MANIPULATION D’ATOMES DANS DES PIÈGES DIPOLAIRES MICROSCOPIQUES

Piégeage dipolaire d’un atome à deux niveaux

Généralités La force dipolaire résulte de l’interaction entre un champ électrique et une particule polarisable. Le fait de plonger un atome neutre dans un champ électrique polarise la particule. Si le champ varie suffisamment lentement, le dipôle induit ~p(t) pointe dans le même sens que le champ E~, si bien que l’énergie potentielle d’interaction W = −~p · E~/2 est négative. Dans ce cas, l’atome est attiré vers les zones où |E| ~ est maximum, le potentiel, dit dipolaire, y étant minimum. On parle alors de piège dipolaire optique (que nous appellerons fréquemment PDO), ou de pince optique. Considérons un atome à deux niveaux |fi (fondamental) et |ai (excité), de transition atomique ω0, éclairé par un laser E~ = E~0(~r) cos(ωLt).

Le MIcroscope de Grande OUverture : MIGOU

Caractéristiques Souvenons-nous qu’une façon d’obtenir un potentiel avec des fréquences d’oscillation importantes, à moindre puissance laser, est d’avoir un col du faisceau le plus petit possible (voir paragraphe 1.1.2). Ceci nous permet également de réduire le volume de piégeage, en vue de piéger des atomes uniques. La taille du point de focalisation du faisceau piège est cependant bornée inférieurement par la limite de diffraction, qui est de l’ordre de λ/ON (où λ est la longueur d’onde et ON est l’ouverture numérique) soit environ 1 µm, lorsque l’ouverture numérique est importante. Un objectif, largement décrit dans la référence [87], a donc été entièrement conçu et monté à l’Institut d’Optique, en vue de remplir deux conditions : faire focaliser le faisceau du piège dipolaire sur une tache de l’ordre du micron et collecter la fluorescence des atomes piégés avec une grande efficacité. Constitué de 9 lentilles, ses caractéristiques sont les suivantes :
– il est limité par la diffraction pour trois longueurs d’onde différentes : 780 nm (raie D2 du 87Rb) et 795 nm (raie D1 du 87Rb) pour l’utiliser comme dispositif d’imagerie de haute résolution, et 810 nm, qui est la longueur d’onde choisie pour la réalisation d’un piège dipolaire de grand désaccord (voir paragraphe 1.1) ;
– pour atteindre une limite de diffraction λ/ON la plus petite possible, et focaliser le plus possible le faisceau piège, il possède une grande ouverture numérique ON= 0, 7, correspondant à un angle d’ouverture de 90˚(c’est pour cette raison qu’il a été baptisé MIGOU, nous l’appellerons ainsi dans la suite du manuscrit). Ceci permet également de collecter la fluorescence des atomes avec une grande efficacité ;
– sa distance de travail de 1 cm laisse suffisamment de place pour la réalisation d’un piège magnéto-optique autour du foyer, qui constituera un réservoir d’atomes froids pour notre piège dipolaire (voir plus loin, le paragraphe 1.3.2) ;
– du fait de cette distance de travail, il doit être monté dans l’enceinte à vide et a donc été ; conçu compatible ultra-vide
– sa distance focale effective est de 3,55 mm ;
– le rayon du champ transversal optimisé est de l’ordre de 10 µm.
Cet objectif permet, en théorie de focaliser le faisceau piège sur un spot de rayon 0,7 µm [81]. Il s’agit en fait du rayon du premier anneau sombre de la tache d’Airy r = 1, 22λ/2ON, si la pupille d’entrée est uniformément éclairée. Une conséquence intéressante est que, dans ces conditions, le potentiel obtenu est très confinant dans les trois directions de l’espace. En effet, la dimension transversale est donnée par le col du faisceau piège w0 ∼ λ, et la dimension longitudinale est donnée par la longueur de Rayleigh πw20/λ ∼ πw0. Une photographie de MIGOU (figure 1.6) avant son installation dans l’enceinte à vide donne une idée des dimensions de l’ensemble. La partie avant est celle que nous venons de décrire. Une partie arrière (4 lentilles) sert à imager le faisceau piège pour divers diagnostics. Les bobines du piège magnéto-optique (PMO) sont également visibles.

Imagerie de la fluorescence

   Le diagnostic de toutes les expériences décrites dans ce manuscrit sera fait sur la lumière de fluorescence des atomes. Celle-ci peut être simplement induite par les faisceaux du PMO, ou par un faisceau laser annexe qui viendra sonder les atomes sur la raie D2. Sa longueur d’onde est donc d’environ 780 nm. Il nous faut par conséquent récolter efficacement les photons émis par les atomes. Avec une ouverture numérique de 0,7, MIGOU collecte environ 15 % de la lumière émise. L’ensemble du dispositif d’imagerie apparaît sur la figure 1.8. La voie de l’imagerie est séparée du faisceau piège à l’aide d’un cube à séparation de polarisation. Ce cube ne permet cependant pas de collecter toutes les polarisations émises. Pour mener une étude en polarisation, il sera remplacé, dans le chapitre 4 par une lame séparatrice dichroïque, réfléchissant toute la lumière à 780 nm et transmettant toute la lumière à 810 nm, quelle que soit la polarisation. La fluorescence est ensuite imagée sur une caméra CCD et une photodiode à avalanche (APD) à l’aide de deux lentilles L1 (distance focale de 200 mm) et L2 (distance focale de 150 mm). La caméra CCD de la société Princeton, est refoidie, et possède un faible niveau de bruit [81]. Elle possède 1340×400 pixels et permet d’avoir une bonne résolution spatiale. En revanche, son temps de pause minimum est de 10 ms. On utilise donc une APD (société EG&G) qui, lors d’une photodétection, produit des impulsions de 20 ns avec un temps mort de 200 ns. C’est un détecteur très rapide qui nous assure une bonne résolution temporelle.

La génération de séquences temporelles

   Les sorties digitales contrôlent toutes les opérations TTL de l’expérience (commande des AOM permettant l’allumage ou l’extinction des divers faisceaux de l’expérience, commande des alimentations de champs magnétiques, commande de générateurs d’impulsions…). Ces sorties vont changer de valeur au rythme d’une horloge, créée par l’ordinateur et envoyée sur une sortie analogique. Des limitations techniques ne permettent de changer ces valeurs que toutes les 500 µs. Si l’on désire aller plus vite, on utilisera un générateur de fonctions aléatoires déclenché par une des sorties digitales. Le signal « gate », dont nous avons parlé au paragraphe précédent, est créé grâce à la seconde sortie analogique, ce qui permet une parfaite synchronisation des séquences d’événements avec la détection. Un programme écrit avec le logiciel Igor Pro permet de créer simplement des séquences temporelles arbitraires, de faire l’acquisition des données, d’en changer la résolution, de répéter un grand nombre de fois la même séquence temporelle, de moyenner la fluorescence obtenue sur celles-ci…

Le régime d’atome unique

Observations expérimentales La densité du piège magnéto-optique peut être contrôlée sur plusieurs ordres de grandeur, entre 1010 et 105 atomes/cm3. Il suffit pour cela d’éteindre le gradient de champ magnétique de manière à se placer en régime de mélasse optique. On peut également réduire l’intensité des faisceaux ralentisseurs, voire diminuer la température du four. Il est alors possible d’atteindre un régime où l’on voit arriver les atomes un par un dans le piège dipolaire. C’est ce que représente la figure 1.10. Le signal quantifié obtenu sur la photodiode à avalanche est la signature du régime d’atome unique. Lorsqu’aucun atome n’est présent dans le piège, la fluorescence observée correspond essentiellement à de la lumière parasite issue des réflexions des faisceaux de la mélasse sur les montures de MIGOU. La mélasse environnante est trop peu dense pour contribuer au signal. Sur le signal de l’APD, le fond varie de 500 à 2000 coups/s. Dès qu’un atome entre dans le piège, on observe un excès de fluorescence. Du fait des déplacements lumineux, celui-ci varie avec la puissance du piège dipolaire. Pour des puissances entre 1 mW et 3 mW typiquement utilisées, il oscille entre 3000 et 10 000 coups/s, suivant la façon dont l’expérience est réglée. Les courbes de la figure 1.10 ont été obtenues avec une résolution de 10 ms, et une puissance du PDO d’environ 2 mW. En parallèle de l’APD, on voit les atomes arriver et ressortir du piège dipolaire sur la caméra CCD. Pour un temps de pose de 200 ms, le fond est d’environ 620 coups (ce nombre est en fait la somme d’un offset électronique d’environ 580 coups et du fond parasite), et la présence de l’atome unique correspond à un excès d’environ 200 coups sur le pixel central.

Le blocage collisionnel

   Pour interpréter les résultats précédents, considérons un piège dipolaire optique contenant N atomes. Ce nombre N va varier en fonction :
– du taux de chargement R. Comme expliqué précédemment, il est proportionnel à densité du PMO, et donc ajustable.
– du taux de pertes à un corps −γN. Il est essentiellement dû à des collisions avec les atomes rapides du gaz résiduel. Sa valeur dépend du vide qui règne dans l’enceinte (quelques 10−10 mbar) et n’est donc pas facilement ajustable. On l’évalue à partir de la valeur du vide et de la durée de vie du PMO : γ ∼ 0, 2 s−1.
– du taux de pertes à deux corps −2βN(N − 1)/2. Il est dû à divers mécanismes de collisions inélastiques, analysés en détail dans la référence [90]. Il est proportionnel au nombre de paires d’atomes N(N − 1)/2, et la collision expulse les deux atomes, d’où la présence du 2 devant l’expression. Comme on s’intéresse au nombre d’atomes dans le potentiel, et pas à la densité, β est inversement proportionnel au volume du piège. La valeur de β est tirée de la référence [90], qui mène à β ∼1000 atomes−1s−1 pour notre volume de piégeage. Remarquons que cette valeur très élevée est propre à notre expérience. β chute très rapidement avec la taille du piège (son volume est proportionnel à w40), si bien que pour un col de faisceau plus « standard », w0 ∼ 10 µm, β = 0, 016 atomes−1s−1.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 Le piégeage dipolaire d’atomes uniques 
1.1 Piégeage dipolaire d’un atome à deux niveaux
1.1.1 Généralités
1.1.2 Cas d’un faisceau laser gaussien
1.2 Piégeage dipolaire d’un atome à plusieurs niveaux
1.2.1 Atome habillé et perturbations au deuxième ordre en champ électrique
1.2.2 Retour sur l’atome à deux niveaux – déplacements lumineux
1.2.3 Cas de l’atome de rubidium 87
1.3 Notre dispositif expérimental 
1.3.1 Le MIcroscope de Grande OUverture : MIGOU
1.3.2 Le piège magnéto-optique
1.3.3 Imagerie de la fluorescence
1.3.4 Contrôle informatique de l’expérience
1.4 Nombre d’atomes piégés 
1.4.1 Le régime de fort chargement
1.4.2 Le régime d’atome unique
1.4.3 Le blocage collisionnel
1.4.4 Séquences temporelles en régime d’atome unique
1.5 Conclusion
Chapitre 2 Réalisation de pièges multiples 
2.1 Avec plusieurs faisceaux
2.2 Avec un seul faisceau 
2.2.1 L’optique de Fourier
2.2.2 Le modulateur de phase
2.2.3 La génération d’hologrammes
2.2.4 Les hologrammes obtenus
2.2.5 Le piégeage holographique d’atomes
2.3 Conclusion
Chapitre 3 Caractérisation de l’état externe des atomes 
3.1 Les paramètres du piège dipolaire 
3.1.1 L’outil « sonde »
3.1.2 Mesure de la profondeur du piège
3.1.3 Mesure des fréquences d’oscillation du piège
3.1.4 Conclusion
3.2 La température des atomes dans le piège dipolaire
3.2.1 Généralités sur les temps de vol
3.2.2 La température de l’atome unique : temps de vol sur l’APD
3.2.3 Cas à plusieurs atomes : temps de vol sur l’APD
3.2.4 Cas à plusieurs atomes : temps de vol sur la CCD
3.2.5 Discussion
3.3 Durée de vie de l’atome dans le piège dipolaire
3.3.1 Durée de vie de l’atome et chauffage
3.3.2 Durée de vie de l’atome dans le noir
3.3.3 Durée de vie de l’atome irradié par la sonde
3.4 Conclusion
Chapitre 4 Contrôle de l’état interne de l’atome 
4.1 Contrôle des états hyperfins du niveau fondamental 
4.1.1 Préparation en F = 1 ou F = 2
4.1.2 Durée de vie en F = 1 et F = 2
4.2 Contrôle des sous-niveaux Zeeman 
4.2.1 Lame dichroïque et contraste en polarisation
4.2.2 Application d’un champ magnétique vertical
4.2.3 « Application » du bon contrôle de la transition fermée : mesure de l’efficacité de détection
4.3 Contrôle cohérent de la transition fermée 
4.3.1 Une source laser impulsionnelle
4.3.2 Oscillations de Rabi en fonction de la puissance des impulsions laser
4.3.3 Oscillations de Rabi dans le domaine temporel
4.3.4 Battements quantiques
4.4 Conclusion 
Chapitre 5 Utilisation de l’atome unique comme une source de photons uniques 
5.1 Caractéristiques de notre source de photons uniques 
5.2 L’outil de diagnostic : la fonction d’autocorrélation en intensité
5.2.1 Pour un champ classique
5.2.2 Pour un champ quantique
5.2.3 Cas du champ rayonné par un atome unique
5.2.4 Le montage de Hanbury Brown et Twiss
5.3 Dégroupement de photons en régime continu
5.3.1 Mesure brute
5.3.2 Normalisation
5.3.3 Correction du fond
5.3.4 Discussion
5.3.5 Conclusion
5.4 Dégroupement de photons en régime impulsionnel 
5.4.1 Séquence expérimentale optimisée
5.4.2 Les résultats expérimentaux
5.4.3 Correction des données
5.4.4 Analyse des données
5.4.5 Comparaison avec la théorie
5.4.6 Discussion
Conclusion et perspectives
Annexes
Annexe A Analyse des temps de vol sur la CCD
A.1 Analyse brute
A.2 Prise en compte de la durée de l’impulsion sonde
A.3 Prise en compte de la profondeur de champ de MIGOU
A.3.1 Effet d’un déplacement longitudinal
A.3.2 Profils de fluorescence sur la CCD
A.3.3 Abaque des températures
A.4 Résumé
Annexe B Saturation et efficacité globale de collection et de détection
B.1 Saturation de la fluorescence sur la transition fermée
B.2 Amélioration de la mesure
Annexe C Temps passé sur la transition fermée
C.1 Repompage de F = 1 vers F = 2
C.2 Pompage optique vers (F = 2, mF = −2)
C.3 Résumé
Annexe D Ajustement des courbes de dégroupement de photons en régime continu
D.1 Groupement de photons
D.2 Ajustements des courbes
D.2.1 Résultats
D.2.2 Phénomène toff /ton
D.2.3 Efficacité de collection
Annexe E Probabilité d’avoir deux photons par impulsion
E.1 Principe de la méthode des « fonctions d’onde Monte Carlo »
E.2 Probabilité qu’une impulsion contienne au moins 1 photon
E.3 Probabilité qu’une impulsion contienne 1 et 1 seul photon
E.4 Résultats
E.5 Efficacité de collection imparfaite
Bibliographie

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