Méthanisation : Dans quel cas financer son développement?

La méthanisation, un procédé plus délicat qu’il n’y parait

   Le biogaz est issu d’une réaction naturelle et spontanée, assurée par des micro-organismes en milieu anaérobie. Elle extrait et transforme une partie du carbone présent dans la matière organique en biogaz. Celui-ci est un mélange gazeux composé essentiellement de méthane, puis de dioxyde de carbone, d’hydrogène sulfuré, de dihydrogène, d’eau, d’oxygène, d’ammoniac et d’azote, le tout dans des proportions qui varient beaucoup en fonction de la nature de la matière organique et des conditions réactionnelles. C’est ainsi que les décharges d’ordures ménagères, également appelées Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux (ISDND) dégagent naturellement du biogaz, lequel est dorénavant capté et torché ou valorisé. Le procédé de méthanisation consiste à optimiser cette réaction naturelle au sein d’un réacteur, appelé digesteur, conçu pour maîtriser les conditions d’homogénéité, de température et d’anaérobie. Les premiers essais à échelle industrielle ont eu lieu en 1978 en France. La filière s’est peu développée jusqu’en 2010, elle se structure et se professionnalise désormais. En 2014, 330 méthaniseurs étaient en fonctionnement en France (7500 en Allemagne). En 2011, 4,6 TWh de biogaz étaient produits en France (énergie primaire). 71 % par les décharges et 29 % par les méthaniseurs. En réalité 2/3 du biogaz produit par les décharges n’est pas valorisé. En énergie finale, le bilan est donc plus modeste (environ 2,1 TWh en 2011). La méthanisation est pratiquée sur les boues de stations d’épuration collectives et sur les dispositifs de traitement de l’eau sur des sites industriels mais l’essentiel provient de la méthanisation agricole. La méthanisation repose sur l’interaction complexe de différentes populations microbiennes constituant un réseau trophique. La réaction comporte 4 phases :
 l’hydrolyse : consiste à scinder les molécules de glucides, lipides et protéines en éléments plus courts
 l’acidogénèse : transforme les molécules simples en alcools, acides organiques, hydrogène et dioxyde de carbone
 l’acétogénèse : transforme les acides organiques en acétate, dioxyde de carbone et hydrogène
 la méthanogénèse : conduit à la formation du méthane par la combinaison de l’hydrogène et du dioxyde de carbone, et la dégradation de l’acide acétique. Dans un méthaniseur traitant essentiellement des matières agricoles, le biogaz contient entre 50 et 75 % de méthane. Le procédé produit aussi du digestat : une matière liquide, pâteuse, qui concentre les minéraux, notamment l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). Une tonne de fumier produit environ 60 m3 de biogaz brut (c. 350 kWh) et 0,9 tonnes de digestat (ces chiffres constituent des ordres de grandeurs car ils varient beaucoup en fonction de la nature des intrants). La méthanisation est un procédé faiblement exothermique, qui nécessite en réalité la plupart du temps un apport de chaleur pendant la phase de digestion pour fonctionner correctement. Elle peut se dérouler dans trois gammes de température correspondant à des flores bactériennes spécifiques : les flores psychrophiles (15°-25°C) sont peu utilisées notamment en raison d’une cinétique lente. Les flores mésophiles (24°-45°C) sont les plus répandues. Les flores thermophiles (55°-65°C) sont plus difficiles à stabiliser. Il existe plusieurs procédés. Le système à culture libre, « infiniment mélangé », en phase liquide, est le plus répandu. Le contenu du digesteur est maintenu homogène par brassage mécanique régulier avec recirculation de la biomasse. L’alimentation et le soutirage du digesteur sont assurés en semi continu, sans vidange, en fonction du temps de séjour des intrants et de la production de la réaction. La production de biogaz est continue. D’autres procédés sont possibles mais bénéficient de peu de retour d’expérience industrielle : système à lit de boues anaérobie à flux ascendant (dit UASB – Up-flow, Anaerobic Sludge Blanket), potentiellement intéressant pour les très grosses installations, système à lit fixe, système à lit fluidisé, système discontinu avec retournement d’andins (Batch), potentiellement intéressant pour les petites installations agricoles.

La gestion des déchets en France

   Le maire détient un pouvoir de police et doit assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publique : ainsi, le service public de gestion des Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) est du ressort des collectivités locales, qui financent ce service par un financement de droit commun (budget général) ou par un financement spécifique via une redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) ou via une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Par ailleurs, puisque les collectivités locales sont responsables de la gestion des DMA, elles sont soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Cette taxe, reposant sur le principe « pollueur-payeur », a été instaurée dans la loi de finances pour 1999 en rassemblant des taxes préexistantes dont des taxes sur la pollution atmosphérique et les déchets. Suite au Grenelle de l’environnement, la TGAP a été profondément réformée tant dans les catégories qu’elle encadre que dans ses taux de référence. Les installations de stockage de déchets ainsi que les incinérateurs sont soumis à cette taxe, qui est perçue par le service des douanes. La réforme de 2009 introduit une augmentation progressive des taux de référence jusqu’en 2015 pour ces installations, ainsi que des réfactions si les installations font preuve d’initiatives pour la protection de l’environnement. En juillet 2014, le Comité pour la Fiscalité Ecologique (CFE) a proposé une évolution de la TGAP de 2016 à 2025 qui supprime les réfactions pour les installations ISO 14 001 et qui introduit une réfaction supplémentaire pour les déchets provenant de collectivités locales performantes (i.e. dont le taux de valorisation matière dépasse un certain seuil à définir). Cette dernière évolution a pour but de prolonger les incitations à diminuer le tonnage global de déchets, et à faire payer de plus en plus cher les entreprises et collectivités locales utilisant les installations de stockage ou d’incinération des déchets.  Dans le contexte de la diminution globale de la quantité de déchets produits, diverses initiatives réglementaires poussent les consommateurs et producteurs de déchets d’une part à réduire la quantité de déchets produits, notamment via l’augmentation de la TGAP, mais aussi à les trier les déchets, et plus particulièrement les déchets organiques : la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2, codifiée à l’article L. 541-21-1 du code de l’environnement, prévoit que les personnes qui produisent ou détiennent une quantité importante de biodéchets sont tenues d’en assurer le tri à la source en vue de leur valorisation organique. Ces obligations sont planifiées par le plan déchets ; l’un des dix axes du plan déchets 2015-202 est consacré aux biodéchets qu’il s’agit de valoriser. Le tri à la source devrait être généralisé d’ici à 2025, via le recours au compostage de proximité ou via la collecte séparée. Enfin, la mise en décharge des biodéchets sera interdite en 2025, comme en Allemagne. La mobilisation du gisement des déchets fermentescibles varie selon leur nature. Les ordures ménagères résiduelles (environ 20 millions de tonnes) comportent 25 à 30 % de déchets fermentescibles. Il s’agit des déchets issus de la cuisine, des papiers et cartons souillés, des textiles sanitaires. Les déchets verts qui ne suivent pas une filière spécifique sont également comptabilisés parmi ce qu’il est convenu d’appeler la Fraction Fermentescible des Ordures Ménagères (FFOM). Il est difficile d’isoler la FFOM des ordures ménagères résiduelles. Quelques collectivités ou syndicats ont choisi de mettre le résident à contribution. Mais ce choix n’est pas envisageable en zone d’habitat collectif. De plus, il nécessite une collecte supplémentaire alors que le coût moyen de la collecte des déchets pèse déjà pour presque la moitié du coût de traitement-élimination. Enfin son efficacité repose sur une adhésion forte de la population ce qui s’acquiert au prix de longues années de pédagogie. A défaut d’un tri en amont, la FFOM est enfouie en mélange avec l’ensemble des ordures ménagères résiduelles. Elle peut également être incinérée en mélange, ou faire l’objet d’un Tri Mécano-Biologique (TMB). D’autre part, les déchets isolés intrinsèquement par leur filière de production (stations d’épuration, industries agro-alimentaires, effluents d’élevages…) sont quant à eux plus faciles à valoriser. L’ensemble des déchets fermentescibles est potentiellement valorisable énergétiquement par la méthanisation. Mais la méthanisation est-elle la solution la plus appropriée pour le traitement des différents déchets fermentescibles ?

La méthanisation des boues de stations d’épuration

   AU XIXème siècle, une meilleure connaissance des processus biologiques de la méthanisation ainsi que les problèmes d’odeurs pestilentielles générées par la décantation des eaux usées (première étape du traitement des eaux urbaines) incitent les collectivités à mettre en place des digesteurs : la ville d’Exeter, au Royaume-Uni, en est le premier exemple connu, qui utilisera de plus le biogaz récupéré pour l’éclairage public (1895). La digestion anaérobie des boues se pratique après l’étape de décantation, permettant de faciliter la dépollution des eaux usées pour les raisons suivantes :
 Réduction de la quantité de boues à traiter (réduction de 40% en moyenne)
 Elimination des nuisances olfactive et des teneurs en composés organiques volatils
 Production d’un digestat stabilisé avec un pouvoir fertilisant et quasiment débarrassé de germes pathogènes (diminution des germes fécaux et virus d’un facteur 100 à 10 000)
 Utilisation du biogaz pour de la cogénération permettant de réduire la dépendance énergétique de la STEP (utilisation de la chaleur notamment pour chauffer le digesteur)
 Production de biogaz.
Lorsque les STEP fonctionnent avec une ou plusieurs opérations d’aération des bassins, les réactions aérobies qui s’y produisent réduisent la charge organique des boues qui résulteront de cette étape de traitement, rendant ces boues biologiques « à faible charge » peu aptes à la méthanisation. Lorsqu’elles sont mélangées à des boues primaires (issues de la décantation), les boues biologiques regagnent un intérêt pour la méthanisation ; dans les années 1990, la méthanisation des boues de STEP a ainsi subit un fort déclin, en raison d’une part de la fermeture de  nombreuses stations de petite et moyenne capacité, mais aussi en raison du développement des bassins d’aération produisant des boues biologiques peu aptes à la méthanisation. Depuis, le regain d’intérêt pour les problématiques énergétiques a poussé les exploitants à reconsidérer l’utilisation de la digestion anaérobie dans le traitement des eaux usées. On compte aujourd’hui entre 120 et 130 STations d’EPuration (STEP) valorisant le biogaz en France20 sur un total de 19 000 installations environ. Pour des raisons économiques, les seules STEP utilisant la méthanisation sont celles de forte capacité, le seuil minimal de faisabilité étant évalué par l’ADEME autour de 15 000 équivalents habitants ; ce seuil est un ordre de grandeur, il dépend de la nature des boues à traiter, ainsi que des débouchés. Lorsque la station est trop petite pour installer une digestion anaérobie rentable, ses boues, souvent liquides, peuvent être utilisées avec d’autres déchets fermentescibles par des digesteurs déjà en place notamment dans le monde agricole pour faire de la co-digestion : graisses, lactosérum, jus de process d’industrie agro-alimentaires par exemple. Le biogaz produit peut être valorisé en cogénération ou injection réseau. Lorsqu’elle est valorisée, la chaleur est utilisée en auto-consommation, ce qui la rend non éligible à la prime liée à la valorisation de la chaleur dans le tarif de rachat. Cette prime pourra en revanche être attribuée si l’activité consommatrice de chaleur était présente avant mais utilisait une énergie fossile (séchage des lixiviats par exemple). Plus de la moitié des stations ayant une unité de méthanisation seulement valorisent le biogaz produit21, l’autre moitié l’évacue par brûlage en torchère. Les boues de station d’épuration peuvent par ailleurs être utilisées comme co-substrat d’une unité de méthanisation déjà existante. Ainsi dans le futur la production de biogaz de l’assainissement augmentera vraisemblablement un petit peu via l’augmentation de la valorisation sur des installations déjà existantes, mais probablement pas par l’augmentation du tonnage des intrants –qui n’a pas vocation à augmenter, ni par augmentation du nombre d’installations.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

RESUME
ELEMENTS D’INTRODUCTION : LA METHANISATION, UNE POLITIQUE ENERGETIQUE OU UNE POLITIQUE AGRICOLE ?
A. Une actualité intense et l’heure des choix 
B. La méthanisation, un procédé plus délicat qu’il n’y parait 
C. Un écosystème complexe en lui-même, qui s’optimise au regard des externalités environnementales 
I. METHANISER POUR VALORISER LES DECHETS 
A. La gestion des déchets en France 
B. Le biogaz issu des décharges 
C. Les autres filières de traitement des déchets ménagers VS la méthanisation 
D. La méthanisation des boues de stations d’épuration 
E. Les effluents des industries agro-alimentaires 
F. Les effluents agricoles 
II. METHANISER POUR REDUIRE LA POLLUTION PAR LES NITRATES ET L’AMMONIAC 
A. Le cycle de l’azote est déréglé 
B. La méthanisation des produits de culture présente un bilan négatif pour l’environnement
1. La méthanisation des résidus de culture favorise la lixiviation des nitrates et les émissions d’ammoniac
2. Les cultures énergétiques dédiées sont un non-sens écologique et économique
3. L’intérêt des cultures intermédiaires reste à démontrer
C. La méthanisation des effluents d’élevage présente un bilan positif pour l’environnement
4. Comparaison avec les externalités de la méthanisation des résidus de culture
5. Le cas particulier des Zones d’Excédents Structurels (ZES)
D. La méthanisation, voie de soutien à la filière agricole 
III. METHANISER POUR DECARBONER L’ENERGIE 
A. Production d’électricité décarbonée, mieux vaut miser sur l’éolien
B. Production de chaleur renouvelable, mieux vaut miser sur les Pompes à Chaleur 
C. Production de gaz naturel renouvelable : enjeux et alternatives 
D. Le Bio-GNV : la possibilité d’une mobilité décarbonée 
6. Le véhicule électrique, une partie seulement de la solution mobilité propre
7. Autres alternatives : les biocarburants
8. Biométhane et gaz naturel véhicule
IV. LA METHANISATION, UNE FILIERE A FINANCER AU CAS PAR CAS 
A. Le soutien à la méthanisation coûte cher 
1. Etat des lieux du financement des énergies renouvelables en France
2. Comment est financé le développement de la filière méthanisation ?
3. Les tarifs d’achat
4. Scénarios Grenn Gas Grid et macro-économie
B. Dans certains cas, les externalités positives justifient le coût de la méthanisation agricole
EN CONCLUSION
Méthanisation, dans quels cas financer son développement ?
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *