L’origine et la raison d’etre de la prison

ELEMENTS HISTORIQUES DE LA PRISON

Pour comprendre le thème qui nous occupe, il nous semble nécessaire de faire la genèse de la notion de prison et voir par la suite les fonctions qui lui ont été assignées ainsi que la représentation que le sens commun en a. La notion de prison n’a pas toujours existé dans l’histoire des hommes. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIème siècle qu’elle sera établie en Europe pour remplacer progressivement ce que Michel Foucault appelle « le châtiment spectacle ». Ce châtiment plus connu sous le nom de supplice « est une peine corporelle, douloureuse, plus ou moins atroce »  qui avait lieu sur la place publique ou au lieu du crime. La torture était quantifiée selon la gravité du délit ou du crime. Jusqu’au XVIIIème siècle, l’individu qui rompait le contrat social était Banni ou supplicié, et bien souvent jusqu’à la mort. Cette dernière, comme terme d’une gradation calculée de la souffrance, allait de la décapitation qui ramène toutes les souffrances en un geste, et dans un seul instant, à l’écartèlement en passant par le bûcher, la roue, la pendaison. Par le supplice se laissait voir l’inégalité entre le sujet qui a osé enfreindre la loi et la toute puissance du souverain qui fait valoir sa force sur le corps de l’accusé. D’où la nécessité de la présence du peuple pour donner l’exemple « non seulement en suscitant la conscience que la moindre infraction risquait fort d’être puni ; mais en provoquant un effet de terreur par le spectacle du pouvoir faisant rage sur le coupable. » . Avec l’avènement du siècle des lumières et de la philosophie humaniste, « les souffrances infligées par les châtiments corporels devenaient aussi insupportables que l’absolutisme royal. » .

Partout en Occident, on assiste peu à peu à la disparition des gibets, du pilori, de l’échafaud, de la roue. Ces instruments de torture ou de vengeance de la société vont céder la place à un art de punir ‘‘plus humain’’. En effet, le siècle des lumières, qui a vu naître le rationalisme, a envisagé un changement radical dans la manière d’organiser les cités. A cette époque, les hommes ont rêvé d’une société de progrès, de technique efficace. Ainsi, au début de cette ère industrielle, la croissance de l’économie capitaliste va générer une véritable politique de la punition qui ne va pas à l’encontre du besoin de main- d’œuvre. De fait, « ces supplices, [de l’antiquité et du moyen âge], en anéantissant la force de travail que représentait l’individu condamné, se révélaient contre productifs. » La condamnation à mort fut, dès lors, fortement réduite et rendue moins cruelle. Celle qui ne conduisait pas à la mort fut remplacée par un système plus pratique : l’enfermement. La prison « prit une importance qui n’allait cesser de s’étendre » .

Jusqu’ici nous n’avons considéré que l’histoire occidentale de la prison. Tâchons maintenant de voir comment cette pratique pénale est advenue en Afrique, singulièrement au Sénégal.

Durant la période précoloniale, l’Afrique était marquée par « l’absence générale de la prison et de l’enfermement comme technique pénal » . Bernault Florence nous informe que Malgré les atroces tortures infligées aux esclaves durant la traite négrière, nous ne trouverons nulle part en Afrique, au XIXème siècle, d’outils pénaux comparables aux prisons de la réforme apparues dans l’Europe et le nouveau monde au tournant du XVIII ème siècle. Il n’existait que des lieux d’enfermements liés aux multiples fonctions économiques, militaires et rituelles. La prison comme institution juridique s’est imposée entre 1880 et 1920. Infligée à des sociétés qui l’ignorent et la rejette, elle réussit tout de même à s’imposer de manière durable. Ses méthodes et techniques viendront toutes de l’Europe conquérante. L’avènement de la prison en Afrique engendre une rupture très nette d’avec les pratiques locales de punition et de contrôle social qui se voulaient réparatrices. « Elle s’appuie, jusqu’à un certain degré sur l’invasion de forme de captivité spatiale liées à la traite des esclaves, particulièrement l’abolition de la traite force les marchands à construire des hangars pour cacher leurs marchandises humaines » . L’émergence des prisons en Afrique est surtout marquée par la suprématie des riches sur les pauvres et l’exploitation de ceux-ci pour sauvegarder les propriétés privées. Le berceau du carcéral est à chercher du côté de l’Afrique centrale et australe, là où se développe, au milieu du XIXème siècle, l’industrialisation née de l’exploitation du diamant et de l’or avec la subordination en masse d’une maind’œuvre africaine. En 1910 les prisons sont dirigées par des africains salariés au service de l’ordre nouveau. Leur pouvoir est subalterne.

Qu’en est-il du Sénégal ? Selon le rapport élaboré en 1995 par la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), la plupart des prisons au Sénégal datent de l’époque coloniale. L’une des plus anciennes prisons construite est celle de Saint Louis qui remonte à 1869. La maison d’arrêt et de correction de Reubess (Dakar) a été inaugurée en 1925. Mais bon nombre ont d’abord servi à des fins autres que l’enfermement. Celle de Kaolack par exemple est une ancienne écurie de l’armée française. Celle de Thiès une ancienne poudrière appartenant à la même armée. La prison de Rufisque est un ancien commissariat de police construit en 1930. A Dakar, l’ancien lazaret qui accueillait autrefois des aliénés mentaux a donné naissance au Camp Pénal inauguré en 1940. C’est dire que la plupart des prisons sénégalaises sont de vieilles bâtisses qui ne répondent pas toujours aux règles minima pour le traitement des détenus.

LES FONCTIONS ET LA CONCEPTION POPULAIRE DE LA PRISON

A la fin du XVIIIème siècle le penseur humaniste Cesare Beccaria s’insurge contre le caractère barbare des châtiments et de la condamnation à mort. Dans son ouvrage intitulé : Des délits et des peines, publié en 1784, il écrit que le « Châtiment a pour but d’empêcher le coupable de nuire désormais à la société (…). Le but des peines ne saurait être de tourmenter un être sensible ».  Il conçoit par là, la peine du point de vue de son utilité plus précisément celle de la conservation de l’ordre social. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 vient comme pour conforter les reproches faits à l’égard de l’ancien régime en affirmant: « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Le premier objectif visé en instaurant la prison est le respect de l’humain qui passe par une pratique punitive plus souple et moins traumatisant que le supplice. Ce respect de la dignité humaine a conduit le code du droit pénal à prendre des mesures relatives à la qualité d’hébergement et au traitement des détenus. Il établit aussi des normes pour la durée en détention, surtout en faveur des prévenus. Même si l’incarcération a été inventé pour atténuer les souffrances inhérentes au supplice, elle demeure un moyen de punir celui qui a désobéi aux lois fixées par la société. Son rôle est de rétablir la justice. Mais la sanction imputée au condamné va audelà des murs de la prison. Les personnes ayant déjà fait l’expérience peuvent être stigmatisées, voire limitées dans leurs droits par un casier judiciaire chargé. Ce casier, qui permet de disposer d’un résumé de leur passé judiciaire, est pris en compte lors des recrutements d’emplois, d’adjudication de marché ou de travaux publics, de délivrance d’une distinction honorifique ou pour accéder à certaines fonctions électives.

Cette méthode est également un moyen dissuasif contre la transgression des règles et assure par là, la stabilité et l’harmonie du groupe. En neutralisant l’accusé ou le condamné, elle est supposée avoir un effet sur lui. Elle cherche à ce que celui-ci fasse une introspection, une autocritique pour reconnaître sa faute et ainsi se résoudre à ne plus recommencer. Dans ce sens, la prison se veut un lieu de rééducation et de préparation à la réinsertion sociale, favorisant le respect de la propriété privée et collective.

L’histoire des hommes évoluant, les objectifs visés se multiplient. Par ailleurs, au delà de ce but noble, le sens commun considère l’espace carcéral comme une maison de perdition où sont regroupés les maudits de la société, les bons à rien. Cette représentation populaire laisse entrevoir une certaine haine, un certain dédain à l’égard de la prison et des détenus.

Dans certaines ethnies au Sénégal, plus précisément chez les sérères et les diolas, tout individu qui vient d’être libéré de prison doit immédiatement aller prendre un bain à la mer et y laisser les habits utilisés pendant l’incarcération. Il doit se départir du malheur qu’il porte en lui afin de réintégrer dignement la société et éviter également de contaminer les autres.

En France, Jacques Voulet, décrivant l’horreur que l’honnête homme a de la prison, nous rapporte : « un magistrat arrivant un jour pour la première fois dans une petite ville de province, demanda à une passante quel chemin il fallait prendre pour aller à la prison. Elle le regarda d’un œil soupçonneux, puis indignée qu’il puisse croire qu’elle fréquentait un aussi mauvais lieu, lui répondit : ‘‘Moi, Monsieur, je n’y suis jamais allée !’’ » . Cette réaction instinctive de la femme est assez fréquente. La méconnaissance de ce qui se vit entre ces murs élevés inspire la peur et l’horreur. C’est ce lieu craint et mal aimé que nous nous proposons de pénétrer à travers l’étude de son espace et de son temps.

L’HOMOGENEITE DE L’ESPACE ET DU TEMPS EN MILIEU CARCERAL

LA PRISON : UN ESPACE CONSTRUIT, HOMOGENE

Par son architecture qui incarne les interdits et le règlement de la prison, tout est bien disposé pour accueillir n’importe quel malfaiteur peu importe sa couleur, sa race, son rang social, son histoire personnelle. L’architecture proposée par le philosophe Anglais Jérémy Bentham : panoptique, décrite par Michel Foucault dans Surveiller et punir, autorise la mise sous contrôle des moindres parcelles des bâtiments. C’est un bâtiment circulaire divisé en cellules isolées les unes des autres mais vitrées de sorte que chaque occupant puisse être observé depuis une tour centrale. Dans l’anneau périphérique, on est totalement vu sans jamais voir ; dans la tour centrale on voit sans être vu. Le panopticon, du grec pan qui signifie tout et opticon qui veut dire vision, permet à l’administration une perception telle qu’aucun élément ne puisse lui échapper. Dans cet espace homogène, la géométrie du plan (le nombre et la fonction de chaque compartiment) est définie avec exactitude et minutie. Claudine Le Bronnec-Dubois parlant de la maison d’arrêt de Fleury Merogis, nous apprend que « les structures architecturales sont tellement identiques, tellement uniformisées que vous ne savez pas à quel endroit vous vous trouvez par rapport au reste de l’ensemble des locaux » . « Quel que soit l’endroit où l’on se trouve, on est toujours dans la même atmosphère ». C’est un « lieu sans repère, monotone ».

Dans les prisons occidentales tout est calculé, fabriqué pour éviter d’éventuelles évasions ou troubles. La prison fait figure de forteresse aux murs imposants et infranchissables. Elle est un espace qui punit par la privation d’espace. C’est un espace institutionnel qui recèle tout une géographie de contrôle. Aujourd’hui, Partout en occident les hommes sont à la recherche d’une architecture carcérale où les contraintes et les interdits sont intégrés dans la conception des bâtiments pour amoindrir la marge de manœuvre, la liberté de mouvement. Des dispositifs techniques sont entrain d’être mis en place : vidéo, caméra, contrôles informatiques de toutes sortes afin qu’en tout temps, tout comportement déviant puisse être neutralisé.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE L’ORIGINE ET LA RAISON D’ETRE DE LA PRISON
I/1. ELEMENTS HISTORIQUES DE LA PRISON
I/2. LES FONCTIONS ET LA CONCEPTION POPULAIRE DE LA PRISON
DEUXIEME PARTIE L’HOMOGENEITE DE L’ESPACE ET DU TEMPS EN MILIEU CARCERAL
II/1 LA PRISON : UN ESPACE CONSTRUIT, HOMOGENE
II/2 DE LA MESURE DU TEMPS UNIVERSEL A L’HOMOGENEITE DU TEMPS CARCERAL
TROISIEME PARTIE : ENJEUX PHILOSOPHIQUES
III/1 LE PARADOXE DE LA PRISON
III/2 L’ENIGME DE LA SUBJECTIVITE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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