Mécanismes élémentaires de dispersion de charges de silice dans une matrice élastomère

Dans l’industrie pneumatique, les charges de renforcement sont une solution sans alternative pour l’obtention des propriétés d’usage du caoutchouc. Le noir de carbone s’est longtemps imposé comme charge renforçante pour son affinité naturelle avec le caoutchouc naturel. Plus récemment la silice a été reconnue meilleure pour ses propriétés dans le renforcement des pneumatiques. Néanmoins, pour tirer profit des propriétés que la silice pouvait conférer au pneumatique, il a fallu trouver des agents de liaison silice-caoutchouc.

Les performances principales d’un pneumatique sont : l’adhérence, la moindre résistance au roulement et la résistance à l’usure. Les deux premières performances sont directement liées aux mécanismes de dissipation d’énergie dans le pneu. La dissipation d’énergie est la réponse du caractère visqueux de l’élastomère à la sollicitation mécanique. Elle est donc fonction de la température, de la fréquence, de l’amplitude de la déformation et du mode de sollicitation. Sachant que les propriétés viscoélastiques de l’élastomère sont l’image du comportement physique des chaînes macromoléculaires qui le constituent, il est possible de les modifier en perturbant les mouvements des chaînes grâce aux charges renforçantes. La difficulté est que les performances de résistance au roulement et d’adhérence sont antagonistes. En effet, l’adhérence qui permet aux véhicules de tenir la route, de freiner dans des délais raisonnables et d’avancer nécessite le phénomène d’hystérèse ou de retard à la réaction mécanique. Par ce phénomène, une partie de l’énergie fournie est transformée en chaleur. En marche normale, cette perte d’énergie due à l’échauffement du pneumatique est la résistance au roulement. On souhaite la baisser sans compromettre les propriétés d’adhérence. Il se trouve que les déformations de la surface du pneumatique au contact avec les aspérités du sol génératrices d’adhérence se produisent à des fréquences élevées (10³ à 10⁷ Hz) alors que les déformations de toute la structure du pneumatique produisant l’échauffement de celui-ci ont lieu à des fréquences de l’ordre de 100Hz [MIC 02]. Les deux territoires fréquentiels sont donc distincts. La silice a permis d’élargir davantage la zone de transition vitreuse de façon à garder l’hystérèse à haute fréquence (adhésion) et de la baisser à basse fréquence (résistance au roulement). Le compromis a ainsi été trouvé et réalisé dans le « pneu vert » [MIC 02]. La résistance à l’usure, quant à elle, tient au fait que les chaînes macromoléculaires sont tenues entre elles par des liaisons fortes à l’interface macromolécule-charge empêchant ainsi le déchirement de la gomme du pneumatique. C’est la raison pour laquelle, l’utilisation de la silice en pneumatique a commencé tardivement. Il a fallu trouver des molécules de liaison entre l’élastomère et la silice qui contrairement au noir de carbone (qui est la charge de renforcement traditionnelle) ne forme pas de liaison naturelle avec le caoutchouc. On voit alors l’importance de la quantité d’interface entre la charge de silice et l’élastomère ainsi que le nombre de liaisons pouvant s’établir entre les deux, d’où la nécessité de disperser jusqu’à la plus petite taille possible les microperles ou les granulés de silice afin d’augmenter la surface de contact élastomère-charge.

Depuis 1992, Michelin a lancé un nouveau type de pneu : le « pneu vert », en associant une silice originale développée par Rhodia, à un élastomère de synthèse par un agent de couplage, réunis par un procédé spécifique de mélangeage [BOM 96]. Outre la diminution de la résistance à l’avancement, les pneumatiques renforcés par la silice dite « hautement dispersible » présentent une meilleure adhérence sur sol mouillé et sur sol enneigé comparé au noir de carbone, tout en conservant une bonne tenue à l’usure.

Le pneumatique 

Depuis son invention au 19ème siècle, la structure du pneumatique s’est beaucoup complexifiée, combinant aujourd’hui pas moins de 200 composants [MIC 02]. Il est constitué d’une enveloppe, d’une jante et d’un disque. L’enveloppe comprend une carcasse interne, une ceinture métallique, une bande de roulement, un accrochage, des flancs et un élément intérieur d’étanchéité à l’air.
➤ La carcasse : C’est une armature de fils métalliques parallèles. Elle relie la ceinture à la zone d’accrochage à la jante. C’est le squelette du pneumatique. Dans le pneu radial, la carcasse est disposée en arceaux droit (de façon radiale).
➤ La ceinture : elle est faite de nappes de câbles métalliques et enrobés dans le caoutchouc. Les nappes sont croisées obliquement. La ceinture est le support sur lequel s’appuie la bande de roulement. Les fils des nappes forment avec ceux de la carcasse métallique des triangles indéformables qui assurent la rigidité du sommet.
➤ La bande de roulement : C’est la partie du pneumatique en contact avec le sol. Elle est sculptée de manière à pouvoir évacuer l’eau et permettre un bon contact avec le sol. Elle doit être juste assez massive pour tenir à l’usure sans générer des forces centrifuges trop importantes au roulement à grande vitesse. Elle est constituée d’un mélange de polymère renforcé et étudié pour résister à l’abrasion, aux déchirures et au vieillissement.
➤ La zone d’accrochage ou talon : elle assure la liaison entre la jante et le pneumatique. Elle contient des tringles qui sont des câbles en acier et doit résister aux frottements permanents de la jante.
➤ Les flancs : C’est la partie latérale en caoutchouc. Ils protègent le pneu contre les frottements sur le trottoir et contre les attaques chimiques à l’ozone de l’air. Ils doivent résister aux déformations répétées.
➤ La couche d’étanchéité : Elle remplace la chambre à air dans les pneus tubeless. Elle est faite d’une mince couche de caoutchouc renforcé de manière à la rendre imperméable à l’air.

Dans notre étude, nous nous intéressons à la bande de roulement qui bénéficie dans le pneu vert d’une formulation de mélange à base de silice destinée à réduire son auto-échauffement en roulement. Le choix des éléments constitutifs du mélange et de leur rapport de quantité dépend de la catégorie à laquelle le pneu est destiné : poids lourd, véhicule de sport ou avion. Les mélanges sont toujours composés essentiellement d’élastomères (près de 80% en masse) dont les coupages (proportions dans les combinaisons d’élastomères) sont choisis là aussi en fonction du type de véhicules mais aussi de la zone du pneumatique concernée. Les coupages permettent d’avoir entre autre, la classique gamme de Tg [-75°C, 50°C] correspondant au compromis entre la résistance à l’usure et la tenue de route.

Les mélanges pour les pneumatiques : relation formulation/propriétés mécaniques [MIC 05, IFO 87]

La réalisation d’un pneumatique répond à un cahier des charges exigeant. Il s’agit toujours d’un compromis entre différentes propriétés mécaniques car, favoriser une propriété précise peut en défavoriser une autre. Par exemple, pour réduire au maximum la consommation des véhicules, il faudrait augmenter la dureté des mélanges utilisés pour les flancs. Mais cela baisserait en même temps le confort et l’efficacité du freinage. La formulation est donc spécifique à l’application visée. Dans tous les cas, les élastomères seuls ne peuvent répondre aux qualités recherchées. La formulation vise à :

➤ Améliorer les propriétés d’usage comme l’adhérence, la résistance à l’usure, la diminution de l’auto-échauffement: Des charges renforçantes sont alors incorporées dans l’élastomère pendant le mélangeage afin d’augmenter la résistance à la rupture et de baisser l’hystérèse des mélanges. Le renforcement est optimisé lorsque la dispersion des charges dans le mélange est maximale. En effet, plus la charge est dispersée et plus l’interface qu’elle offre à l’élastomère est grande. On choisit donc des charges de grande surface spécifique telle que le noir de carbone et la silice. Dans le cas de la silice qui, à cause de son caractère hydrophile ne présente aucune affinité naturelle avec l’élastomère, on ajoute des agents de couplage pour établir la liaison entre la surface de la silice et les macromolécules de l’élastomère.

➤ Empêcher l’écoulement de l’élastomère : Pendant la dernière étape de la mise en œuvre, des agents de vulcanisation sont ajoutés au mélange afin de réticuler l’élastomère et ainsi permettre la mise en forme du pneumatique. Il s’agit précisément du soufre, d’activateurs, d’accélérateurs, d’adjuvants…

➤ Protéger l’élastomère contre l’oxydation : des agents de protection sont utilisés surtout pour les mélanges destinés aux flancs des pneumatiques. On fait souvent appel aux amines qui en outre donnent de la résistance aux flexions répétées de cette zone du pneumatique.

➤ Faciliter la mise en œuvre : Il est important de contrebalancer l’effet durcissant des charges de renforcement pendant la mise en œuvre. Pour cela, des huiles sont ajoutées au mélange comme agents plastifiants.

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Table des matières

Introduction
I. Problématique
II. Contexte
III. Objectifs et démarche
Chapitre I : Bibliographie générale
I. Le pneumatique
II. Etapes de préparation du pneumatique : Le mélangeage interne
III. Les mélanges pour les pneumatiques : relation formulation/propriétés mécaniques
IV. Les constituants principaux des mélanges
IV.1. Les élastomères, propriétés générales
IV.2. La silice : synthèse et mise en forme
IV.2.1. présentation de la silice amorphe de précipitation
IV.2.2. Synthèse et mise en forme de la silice amorphe de précipitation
IV.3. Le noir de carbone : synthèse mise en forme et structure
V. Paramètres caractéristiques des charges et méthodes de mesure
V.1. Paramètres dimensionnels
V.1.1.Taille des particules : granulométrie
V.1.2. Surface spécifique des particules
V.2. Paramètres structurels
V.2.1. Porosité
V.2.2. La dimension fractale
V.2.3. La densité
VI. La dispersion des charges
VI.1. Dispersion en mélangeur interne
VI.2. Dispersion en rhéo-optique
VI.2.1. Mécanismes de dispersion
VI.2.2. Modélisation de la dispersion
VII. Paramètres de la dispersion
VII.1. Les paramètres hydrodynamiques
VII.2. La cohésion de la charge
VII.3. Les interactions charge/charge
VII.4. Les interactions charge/matrice
VII.4.1. Le caoutchouc lié (bound rubber)
VII.4.2. L’infiltration de la charge par la matrice
VIII. Conclusions
Chapitre II : Matériaux et techniques expérimentales
I. Matériaux de l’étude
I.1. Les charges de silice
I.1.1. Silices industrielles
I.1.2. Silices issues du pilote Rhodia
I.2. Les charges de noir de carbone
I.3. Les billes de verre
I.4. Les matrices
I..4.1 La matrice Styrène- Butadiene (SBR)
I.4.2. Le PDMS et le PIB
II. Matériel et Techniques expérimentales
II.1. La cellule de cisaillement contra-rotative
II.1.1 Présentation de l’appareil, Géométrie d’écoulement et paramètre de la
géométrie
II.1.2 Incertitudes sur les mesures
II.1.3. Contrôle du zéro de l’entrefer et de l’entrefer
II.1.4. Validité des mesures
II.2. Le microscope électronique à balayage (MEB)
II.3. Les rhéomètres
II.3.1. Le rhéomètre ARES
II.3.2. Le Rhéoplast ®
II.4. Le mélangeur interne
II.5. Les logiciels d’analyse d’image
II.6. Le micro-indenteur
ChapitreIII : Rhéologie du SBR
I. Mesures rhéologique
I.1. Préparation des échantillons
I.2. Rhéométrie oscillatoire
I.2.1. Mode opératoire
I.2.2. Balayage en fréquence
I.2.3. Balayage en température
I.3. Rhéométrie capillaire
II. Auto-échauffement dans la cellule de cisaillement contra-rotative
III. Calcul des contraintes hydrodynamiques dans la cellule de cisaillement contrarotative
III.1. Les lois d’écoulement
III.1.1. Les lois de pseudoplasticité
III.1. 2. Les lois de viscoélasticité
III.2. Calcul des contraintes locales autour d’une particule dans un champ de
cisaillement
III.2.1. Cas newtonien
III.2.2. Cas viscoélastique : application au SBR
IV. Conclusion
Chapitre IV : Caractérisation des charges de silice
I. Caractérisation des silices en Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
I.1. Protocole expérimental
I.2. Images MEB et structure de la silice
II. Infiltration des charges de silice par des matrices polymères
II.1.Analyse théorique du processus d’infiltration des charges en statique
II.1.1. Le modèle de Bohin et al
II.1.2. Effet du degré de saturation du granule infiltré: Modèle de Yamada et al
II.1.3. Effet de la taille des pores
II.1.4. Effet de la tortuosité
II.2. Mesure de la cinétique d’infiltration
II.2.1. Infiltration des silices Z1115MP et Z1165MP par le SBR
II.2.2. Infiltration des silices Z1115MP et Z1165MP par le PDMS et le PIB
III. Compression des microperles de silice
III.1. Protocole expérimental
III.2. Essais préliminaires
III.3. Résultats sur la compression des charges de silice
III.4. Interprétation des résultats sur la compression des charges
III.4.1.Test de retour élastique de la silice
III.4.2. Le contact de Hertz
III.4.3. Influence du scotch
III.4.4. Comparaison Z1115MP/Z1165MP en compression
IV. Conclusion
Conclusion

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