Mémoire et signaux électrophysiologiques

Mémoire et signaux électrophysiologiques 

J.-L. Ermine (1996) distingue connaissance et information: selon lui, on peut définir la connaissance comme étant une information placée dans un contexte et munie d’une sémantique. De ce point de vue, étudier l’information seule ne permet pas de comprendre comment le cerveau gère ses connaissances.

En conséquence, plutôt que de chercher à étudier le comportement de cellules isolées, on devrait chercher comment des systèmes, fondés sur des assemblées de cellules, coopèrent à l’émergence d’une information ayant une portée cognitive, c’est-à-dire qui a un sens pour le sujet étudié (homme ou animal ).

Mécanismes de mémorisation

Il conviendrait tout d’abord de parler des mémoires plutôt que de la mémoire. En effet, la notion de systèmes mémoriels multiples est globalement acceptée à l’heure actuelle (Squire 2004). Dès le milieu du 20ème siècle, la distinction entre deux types de mémoire s’est opérée :
– La mémoire déclarative : représentationnelle, elle correspond à la capacité à détecter et coder ce qui est unique dans chaque événement ; chez l’homme, elle peut s’exprimer au travers du langage ;
– La mémoire non déclarative : la capacité à extraire les informations communes à une série d’événements. Elle correspond globalement au savoir-faire.

Cependant, depuis le début des années 1980, la dichotomie en mémoires déclaratives et non déclaratives a commencé à apparaître insuffisante. En plaçant la taxonomie de la mémoire sous le point de vue des structures biologiques sous-jacentes, on a pu, dans les années 1990, élaborer une classification de la mémoire plus réaliste. Cette taxonomie   révèle la diversité de ce que le terme « mémoire » représente. On doit ajouter à cette représentation que d’autres structures jouent un rôle fondamental dans la formation des souvenirs: on reconnaît par exemple l’importance de l’hippocampe pour la consolidation (Wittenberg & Tsien 2002) et de l’amygdale pour la modulation de l’efficacité de la mémorisation (McGaugh 2002).

Pour pouvoir étudier la mémoire, il convient de se pencher sur les mécanismes fondamentaux qui sont communs à toutes ces structures. En 1949 (dans son opus The organization of behaviour), Donald O. Hebb développe ses célèbres postulats sur les fondements neurophysiologiques de la mémoire. Nous retenons ici deux hypothèses fondamentales de Hebb :

La « règle de Hebb » : l’activation concurrente de la cellule pré-synaptique A et de la cellule post synaptique B conduit à un renforcement de tous les liens synaptiques entre les deux cellules.

Cette règle est devenue classique en neurosciences ; elle a permis la formulation des modèles modernes de mémorisation (voir Cooper 2005 pour revue). En 1900, Müller et Pilzecker proposaient l’hypothèse de persévération-consolidation de la mémoire. L’apprentissage, selon cette hypothèse, n’induirait pas instantanément la formation de mémoire permanente : la mémoire a besoin de temps pour être fixée (on retiendra plutôt le terme de consolidation). Les observations expérimentales corroborant ces deux hypothèses (McGaugh 2000), les concepts de «mémoire à long terme » et « mémoire à court terme »   ont ainsi pu être formulés.

Les « assemblées neuronales » : Hebb appelait les arrangements irréguliers de cellules, regroupées par les conséquences de la plasticité synaptique, des assemblées de neurones : des «sortes de réseaux irréguliers tridimensionnels […] infiniment plus complexes que quoi qui puisse être représenté dans un diagramme ». Les assemblées de neurones sont distribuées, et ces assemblées peuvent interagir de manière associative pour former ce que Hebb nomme «séquence de phase ». Ces interactions constituaient, selon lui, la base neuronale des processus des représentations mentales.

Selon cette théorie, les tâches cognitives – notamment les tâches de mémorisation d’odeurs chez le rat qui nous intéressent (ainsi que le fonctionnement général de la mémoire) – feraient donc intervenir des réseaux distribués d’assemblées neuronales: pour J.M. Fuster par exemple, il est futile d’essayer de localiser un souvenir puisque «presque toutes les régions du cerveau stockent de la mémoire d’un type ou d’un autre» (Fuster 1997).

Synchronisations neuronales

Ce que Hebb nomme séquence de phase pose un problème: comment, dans le cadre de processus cognitifs rapides, conduisant à des représentations mentales unifiées, les assemblées de neurones de nature distribuées peuvent-elles être «rassemblées » ? Puisque ce processus est rapide et distribué, le cerveau doit pouvoir utiliser une méthode de codage appropriée, à la fois suffisamment souple pour s’adapter à la complexité des représentations dont il aura besoin, et adapté aux limites de rapidité du système nerveux (la transmission des influx nerveux n’est pas instantanée).

En 1988-1989, on a observé, dans le cortex visuel du chat (aires A17 et A18), que des populations locales de neurones réagissent à des stimuli par des oscillations synchronisées spécifiques (Eckhorn 1988, Gray et Singer 1989). Les neurones du cortex visuel primaire qui ont la même sélectivité à l’orientation déchargent de façon synchrone et périodique lorsque le stimulus active chacun des champs récepteurs des cellules enregistrées. Ces observations permettent de soutenir la théorie d’une organisation spatio-temporelle du codage neuronal: des assemblées distribuées spatialement véhiculent l’information, et la représentation mentale émergerait de leur synchronisation temporelle.

En admettant cette théorie, on possède alors un outil pour expliquer l’organisation de l’information dans les assemblées neuronales : la synchronisation permet de «rassembler » les neurones, donc d’apporter une solution au problème du binding ; elle permet également d’étudier les processus cognitifs complexes, voire peut-être un jour la conscience (Lutz et al 2002).

Ces observations de synchronisations ont été confirmées, depuis les très petites échelles spatiales (moins de 2 mm), et ce jusqu’à de plus grandes distances (plus de 1cm). Les enregistrements auxquels nous nous intéresserons concernent les signaux LFP principalement, ainsi que les signaux EEG : ces enregistrements rendent compte d’activités de populations de neurones (pour plus de détails, voir le chapitre II). Dans ces deux cas, on peut observer des activités de synchronisations locales ou à longue distance (Figure 3), selon que l’on étudie une ou plusieurs électrodes (Varela 2002).

Pour résumer, on admettra par la suite comme hypothèses de travail que les systèmes complexes de mémorisation utilisés par le cerveau reposent sur la notion d’assemblées neuronales (conséquences d’un mécanisme de consolidation de type Hebbien), dont les informations sont intégrées par des activités neuronales synchronisées. Les enregistrements LFP ou EEG (avec une préférence, comme on le verra au chapitre II, pour le LFP), devraient permettre d’observer ces synchronisations. Cependant, il reste à établir comment, depuis les enregistrements de populations, on peut observer des synchronisations locales : la notion d’oscillations, qui sera développée dans le chapitre II, permettra de répondre à cette question.

Système olfactif, mémoire et perception des odeurs chez le rat

Le système sensoriel de l’olfaction du rat

Le système olfactif analyse les odeurs en traitant des molécules appelées odorants (voir pour revue Lledo et al. 2005, Purves et al. 2004). Ces odorants peuvent être orientés :

– vers le système olfactif accessoire via l’organe voméronasal; ce système est impliqué préférentiellement dans le traitement des odeurs liées à des comportements stéréotypés, plus particulièrement le comportement sexuel;
– vers le système olfactif principal; ce système est impliqué dans des tâches plus complexes, liées à l’apprentissage et à l’intégration d’informations d’autres modalités sensorielles.

La séparation stricte de ces deux voies fait actuellement l’objet d’un débat, car certaines observations suggèrent l’existence d’interactions mutuelles entre ces deux systèmes (par exemple Kondo et al. 2005).

Nous nous intéresserons par la suite uniquement au système olfactif principal, comprenant l’épithélium olfactif, le bulbe olfactif principal (nous l’appelleront bulbe olfactif par commodité), et les cortex piriforme et entorhinal latéral. Les odorants entrent en contact avec les neurorécepteurs situés dans la cavité nasale, dans la muqueuse olfactive (épithélium olfactif). Les axones de ces neurorécepteurs traversent l’os qui sépare la cavité nasale et le cerveau pour rejoindre le bulbe olfactif.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I
1 MECANISMES DE MEMORISATION
2 SYNCHRONISATIONS NEURONALES
3 SYSTEME OLFACTIF, MEMOIRE ET PERCEPTION DES ODEURS CHEZ LE RAT
3.1 LE SYSTEME SENSORIEL DE L’OLFACTION DU RAT
3.2 TRAITEMENT ET MEMORISATION DE L’INFORMATION OLFACTIVE
CHAPITRE II
1 ENREGISTREMENTS LFP ET EEG – PRINCIPES ET DIFFERENCES
1.1 EEG
1.2 LFP
1.3 BANDES DE FREQUENCES
2 POURQUOI LES ENREGISTREMENTS ONT-ILS UN CARACTERE OSCILLANT ?
3 QUEL PEUT ETRE LE ROLE FONCTIONNEL DES OSCILLATIONS ?
CHAPITRE III
1 TRAITEMENT DU SIGNAL ET REPRESENTATION DE FOURIER
2 REPRESENTATION TEMPS-FREQUENCE: DE FOURIER AUX ONDELETTES
3 LES ONDELETTES
4 DIFFERENT TYPES D’ONDELETTES
4.1 ONDELETTES ET DECOMPOSITIONS DISCRETES
4.2 LES PAQUETS D’ONDELETTES
4.3 PROPRIETES DES CARTES TEMPS-FREQUENCE CONTINUES
5 RECHERCHE DE LA MEILLEURE DECOMPOSITION
5.1 NON PERTINENCE DES TRANSFORMEES DISCRETES
CHAPITRE IV
1 CHOIX DES FONCTIONS BOSSES ET FENETRAGE DE LA CARTE
1.1 CHOIX DES FONCTIONS BOSSES
1.2 BORDURES
1.3 RESOLUTION ET FENETRAGE
2 PRETRAITEMENTS DE LA CARTE TEMPS-FREQUENCE
2.1 SEUILLAGE
2.2 NORMALISATION ET RECALAGE
2.3 SOUS-ECHANTILLONNAGE
3 ALGORITHME DE DECOMPOSITION EN BOSSES
3.1 RECHERCHE DE LA ZONE D’ENERGIE MAXIMALE
3.2 ADAPTATION D’UNE BOSSE
3.3 CRITERE D’ARRET
4 ANALYSE DES BOSSES
4.1 NOTION DE REPRODUCTIBILITE
4.2 ÉLAGAGE DES BOSSES
5 RESULTATS SUR DES SIGNAUX ARTIFICIELS
CHAPITRE V
1 TACHE DE MEMORISATION D’ODEURS DANS LE CADRE D’UNE EXPERIENCE
COMPORTEMENTALE DE TYPE « GO-NO GO »
2 MATERIEL ET METHODES
2.1 IMPLANTATION DES ELECTRODES
2.2 ENREGISTREMENTS ET TRAITEMENT DU SIGNAL
3 RESULTATS CONNUS
3.1 ANALYSE DES SIGNAUX
3.2 OBSERVATIONS
4 RESULTATS OBTENUS PAR LA MODELISATION EN BOSSES
4.1 OBJECTIFS DE L’ETUDE
4.2 RESULTATS : CARTES DE REPRODUCTIBILITE
4.3 RESULTATS : CLASSIFICATION DE SIGNAUX
5 DISCUSSION
CHAPITRE VI
1 ALZHEIMER : UNE PATHOLOGIE DE LA MEMOIRE CHEZ L’HOMME
2 ENREGISTREMENTS EEG ETUDIES
3 EEG ET BRUITS : LA SEPARATION DE SOURCES AVEUGLE
4 AMUSE (ALGORITHM FOR MULTIPLE UNKNOWN SIGNALS EXTRACTION)
5 ORTHOGONAL FORWARD REGRESSION
6 RESULTATS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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