Matériaux polymères réparables

Réparation irréversible ou extrinsèque 

Concept 

Le principe général des matériaux dans les lesquels la réparation est irréversible est assez simple . Des microcapsules remplies d’un agent de réparation sont réparties au sein du matériau et un catalyseur est également dispersé dans la matrice polymère (a). Lorsque le matériau est endommagé, les capsules sont rompues, l’agent de réparation se déverse dans le matériau et rencontre le catalyseur (b). Une réaction de polymérisation a alors lieu permettant ainsi aux fissures au sein du matériau d’être rebouchées. Le matériau s’auto-répare ainsi dès que l’endommagement est suffisamment important pour détruire les microcapsules contenues dans la matrice polymère.

La réparation est irréversible dans le sens où elle est unique. Une fois qu’une zone endommagée a été réparée, elle ne pourra plus être réparée une seconde fois, car l’agent de réparation aura été complétement consommé. La réparation doit être immédiate et efficace à température ambiante pour permettre une réparation effective. Dans le cas d’un endommagement plus important, si deux parties du matériau sont séparées, elles doivent être remises immédiatement en contact sinon la réparation ne pourra pas avoir lieu.

Applications 

Le premier système à microcapsules a été développé par White et al30 en 2001. La matrice est une matrice époxy dans laquelle sont dispersées des capsules de dicyclopentadiène (DCPD) ainsi qu’un catalyseur de Grubb au ruthénium qui va déclencher une réaction de polymérisation par ouverture de cycle. Cette réaction (Figure 9) permet de réparer les zones endommagées car la polymérisation du DCPD entraine la formation d’un réseau très réticulé tout comme la matrice époxy.

Le test de résistance à la fracture sur un échantillon intact et un échantillon endommagé et réparé montre que l’échantillon réparé résiste à 75% de la charge que peut supporter un échantillon intact.

Il existe différents systèmes pouvant être réparés de cette façon.  La réparation peut être basée sur un couple monomère catalyseur comme précédemment ou alors sur deux agents réagissant l’un avec l’autre comme dans le cas d’une matrice époxy où les agents de réparation sont un thiol et un isocyanate permettant de recréer un réseau dans les zones endommagées.

Ces systèmes ont une efficacité en réparation assez bonne qui peut typiquement atteindre 90% de récupération des propriétés initiales de résistance à la fracture du matériau intact. Cependant, tous ces systèmes ne peuvent être envisagés d’un point de vue industriel car il reste des limitations comme la sensibilité de certains catalyseurs à l’air (c’est le cas du catalyseur de Grubb). Les propriétés mécaniques des matériaux contenant des agents de réparation et celles de la matrice seule peuvent également être différentes. En effet, dans le travail de Hillewaere et al33, il est démontré que le taux de capsules dans le matériau influe sur ses propriétés, la résistance à la fracture passe ainsi de 60N pour un matériau sans microcapsules à 90N pour un matériau avec 20% en masse de microcapsules. Le concept de la réparation via l’utilisation de capsules contenant des agents de réparation est validé par ces travaux.

Architectures plus complexes 

D’autres systèmes aux structures plus complexes ont été développés pour optimiser les performances de réparation irréversibles. Un exemple est le travail de Toohey35 et al qui ont développé un matériau composé d’une résine époxy parcourue par un réseau tridimensionnel permettant plusieurs réparations du matériau en cas d’endommagement. Ce réseau tridimensionnel est inspiré du système vasculaire (Figure 10) qui permet au corps d’acheminer tous les éléments de réparation à l’endroit d’une blessure.

Ce travail a démontré la possibilité d’utiliser la micro-vascularisation pour la réparation multiple. En effet, lorsque le matériau est endommagé la fissure se comble et rebouche également la « veine » qui a fourni les agents de réparation. Cela permet en cas d’endommagement du matériau au même endroit de ne pas avoir consommé tous les agents de réparation dans la zone touchée. Par la suite d’autres études ont permis d’améliorer ce type de système 36 en utilisant des systèmes de vascularisation plus complexes et des résines ayant des viscosités plus faibles pour une réparation plus efficace. Afin d’augmenter le module mécanique de tels matériaux, l’introduction d’agent de réparation incorporés dans des fibres de verres creuses37,38,39 est une stratégie également envisagée (Figure 11). La fibre de verre va permettre un renfort de la matrice et donc permettre à la fois une amélioration des propriétés mécaniques et l’apport d’un caractère réparable au matériau.

Ces systèmes permettent d’obtenir jusqu’à 100% de réparation, mesurée en résistance à la rupture en flexion, par rapport au système initial avec agents de réparation et 87% par rapport au système sans agent de réparation38, le système sans agent de réparation ayant une force de rupture en flexion plus élevée que celui avec insertion d’agent de réparation.

Les polyuréthanes à base de chitosane substitués par des oxétanes40,41 (OXE CHIPUR) sont un cas unique dans la catégorie des matériaux basés sur des mécanismes de réparation irréversible. En effet, il s’agit du seul exemple où il n’y a pas d’encapsulation de l’agent de réparation et où celui-ci est contenu dans le motif de répétition des chaînes.

Le matériau (Figure 12) est un polyuréthane contenant des segments poly(oxyde d’éthylène), ou PEG, et chitosane. La réticulation est assurée par un triisocyanate (HDI). La particularité du matériau réside dans le fait que le chitosane est substitué par des groupements oxétane (OXE). Lorsque le matériau subit un endommagement mécanique, les oxétane peuvent s’ouvrir et former une entité réactive. Sous UV, le chitosane peut former des radicaux au niveau de sa liaison C-O-C entre les deux cycles à 6. Ces radicaux vont réagir avec l’oxétane qui a été activé par l’endommagement et il y a alors une redistribution de liaisons. Des observations par AFM et microscopie optique confirment la capacité de ce système à combler des fissures à la surface du matériau.

Bien que la réparation de ce matériau soit efficace, il possède tout de même certains inconvénients : la réparation d’un matériau massif n’est pas décrite et donc il est difficile d’évaluer quantitativement la performance de réparation à part pour des fissures superficielles de quelques microns. Si l’endommagement a lieu dans une zone qui a déjà subie une réparation, il n’y aura plus d’oxétane disponible donc la réparation ne sera plus possible comme dans le systèmes à capsules/fibres.

Pour conclure sur les systèmes à réparation irréversible ou extrinsèque, le concept a été largement démontré pour différentes matrices polymère comme des thermodurcissables (principalement à base époxy) ou des thermoplastiques (poly (méthacrylate de méthyle) par exemple). Une forte marge de progression est proposée pour optimiser complétement le phénomène de réparation de ces matériaux:

– par la conservation des propriétés mécaniques initiales des matrices polymères après incorporation des agents de réparation ;
– par la stabilité du couple agent de réparation/capsule pour s’assurer de la bonne conservation des agents réparants dans le temps ;
– par l’emploi de catalyseurs qui ne sont pas altérés à l’air ;
– par la viscosité des fluides au sein des matériaux afin d’obtenir la meilleure réparation possible.

Réparation réversible ou intrinsèque

Les systèmes réparables de façon réversible sont des systèmes dans lesquelles les agents de réparation font partie intégrante du matériau. En cas d’endommagement, la réparation peut être spontanée ou bien être déclenchée par des stimuli tels que la température ou un rayonnement UV/visible (on parle alors de réparation thermo- ou photostimulée). Il est possible de classer les systèmes réparables réversibles en deux grandes catégories (Figure 13) : ceux qui mettent en jeu des réactions chimiques et donc une redistribution de liaisons covalentes après endommagement et ceux basés sur une redistribution de liaisons non covalentes, donc des systèmes supramoléculaires.

Liaisons covalentes

Les matériaux réversibles à liaisons covalentes sont des systèmes dans lesquels un réseau tridimensionnel est assuré par des liaisons covalentes. La réparation est déclenchée par un stimulus qui est en général une élévation de la température ou alors l’exposition du matériau à une irradiation UV voire visible dans certains cas. Il est possible de distinguer deux sous-catégories : les matériaux où seule une matrice élastomère permet d’envisager la possibilité pour les matériaux d’être réparables et ceux où la matrice peut être élastomère (faible taux de réticulation) à thermodurcissable (fort taux de réticulation) tout en conservant les propriétés de réparation.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1: Matériaux polymères réparables
Introduction
I Réparation irréversible ou extrinsèque
I.1 Concept
I.2 Applications
I.3 Architectures plus complexes
I.4 Un cas à part : un polyuréthane à base chitosane substitué par des oxétanes.
II Réparation réversible ou intrinsèque
II.1 Liaisons covalentes
II.1.1 Matrice élastomère
II.1.1.1 Réparation par génération de radicaux
II.1.1.2 Réaction de métathèse
II.1.1.3 Point de réticulation réversible via la formation/dissociation de liaisons
II.1.2 Systèmes modulables
II.1.2.1 Réactions de Diels Alder
II.1.2.2 Réactions click
II.1.2.3 Réorganisation du réseau par transestérification
II.2 Liaisons Supramoléculaires
II.2.1 Stacking
II.2.2 Liaison Hydrogène
II.2.2.1 Matrice polymère simple
II.2.2.2 Cas de copolymères
II.2.3 Liaison Métal/Ligand
II.2.3.1 Complexation métal/ligand
II.2.3.2 Thiol-Nanoparticules
II.2.4 Liaison Ionique
Conclusion
Chapitre 2: Elastomère réticulé par la nanobrique inorganique [(BuSn)12O14(OH)6]AMPS2
Introduction
I Synthèse et caractérisation de la nanobrique inorganique : l’oxo-cluster d’étain
(BuSn)12O14(OH)6](AMPS)2
I.1 Structure des clusters [(BuSn)12O14(OH)6]X2
I.2 Synthèses des clusters [(BuSn)12O14(OH)6]X2
I.3 Matériaux basés sur les clusters [(BuSn)12O14(OH)6]X2
I.4 Labilité des Sulfonate des clusters [(BuSn)12O14(OH)6]X2
I.5 L’oxo-cluster [(BuSn)12O14(OH)6]AMPS2
II Synthèse et caractérisation du matériau hybride poly(acrylate de n-butyle)/cluster d’étain
II.1 Synthèse et caractérisation structurale du matériau
II.1.1 Compatibilité du cluster avec la décomposition thermique de l’AIBN
II.1.2 Compatibilité du cluster avec le mode de polymérisation
II.1.3 Mise en évidence de la polymérisation.
II.2 Propriétés du matériau hybride
II.2.1 Propriétés de gonflement
II.2.2 Propriétés thermiques du matériau
II.2.3 Comportement thermo-mécanique
II.2.4 Comportement en traction
III Propriétés dynamiques du matériau
III.1 Propriétés d’autoréparation.
III.1.1 Mise en évidence qualitative par MEB du phénomène d’autoréparation
III.1.2 Réparation qualitative d’une pièce massive
III.1.3 Tests de traction, influence temps/température sur la réparation
III.1.4 Influence du taux de cluster
III.1.5 Impact de la réparation sur le module de conservation du matériau
III.2 Mise en évidence de la re-distribution des liaisons au sein du matériau
III.2.1 Mise en évidence du caractère dynamique par la relaxation des contraintes.
III.2.1.1 Observation qualitative du phénomène de relaxation des contraintes
(thermoformage).
III.2.1.2 Quantification du phénomène de relaxation.
III.2.1.3 Modèle de Maxwell.
III.2.1.4 Estimation de l’énergie d’activation
III.2.2 Mise en évidence du caractère dynamique à l’echelle moléculaire via la RMN DOSY.
III.2.2.1 La RMN DOSY
III.2.2.2 Mesure des coefficients de diffusion
III.3 Expérience de recyclage
IV De l’oxo-cluster d’étain aux nanoparticules.
IV.1 Synthèse
IV.1.1 Fonctionnalisation des nanoparticules de Ludox
IV.1.2 Synthèse du matériau hybride
IV.2 Propriétés du matériau
IV.2. 1. Propriétés mécaniques
IV.2. 2. Propriété de réparation
IV.2. 3. Propriété de relaxation des contraintes
IV.2. 4. Recyclage
IV.5. Conclusion
Conclusion
Chapitre 3 : Matériaux multiphasés réparables et thermoformables
Introduction
I Copolymères triblocs PABu-PS-PABu
I.1 la séparation de phases entre les deux blocs non miscibles
I.2 Effet de la longueur des blocs sur les propriétés mécaniques.
I.3 Inclusion de particules inorganiques dans un copolymère.
II Synthèse du copolymère PS-PABu-PS
II.1 Polymérisation RAFT.
II.2 Synthèse des blocs rigides PS.
II.3 Ajout du bloc souple
II.4 Propriétés mécaniques des copolymères obtenus
II.4.1 Mn(PS)>20000 g/mol
II.4.2 Mn(PS)<20000 g/mol
III Matériaux hybrides PS-PABu-PS-BuSn12
III.1 Intégrité du cluster dans les conditions de polymérisation
III.2 Réticulation des copolymères
III.3 Caractérisation des copolymères hybrides
III.3.1 Test de gonflement
III.3.2 Propriétés mécaniques des copolymères.
III.3.2.1 Petites déformations.
III.3.2.2 Grandes déformations
III.3.2.2.1 Comparaison des trois copolymères
III.3.2.2.2 Comparaison avec un copolymère non réticulé
III.3.2.2.3 Comparaison avec différentes longueurs de bloc PS hybridés
III.3.3 Morphologie des copolymères
IV Propriétés dynamiques des copolymères hybrides
IV.1 Relaxation des contraintes
IV.1.1 Observation qualitative
IV.1.2 Quantification du phénomène de relaxation
IV.2 Déformation Cyclique
V.3 Propriétés de réparation
IV.3.1 Observation qualitative.
IV.3.2 Quantification de la réparation en traction
IV.4 Propriétés de recyclage.
IV.4.1 Observation qualitative
IV.4.2 Effet du recyclage sur le module élastique G’
IV.4.3 Effet du recyclage aux grandes déformations
V Vers des matériaux à matrice dure.
V.I Synthèse des chaînes PABu-PS-PABu
V.2 Propriétés du copolymère PABu-PS-PABu hybride
Il est intéressant de noter que le Copo6 est opaque. La distance caractéristique de répartition des domaines souples est certainement de l’ordre de grandeur des longueurs d’onde de la lumière visible.
V.2.1 Réticulation du copolymère hybride
V.2.2 Propriétés dynamiques du copolymère PABu-PS-PABu
V.2.2.1 Relaxation
V.2.2.2 Déformation cyclique
V.3 Recyclage
Conclusion
Conclusion Générale

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