Méandres de l’esprit: cognition et finition

Histoire du griffonnage

Le griffonnage est un art populaire. Tout le monde a griffonné au moins une fois dans sa vie, volontairement ou non, consciemment ou non. Celui-ci est souvent mal vu chez l’adulte et source d’éveil concernant le jeune enfant.Mais le griffonnage a-t’il une date de naissance ?
Arrivait-il aux hommes préhistoriques de griffonner ou l’idée même de cet acte n’était pas encore apparue ? Une apparition si floue qu’à mon avis, le griffonnage est né d’une situation ou d’une expérience ; une situation de perte ou de redécouverte de soi ou une expérience qui aurait consisté à se perdre ou à se redécouvrir. Par ailleurs, le griffonnage a surement été démocratisé avec l’apparition des stylos à bille, moins onéreux et moins précieux que les stylos à plume, ces derniers étant moins utilisables à souhait. Effectivement, nous constatons la diminution d’individusayant son stylo fétiche, rechargeable et donc précieux et sentimental ; le stylo est devenu un objet basique, peu cher et accessible.
Parallèlement, le griffonnage n’est pas à confondre avec le gribouillage; en effet, le gribouillage est considéré comme un dessin d’enfant, un de ses premiers gestes d’expression, de compréhension de ses gestes et du monde qui l’entoure. Un peu comme une volonté d’appartenance à un groupe, à un sexe . Le griffonnage est lui un geste d’unepersonne plus mature qui sait déjà écrire lire et compter, et plus ou moins dessiner, ou en tout casreprésenter ce qu’il connait à travers le trait.

Le Mind Mapping

L’étudiant qui griffonne toute la journée au lieu de prendre ses cours n’est pas forcément unétudiant qui s’ennuie ou qui n’est pas intéressé pas les cours proposés. Il peut, par le biais du griffonnage, trouver un moyen d’apprendre, de retenir grâce à la mémoire sélective, des cours que seul lui pourra déchiffrer. C’est ce que Paul Telling,thérapeute anglais, propose avec le Mind Mapping , terme que l’on pourrait traduire comme cartographie de l’esprit qui consiste à noter les cours d’une façon purement personnelle avec le dessin, le schéma et le griffonnage.
Le Mind Mapping facilite l’organisation des idées, de même que certaines idées ou concepts sont davantage compréhensibles via le dessin. En effet, nous constatons que certaines choses ne sont pas toujours descriptibles ou explicables par le langage écrit ou parlé, ce que le dessin ou le griffonnage eux, parviennent à expliquer ; il n’est pas étonnant d’entendre parfois: « Je peine à t’expliquer cela, je vais te faire un dessin». Le dessin est alors un outil de connaissance, de sorte qu’on peut imager une chose, une idéeou un mot afin de le faire comprendre.
Un coup d’œil sur un dessin en dit plus qu’un long discours.Cependant, le terme de Telling touche seulement la personne concernée par celui-ci; le Mind Mapping est une pratique personnelle et donc sujet à des dessins ou griffonnages personnels, compréhensibles par le seul protagoniste.
On nous a tous appris lors de nos études en école primaire et au collège à bien soigner nos cahiers de cours ; ceux-ci étaient d’ailleurs contrôlés et notés. Chaque titre, chaque phrase, chaque exercice écrit devaient être représentés de la façon dont l’enseignant nous l’imposait.
Par conséquent, tous les élèves tenaient les mêmes cahiers avec les mêmescodes couleurs et les mêmes compositions, et le griffonnage était sanctionné car le formatage de l’individu tenait de la propreté et de la lisibilité de leurs cahiers. Arrivé au lycée, l’élève est convié à noter ses leçons plus rapidement, de sorte à ce que le professeur débite son cours et ne soit pas interrompu par quelconque détail de soin. Une rapidité de note et de compréhension pousse l’élève à noter ses cours de manière plus symbolique, plus personnelle, plus abréviée, plus dessinée. Cette technique met en valeur l’aspect intime de la prise de notes.

Des traces de griffes

Le félin sort ses griffes lorsqu’il est heureux, apaisé ou contrarié. Mais le fait d’évoquer les griffes apparait souvent dans un cadre agressif. En effet, la plupart les animaux qui en possèdent le sont, et laissent parfois des traces. Des traces de griffes. En zoologie, des griffes sont des ongles pointus. Les griffes que nous possédons nous, humains, sont les instruments graphiques. Les stylos, pinceaux et autres crayons sont des griffes qui laissent des traces. Dans un autre terme plus familier, la griffe peut désigner une personne possédant un talent ou une force lui permettant d’exercer une activité ; on dit par exemple d’un écrivain ou d’un dessinateur qu’il possède une certaine griffe . Le griffonnage serait alors une succession de traces de griffes, de trait, reflétant un de nos talents cachés ou inconscients enfuis en nous mais qui n’a pas pour vocation de véritablement créer. Libre à nous de tirer ce geste vers un domaine artistique.
Les images de pensée que sont les griffonnages traduisent-elles notre personnalité ?Dans le cas de certains griffonneurs, leurs dessins paraissent le plus souvent figuratifs ; dessiner des visages connus de tous comme par exemple la tête de Mickey reflète d’une personnalité qui cherche une figure apaisante et reconnaissable et qui « aimerait communiquer avec plus d’aisance autant dans sa vie sociale que dans l’expression de sa sexualité ». Pour d’autres, les griffonnages laissent voir des formes abstraites ou plus personnelles : des croix, des droites, des motifs empilés, des chemins, des accumulations de signes, … Ceux-ci se basent sur une situation moins liée à vie sociale ; en effet, mon cas ne représente aucun lien avec une quelconque solitude. Un profond désintérêt pour les études que j’ai suivies au lycée m’a inculqué le besoin de recréer un autre monde contre celui qui m ’ennuyait.

Les Doodle Artistes et leur réseau de griffonneurs

Intéressons-nous au Doodle Art , et à un site en particulier joignable sur www.doodlersanonymous.com, réunissant les « doodle artistes » s’étant inscrits sur celui-ci et construisant un véritable réseau de dessinateurs. Ainsi, les membres de ce réseau peuvent pa rtager les photos de leurs travaux, en discuter, les apprécier et en débattre. Je vais donc montrer et analyser certains artistes afin de comprendre leurs intentions de dessiner autant, mais aussi de les partager sur internet. Je compte aussi poser le problème de la place du papier (ou de la toile) face aux outils informatiques dans le domaine de l’art.
Ce qui m’intéresse sur ce site, c’est le fait que les artistes y figurant sont exclusivement des dessinateurs qui dessinent pratiquement chaque jour et qui n’ont besoin de l’internet que pour y diffuser leurs œuvres. Des œuvres qui d’ailleurs ne dépendent d’aucun outil informatique pour créer ; seuls le papier et les instruments pour dessiner sont nécessaires. Mais pourquoi ces artistes ne font-ils pas le pas afin d’exposer dans des galeries? Le Doodle Art peut être une forme d’art qui attire les artistes en mal d’occupation et essayant de contrer l’ennui; il se pourrait donc que ces dessinateurs soient purement amateurs et que leurs démarches ne soient que simple envie de tuer le temps. L’idée d’exposer leurs travaux dans des galeries ne serait donc pas leur préoccupation première, ni même d’ailleurs la nécessité de les montrer sur internet. Néanmoins, le concept de diffuser ce genre de travaux artistiques monomaniaques sur la toile résulte à créer un véritable réseau, un groupe réunissant le plus de Doodle artistes possibles. Ce site en fait partie. On y trouve autant des dessinateurs qui ne peuvent s’empêcher de dessiner tous les jours que des artistes qui s’obstinent à réaliser un seul et même travail long, précis et laborieux. Mais ce que l’on y trouve le plus sont des artistes qui réalisent des travaux sur des carnets de croquis, le plus souvent remplis de dessins que ceux-ci tiennent à remplir totalement de leur motifs ou figuration singulière.
Ci-dessus, l’artiste Anikadessine tous les jours un motif différent sur chaque page de son petit carnet. Où pourrait-elle trouver le temps d’avancer ce projet sinon par exemple pendant un trajet quotidien et long comme les transports en commun ? Une réalisation et une idéetoujours similaires mais un résultat toujours différent sont le fruit d’un travail et d’une recherchesemblables à un écrivain ou à un archiviste. Nous verrons par ailleurs que mes travaux suiventà peu près la même logique, si bien que je dessine toujours le même motif, mais je m’efforceà remplir ceux-ci de différentes manières pour éviter la monotonie. Le format est également présent et important afin que l’artiste jouisse d’un confort optimal et d’un processus de création assez simple. Le fait de dessiner un motif par jour pourrait être le remède contrel’ennui dans les transports en commun, occupant de fait l’aller et le retour. Je suis très impressionné et intéressé par le travail et le projet d’Anika car elle insiste à ne jamais se répéter dansles motifs mais elle résiste à la tentation de dessiner sur des supports différents. En fait, le cahier fait en partie la force de son œuvre.

Le temps de l’ennui

Nous vivons actuellement dans une société où tout est à portée de main. Tout est àdispos ition de l’homme soucieux de posséder des besoins quelconques où d’appartenir à quelque chose. Ennui et temps sont deux termes qui se complètent ; quelqu’un qui s’ennuie fait irrémédiablement face au temps, et ce temps parait trop long. De même, le propre de l’« ennuyé » est de chercher constamment du divertissement matériel ou spirituel. De fait, le divertissement est comme une sorte d’échappatoire à une vie cherchant àéviter ce malaise qu’est l’ennui.Le temps passé devant un écran sans réel but, cherchant désespérément une occupation est déjà signe d’ennui. C’est en cela que la modernité pousse l’individu à chercher de plus en plus de chose à faire, en oubliant l’essentiel : le temps n’est pas à son service ; c’est à l’individu de le gérer afin qu’il ne soit pas une menace. « Une personne qui regarde la télévision quatre heurespar jour ne voudra pas admettre qu’elle s’ennuie, mais pourquoi passerait-elle sinon un quart de son temps éveillé devant l’écran? Par paresse, me direz-vous. Mais la paresse libère encore plus detemps dont on ne sait que faire, et la télévision n’a pas son pareil pour tuer le temps. Il n’y a, tout bien considéré, aucune raison pour passer plusieurs heures le soir devant la télévision que de vouloir se débarrasser d’un temps jugé superflu ou dés agréable».

L’attente du nouveau

Chercher à tuer le temps serait alors un prétexte pour mettre son envie à l’épreuve; en admettant que l’envie soit une cousine proche de l’ennui, il parait de fait assez difficile d’en échapper. L’ennui serait donc un moment fastidieux qui passe avec le temps dont celui-ci ne sera battu qu’avec la découverte d’un divertissement nouveau? Par ailleurs, cette constante recherche du nouveau nous pousse parfois à réinterpréter la réalité comme le roman À rebours de Joris Karl Huysmans, publié en 1884, qui relate l’expérience de l’ennui du comte Des Esseintes qui au fil du livre met en scène son environnement afin de le contrer. Le comte, s’étant efforcé à s’enfermer dans sa demeure afin de vivre l’expérience de l’ennui, de la lassitude et de l’oisivetéen y lisant ses ouvrages préférés, en jardinant et en admirant ses quelques t ableaux, aura engendré la notion d’antihéros, individu extérieur au dogme de la vie accélérée , de la performance, lors d’une époque de révolution industrielle.
Le problème de l’ennui peut refléter la mort ; en effet, « l’ennui est apparenté à la mort mais c’est une parenté paradoxale : tandis que l’ennui profond est une sorte de mort, la mort apparait comme l’unique rupture totale avec l’ennui ». D’où le dicton s’ennuyer «à mourir ». De même que le roman La route nous cache la cause de la fin du monde couvrant alors le mystère et peut rejoindre le récit de George Bernanos citant le fait que si le genre humain disparait, ce sera de lassitude, d’ennui. En fait, l’ennui et l’envie sont liés. Effectivement, le manque d’envie crée parfoisl’ennui, et l’ennui peut créer le manque d’envie. En tant que surveillant dans un collège, j’ai souvent en face de moi des élèves qui veulent à tout prix accélérer le temps, tout en étant lassés des tâches à accomplir. Prenons l’exemple d’un élève dont le professeur est absent et qui ne peut pas sortir du collège car il a cours à l’heure d’après. Cet élève sera alors obligé de se rendre en salle de permanence, lieu où je devrai le surveiller et l’aider pour ses devoirs. Il sera tellement désabusé par l’envie d’accélérer le temps qu’il fera tout pour le faire, quitte à faire desbêtises au lieu de faire ses devoirs, s’il en a. Mettonsen scène un dialogue récurant qui arrive très souvent dans une salle de permanence :

L’oubli du faire

« L’habitude, c’est la volonté de commencer à se répéter soi-même».
À la base, le fait de dessiner ce motif était un prétexte pour échapper à l’ennui lors de ma période lycéenne, face à un temps trop long à cause de certains cours qui ne m’intéressaient pas. Par conséquent, je me suis approprié mon propre geste avec les instruments et les supports à ma disposition à cette époque, et de toute évidence, le divertissement quel qu’il soit était un remède à l’ennui. Ma pratique m’a alors aidé à passer le temps parfois trop long alors qu’étrangement, sa vitesse ne varie pas ; les secondes ne ralentissent ni n’accélèrent, seule notre perception du temps nous fait croire à une vitesse changeante.
L’habitude est un facteur prédominant dans ma pratique. Une habitude gestuelle due à l’oubli même du geste, de la même manière qu’on oublie de penser nos gestes quotidiens comme par exemple le simple fait de se brosser les dents. Selon Bachelard, l’habitude est signe de progrès. Effectivement, le perpétuel recommencement des gestes nous pousse à améliorer, à perfectionner nos actions par le biais notamment de la rapidité et le la précision.
Avec l’habitude et l’expérience, ma pratique n’obtient que le strict nécessaire d’un point de vue gestuel et temporel afin d’assouvir mon processus de création. Les traits sont plus simples, les courbes plus lisses. L’habitude change-t-elle alors notre perception de la vitesse du temps ? Des gestes plus maitrisés, plus rapides, plus précis, nous permettent-ils de d’accélérer notre rythme ? J’ai voulu créer un moyen d’accélérer le temps en premier lieu afin de remédier à mon ennui. Puis, au fil du temps et de l’ennui disparu, ma pratique artistique s’est transformée en machine à ralentir le temps. En une machine à but répétitif où seule la volonté de remplir un espace peut l’arrêter. En une machine qui nous rappelle l’horlogeimperturbable, toujours sous un même rythme ; mais le fait de fixer et de se concentrer sur une horloge en marche ne fait que ralentir notre perception du temps.

Idiorythmie

Il existe une peur du temps. Sans pitié et défilant sans regarder en arrière, le temps ne se soucie pas de nos peurs de ne pas accomplir tous nos vœux et de nos probables erreurs. Mais interprétons-nous le temps de la même manière ? Le défilement du temps est-il le même pour tous ?
Nous venons de voir que le temps défile différemment selon nos occupations. Une personne très occupée verra son temps défiler à toute vitesse, alors qu’un oisif le trouvera particulièrement long. L’interprétation des sciences socialesde Pascal Michon met en avant le rythme dans notre société contemporaine en rapport avec l’environnement. À partir de simples observations, il constate que le rythme d’un individu évoluant dans un milieu urbain fera défiler le temps aussi vite que son allure, sa façon de marcher : « observons les citadins dans le métro parisien et notons qu’ils sont toujours pressés. Pressés d’aller au travail le matin et pressés de rentrer chez eux le soir ». À l’opposé, une personne vivant dans un milieu rural semble ne pas avoir de soucis de gestion du temps. Ceci émet une sorte de paradoxe de l’individu urbain n’ayant pas le temps mais possédant tous les moyens afin d’en gagner et l’individu rural sans transport ni commerce mais jouissant de ce temps si envié.
La notion de rythme serait la répétition d’un motif de manière ordonnée. Un rythme réussi est également un rythme que tout le monde suit ; en musique, lorsqu’un rythme est ordonné par le batteur, les autres musiciens le suivent, tout comme dans le métro parisien où la cadence d’un individu pressé peut en faire naitre nombre d’autres. Il existe alors une émulation comportementale. De même que le geste de masse existe dans notre société contemporaine.
La façon de marcher, de s’exprimer sont des gestes, des comportements désormais de masse.

Trop rapide ou trop lent

La vitesse du temps est-elle mesurable ? À quel moment peut-on dire qu’un temps est trop long ou trop rapide ? La vélocité de nos actions influent-ils sur la vitesse du temps ? Cesproblèmes se posent lorsque le temps ne défile pas au rythme auquel nous le voudrions. Un individu ne se souciant pas du temps est une personne ne souffrant ni de burn out , ni de lassitude.
Pour lui, le temps reste stable, n’accélère pas, ni ne ralentit, et par ce fait, oublie même le concept de temps. Avouons que ce genre d’individu se fait rare dans notre monde contemporain.
Dans cette course à la performance et à l’efficacité, où l’argent, le confort matériel et spirituel dépendent du temps, accélérer ou ralentir ce dernier est un phénomène évident de notre époque.
Cette expérience de la réalité peut-elle être considérée comme telle sans prendre en compte le passé et l’avenir ? L’importance de vivre le moment présent pourrait résoudre le problème de rythme du temps, car seuls le passé et l’avenir peuvent déduire d’un temps accéléré ou ralenti. Nous allons décrypter ces facteurs en s’accompagnant de constats de la vie quotidienne de la société contemporaine, mais nous allons également les mettre en relation avec ma pr atique artistique.

Accélérer le temps

On se rend compte aujourd’hui que l’on a inventé le temps accéléré, accouplé d’un planning, d’un agenda parfois inconscient respecté à la lettre. Par ailleurs, rien que le fait de regarder l’heure peut être un prétexte à l’ennui, plus que pour savoir si la nuit va tomber ou si l’on est à l’heure à notre rendez-vous. De fait, la naissance de mon processus de création s’est faite par absence de montre.Il m’était alors indispensable d’accélérer le temps en trouvant une occupation silencieuse et discrète. On trouve alors dans notre société contemporaine un malaise du temps, une peur de perte de celui-ci, impatient, impitoyable.
L’ennui peut déranger par le fait que l’on ne sait pas vraiment quand on y entre, ni quand on en sort, ni d’ailleurs combien de temps il peut nous malmener. Effectivement, nous pouvons nous ennuyer aussi bien quelques minutes que plusieurs heures. Cette situation peut paraitre incontrôlable mais serait maitrisable par nos actes. De fait, « nous ne pouvons pas agir sur le temps, immuable, mais seulement sur l’usage que nous en faisons ». Malgré les progrès, le temps reste maitre de la situation. À partir de ce constat, mon intention a été de dompter cet ennui, ce temps long, en dessinant un motif répétitif, monomaniaque, obsessionnel, digne d’un combat contre ce fléau. Un motif long et fastidieux. Il m’est arrivé lors de mon apprentissage artistique de créer des œuvres très rapides d’exécution. Cette rapidité m’a infligé une sorte de malaise, peut-être parce que la fin d’un travail long ne peut être que plus satisfaisant, et que ce même travail long inculque une certaine aventure humaine et spirituelle que la rapidité ne saurait prendre le temps d’apprécier.
Ce problème de temps est aussi dû au fait que notre monde contemporain fait tout pour que nous en ayons grâce notamment aux nouvelles technologies mais que nous peinons à l’utiliser de la meilleure des façons : « Apparemment, le progrès a tout fait pour nous libérer du temps, nous permettre de l’utiliser au mieux, et pourtant nous continuons à y vivre à l’étroit. Lesmachines rendent nos tâches matérielles moins longues à accomplir, les transports se comptent en heures et non plus en jours ou en semaines, les communications nous évitent même, de plus en plus souvent, de nous déplacer ». Nous vivons alors aujourd’hui dans un environnement où le temps libre est plus important que le travail, et où fatalement, l’ennui aura plus de chances de s’y installer. L’ennui serait-il alors un « rhume de l’âme»?
Au fil de mes recherches, j’ai fait la découverte de mise en vente de carnet de griffonnages.
Ces carnets ont pour objectif de nous faire reproduire des dessins déjà représentés. La contradiction avec la notion même de griffonnage est pour moi assez troublante. En effet, le griffonnage n’est-il pas la création d’images de pensée ? Pourquoi griffonner des dessins déjà existants sur un même support ? Peut-on alors appeler cela du griffonnage ? Selon moi, ces carnets ne sont pas des carnets de griffonnages mais plutôt des carnets de reproduction de dessins.

Ralentir le temps

De quelle façon la perception du temps peut-elle être ralentie ou accélérée? Y a-t-il un facteur qui permet au temps de varier sa courbe, sa vitesse ? Nous avons vu que la période précédant notre vie d’adulte demande au temps de s’accélérer, dû à l’impatience de vivre une vie d’adulte, à l’impatience de rompre avec les interdits, d’accéder aux libertés sexuelles, monétaires et consommatrices.
L’adolescence passée, le temps se veut désormais trop rapide, il ne nous attend plus, et ceci est peut-être dû au fait que le passage à l’âge adulte exige davantage de responsabilités et donc plus de temps à s’attarder à ceux-ci. Par ailleurs, l’ennui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, disparait petit à petit. En effet, l’adulte constate qu’il n’a plus le temps de s’ennuyer ; le travail et les responsabilités quotidiennes ne laissent alors pas place à l’ennui.
Le temps de l’adulte serait alors plus précieux, conscient qu’il passe bien plus vite qu’à l’adolescence. Mais l’adulte croit qu’il manque de temps parce qu’il a trop de choses à faire.
La cadence de la vie quotidienne comme les transports, le travail ou la consommation, oblige à faire de plus en plus de choix. Et ces choix réduisent de plus en plus notre temps. De plus, les accès constants aux machines et également à Internet nous privent de temps. Comment contrer alors cet effet d’accélération du temps? Karl Heinz Gassler nous propose de nous référer aux phénomènes naturels. Ce chercheur qui étudie notre rapport au temps et à la vitesse affirme qu’« il y a des choses qui ne s’accélèrent pas: il y a toujours sept jours dans la semaine et pas huit. Les années font toujours la même durée. Il y a toujours le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. […] Ce qui change, c’est ce que nous produisons».
L’adulte arrive-t-il donc à s’ennuyer ? Cette époque d’une vie consiste alors à ne pas laisser passer le temps mais de profiter de lui. Ma démarche artistique émet une relation entre le temps et le dessin ; je profite du temps qui m’est imparti sans pour autant le gâcher afin de ralentir le temps, en dessinant. Un geste long et minutieux, calme, qui permet au temps de s’installer et de ne pas se brusquer et de filer trop vite. En effet, si ma démarche étaiténergique, j’imagine que je ne pourrais pas profiter du temps, celui-ci étant susceptible à l’agression spirituelle. Dessiner le temps par la méditation et le calme de l’esprit me permet donc construire un frein temporel. Mon geste est d’ailleurs assez lent. Une lenteur qui s’allie avec le temps que je veux ralentir.
Il est autrement possible de ralentir le temps et vous pouvez en faire l’expérience. Munissez-vous d’un grand verre vide et d’une bouteille pleine. Percez le bouchon de la bouteille afin que l’eau ne se déverse que goutte par goutte. ↑ersez l’eau dans le verre par ce bouchon jusqu’à ce que le verre soit rempli. Cette expérience testera votre patience et votre volonté de voir le résultat d’un processus long, mais fera également ralentir considérablement votre perception du temps. Ce geste lent est par ailleurs apparenté à un rythme auquel je dois constamment respecter et qui s’allie à une autre pratique: la musique ; en tant que batteur amateur, je suis conscient qu’un rythme lent et constant est assez difficile à réaliser. Un tempo lent est souvent victime d’accélération, soit par lassitude, soit par manque de concentration. Dessiner lentement serait alors pour moi un exercice de liberté de concentration en contradiction avec la pratiquede la batterie. Rappelons que je dessine au stylo à bille noir, instrument indélébile et que je peux difficilement corriger. Il est impossible pour moi de retourner en arrière, non seulement dans le dessin, mais également (et comme tout le monde) dans le temps. En musique, le tempo est facilement critiquable lorsque celui-ci varie alors qu’il ne devrait pas; si le tempo oscille sans l’avoir voulu, celui qui écoute sort de l’univers musical, de l’histoire que ce dernier aurait souhaité émettre. En fait, c’est comme une faute d’orthographe dans un récit. Le lecteur la détecte, pense à elle et sort du texte.

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Table des matières
Introduction
I- Le griffonnage, machine à ralentir le temps 
1- Histoire du griffonnage
a- Le Mind Mapping
b- Des traces de griffes
c- Les Doodle Artistes et leur réseau de griffonneurs
2- Le temps de l’ennui
a- L’attente du nouveau
b- L’oubli du faire
c- Idiorythmie
3- Trop rapide ou trop lent
a- Accélérer le temps
b- Ralentir le temps
c- L’impact de l’instant
II- Méandres de l’esprit: cognition et finition
1- Les facteurs émotionnels
a- Le langage
b- La mémoire
c- Le raisonnement
d- La perception
e- La motricité
2- Le processus de création
a- Un début sans sortie
b- Un parcours intuitif
c- Une fin raisonnée
3- Une approche méditative
a- Le geste répétitif face à la douleur corporelle
b- Une épreuve mentale
c- Une idée de conquête
Conclusion

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