Mes premiers « essais » de dictée à l’adulte

Avant de vouloir devenir professeur des écoles, j’ai été auxiliaire de vie scolaire pendant un an dans une école élémentaire il y a quelques années de cela. Cette expérience s’est déroulée dans une CLIS (Classe pour l’Inclusion Scolaire) de type 4, c’est-à-dire avec des élèves en situation de handicap moteur mais aussi présentant des troubles dyspraxiques. Ils étaient douze dans la classe, âgés de cinq à onze ans. Ces enfants avaient donc des besoins particuliers, comme le fait par exemple que je doive écrire à leur place. En effet, l’acte d’écrire leur demandait une grande concentration ainsi qu’un effort important pour pouvoir tenir un stylo et écrire avec. Ils étaient par conséquent très vite fatigués. Je devais alors, pour certains, écrire sous la dictée ce qu’ils me disaient. Je me souviens qu’à l’époque déjà je m’étais questionnée et notamment je m’étais demandée si je devais reformuler parfois leurs maladresses, leur poser des questions pour savoir si c’était vraiment ce qu’ils voulaient écrire… Évidemment, cela dépendait finalement de l’exercice mais aussi de l’attente de l’enseignant(e) de la classe dans laquelle les élèves étaient intégrés. En outre, lors de mon stage d’observation et de pratique accompagnée l’année passée en première année de master à l’ESPE de Paris en maternelle en moyenne section, je me suis de nouveau retrouvée confrontée à cette question. En effet, il se trouve que les élèves avaient vu plusieurs mini-films et devaient dire lequel ils avaient préféré et pourquoi. Mon maître de stage m’avait alors demandé de prendre en notes ce que les élèves me disaient, sans plus de précision au préalable. Je me suis alors prêtée à cet exercice une première fois en retranscrivant mot à mot ce que les élèves me disaient (bien souvent, leurs propos s’arrêtaient à une ou deux phrases), puis une deuxième fois en reformulant légèrement, notamment leurs erreurs syntaxiques. Cette année, je suis professeur des écoles stagiaire à mi-temps dans une classe de vingt-six élèves de moyenne section dans le septième arrondissement de Paris, avec quelques élèves en grande difficulté au niveau langagier. Même si dans l’ensemble mes élèves parlent très bien, avec un vocabulaire relativement riche et des structures syntaxiques assez complexes, l’objectif de l’apprentissage et de l’amélioration de la langue orale reste central à la maternelle. J’ai eu assez rapidement l’idée de leur faire écrire une histoire dans le cadre d’un projet, mais sans trop savoir comment m’y prendre. Suite à plusieurs essais (comme par exemple expliquer son dessin en me dictant une ou deux phrases), j’ai alors pensé à la dictée à l’adulte en repensant notamment à mes courtes expériences précédentes. Malgré tout, la « vraie » dictée à l’adulte était pour moi un exercice relativement nouveau et finalement mal connu puisque ce que j’avais fait jusqu’à présent était plus de l’ordre de l’oral graphié (c’est-àdire écrire ce que les élèves disent sans chercher à l’améliorer et à le modifier) que de la vraie dictée à l’adulte.

Chartier, Clesse et Hébrard, dans leur ouvrage Lire, écrire, produire des textes, définissent en effet la dictée à l’adulte comme une « activité qui permet à un enfant qui ne sait encore ni lire ni écrire de s’initier à la production de textes». L’idée est alors d’amener progressivement l’enfant à produire des textes de manière autonome en développant « ses capacités de production de textes écrits en les dictant à l’adulte qui est auprès de lui ». C’est par ailleurs dans les années 1970 que « Laurence Lentin […] relance l’idée de la « dictée à l’adulte » à laquelle elle donne le nom qui, depuis, lui est resté attaché. ». C’est un moyen de recueillir des observations sur le développement du langage chez le jeune enfant et de faciliter ce développement par des interactions appropriées avec le langage de l’adulte. Cela permet de plus aux élèves d’entrer dans la découverte de l’écrit et de se familiariser avec la langue écrite. La dictée à l’adulte tisse donc un lien entre l’oral et l’écrit (l’élève comprend que tout ce qu’il dit peut s’écrire, mais de manière réfléchie) mais aussi entre un expert (l’enseignant) qui écrit ce que lui dicte l’apprenant (l’élève). Elle permet de développer certaines compétences dans le domaine de l’écrit dont :
– dans le domaine de la culture des écrits : faire comprendre aux élèves que l’écrit code l’oral, que l’écrit est stable, permanent et immuable, les sensibiliser très tôt à la connaissance et à la production de types d’écrits variés aux modes de fonctionnement différents… ;
– dans le domaine de la représentation de l’acte d’écrire : l’enseignant doit expliquer aux élèves qu’on ne peut pas écrire tout ce qu’on dit et qu’il faut une certaine réflexion dans les propos, les différentes phases d’élaboration d’un texte et les familiariser à l’apprentissage de l’écriture (les faire entrer dans le processus rédactionnel avant l’école élémentaire), faire prendre conscience aux élèves que le destinataire est absent et que cette absence entraîne certaines contraintes (toujours préciser de quoi on parle, expliquer clairement la situation…) ;
– dans le domaine linguistique proprement dit : l’enseignant doit mettre en place des pratiques pédagogiques adaptées aux élèves pour qu’à la fin tous se soient de la même façon familiarisés à la langue écrite (la syntaxe principalement).

Mes premiers « essais » de dictée à l’adulte

Des essais en grand groupe 

La boule à neige
Avant de réellement m’intéresser à la pratique de la dictée à l’adulte et d’en faire le choix de mon mémoire, j’en ai pratiqué quelques essais de façon empirique et tâtonnée. En effet, vers le mois de décembre, j’ai fait fabriquer aux élèves une boule à neige en technologie dans le domaine « Explorer le monde ». Pour fabriquer cet objet, je leur ai montré dans un premier temps l’objet fini, puis les élèves devaient me dicter au coin regroupement en groupe-classe la liste des matériaux nécessaires à sa fabrication, que je transcrivais sur une grande feuille affichée au tableau. Il s’agissait ici de simples mots ou groupes de mots à me dicter, et les élèves n’avaient alors pas à se préoccuper de la façon de formuler ce qu’ils voulaient me dire. La question de la matière pour faire la neige s’est posée : les élèves ont alors proposé différentes matières pouvant faire office de neige, et ils les ont testées. Nous avons à la suite de ces différents tests écrit un bilan. Ce bilan consistait à écrire avec quelles matières fabriquer l’objet et à justifier son choix. Les élèves ont donc dû se rappeler des tests (à savoir plonger les différentes matières dans l’eau et voir si elles pouvaient ou non faire la neige, c’està-dire si la matière n’était pas soluble et coulait lentement) réalisés en classe lors des séances et formuler des phrases sur les matières qui fonctionnaient et pourquoi. Le premier problème qui s’est posé à moi est que les élèves ne comprenaient pas bien ce que je demandais et quel était le but de cette activité. Cependant, ils ont fini par me répondre et me dire des phrases. Mais ils ne prenaient pas le temps de me dicter et seuls quelques-uns participaient. Cette difficulté est probablement due au dispositif en grandgroupe où certains se sentent moins concernés que d’autres, où les grands parleurs prennent très rapidement le dessus sur les autres grâce à leur aisance à l’oral. De plus, leurs phrases étaient relativement courtes et j’ai beaucoup dû les guider pour faire des phrases construites correctes d’un point de vue syntaxique. En effet, je leur proposais un début de structure syntaxique pour qu’ils fassent une phrase complète car bien souvent, ils ne répondaient que par un mot ou par un groupe de mots. Nous ne pouvons pas dire ici qu’il s’agit d’une réelle dictée à l’adulte, mais il s’agissait plutôt pour moi d’une ébauche, d’un début, d’un simple essai. A ce moment-là, je ne savais pas encore que j’allais faire mon mémoire sur la dictée à l’adulte mais j’ai commencé à me demander comment je pourrais la mener dans de bonnes conditions.

Le personnage du loup

Plus tard dans l’année, après les vacances de Noël en période 3, nous avons fait un réseau de lectures autour du personnage du loup. J’aiai alors lu aux élèves divers albums mettant en scène le personnage du loup. J’ai de nouveau utilisé comme type d’écrit une affiche. Celle-ci a servi à noter les caractéristiques communes du loup que nous retrouvons dans tous les albums. Dans un premier temps, j’ai seulement lu des contes dits « traditionnels », où le loup est vu comme le « méchant » de l’histoire. Suite à ces diverses lectures, les élèves ont dû me lister les caractéristiques du loup, que j’écrivais sous leur dictée. Encore une fois, ce qui m’a posé problème ici est que de nouveau les élèves ne comprenaient pas le but de l’activité : il leur manquait un destinataire précis, point sur lequel je reviendrai plus tard. Malgré tout, contrairement à la précédente activité, les élèves étaient plus motivés, sans doute parce que le personnage du loup leur parlait davantage, c’était quelque chose qu’ils connaissaient. En effet, même si lors du premier essai (la boule à neige), les élèves parlaient d’une expérience vécue de classe, ils n’avaient pas pour habitude de faire un bilan d’expérience, de dire ce qui avait marché ou non (en plus du thème, le type d’écrit à produire – un compte rendu d’expérience – était également nouveau pour eux), alors qu’ici, le personnage archétypal du loup n’était pas inconnu pour eux, ils l’avaient effectivement déjà rapidement abordé l’année dernière en petite section. De ce fait, à la fin, nous avons obtenu l’affiche reproduite en annexe 1. Nous pouvons observer que les élèves varient très peu leurs tournures de phrases : ils la commencent bien souvent par « Il est ». Ils n’utilisent pas de substantifs. Comme la dernière fois, au début, ils me disaient simplement des mots comme « méchant », « noir » etc. Ma consigne était la suivante : « Sur l’affiche, nous allons décrire le loup. Vous allez donc me donner ses caractéristiques, me dire comment il est », et en conséquence, ils y répondaient sans se préoccuper de formuler des phrases que l’on pourrait écrire, à cause sans doute de l’absence d’un réel destinataire. J’ai encore dû leur donner un début de phrase : « Il est… » et c’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que nous retrouvons cette répétition, à cause de la structure syntaxique inductrice. Les élèves ont simplement repris le modèle par mimétisme et parfois l’ont adapté. Ils restaient encore néanmoins beaucoup dans l’oral, sans se préoccuper de formuler un oral directement scriptible.

Dans un second temps, je leur ai lu d’autres albums de jeunesse où le loup apparaissait, mais cette fois-ci où il n’intervenait pas seulement comme le « méchant » de l’histoire. Nous avons ressorti l’affiche établie précédemment et j’ai relu ce que nous avions écrit, mot par mot en suivant avec mon doigt. Je voyais certains élèves très intéressés par ce geste et comprendre que ce que je pointais du doigt correspondait à ce que je disais. Par eux-mêmes, les élèves m’ont dit que l’affiche n’était plus vraie, qu’il y avait des choses à changer. Ils m’ont par exemple dit que « Le loup n’est pas tout le temps méchant ». Je leur ai alors demandé ce que nous allions écrire sur l’affiche et où. Je leur ai de nouveau lu l’affiche, et ils ont dû m’arrêter pour faire les modifications. Mais très vite un problème s’est posé : il n’y avait pas la place d’écrire. Les élèves ne s’en sont pas aperçus, ce qui montre qu’ils n’étaient pas encore totalement rentrés dans l’écrit mais restaient encore beaucoup dans l’oral. Cependant, j’ai pour la première fois devant eux coupé la feuille pour insérer une partie de feuille avec leur modification. Très rapidement est venue la question suivante « Maîtresse, pourquoi tu as coupé la feuille ? ». J’ai alors dû leur expliquer que c’était pour modifier le texte, pour insérer leur modification. Cette question a montré l’intérêt de certains à l’exercice. Nous avons obtenu l’affiche en annexe 1 bis. Ils ont eu cette fois plus de facilité à formuler des phrases que je pouvais écrire directement, sans doute parce qu’ils se sont ré-inspirés de ce que nous avions déjà écrit, et qu’ils n’avaient plus que des modifications à apporter. De plus, très vite, certains m’ont dit qu’il fallait que je coupe la feuille à tel endroit précis pour rajouter telle ou telle phrase, ce qui montre pour ces élèves qu’ils étaient déjà rentrés dans l’écrit et dans la modification du texte (même s’ils n’ont pas changé ce qui était déjà écrit, ils ont simplement ici complété l’affiche). Mais ces élèves correspondaient à une petite minorité, à ceux qui sont dans l’ensemble très bons dans les apprentissages de manière générale. Ce qui pêche ici encore cependant est l’absence de destinataire : personne n’allait lire l’affiche, ce qui fait que la plupart des élèves n’étaient sans doute pas très motivés pour réaliser une belle affiche complète et que seuls quelques élèves participaient, ces élèves ayant sans doute compris que le vrai destinataire de l’affiche était eux-mêmes, ou en tout cas la classe, élaborant des savoirs culturels et les construisant pas à pas, cherchant à en garder mémoire par l’écrit. Cela a de nouveau créé quelques inattentions de la part des élèves, qui s’intéressaient plus à leur voisin qu’à l’affiche et ce qui a alors eu pour conséquence qu’à la fin, je devais faire de la discipline tout en gérant ce que me dictaient les élèves.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
I. Mes premiers « essais » de dictée à l’adulte
1. Des essais en grand groupe
A. La boule à neige
B. Le personnage du loup
C. Points positifs et négatifs de la dictée à l’adulte en grand-groupe
2. Des essais en petit groupe
A. Une première réflexion
B. La recette de la galette aux pommes et son analyse
II. Réflexion sur la mise en place d’un projet et sur les pratiques de l’enseignant
1. Mise en place du projet
2. Observation et évaluation des élèves
III. Les séances de dictée à l’adulte : une vraie pédagogie à mettre en place
1. La première lettre du projet correspondance
A. Les différentes étapes de l’écriture de la lettre
B. Les points forts et les limites de l’écriture de cette lettre
C. Les aides apportées par l’enseignant
2. Résumés d’histoires lues et connues
A. Les différentes étapes d’écriture de ces résumés
B. Analyse élève par élève
C. Les points forts et ce qui reste encore à améliorer
3. Écriture d’une histoire
A. Les étapes de l’écriture d’une histoire
B. Mise en texte et analyse
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Résumé

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *