L’ORIL, un dispositif rénové

« Partir de la réalité existante pour, sur cette réalité, tenter de bâtir un rêve nouveau» était l’ambition de l’architecte Laurent Chappis.

Le rêve de la montagne concerne 6,1 millions de français et 6 000 communes. C’est un territoire comportant des spécificités qui le démarquent du reste du pays. Connaissant des contraintes topographiques limitant l’activité agricole et industrielle, contraintes géographiques repoussant ces territoires sur les frontières du pays, contraintes climatiques de dépendance à la neige, la montagne française tire ses quelques sources de revenu de la nature. Elle a su saisir les opportunités qui se présentaient à elle pour garantir son développement économique. L’hydroélectricité, développée dans les années 1950, a progressivement pris le pas sur l’élevage et l’on a exploité la filière du tourisme thermal et sportif. Mais cette extension a rencontré ses limites avec le changement climatique et l’enneigement devenu aléatoire. Ce coup porté aux activités touristiques, essentiellement orientées vers le ski l’hiver, fait craindre une mise en péril de l’économie des stations. Pour autant, il reste de nombreux atouts à la montagne. Elle présente en effet une culture authentique, un riche patrimoine naturel, et des productions originales. Ces points positifs sont à mettre en valeur et à exploiter.

Entre contraintes propres et atouts, la montagne nécessitait donc un droit spécifique. C’est ce pourquoi la loi Montagne a été adoptée le 9 janvier 1985 , précédant d’une année la loi Littoral. Son objectif était de créer une discrimination positive en faveur des territoires de montagne, adaptant, entre autres, certaines règles d’urbanisme à leurs enjeux et allant même jusqu’à créer de nouveaux outils. Bienvenue à ses débuts, la loi a progressivement connu une érosion de ses principes. Les prescriptions particulières de massif, conçues à l’origine pour prendre en compte dans un document d’urbanisme les spécificités de chaque massif en tant que grands bassins économiques, n’ont pas du tout connu le succès escompté. Les principes d’urbanisation limitée ont diminué au fil des évolutions législatives (multiplication des dérogations, extension du champ des unités touristiques nouvelles) et jurisprudentielles (interprétation du principe d’urbanisation en continuité).

Trente et un ans après son adoption, la loi Montagne nécessitait donc une mise à jour pour lui rendre sa portée et l’adapter aux évolutions économiques et sociétales. Le 28 décembre 2016 est adoptée la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne . Se voulant un acte II pour la loi Montagne, la nouvelle loi est basée sur des principes de co-construction et de simplification.

Parmi les apports de la loi de 2016, la réforme des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs (ORIL) était attendue avec impatience de la doctrine comme de la pratique. En effet, l’immobilier de loisirs représente une réelle problématique pour les stations de montagne. Entre l’émergence du ski en tant que pratique sportive en 1878 et « l’industrie touristique » des années 1995 à 2010, les stations de ski ont connu un développement effréné.

Dans les années 1945 à 1960, ce sont des stations ex-nihilo qui sortent de terre et s’installent dans la montagne. Les architectes et urbanistes les concevant essaient alors d’être les plus respectueux de la nature préexistante. Acteur investi de ce mode de conception urbanistique, l’architecte Laurent Chappis donnait pour mot d’ordre : «le respect de la montagne allait jusqu’à ne vouloir ni couper un arbre, ni enlever un rocher. Il fallait que la montagne reste ce qu’elle était » . Des cahiers des charges stricts sont mis en place avec l’intégration paysagère du projet et l’intégration du cœur de station. Ce sont les années fastes pour l’architecture de montagne. Chaque station est le projet d’un architecte, projet global et cohérent. Chaque projet est différent, permettant à chacun d’avoir sa caractéristique. L’intérêt des stations ex nihilo est leur aménagement organisé dès l’origine. C’est le rêve de tout urbaniste que de créer un quartier en ne partant de rien. Ainsi, les stations dites intégrées sont pensées pour être les plus complètes possibles en structurant notamment un cœur de station piéton.

Mais les années 1970 poussent Chappis à démissionner. Ce sont les débuts de «l’industrie touristique » . Restaurations, densification, plans neige se succédant, la nouvelle doctrine est une rupture totale avec les principes originels. Les programmes immobiliers se multiplient, créant de nombreux lits (55 000 lits pour le plan neige de 1965-1970, 150 000 pour celui de 1971-1975). Et l’on adopte les barres d’immeubles pour maximiser l’ensoleillement. Cette frénésie de construction ne parviendra à être limitée que par l’adoption de la loi Montagne en 1985. Encadrant plus qu’elle n’interdit, la loi Montagne ne pourra empêcher les constructions toujours plus nombreuses.

« L’architecture est au service des montages financiers et des stratégies des promoteurs » . Afin de prévoir le plus de lits possibles et pour répondre à la baisse du pouvoir d’achat, les architectes créent des barres entières divisées en petits studios construits en matériaux peu chers et rapides à monter. Ce sont les studios cabines, qui tirent leur nom des cabines de bateaux. Enfin, cette expansion s’achève dans les années 1990 avec l’arrivée de la concurrence internationale. Les stations de ski s’uniformisent et se standardisent et les nouveaux programmes sont les plus luxueux possibles. Trois types d’opérations sont réalisés : la requalification des ensembles immobiliers, la construction de résidences de tourisme adjointes à des stations existantes, la création de nouvelles stations greffées à des domaines skiables existants. Mais « les choix d’urbanisme et d’architecture sont dictés par des approches commerciales sans considération pour la cohérence originelle des lieux déjà aménagés » . On peut alors voir de vastes complexes luxueux côtoyer des barres d’immeubles vétustes. Les nouveaux programmes sont plus commerciaux qu’architecturaux.

Cette multiplication de constructions nouvelles sans prise en compte de l’existant a entraîné l’apparition de friches touristiques. La loi SRU intègre alors en 2000 l’outil des ORIL au code de l’urbanisme. Pourtant, ce dispositif rencontrera de nombreux obstacles et ne sera au final que peu utilisé. Il était donc temps que la loi du 28 décembre 2016 vienne leur rendre de leur attractivité.

Un dispositif délaissé à l’avantage des initiatives locales

La loi SRU a intégré dans la loi un dispositif développé par circulaire. Ce dispositif, l’opération de réhabilitation de l’immobilier de loisirs, répondait à des enjeux fondamentaux pour les stations de montagne. Il semblait à l’origine présenter de nombreux avantages. Pourtant, sa confrontation à la pratique et à la réalité ont mis en relief des obstacles persistants bloquant la mise en place des opérations. Finalement, l’ORIL a connu un succès bien moins grand que prévu, les collectivités ayant tenté d’apporter leurs propres solutions en se reportant sur des programmes développés au cas par cas.

Les problématiques à l’origine des ORIL

Avant tout, les ORIL présentent les intérêts de la réhabilitation qui ont trait au maintien d’un certain niveau de qualité dans l’offre immobilière et la protection de l’environnement. Ensuite, la situation particulière des communes de montagne les confronte aux aléas du changement climatique qui touche notamment leurs ressources avec la perte de fréquentation, les plongeant dans un cercle vicieux.

Les intérêts urbanistiques, entre requalification de l’offre et réduction de consommation de l’espace

Au niveau de l’urbanisme, la réhabilitation de l’immobilier répond à des considérations locales de dévalorisation progressive de l’offre immobilière locale mais aussi à des enjeux nationaux de lutte contre l’étalement urbain.

La menace de la déqualification de l’offre du secteur marchand vers le secteur non marchand

Un phénomène de sortie des biens du secteur marchand a été constaté depuis quelques années dans les stations de montagne. Ce phénomène est accéléré par l’inadéquation de l’offre en lits à la demande actuelle.

Les dangers de la déqualification de l’offre

L’offre d’hébergement en station de montagne se compose de deux secteurs : le secteur non-marchand et le secteur marchand. Le secteur non-marchand est composé des résidences secondaires. Ce sont des locaux d’habitation qui ne font pas l’objet d’une exploitation commerciale mais dans lesquels leur propriétaire n’élit pas domicile. Ces hébergements ne sont pas classés et ne répondent qu’au régime juridique de la propriété. Le secteur marchand est celui dans lequel l’hébergement est l’objet d’un contrat de location à titre onéreux d’un bien immobilier dans lequel le locataire n’élit pas domicile. Ce secteur regroupe les hôtels, les résidences de tourisme, les villages de vacances et les meublés de tourisme. La distinction entre ces différentes natures d’hébergement se fait en fonction du mode de gestion et de fonctionnement de la structure.

Certains hébergements font l’objet d’un classement obligatoire auquel correspond un régime juridique particulier. Ce sont les hébergements pour lesquels un exploitant unique gère l’ensemble immobilier. Dans les stations de montagne, cette catégorie comprend les résidences de tourisme, les villages de vacances et les hôtels de tourisme. Une résidence de tourisme (article D. 321-1 et s. du Code du tourisme) est un ensemble homogène d’hébergements individuels ou collectifs, à usage exclusif ou non du locataire, géré par une seule personne physique ou morale. Les espaces et services collectifs sont mutualisés. Ce sont plusieurs appartements dans un même bâtiment avec des services communs. Le village de vacances (article D. 325-1 et s. du Code du tourisme) repose sur le même principe d’une gestion globale mais cette gestion peut être à caractère commercial ou non et il se compose de plusieurs hébergements qui peuvent être géographiquement dispersés sur le territoire communal. Ce sont plusieurs hébergements dans plusieurs bâtiments unis par des installations et services communs. Enfin, l’hôtel de tourisme (article D. 311-4 et s. du Code du tourisme) est similaire sur le mode de gestion mais il s’agit d’un ensemble de chambres louées séparément. A la différence des précédents modes d’hébergement, le meublé de tourisme (article D. 324-1 et s. du Code du tourisme) est indépendant. C’est un local d’hébergement objet d’un contrat de location saisonnière. Le meublé peut être classé ou non. Il ne possède pas d’espaces collectifs (abstraction faite des parties communes de la copropriété) et n’est pas regroupé dans un ensemble géré par un exploitant unique. Le danger est le basculement du bien immeuble du secteur marchand au non-marchand. En effet, face aux difficultés que le secteur marchand connaît dans certaines stations de montagne, la tendance est à « l’effritement » des résidences de tourisme : les exploitants de résidences de tourisme décident parfois de vendre lot par lot leurs hébergements. Ce qui était auparavant un appartement meublé au sein d’une résidence de tourisme devient une résidence secondaire, lot de copropriété. Cette déqualification de l’offre est un processus apparu dans les années 1980, période à laquelle les stations commencent à se démanteler. A l’origine conçues comme des «stations intégrées » gérées par un promoteur immobilier et un groupe hôtelier, sortes de résidences de tourisme géantes combinant plusieurs modes d’hébergement, les stations de ski sont aujourd’hui décomposées entre leur financement (des groupes bancaires et industriels), la gestion de leur espace public (la commune) et la gestion des hébergements (copropriétaires, groupes hôteliers, groupes de résidences de vacances…). Cette « désintégration » de la station a des conséquences sur l’espace public mais aussi sur l’occupation des biens.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I UN DISPOSITIF DÉLAISSÉ À L’AVANTAGE DES INITIATIVES LOCALES
CHAPITRE 1 LES ORIL EN RÉPONSE AUX PROBLÉMATIQUES DES STATIONS DE MONTAGNE
Section 1 : Les problématiques à l’origine des ORIL
Section 2 : Les ORIL en réponse aux problématiques des stations
CHAPITRE 2 LES INITIATIVES LOCALES PRÉFÉRÉES AUX ORIL
Section 1 : Les obstacles à l’origine du faible succès des ORIL
Section 2 : Les initiatives locales, pistes de réflexion pour la réforme
PARTIE II UNE LOGIQUE PARTENARIALE POUR UN OUTIL DE DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE ADAPTABLE
CHAPITRE 1 L’ASSOUPLISSEMENT DU DISPOSITIF PAR LA RÉFORME
Section 1 : L’extension de la liste des bénéficiaires
Section 2 : Le gain en souplesse du dispositif
CHAPITRE 2 UNE RÉFORME GLOBALE À LA PORTÉE LIMITÉE
Section 1 : L’accentuation incomplète du caractère attractif
Section 2 : Une problématique globale dépassant la seule station de montagne
CONCLUSION GÉNÉRALE
INDEX
BIBLIOGRAPHIE

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