Martin Drölling (Bergheim 1752-Paris 1817) : un état de la question

« À peine si l’on a retenu le nom de Drölling ». Cette citation de Louis Aragon traduit l’oubli dans lequel Martin Drölling (Bergheim 1752-Paris 1817), peintre d’origine alsacienne, a peu à peu sombré au fil des années. Contemporain du grand Jacques-Louis David (1748-1825), exposé au Louvre mais méconnu de la plupart de nos concitoyens, cet enfant de Bergheim, eut une vie d’artiste conforme à ce clair-obscur qu’il considérait tant chez les maîtres du siècle d’or hollandais.

Sa période d’activité se déroule dans un climat qui prône le grand genre et le retour à l’Antique. Or, Drölling n’a pas les yeux tournés vers la Grèce mais vers les Pays-Bas. Est-ce une raison pour lui accorder un statut d’exception ? Il est évident que non. Il suffit de feuilleter le catalogue de l’exposition De David à Delacroix. La peinture française de 1774 à 1830 qui s’est tenue à Paris, au Grand Palais en 1974, pour se rendre compte de la grande variété des expériences stylistiques de cette époque. Certes, sous la Révolution et l’Empire, le néo-classicisme devient l’art officiel ; cependant, l’Académie Royale, perdant son hégémonie, eut le mérite de ne pas interdire ce qui n’était pas conforme à son esthétique. Les livrets des salons sous la Révolution, sont à ce point de vue, très révélateurs. Colette Caubisens Lasfargue, dans un article qui leur est consacré, livre des chiffres étonnants : au total, entre 1789 et 1799, sur les 3 078 numéros de peinture, 147 ont été inspirés de sujets antiques. Ce sont les paysages et les portraits qui couvrent la plus grande partie des murs du salon. Inspirée des peintures flamandes et hollandaises, la scène de genre y occupe également une place non négligeable.

Martin Drölling n’était donc pas le seul à redécouvrir le goût de la simplicité et du pittoresque, si caractéristique des maîtres des Pays-Bas qui jouissaient d’un regain d’intérêt auprès des collectionneurs et qui figuraient en grand nombre dans les musées français. À l’instar de Greuze ou de Chardin, le peintre s’illustra dans les scènes d’intérieur intimistes.

Son Intérieur d’une cuisine (n°43) accroché aux cimaises du Louvre, le projette en pleine lumière mais ne parvient à effacer ni la relative obscurité de sa carrière de peintre talentueux, ni sa réputation de tâcheron insipide. Pourquoi cette toile, considérée comme un chef-d’œuvre au salon de peinture de 1817, transforma, quelques années plus tard Drölling en un vulgaire peintre de casseroles ? Ce sont ces nombreux paradoxes entre notoriété passée et oubli, éloges et blâmes d’une critique continuellement changeante qui ont suscité notre curiosité. Effectivement, au fil du temps, les œuvres de l’artiste alsacien ont été tour à tour l’objet de propos les plus laudatifs ou au contraire, les plus méprisants. Cela s’explique en partie par l’évolution du goût, ce qui plaisait au XIXe siècle ne plait pas forcément de nos jours et inversement. Ainsi, il est juste de se demander si l’opinion que l’on se faisait sur l’art de Drölling à son époque est la même que celle d’aujourd’hui.

Nous n’avons pas l’intention d’apporter un jugement de valeur mais de comprendre quelle est la place que Drölling est en droit d’occuper dans l’histoire de l’art. Au-delà de la monographie, cette étude a pour objectif principal de considérer l’artiste dans une perspective historique et critique de son temps à nos jours à travers le regard des autres : critiques, amateurs ou historiens de l’art.

Pour tenter de saisir les multiples interprétations qui ont été faites au sujet de l’Oeuvre du peintre et d’établir une dialectique entre les critiques, nous diviserons ce mémoire en trois axes de recherche.

Le premier s’intéressera évidemment aux sources. Bien que discrètes, à l’image du peintre, c’est par leur biais que nous cernerons la figure de Martin Drölling, ainsi que la manière dont est perçu son travail. Articles, dictionnaires, peintures, autobiographie ou encore légendes populaires, ces sources sont diverses et d’un degré d’objectivité variable. Nous nous demanderons qui s’intéresse à Drölling, dans quel contexte et pourquoi certains aspects de sa carrière ont été ignorés, plongés dans l’obscurité la plus totale ; tandis que d’autres ont véritablement monopolisé l’attention de tous les biographes du peintre.

La connaissance de l’art d’une époque est parfois voilée par l’idée que nous nous faisons de « l’esprit du temps ». C’est ainsi que de nombreux ouvrages d’histoire de l’art ne retiennent pour la période qui va de l’Ancien Régime à la Restauration que le néo-classicisme qui, très souvent, n’est que le reflet des manifestations artistiques ou des idéologies des classes dominantes. Drölling évolue simultanément à l’apogée du néo-classicisme, il est donc aisé de faire de lui un de ses représentants. Pour ces raisons, dans un second temps, nous verrons que lorsqu’il s’agit d’associer Martin Drölling à un mouvement artistique précis nous nous retrouvons confrontés à de nombreuses contradictions. Portraitiste clairement rattaché à l’esthétique néo classique pour les uns, chef de file des peintres de genre pour les autres ou encore « hollandais français », les avis divergent. Pour illustrer les différents propos de la critique nous nous appuierons largement sur le catalogue des œuvres de Drölling. Ses peintures nous permettrons d’établir des parallèles avec d’autres de ses contemporains mais aussi de saisir les nuances de ses œuvres aux inspirations éclectiques.

Si de son temps Martin Drölling a suscité les commentaires, parfois de la part de critiques parisiens influents dans le domaine artistique, peu nombreuses sont les personnes auxquelles en 2010 le nom de Drölling évoque encore quelque chose. Aujourd’hui, le peintre d’origine alsacienne n’est connu que d’une poignée d’amateurs qui eux-mêmes sont majoritairement alsaciens. Oublié au fil des ans, l’artiste ne s’avère pas être une source d’inspiration pour les historiens de l’art et rares sont les écrits à son sujet, puisque comme le remarque justement Denis Lecoq, « ce qui caractérise le plus la critique à l’égard de Drölling c’est sa discrétion».

C’est à Bergheim, également appelée Oberbergheim , une petite ville prés de Colmar dans le Haut-Rhin que Martin Drölling voit le jour. Au fil de nos recherches nous avons rencontré un certain nombre de contradictions au sujet de l’artiste. Des avis divergents sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir par la suite. La première mésentente, bien qu’elle soit moindre, est relative à la date de naissance du peintre. Certains critiques mentionnent septembre 1750 , d’autres s’accordent davantage pour septembre 1752. Nous choisirons de nous ranger du côté de la majorité des biographes de Drölling et notamment de Denis Lecoq, qui évoquent l’année 1752. Effectivement, dans son mémoire de maîtrise, l’étudiant a l’avantage de fournir un renseignement probant. Il s’agit d’une allusion à l’acte de naissance de Drölling qui se trouve à la mairie de Bergheim et mentionnant la date du 19 septembre 1752 , de quoi dissiper les doutes.

Le grand-père de l’artiste originaire de Sélestat était vigneron, quant à son père également baptisé Martin Drölling il exerçait la profession de clerc du tabellion local. En 1746, ce dernier épouse une native de Bergheim, Catherine Schobler. De cette union, naîtront plusieurs enfants dont le peintre Martin Drölling. Couleur, perspective et autres rudiments de la peinture sont bien éloignés des préoccupations principales de la famille, qui destine le petit Drölling à être homme de plume, commis de bureau, huissier ou clerc de procureur. Malgré cette exigence familiale, le garçon ne montre aucun intérêt pour une telle carrière.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 LES SOURCES
Chapitre 1 – Un peintre discret
Martin Drölling : de Bergheim à Paris
Une figure alsacienne
La découverte de la peinture
La carrière parisienne
Les critiques parisiens des XVIIIe et XIXe siècles
Aux salons
Les revues parisiennes et les encyclopédies
L’éloge des écrivains
À partir du XXe siècle : des biographes au secours de l’art alsacien
Les écrits alsaciens
Les travaux universitaires de Denis Lecoq et de Catherine Jordy
Chapitre 2 – L’œuvre de Drölling entre exposition et ignorance
La production picturale de Martin Drölling
De la peinture de genre au portrait, une production abondante
Les expositions et les musées où sont montrées les œuvres de Drölling
Les œuvres qui ont monopolisé l’attention
Le salon de 1817 : les honneurs en fin de vie
L’Intérieur d’une cuisine et son pendant l’Intérieur d’une salle à manger
Le travail pour la manufacture de Sèvres
Le passage à Sèvres
La production de peintures sur porcelaine de Drölling
Les raisons d’un oubli historiographique
Chapitre 3 – Intimes, confuses et légendaires, des sources ambiguës
La vie privée de Drölling, pour mieux le connaître
Peindre l’intimité : ses enfants, sujet récurent des toiles du peintre
Les correspondances
L’autobiographie disparue de Drölling
La confusion avec ses enfants peintres
Louise-Adéone Drölling
Michel-Martin Drölling
Martin Drölling ou Michel-Martin Drölling ?
La légende alsacienne de Drölling
« L’affaire des cœurs des rois »
Les sources de la légende
Une légende toujours vivante ?
PARTIE 2 ASSOCIER MARTIN DRÖLLING A UN MOUVEMENT ARTISTIQUE PRECIS
Chapitre 4 – Martin Drölling et le néo-classicisme
Le néo-classicisme, mouvement dominant du temps de Drölling
Point sur le néo-classicisme
Le néo-classicisme oublié et remis au goût du jour
Drölling dans la société : un peintre académique ?
L’environnement du peintre
La rencontre avec Napoléon
Le néo-classicisme de Drölling
Des portraits sobres et rigoureux
Des œuvres à l’esthétique néo-classique
Le Portrait présumé de Nicolas Baptiste dans le rôle d’Horace
Un refus du néo-classicisme de David ?
CONCLUSION

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