L’utilisation de la voie intramusculaire pour administrer l’iséthionate de pentamidine dans la leishmaniose cutanée à Leishmania guyanensis augmente le risque d’échec thérapeutique

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Schéma de l’étude

Le schéma est une étude observationnelle d’une série de cas. Les prélèvements diagnostiques et les traitements ont été réalisés dans le cadre du soin courant. Les données ont été recueillies avec le consentement des patients. Le critère de jugement était défini comme la guérison du patient, confirmée par l’épithélialisation de la lésion, mesurée six semaines après le début du traitement. L’étude s’est déroulée de décembre 2013 à juin 2016.

Diagnostic et défnition des cas

Une stratégie diagnostique complète a été utilisée pour tous les patients en Guyane : examen direct du frottis et deux biopsies intra-lésionnelles au punch pour le diagnostic d’espèce (culture, réaction en chaîne par polymérase (PCR)) et le diagnostic de LRV par PCR transcriptase inverse quantitative [14]. Une analyse par PCR avec polymorphisme de la longueur du fragment de restriction était réalisée sur les cultures parasitaires pour le typage des souches en Guyane [4,11]. Pour les patients diagnostiqués en France métropolitaine après leur retour de Guyane, plusieurs méthodes étaient utilisées [26].
Un cas de leishmaniose était défini comme toute lésion cutanée avec présence de Leishmania spp. à l’examen direct du frottis, culture, ou PCR, contractée en Guyane.

Stratégie thérapeutique

Le traitement était laissé à l’appréciation du médecin prenant en charge le patient. Le médecin pouvait être un médecin généraliste ou un spécialiste hospitalier. Seuls les traitements des patients infectés par L. guyanensis étaient considérés dans l’étude. Ils étaient traités par iséthionate de pentamidine (Pentacarinat, Sanofi-Aventis), IV ou IM. Un flacon de Pentacarinat contient 300 mg de pentamidine diisethionate (171 mg de pentamidine). Le traitement par iséthionate de pentamidine IV consistait en une injection de 4 mg/kg toutes les 48 heures pour un total de trois doses. Le traitement par iséthionate de pentamidine IM était administré en deux injections simultanées dans deux sites différents pour un total de 7 mg/kg.
Tous les patients ont eu une visite de suivi six semaines après le début du traitement.
L’échec thérapeutique était défini comme la persistance de la lésion, sans amélioration six semaines après le traitement, et qui conduisait à un deuxième traitement (même molécule ou changement de molécule).

Recueil des données

Les cas étaient déclarés au système de surveillance épidémiologique des armées en Guyane (cas autochtones) et en France métropolitaine (cas importés).
Tous les militaires français déclarés comme ayant eu la leishmaniose en Guyane ou en revenant de Guyane pendant la période d’étude étaient inclus.
Les médecins étaient contactés par téléphone pour recueillir les données sur l’espèce, la présence de LRV, la stratégie thérapeutique et le suivi. Le lieu de contamination présumé, le nombre de lésions, la dissémination – définie comme des lésions secondaires entourant la lésion initiale ou à une certaine distance de celle-ci -, le diamètre de la lésion, le délai entre le diagnostic et le traitement, et les effets secondaires étaient notés.
Seuls les patients infectés par L. guyanensis et avec un suivi complet étaient inclus dans l’analyse finale. Ceux infectés avec une autre espèce étaient inclus à visée épidémiologique.

Analyses statistiques

Seuls les patients infectés par L. guyanensis et avec un suivi complet étaient inclus dans l’analyse finale. Ceux infectés avec une autre espèce étaient inclus à visée épidémiologique.
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS University® (SAS Institute Inc., NC, USA). Etant donné les faibles tailles d’échantillons, le test exact de Fisher était utilisé pour l’analyse univariée. La régression logistique était utilisée pour l’analyse multivariée. Les variables avec un degré de significativité p ≤ 0,2 ont été incluses dans le modèle multivarié. Les variables suivantes étaient incluses dans les analyses : âge, nombre de lésions, diamètre des lésions, dissémination, séjour sur un site d’orpaillage clandestin, présence de LRV, délai entre le diagnostic et le traitement, et voie d’administration du traitement.

Résultats

Quatre-vingt-dix-sept patients étaient inclus (figure 1), 50 en Guyane française et 47 en France métropolitaine. Cinq étaient inclus en 2013, 53 en 2014, 22 en 2015, et 17 en 2016.

Discussion

La présente étude montre que l’utilisation de la voie d’administration IM pour l’iséthionate de pentamidine dans le traitement de la leishmaniose cutanée à Leishmania guyanensis était associée à plus d’échec thérapeutique à six semaines. L’avantage de la stratégie IV pour le patient est évident, étant donné qu’elle a conduit
à une guérison plus rapide, d’importance particulière pour une maladie qui peut être esthétiquement incommodante. Elle est aussi bénéfique pour les forces armées, car elle permet de maintenir les militaires en meilleure condition opérationnelle : les militaires avec une leishmaniose cutanée sont interdits de séjour en forêt équatoriale jusqu’à la guérison et ne peuvent pas continuer leurs missions pendant ce temps. De plus, la voie IM est plus douloureuse, en raison de la survenue de rhabdomyolyse, un effet secondaire absent avec l’administration IV [27, 28]. Toutefois, la perfusion IV peut rarement causer un choc anaphylactique, rendant la surveillance médicale post-injection obligatoire [29, 30]. Cet effet secondaire n’a jamais été rapporté avec la pentamidine IM.
Le taux de succès thérapeutique global dans notre étude était inférieur aux taux rapportés dans la littérature [12,31,32]. Le taux de succès de l’iséthionate de pentamidine IM était similaire à celui observé dans l’étude de Neves et al. [13]. La baisse d’efficacité de l’iséthionate de pentamidine IM observée dans d’autres études pourrait être inversée par l’utilisation de la voie IV [33] ; une explication possible est que le pic sérique de pentamidine est plus élevé avec cette voie d’administration.
Aucun des facteurs de risque de mauvaise réponse au traitement précédemment décrits n’était retrouvé dans notre étude. En particulier, nous n’avons pas trouvé d’association entre l’échec thérapeutique et la présence de LRV, contrairement à Bourreau et al. [14]. Même si cela peut paraître intrigant à première vue, cette différence peut facilement être expliquée, nous avons défini l’échec thérapeutique comme l’absence de réponse à un cycle de traitement, alors que Bourreau et al. l’ont défini comme l’absence de réponse à deux cycles de traitement. En 2005, dans une étude portant sur des militaires français contaminés en Guyane française qui ont subi un échec thérapeutique, les patients (n=7) étaient guéris avec quatre injections IV de pentamidine [34]. De plus, le système immunitaire de l’hôte n’a pas été étudié, et les populations incluses dans notre étude et dans celle de Bourreau et al. étaient différentes, une influence de ce facteur ne peut pas être exclue. Une autre explication est que notre étude a pu manquer de puissance statistique pour montrer l’influence du LRV.
Un délai plus important entre le diagnostic et le traitement est associé à moins d’échec thérapeutique en analyse univariée mais pas en analyse multivariée. Ceci est expliqué par la colinéarité avec la voie d’administration. On peut penser que plus de patients avec un délai plus important entre le diagnostic et le traitement ont été traités en France métropolitaine, où l’utilisation de l’iséthionate de pentamidine IV est plus commune.
Notre étude constitue également une mise à jour sur l’épidémiologie de la leishmaniose en Guyane française. Leishmania guyanensis représente 86% des cas là-bas, une proportion similaire à ce qui est rapporté dans la littérature [3, 4, 35]. A cause des missions conduites en forêt équatoriale, les militaires sont exposés aux mêmes parasites que les orpailleurs clandestins. La distribution des cas était intéressante. Les cas dus à Leishmania braziliensis étaient distribués sur les sites d’orpaillages autour de Dorlin, Eau-Claire, et Saül et le parasite a pu être introduit en Guyane pas des individus entrant illégalement du Brésil pour l’orpaillage. Le Centre d’Entraînement en Forêt Equatoriale à Régina est un foyer historique de leishmaniose cutanée en Guyane française pour les militaires. C’est pour cela qu’il n’était pas surprenant que la plupart des contaminations aient eu lieu à cet endroit. En comparant à la carte dans l’étude de Ginouvès et al. [36], les lieux de contamination dans notre étude sont limités aux endroits où les militaires étaient localisés ou déployés pour des missions ou des entrainements. Ainsi, moins de lieux de contamination étaient représentés. Cependant, le foyer principal est Régina dans les deux études, et les résultats globaux de distributions des cas sont similaires.
Les limites de notre étude sont principalement dues à son schéma. L’étude d’une série de cas n’apporte qu’un faible de preuve. Cependant, compte tenu du faible nombre de cas annuels observés dans les armées, l’inclusion du nombre de sujets nécessaires pour un essai contrôlé randomisé n’était pas envisageable sur la période d’étude. Nous avons par ailleurs eu plusieurs perdus de vue, tous avaient été traités par iséthionate de pentamidine IV. Même si la déclaration de la leishmaniose cutanée est réglementaire dans les armées, une sous-déclaration est toujours possible. Toutefois, il est improbable que le diagnostic ait été manqué, car tous les militaires reçoivent une information sur les risques sanitaires locaux avant d’être déployés en Guyane, et la leishmaniose cutanée occupe une place importante. Notre population reste spécifique et non représentative de la population générale exposée à la LCNM, en particulier parce que seuls les militaires en bonne santé peuvent être déployés outre-mer, ce qui peut changer la réponse de l’hôte au parasite. Une autre limite est que notre étude était restreinte à la Guyane et que les résultats ne peuvent pas être extrapolés à d’autres lieux, étant donné qu’il est connu que la localisation géographique peut influencer la réponse thérapeutique [15].
En résumé, l’utilisation d’iséthionate de pentamidine IM administré sur un seul jour dans le traitement de la leishmaniose cutanée à Leishmania guyanensis est associée à plus d’échecs thérapeutiques que l’iséthionate de pentamidine IV. Selon nos données, l’iséthionate de pentamidine IV devrait être le traitement préférentiel de la leishmaniose cutanée à Leishmania guyanensis, la voie IM étant réservée pour les situations où la perfusion IV et la surveillance médicale ne sont pas disponibles ou possibles. Des études confirmatoires, notamment dans d’autres pays, sont nécessaires. Cela pourrait aussi être utile de conduire une autre étude sur le protocole IM consistant en deux injections simultanées dans deux sites différents pour un total de 7 mg/kg d’iséthionate de pentamidine répété une fois à 48 heures.
Ce travail a reçu le soutien du Service de Santé des Armées.
Les positions exprimées dans cet article ne sont que les points de vue des auteurs et ne doivent pas être considérées comme le point de vue officiel du Service de Santé des Armées français.
Les auteurs déclarent qu’ils n’ont aucun conflit d’intérêt.
Ce travail a été publié dans la littérature scientifique sous la référence suivante : Christen J-R, Bourreau E, Demar M, Lightburn E, Couppié P, Ginouvès M, et al. Use of the intramuscular route to administer pentamidine isethionate in Leishmania guyanensis cutaneous leishmaniasis increases the risk of treatment failure. Travel Med Infect Dis. 2018.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

II. Introduction
III. Méthodes
a. Schéma de l’étude
b. Diagnostic et définition des cas
c. Stratégie thérapeutique
d. Recueil des données
e. Analyses statistiques
IV. Résultats
V. Discussion
VI. Références Bibliographiques

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *