Mécanisme d’action commun aux organochlorés et aux pyréthrinoïdes

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Distribution des vecteurs

An. arabiensis est ainsi décrit comme l’espèce des zones et/ou de saisons sèches et sa distribution s’étend sur toute la corne de l’Afrique et le sud-ouest de la péninsule arabique. Il est savanicole et peut être très abondant en saison sèche. Avec An. gambiae, ils sont sympatriques dans la quasi-totalité de leur aire de répartition en Afrique subsaharienne. En général, An. gambiae domine en zone de forêt et de savane humide (Coluzzi et al., 1979). Moins anthropophile qu’An. gambiae, An arabiensis présente des indices sporozoïtiques qui varient suivant le comportement trophique, à Madagascar, il se nourrit surtout sur le bétail, il présente alors des indices sporozoïtiques très faible (moins de 0,1 %). An. quadriannulatus et An. amharicus (Coetzee et al., 2013) strictement zoophiles, sont respectivement rencontrées dans l’Est de l’Afrique méridionale et en Ethiopie. Les larves de ces quatre derniers vivent dans l’eau douce. Des aménagements environnementaux pour l’agriculture irriguée le long du fleuve Sénégal ont créé des conditions favorables à la réimplantation d’An. funestus qui était absent durant les années 70. Il est retrouvé en abondance dans des villages des périmètres aménagés près de Richard-Toll (Konaté et al., 2001). Les larves d’An. bwambae vivent dans les sources d’eau minérale de la forêt de Semliki en Ouganda (White, 1985); bon vecteur mais d’importance très locale. Les larves d’An. melas et d’An. merus vivent en eau saumâtre, respectivement sur le littoral Ouest et Est africain. An. comorensis est présent dans l’île du Grand Comores dans l’Océan indien (Carnevale & Robert, 2009) et enfin Anopheles fontenillei, récemment découvert dans les zones forestières du Gabon, en Afrique centrale (Barron et al., 2018).

Les vecteurs du paludisme au Sénégal et répartition

Au Sénégal une vingtaine d’espèces d’anophèles sont actuellement connues, seuls An. gambiae, An. coluzzii, An. arabiensis et An. funestus ont une importance épidémiologique dans la transmission du paludisme et de la filariose de Bancroft (Diagne et al., 1994). Ces quatre espèces sont d’excellents vecteurs qui se relayent au cours des saisons et ont une longévité élevée et une préférence trophique prononcée pour l’homme. C’est ce qui explique la quasi-continuité de la transmission anophélienne des Plasmodiums humains dans les zones de sympatrie (Niang, 2009). Les espèces du complexe Gambiae dont la répartition est plus large, sont localisées un peu partout dans le territoire national. Parmi les vecteurs majeurs dans la transmission du paludisme on a An. gambiae, An. arabiensis et An. coluzzi. Les espèces An. melas, An. nili et An. pharoensis sont d’une importance locale. Cependant, à travers le territoire, l’essentiel de la transmission est assuré par An. arabiensis (Faye et al., 2011). Il est en sympatrie avec An. gambiae et An. coluzzii dans presque tout le territoire national et leurs fréquences relatives varient en fonction des conditions climatiques. An. arabiensis est plus abondant en zones sahéliennes et soudano-sahéliennes alors qu’An. gambiae est prédominant dans les zones de savane humide (Vercruysse, 1985; Dia et al., 2008; Lemasson et al., 1997; Fontenille et al., 1997; Robert et al., 1998). An. melas inféodé à l’écosystème d’eau saumâtre, est localisé le long du littoral mais également à l’intérieur des terres le long des cours d’eau du Sine-Saloum et de la Casamance jusqu’aux limites de la remontée des eaux marines. Ainsi que dans les zones de mangrove du Sine-Saloum, de basse Casamance et de Saint-Louis (Diop et al., 2002). La distribution d’An funestus est hétérogène avec comme zone d’abondance celle allant de la basse vallée du fleuve au Nord-Ouest de la basse vallée du Ferlo en passant par la zone du lac Guiers. Il est également présent dans le centre-Ouest (Dielmo) et dans la région méridionale (Tambacounda, Kédougou, Kolda) ainsi que dans la zone côtière des Niayes ou la densité est très faible (Faye et al., 2011). An. pharoensis présent dans toutes les zones géographiques du pays, est prédominant surtout dans les zones de rizières irriguées du delta et de la moyenne vallée du fleuve Sénégal et en Casamance (Faye et al., 1995a; 2011). La présence d’An. nili est signalée uniquement dans la zone du Sénégal oriental et de la Casamance (Dia et al., 2003). Son rôle dans la transmission a été mis en évidence dans la zone humide de Kédougou au Sud-Est (Faye et al., 2011).

Cycle biologique des anophèles

Les anophèles sont des moustiques, ayant une répartition quasi-mondiale. Leur présence dans un biotope donné est largement liée à leur écologie larvaire. Les femelles préfèrent pondre leurs œufs dans une collection d’eau particulière d’où le développent des larves dans diverses collections d’eau de diverse taille: ornières, empreintes de pas ou de sabots, mares temporaires ou permanentes, rizières etc (Djogbénou, 2009; Carnevale & Robert, 2009). Elles ne s’accouplent généralement qu’une seule fois, le stockage du sperme dans la spermathèque leur permet de l’utiliser tout au long de leur vie pour féconder les ovules (Pages et al., 2007). Après accouplement les femelles d’An. gambiae s.l. ont besoin d’un repas de sang tous les deux ou trois jours pour la maturation des œufs. La femelle dépose à chaque ponte de 50 à 300 œufs environ à la surface de l’eau. Ces œufs éclosent au bout de 1 à 2 jours, libérant les larves qui flottent en général parallèlement à la surface de l’eau.
Comme tous les moustiques le cycle de vie des anophèles comprend deux phases: une aquatique pour les stades pré-imaginaux (œuf, larve et nymphe) et une autre aérienne ou stade adulte (Carnevale & Robert, 2009). Il y a quatre stades larvaires, le premier est celui de la petite larve émergeante de l’œuf. Après 1 jour ou 2, elle mue et passe ainsi au deuxième stade, suivi par le troisième et le quatrième stade à des intervalles d’environ deux jours chacun.
La larve reste au quatrième stade pendant 3 à 4 jours, avant de devenir une nymphe. La nymphe est l’objet de remaniements internes très importants au cours de la métamorphose qui permet la transformation en adulte ailé (Carnevale & Robert, 2009).
1, 2 Larve; 3 Nymphe, 4 Devenu adulte, l’Anopheles s’envole; 5 Accouplement; 6 La femelle de l’Anopheles cherche un repas de sang pour développer ses œufs;7 Elle pique un individu qui peut être infecté par le paludisme; 8 femelle gorgée de sang (maturation des œufs); 9 Ponte; 10 Deuxième piqûre qui peut être infectante.

Morphologie

Les anophèles sont des insectes à métamorphose complète (holométaboles) de sorte que l’adulte, la larve et la nymphe ont des morphologies très différentes, adaptées à leurs modes de vie, aquatique pour les stades pré-imaginaux et aérien pour le stade adulte ou imaginal (Carnevale
& Robert, 2009).
Les œufs
Les œufs d’anophèles sont facilement reconnaissable grâce à deux flotteurs latéraux, ils sont pondus isolément au vol, à la surface de l’eau. Ils ne résistent généralement pas à la dessiccation et éclosent dans les 48 heures après l’oviposition, dès que l’embryon est entièrement développé
La larve
Morphologiquement, la larve se compose de trois parties: la tête, le thorax et l’abdomen (figure 2). Les larves d’anophèle se reconnaissent vis-à-vis de celles des Culicinae par leur position parallèle à la surface de l’eau avec la face dorsale vers le haut alors que les larves de Culicinae adoptent une position oblique par rapport à la surface de l’eau. Chez les anopheles, la larve s’alimente en surface, elles plongent rapidement si elles sont dérangées mais doivent revenir sans tarder à la surface pour respirer, tandis qu’elle s’alimente en profondeur chez les autres moustiques de la sous-famille Culicinae (Carnevale & Robert, 2009).
La nymphe
La nymphe est remarquable par sa forme en virgule résultante de la coalescence de la tête et du thorax qui forment un céphalothorax volumineux auquel fait suite un abdomen de 10 segments (dont 8 sont bien visibles) et terminé par 2 palettes natatoires (figure 2C). Elle a une respiration aérienne via deux trompettes respiratoires reliées latéralement sur le céphalothorax, qui affleurent à la surface de l’eau lorsque la nymphe est au repos ; elle ne s’alimente pas à ce stade (Carnevale & Robert, 2009).
L’adulte
L’adulte (ou imago) comporte trois parties bien distinctes: la tête, le thorax et l’abdomen. Au repos, les anophèles adoptent généralement une position oblique par rapport au support (figure 3A), les différenciant facilement des Culicinae qui se positionnent parallèlement au support, excepté An. culicifacies (Carnevale & Robert, 2009). Les palpes des anophèles portent de nombreuses écailles, sombres ou claires (figure 3B), et cette ornementation est très utilisée pour la détermination des espèces (Gillies & De Meillon, 1968). Le thorax comporte trois segments (pro-méso-métathorax), le deuxième segment du thorax est le plus développé, c’est le segment alaire. Il comprend les muscles du vol et porte une paire d’ailes membraneuses d’apparence tachetée car recouvertes d’écailles sombres ou claires (figure3C). Cette ornementation alaire caractéristique permet de reconnaitre les anophèles des autres Culicinae (Carnevale & Robert, 2009).

Lutte anti-vectorielle

La lutte anti-vectorielle est l’une des composantes de la lutte antipaludique qui regroupe l’ensemble des mesures mises en œuvre pour contribuer à la suppression ou tout au moins à la réduction de la morbidité et de la mortalité palustre. Elle a pour but de prévenir, d’interrompre ou de réduire au minimum la transmission anophélienne par une lutte anti- larvaire et/ou anti-adulte incluant la réduction du contact homme/vecteur, à travers des actions physiques, chimiques et/ou biologiques (Carnevale & Robert, 2009; PNLP, 2017).

Les mesures de lutte

La lutte à base d’insecticides est aujourd’hui la plus utilisée, elle est basée sur les deux méthodes largement applicables à savoir les moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA) et l’aspersion intradomiciliaire d’insecticides à effet rémanent (AID). D’autres méthodes complémentaires existent telles que la gestion des gites larvaires et des mesures de protection individuelle (Pagès et al., 2007; Djogbénou, 2009; OMS, 2018; PNLP, 2017).

La lutte antilarvaire

Elle s’effectue au niveau des gîtes et consiste à détruire les larves avant qu’elles ne deviennent des adultes. Elle comporte des actions physiques (drainage, mise en boîte des eaux, captage des résurgences, comblement, boisement); chimiques par l’épandage de larvicides ou d’huiles, les premiers agissent par un effet toxique sur les larves tandis que les seconds les asphyxient ; biologiques par l’introduction dans les gîtes de prédateurs (poissons larvivores tels que Gambusia affinis ou Lebistes reticulatus), de bactéries (Bacillus thuringiensis israelensis ou BTI et Bacillus sphaericus), de virus ou de champignons. L’utilisation de mimétiques d’hormones régulatrices de croissance est également rangée dans la lutte biologique (Mittal, 2003 in Pagès et al., 2007; Carnevale & Robert, 2009; Djogbénou, 2009; PNLP, 2017).
Le rôle essentiel de la lutte des stades imaginaux est la réduction du contact homme- vecteur et si possible l’interruption de la chaîne de transmission. Elle se fait par l’imprégnation de matériaux et/ou au moyen de l’aspersion intradomiciliaires et/ou spatiale (extra-domiciliaire) d’insecticides à effet rémanent. Ces insecticides agissent principalement sur la densité des populations des vecteurs ciblés et sur leur longévité, diminuant ainsi la probabilité de survie jusqu’à un âge épidémiologiquement dangereux (Pagès et al., 2007; Carnevale & Robert, 2009 ; Djogbénou, 2009; Niang, 2009; PNLP, 2017).

Insecticides et mécanismes d’action des insecticides

Les insecticides

Les insecticides sont des substances ou préparations actives ayant la propriété de tuer les adultes, les larves et/ou les œufs d’insectes. Ils font partie de la famille des pesticides, eux même inclue dans la famille des biocides à usage agricole et médico-vétérinaire (Carnevale & Robert, 2009). Les molécules d’insecticides usuelles de la LAV appartiennent généralement aux quatre familles d’insecticides organiques que sont les organochlorés, les pyréthrinoïdes, les carbamates, et les organophosphorés. A cela s’ajoute des nouveaux composés représentants la classe des pyrroles (chlorfenapyr) ou des phényles pyrazoles (par exemple, fipronil) (OMS, 2017b) et les Néonicotinoïdes: clothianidine (OMS, 2019).
Les organochlorés
Les organochlorés sont des toxiques neurotropes qui altèrent le fonctionnement des canaux sodium indispensables à la transmission de l’influx nerveux. Ils comprennent le Dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) et ses dérivés, les cyclodiènes (Dieldrine…).
Le DDT, par exemple agit sur l’insecte par contact et ingestion, induisant un tremblement généralisé (incoordination motrice) puis une paralysie. Ils ont un caractère très stables et bioaccumulables ils sont peu solubles dans l’eau, d’où des problèmes d’accumulation dans les organismes et les écosystèmes via les chaînes alimentaires. Certains peuvent persister très longtemps dans les sols, les tissus végétaux et les graisses c’est pourquoi ils ont été interdits par la convention de Stockholm (Carnevale & Robert, 2009).
Les pyréthrinoïdes de synthèse
Ils sont copiés sur les pyrèthres naturels (extraits de plantes), en cherchant à augmenter leur toxicité et leur photostabilité. Comme les organochlorés, ils tuent l’insecte en bloquant le fonctionnement des canaux sodium indispensables à la transmission de l’influx nerveux. Ils sont cependant très toxiques pour certains organismes aquatiques (poissons) ainsi que pour les auxiliaires de l’agriculture dont les abeilles (Carnevale & Robert, 2009), raison pour laquelle ils sont utilisés uniquement pour l’imprégnation des moustiquaires mais constituaient également la principale famille utilisée en AID (OMS, 2012b). Il existe deux types de pyréthrinoïdes: les pyréthrinoïdes de type I comprenant la Perméthrine et la Phénothrine et les pyréthrinoïdes de type II (Lamdacyhalothrine, Deltaméthrine, Alphacyperméthrine,…) qui diffèrent des premiers par la présence d’un groupement alphacyané, et généralement plus toxiques que les composés de type I (Brander et al., 2016).
Les organophosphorés
Ce sont des dérivés de l’acide phosphorique exemple Malathion, Fénitrothion, Pirimiphos-méthyl, etc. Leur point commun est une certaine liposolubilité et un mode d’action sur le système nerveux par inhibition du cholinestérase, qui est bloquée sous une forme inactive: l’acétylcholine s’accumule au niveau de la synapse, empêchant la transmission de l’influx nerveux et entraînant la mort de l’insecte (Carnevale & Robert, 2009).
Les carbamates
Ce vaste ensemble regroupe les dérivés de l’acide carbamique exemple: BPMC, carbaryl, propoxur, bendiocarbe, carbofuran, etc. Ils agissent, le plus souvent par contact en inhibant le cholinestérase (Carnevale & Robert, 2009).

Mécanismes d’action des insecticides

Mécanisme d’action commun aux organochlorés et aux pyréthrinoïdes

Les pyréthrinoïdes, telles que la pyréthrine et la deltaméthrine, et la majorité des organochlorés, comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), sont des produits neurotoxiques, ils ciblent le canal sodique voltage-dépendant (Wang et al., 2015). Ces canaux sont en fait composés de quatre domaines homologues (I-IV) formant la sous-unité Alpha (α), chacun d’eux étant constitué de six segments (S1-S6) reliés par des boucles intra- et extracellulaires (figure 4). Ils jouent un rôle essentiel dans l’excitabilité de la membrane plasmique (Silva et al., 2014 in Rubert et al.,2016). Lors de leur activation, les canaux sodiques voltage-dépendants s’ouvrent et permettent le passage des ions (Rubert et al., 2016). Les pyréthrinoïdes et organochlorés se lient au niveau des sites PyR1, formé par le segment S5 du domaine II et S6 du domaine III, et PyR2,
à l’interface du segment S5 du domaine I et S6 du domaine II Silva et al., 2014 in Rubert et al.,2016). Une fois fixés, les insecticides maintiennent alors les canaux dans un état d’ouverture prolongé délétère. L’effet « knock-down », causé par les insecticides, se définit par la perte de coordination et la paralysie du moustique, conduisant inévitablement à sa mort. D’autres organochlorés, plutôt minoritaires comme la dieldrine utilisée en alternative dans l’agriculture, ont pour cible les canaux GABA de type A (GABA- A) du moustique. La fixation de la dieldrine sur le récepteur GABA-A entraine une perturbation du passage des ions chlorures, et donc la mort de l’anophèle (Rubert et al., 2016).

La résistance métabolique

La résistance métabolique résulte des modifications dans les systèmes enzymatiques du moustique qui entrainent une détoxication de l’insecticide plus rapide que la normale. Cette détoxication empêche l’insecticide d’atteindre sa cible à l’intérieur de l’insecte (Djogbénou, 2009). Dans le cas des vecteurs du paludisme, trois systèmes enzymatiques jouent un rôle important dans la métabolisation des insecticides: les estérases, les monooxygenases et les glutathion S-transférases. Leur production est plus importante chez les moustiques résistants que ceux sensibles, ceci est dû soit à une modification du copie du gène régulateur du niveau d’expression de ces enzymes (Rooker et al.,1996; in Djogbénou,2009) ou à une augmentation du nombre de copies de ce gène (Devonshire et al., 1991; Wirth et al., 1990 in Djogbénou., 2009).

Les estérases: carboxylestérases (COEs)

Impliquées dans la détoxification de phase I, les carboxylestérases (COEs) sont des esters ayant une action directe dans la dégradation d’organophosphorés (Haubruge & Amichot, 1998). Ils présentent une faible spécificité de substrat qui permet de métaboliser les organophosphorés ou les carbamates. En effet elles hydrolysent les liaisons esters, permettant ainsi la libération d’un alcool et d’un acide carboxylique par ces trois mécanismes: l’amplification de gènes, la surexpression de gènes et des mutations adaptatrices dans la séquence codante des gènes (Rubert, 2016).

Les cytochromes P450

Les cytochromes P450 constituent la principale famille d’enzymes responsables du métabolisme des pyréthrinoïdes chez les insectes (Feyereisen et al., 2005 in Ranson et al., 2011). Il existe 111 enzymes P450 chez An. gambiae (Ranson et al., 2002), seul un petit nombre de ces enzymes sont capables de détoxifier les insecticides. Trois gènes P450 ont été relevés à maintes reprises sur-exprimés chez des populations d’An. gambiae résistantes aux pyréthrinoïdes : cyp6m2, cyp6p3 et cyp6z2 (Djouaka et al., 2008 ; Muller et al., 2008 in Ranson et al.,2011). Tous ces gènes codent pour des enzymes capables de se lier aux insecticides à base de pyréthroïdes, mais seuls le CYP6P3 et le CYP6M2 peuvent les métaboliser (Ranson et al., 2011). La surexpression du gène CYP6P3 chez An. gambiae était associée à la résistance au DDT et aux pyréthrinoïdes, tout comme celle de CYP6M2 qui diminuait la sensibilité aux carbamates (Djogbénou, 2009; Edi et al., 2014)

Les glutathion-S-transférases (GST)

Les glutathion-S-transférases (GST), ubiquitaires dans les organismes aérobies et activées en présence de glutathion (GSH), sont des enzymes qui se lient habituellement aux molécules toxiques pour les convertir en composés lipophiles non toxiques. Une surexpression du gène codant GSTe2 suffit à installer une résistance au DDT, et de façon croisée, aux pyréthrinoïdes. De même, une mutation en position L119F altère la structure tertiaire de GSTt au niveau du site H, limitant ainsi l’ancrage du substrat insecticide, et donc son action locale (Riveron et al., 2014).

Les résistances par modification de la cible

Les mutations kdr

Les mutations du canal sodique voltage-dépendant ont été abondamment rapportées. La résistance, baptisée Kdr pour « knock-down résistance », a été observée pour la première fois dans les années 1950, suite à son installation chez la mouche domestique (Zhong, 2013). Chez l’anophèle, la mutation à l’origine de Kdr se trouve en position 1014 dans le segment hydrophobe 6 du domaine II du canal sodique voltage dépendant. Cette substitution modifie l’affinité du canal pour les insecticides, par l’intermédiaire d’interactions énergiquement défavorables au niveau du site PyR2. La perte d’efficacité serait plus marquée pour les pyréthrinoïdes que pour le DDT (Wang et al., 2015), et plus fréquente chez les espèces du complexe An. gambiae que du groupe An. funestus. Une nouvelle mutation, la N1575Y, située dans la boucle intra-cytoplasmique reliant les domaines III et IV des canaux sodiques, a été observée dans des populations d’An. gambiae porteurs de la mutation L1014F/S. Elle augmente de manière significative la résistance aux pyréthrinoïdes, alors que seule, la mutation N1575Y, ne semble avoir aucun effet (Wang et al., 2015).

La mutation Ace 1

Une mutation unique, la substitution G119S du gène ACE-1 codant le site catalytique de l’AChE-1, est capable à elle seule d’empêcher la liaison des insecticides au site estérasique de l’acétylcholinestérase, par modification conformationnelle (Weill et al., 2004). Toutefois, cette mutation affecte également la fixation de l’acétylcholine, substrat naturel de l’AChE-1 chez le moustique, ce qui se traduit par une altération de tous les mécanismes chimiques induits par ce neurotransmetteur. La surexpression des AChE-1 va permettre, en partie, de compenser cet effet délétère pour le moustique (Essandoh et al., 2013).

Le statut de résistance

La réponse évolutive à différentes situations stressantes a permis aux différents organismes de sélectionner les mécanismes les plus performants pour survivre à des conditions extrêmes, notamment en présence de produits ayant un effet létal, comme les insecticides (Wood & Bishop, 1981). La forte pression exercée sur les cibles favorise l’émergence d’une population résistante, sélectionnée à partir de la population sauvage, sensible (Forbes et al., 1997). L’implication d’An. gambiae s.l. dans la résistance aux insecticides a été observée très tôt en Afrique avec la résistance à la Dieldrine en 1954 au Nigéria, puis quelques années plus tard au Burkina et Code d’Ivoire (Adam, 1958). Par ailleurs, la résistance détectée à Bobo Dioulasso (Burkina Faso) en 1967 impliquant pour la première fois An gambiae s.s est attribuée à l’utilisation du DDT contre les parasites du coton (Chandre et al., 1999). Peu de temps après, cette observation a été faite chez An. arabiensis du Sénégal (Brown et al 1973). En effet depuis les années 1970, les pyréthrinoïdes sont été extensivement utilisé dans les zones urbaines (comme serpentins domestiques et aérosols) ainsi qu’à des fins agricoles en milieu rural créant ainsi une pression de sélection non négligeable sur les populations d’An. gambiae s.l. (Brown et al 1973).
Au Sénégal, dans presque toutes les zones d’étude la résistance à au moins une famille d’insecticide a été rapportée. En effet en 1987, An. gambiae .s.l. était sensible au fénitrothion et au malathion, mais la sensibilité au DDT était variable avec une résistance notée à Dakar (Pikine, Thiaroye) et à Kolda. En 2000, la résistance au DDT a été réactualisée à Dakar et dans les zones du Sud (Tambacounda et Vélingara) mais aussi au Nord de la vallée du fleuve Sénégal (Faye et al., 2011). A Dielmo la résistance d’An. gambiae aux pyréthrinoïdes est passé de 8% en 2007 à 48% en 2010 (Trape et al., 2011). La recherche du gène kdr faite sur An. gambiae, An. arabiensis et An. funestus provenant de 54 localités sélectionnées dans les principales zones éco-géographiques du Sénégal a montré sa présence chez des populations sauvages d’An. gambiae (0,83%) et d’An. arabiensis (0,9%). Puis localisé à Dakar à (9-12%) chez la population d’An. arabiensis des quartiers de Bel-air et Ouakam (Pagès et al., 2008). Dans son rapport de 2011, le PNLP a noté la présence du gène Kdr chez An. gambiae et An. arabiensis. Chez An. arabiensis, le gène Kdr est présents chez les espèce collectées en zone urbaine dans deux sites de Dakar et en zone rural dans les sites d’agriculture pluviale et maraîchère.
La résistance croissante des vecteurs aux insecticides constitue un phénomène inquiétant, malgré l’efficacité de l’utilisation des MILDA et AID dans la plupart des zones. Dès lors, la gestion de la résistance devient un impératif pour maintenir l’efficacité des stratégies de LAV. Ainsi les objectifs spécifiques du plan national de gestion de la résistance des vecteurs aux insecticides seraient de recueillir plus d’informations sur la situation actuelle et de suivre son évolution, en particulier dans les zones où les opérations de lutte antivectorielle sont planifiées (PNLP, 2017). Il est également important de renforcer la recherche fondamentale sur les mécanismes de résistance et recherche opérationnelle sur l’impact de la résistance sur l’efficacité des moustiquaires sur le terrain (Niang, 2009; PNLP, 2017).
La zone d’étude se trouve dans la capitale historique du bassin arachidier. Il s’agit de la région, de Diourbel située à l’Est de Dakar, accessible par la Route Nationale n°3 (Figure 7). C’est une région continentale ne disposant ni frange maritime, ni de cours d’eau pérenne. Cependant, ses ressources en eau souterraines sont importantes, elles constituent la seule source d’approvisionnement des populations et du cheptel (ANSD, 2019; 2018). Avec une superficie de 4 769 km², la région de Diourbel est la moins étendue du pays, cependant elle compte 1 591 593 habitants (ANDS, 2018). Elle est caractérisée par sa topographie plane, et d’un climat de type soudano-sahélien, chaud et sec, des précipitations de 3 à 4 mois faibles et irrégulières. Et une température moyenne annuelle variant entre 26 et 32°C selon le rapport élaboré par le programme national de lutte contre le paludisme en 2011(Faye et al 2011). Les moyennes des températures les plus élevées sont recensées aux mois d’avril, mai, juin et novembre avec respectivement 40,9°C, 40,2°C, 38,6 °C et 38,4 °C. Le taux d’humidité moyenne mensuelle est de 54,4% plus accentuée aux mois de septembre et d’aout avec des taux respectifs de 80,4% et 78,9% en 2015. La région de Diourbel appartient au bassin sédimentaire du secondaire et du tertiaire. Trois nappes de profondeur et de qualité variable existent dans de la région (ANSD, 2018).
Les sols sont essentiellement formés de sédiments sableux ou sablo-argileux d’origine éolienne et alluviale. Par ailleurs le secteur économique de la région est essentiellement dominé par l’agriculture qui mobilise plus 54% de la population avec des rendements qui toutefois ne représentent pas l’essentiel du PIB régional. L’artisanat est un secteur traditionnel pourvoyeur d’emplois. A cela s’ajoute le commerce (ANSD, 2018).
Sur le plan environnemental, la ville de Diourbel présente toutes les conditions favorables à la prolifération des moustiques. Entre autres les flaques d’eau, le manque d’assainissement et les bassins de rétention sont des facteurs qui contribuent au maintien à la pullulation du vecteur du paludisme et à la transmission de la maladie (ANSD, 2018).
Notre étude s’est déroulée aux mois d’août, septembre et octobre 2019 dans les quartiers de Keur Serigne Mbaye Sarr, Keur Cheikh Anta Mbacké et Therno Kandji. Ces quartiers présentent un profil particulier, par l’existence d’eau de surface dans certaines zones jusqu’au mois d’avril ainsi que la positivité de la majorité des gites prospectées (LEVP, 2019).

Etude de la sensibilité des populations d’Anopheles gambiae s.l. aux insecticides

Le test biologique OMS de sensibilité aux insecticides, est un test exposition-réponse direct simple. Les moustiques sont exposés à des concentrations d’un insecticide donné sur une durée de temps fixe et le nombre de moustiques morts est enregistré 24 heures après exposition. Ce test est destiné à mesurer la sensibilité de référence et la résistance aux insecticides chez les moustiques adultes. Il est ainsi conçu pour servir d’outil de surveillance sur le terrain et au laboratoire (OMS., 2017b).

Collecte et élevage des moustiques

Les larves d’anophèles ont été collectées au niveau des gîtes identifiés dans les localités de Keur Serigne Mbaye Sarr, Keur Cheikh Anta et Therno Kandji figure 8 (A, B). Les échantillons collectés ont d’abord été traités pour enlever les prédateurs, ensuite transvasés dans un seau de collecte pour être transportés à l’insectarium pour des besoins d’élevage. Les larves récoltées au niveau des différents gîtes ont été triées, puis réparties dans différents bacs contenant de l’eau de gîte (figure 8C). Elles sont ensuite maintenues dans les conditions standards d’élevage (température; 25 ± 2°C, humidité relative ; 80 ± 10%) (OMS., 2018b) et nourries quotidiennement avec un aliment pour alevins (Mikrovit®) jusqu’au stade nymphal. Durant l’élevage, l’eau de gîte est renouvelée tous les deux jours et progressivement remplacée après épuisement par l’eau de robinet. Les nymphes ont été quotidiennement recueillies dans des gobelets et placées dans des cages d’émergence (figure 8D). Il s’agit de cages cubiques en fer ou en plastique, de 17cm d’arête, recouverte de tulle moustiquaire ouverte à l’extérieur sur l’une des faces latérales grâce à un manchon. Ces cages portent une étiquette avec les mentions du lieu d’échantillonnage et de la date d’émergence qui correspond au lendemain du dépôt du gobelet.

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Table des matières

1 Généralité sur le paludisme
1.1 Historique du paludisme et de la lutte antivectorielle
1.2 Les vecteurs du paludisme
1.2.1 Distribution des vecteurs
1.2.2 Les vecteurs du paludisme au Sénégal et répartition
1.2.3 Cycle biologique des anophèles
1.2.4 Morphologie
1.3 Lutte anti-vectorielle
1.3.1 Les mesures de lutte
1.3.1.1 La lutte antilarvaire
1.4 Insecticides et mécanismes d’action des insecticides
1.4.1 Les insecticides
1.4.2 Mécanismes d’action des insecticides
1.4.2.1 Mécanisme d’action commun aux organochlorés et aux pyréthrinoïdes
1.4.2.2 Mécanisme d’action commun aux organophosphorés et aux carbamates
1.5 Les différents types de résistance
1.5.1 La résistance métabolique
1.5.1.1 Les estérases: carboxylestérases (COEs)
1.5.1.2 Les cytochromes P450
1.5.1.3 Les glutathion-S-transférases (GST)
1.5.2 Les résistances par modification de la cible
1.5.2.1 Les mutations kdr
1.5.2.2 La mutation Ace 1
1.6 Le statut de résistance
2 Matérielle et méthode
2.1 Présentation du site
2.2 Etude de la sensibilité des populations d’Anopheles gambiae s.l. aux insecticides
2.2.1 Collecte et élevage des moustiques
2.2.2 Procédure du test
2.3 Le test biologique synergiste/insecticide
2.4 Validation des tests et interprétation des résultats
2.4.1 Critères de validité des tests de sensibilité
2.4.2 Interprétation des résultats
2.4.2.1 Interprétation des résultats des tests de sensibilité avec kits OMS
2.4.2.2 Interprétation des résultats pour les tests biologiques insecticides/PBO
2.4.3 Traitement et conservation des échantillons
2.5 Traitement des échantillons au laboratoire
2.5.1 Extraction de l’ADN génomique des moustiques par la méthode CTAB 2%
2.5.2 Amplification par PCR
2.5.3 Migration et révélation
2.6 Identification moléculaire
2.6.1 Identification moléculaire des espèces du complexe Gambiae
2.6.2 Recherche de gène kdr.
2.6.3 La recherche du gène Ace-1
3 Résultats
3.1 Résultats de sensibilité avec les kits OMS
3.1.1 Sensibilité des populations d’An. gambiae s.l. aux pyréthrinoïdes
3.1.2 La sensibilité aux Organophosphorés et aux Carbamates
3.1.3 Bio-essais avec synergistes
3.2 Identification moléculaire des espèces du complexe An. gambiae
3.3 Recherche des mutations kdr
3.4 Recherche de mutation Ace 1R
4 DISCUSSION

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