées 

Qu’est-ce qu’un phénomène périodique ? Est-ce, comme on le présente habituellement, « un phénomène qui se répète à intervalles de temps réguliers, et dont on peut mesurer la principale caractéristique : la période » ? Ou est-ce le phénomène périodique qui permet justement, par sa période, de mesurer le temps ? De l’apparition tous les 76 ans de la comète de Halley aux oscillations à 4MHz d’un cristal de quartz, en passant par le rythme circadien des cyanobactéries, ou encore les différents cycles saisonniers du climat… Toutes ces horloges sont des oscillateurs qui mesurent le temps. Pour le physicien, ce sont des systèmes dynamiques.

Dans certains cas, les oscillations apparaissent spontanément, sans qu’aucun agent extérieur ne viennent imposer cette périodicité au système : on parle de système autonome. Ainsi, un objet cylindrique soumis à un écoulement uniforme provoque un sillage oscillant (allée de von Karmann) qui, en retour, interagit avec l’objet qui se met alors à osciller. De même, un frein à disque automobile soumis à un effort constant peut faire naître, du frottement, une oscillation audible : le crissement. C’est par ailleurs le même phénomène qui explique le son d’un violon dont on frotte une corde avec un archet. Enfin, une clarinette est capable d’émettre une note, c’est-à dire une oscillation de pression, alors que le souffle du musicien est continu.

Dans tous ces exemples, l’apparition des oscillations est spontanée. Et dans chacun de ces exemples, c’est un phénomène non linéaire qui permet de l’expliquer. Ainsi, le caractère non linéaire joue un rôle prépondérant dans l’étude des oscillateurs, comme le sont les instruments de musique auto-oscillants.

De la physique des instruments de musique… 

Un instrument de musique peut se décomposer en un phénomène d’excitation (souffle du musicien dans l’embouchure d’un instrument à vent, frottement de l’archet sur la corde d’un violon, impact d’une baguette sur une peau…), couplé à un phénomène de résonance. Le type d’excitation permet de distinguer deux catégories d’instruments :
– les instruments à oscillations libres, dont l’excitation est de type impulsionnel (percussions, cordes frappées ou pincées) ;
– les instruments à oscillations auto-entretenues, ou encore auto-oscillants, dont l’excitation est continue (comme les vents et les cordes frottées).

La partie résonante de l’instrument est elle-même composée de deux éléments : le résonateur qui réalise un filtrage sélectif de cette excitation (colonne d’air, corde vibrante, caisse de résonance), et un élément qui permet de transmettre les vibrations dans le milieu ambiant sous forme de rayonnement acoustique (pavillon, table d’harmonie, membrane). Les instruments auto-oscillants fonctionnent donc comme un oscillateur classique : l’énergie est injectée sous forme quasi-statique (à l’échelle de temps d’une note), un couplage à l’aide d’un élément non linéaire permet de transformer une partie de cette énergie sous forme d’oscillations, et un élément linéaire fortement résonant permet de « sélectionner » une fréquence particulière de fonctionnement. Du point de vue de la physique, ce type d’instrument peut être modélisé par un système dynamique non linéaire. L’étude du régime statique (régime dans lequel aucune note n’est émise) est souvent possible analytiquement, et dans certains cas, le seuil d’instabilité de ce régime statique peut également être calculé analytiquement. Par contre, l’étude des régimes périodiques demande quant à elle, soit des hypothèses extrêmement simplificatrices afin de pouvoir être réalisée de manière analytique, soit l’aide d’outils numériques performants. La clarinette, par exemple, a été l’objet de nombreuses études. D’une part sur la modélisation des différents éléments : le couplage aérodynamique du jet dans le canal d’anche (notamment par Hirschberg [42]), la mécanique de l’anche et de son contact avec le bec (voir Avanzini et van Walstijn [5], Dalmont et al. [20], Ducasse [28], van Walstijn et Avanzini [85]), ou l’acoustique du résonateur (Chaigne et Kergomard [11], voir chap.5 pp202–223 et chap.7 pp282–332). Et d’autre part sur le fonctionnement proprement dit du système complet : les interactions entre l’anche (résonateur mécanique, mais aussi acteur du couplage) et la colonne d’air (le résonateur acoustique). On citera notamment les travaux fondateurs de Backus [6], Benade et Gans [8], Wilson et Beavers [88], ou plus récemment Dalmont et al. [17, 18, 19], Grand et al. [37], Nederveen [63], et enfin les derniers travaux de Ricaud et al. [68], Silva et al. [79] au LMA.

Dans la thèse de Fabrice Silva [75], le modèle du résonateur et le couplage avec l’anche deviennent trop complexes pour résoudre analytiquement l’équation caractéristique permettant de déterminer le seuil d’oscillation. Or, des phénomènes subtils comme l’inertie de l’anche ou encore le débit pulsé par l’anche (très souvent négligé) peuvent avoir une influence non négligeable sur le seuil d’oscillation ou la justesse de la note émise après ce seuil. Il n’est donc pas toujours souhaitable de simplifier d’avantage le modèle. On peut en revanche résoudre le problème à l’aide de méthodes numériques.

… aux méthodes numériques 

Le premier outil numérique pour étudier les systèmes dynamiques est certainement la simulation, par intégration temporelle des équations. On peut citer par exemple les thèses récentes de Debut [22], Ducasse [28], Silva [75], ou les travaux de Guillemain et al. [38]. On soulignera à cette occasion une des principales contributions de Silva avec le logiciel MOREESC (Silva [76]). C’est également la méthode employée extensivement dans une étude récente de Takahashi et al. [81] sur les différents régimes périodiques et non périodiques de la clarinette. La communauté des mathématiques appliquées a par ailleurs développé de nombreux outils numériques pour l’intégration temporelle : citons par exemple la ODE SUITE de Shampine et Reichelt [74] sous Matlab, ou le ODEPACK de Hindmarsh [41] en Fortran. Parallèlement, une méthode fréquentielle issue de l’étude des circuits électriques (voir Nakhla et Vlach [61]) a été adoptée au sein de la communauté scientifique de l’acoustique musicale : l’équilibrage harmonique (Harmonic Balance Method, ou HBM). Cette méthode permet de calculer une et une seule période d’un régime périodique, sans avoir à calculer toute la partie transitoire, comme dans le cas des simulations temporelles. Deux problèmes se posent alors. D’abord, le spectre de ces sons étant relativement riche, il faut utiliser un nombre d’harmoniques suffisamment élevé, ce qui donne des systèmes à résoudre de taille conséquente. Ensuite, on souhaite étudier comment évolue cette solution lorsqu’un des paramètres de contrôle du modèle varie : par exemple, comment évolue le spectre de la clarinette lorsque le musicien souffle de plus en plus fort ?

Les systèmes dynamiques non linéaires

Loin de vouloir couvrir le vaste champ des systèmes dynamiques non linéaires, l’objectif de ce premier chapitre est de poser les quelques bases nécessaires à la compréhension de ce document. Il s’agit en ce sens d’un chapitre bibliographique, bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’une étude bibliographique extensive. Pour une présentation plus complète, le lecteur est renvoyé à la littérature classique sur le sujet, parmi laquelle on peut citer les ouvrages de Bergé et al. [9], Nayfeh et Balachandran [62], Perko [67], Wiggins [87].

Bifurcations des solutions statiques

Le terme bifurcation est généralement défini (de manière assez vague !) comme un changement radical de comportement du système étudié. En ce qui concerne les points d’équilibres, un changement de stabilité lors de la variation d’un paramètre est une bifurcation. En effet, l’analyse linéaire de stabilité nous a permis de montrer que :
– dans le domaine où le point fixe x(λ) est stable, toute trajectoire passant proche de x(λ) converge vers ce point ;
– dans le domaine où le point fixe x(λ) est instable, toute trajectoire passant proche de x(λ) s’éloigne de ce point Le comportement du système est alors qualitativement très différent dans les deux cas.

Le long d’une branche de solutions stationnaires, la matrice J(x(λ),λ) = J(λ) peut évidemment varier (continûment), et ses valeurs propres évoluent (également de manière continue). On considère alors le cas particulier où la partie réelle d’une ou plusieurs des valeurs propres de J s’annule pour une valeur particulière λ∗ . On notera x∗ = x(λ∗ ) ce point critique, que l’on appellera bifurcation.

Un seul zéro 

Si une seule valeur propre de J(λ) a une partie réelle qui s’annule en λ∗ , alors il s’agit nécessairement d’une valeur propre réelle, et elle vaut zéro en ce point. Dans ce cas plusieurs scénarios sont possibles, en fonction du nombre de solutions statiques (pour une valeur donnée du paramètre λ) avant et après la bifurcation :
– passage de deux à zéros solutions statiques : la branche de solutions statiques effectue un « virage »avant de revenir en arrière avec changement de stabilité, on qualifie alors la bifurcation de point limite, car elle correspond à une valeur extrémale de λ (on parle également de bifurcation noeud-col) ;
– nombre de solutions statiques inchangé : deux branches de solutions statiques (l’une stable, l’autre non) se croisent au point de bifurcation et « échangent » leur stabilité, on parle alors de bifurcation transcritique ;
– passage de une à trois solutions statiques : une branche stable de solutions statiques est déstabilisée au passage du point critique par l’apparition de deux nouvelles branches stables, on parle alors de bifurcation fourche. Le type de bifurcation, parmi les trois possibles dans le cas présent, peut être déterminé à partir des dérivées d’ordres supérieurs de f par rapport à x. Toutefois, nous laissons ici de côté ces considérations et renvoyons le lecteur aux ouvrages de références déjà mentionnés pour plus de détails à ce sujet.

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Table des matières

Avant-propos
Introduction
1 Systèmes dynamiques
1.1 Système dynamique
1.1.1 Définition
1.1.2 Trajectoires, solutions
1.2 Solutions statiques
1.2.1 Définition
1.2.2 Branche de solutions statiques
1.2.3 Stabilité
1.2.4 Bifurcations des solutions statiques
1.3 Solutions périodiques
1.3.1 Définition
1.3.2 Branche de solutions périodiques
1.3.3 Stabilité
1.3.4 Analogie avec les systèmes discrets ou « cartes »
1.3.5 Bifurcations
1.4 Bifurcations des régimes instables
1.4.1 Solutions statiques
1.4.2 Solutions périodiques
1.5 Systèmes non réguliers
2 Méthodes numériques de continuation
2.1 La continuation
2.1.1 Exemple simple
2.2 Méthodes prédicteur-correcteur
2.2.1 Principe
2.2.2 Prédicteur tangent
2.2.3 Correction
2.2.4 Itération
2.2.5 Pilotage des méthodes MPC
2.3 Méthode Asymptotique Numérique
2.3.1 Principe
2.3.2 Systèmes linéaires en cascade
2.3.3 Taille du pas
2.3.4 Itération
2.3.5 Correction éventuelle
2.4 MANLAB : une implémentation originale de la MAN
3 Méthodes de discrétisation des solutions périodiques
3.1 Méthodes de discrétisation
3.1.1 Du continu au discret
3.1.2 Méthodes spectrales
3.2 Méthode de l’Équilibrage Harmonique
3.2.1 Fonctions de représentation
3.2.2 Fonctions test
3.2.3 Équation de phase
3.2.4 Systèmes quadratiques
3.2.5 Cas particulier des systèmes non autonomes
3.2.6 Implémentation dans MANLAB
3.3 Collocation orthogonale aux points de Gauss
3.3.1 Fonctions de représentation
3.3.2 Base de projection
3.3.3 Implémentation dans MANLAB
3.A Annexes
3.A.1 Matrice A
3.A.2 Matrice B
3.A.3 Matrice B’
4 Optimisation des temps de calcul
4.1 Temps de calcul peu optimisés
4.1.1 Calcul de la matrice tangente
4.2 Compilation d’une partie du code
4.2.1 Principe
4.2.2 Performances
4.3 Approche tenseurs
4.3.1 Principe
4.3.2 Calcul des tenseurs L0, L, et Q
4.3.3 Forme tensorielle des équations continues
4.3.4 Tenseurs pour l’équilibrage harmonique
4.3.5 Tenseurs pour la collocation polynômiale
4.3.6 Écriture matricielle
4.4 Comparaison des approches
5 Traitement des non-linéarités non polynômiales
5.1 Introduction
5.2 An introductive example
5.2.1 First-order recast
5.2.2 Quadratic recast of the exponential function
5.2.3 Applying the harmonic balance method to the ODEs
5.2.4 Recast of the non linear algebraic equation
5.2.5 Periodic solutions of the regularised vibro-impact
5.3 General treatment of nonlinear functions
5.3.1 First order derivative
5.3.2 Second order derivative
5.4 Recast of a few common non-polynomial nonlinearities
5.4.1 Natural logarithm
5.4.2 Non-integer power
5.4.3 Trigonometric functions
5.5 Periodic solutions of the nonlinear pendulum
5.6 Conclusion
5.A Vibro-impact system
5.A.4 Model
5.A.5 Recast of conservative systems
5.B Quadratic framework
5.C Extended framework
5.C.6 Series computation
5.C.7 Implementation in MANLAB
Conclusion

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