L’origine de ces abondances en terres rares, la formation des oldhamites dans les chondrites à enstatite

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Le matériel fondateur de la Terre :

En ce qui concerne l’accrétion de la Terre, deux modèles de formation existent. L’accrétion homogène (Ringwood 1979) en opposition au modèle hétérogène (Javoy 2005). Le modèle homogène considère un matériau homogène et non différencié comme matériau primitif terrestre. Un tel modèle impliquerait une différenciation de la Terre postérieure, mais il n’explique pas toutes les anomalies géochimiques du manteau terrestre. Le scénario le plus accepté aujourd’hui est celui de l’accrétion hétérogène, c’est-à-dire une accrétion à partir de matériel évoluant constamment en termes de composition. Dans ce modèle les différentes couches terrestres ne sont pas à l’équilibre durant l’accrétion. La nature de ce matériel est très discutée depuis deux décennies, plusieurs groupes de météorites pourraient être impliqués dans l’accrétion terrestre. C’est le modèle de la Terre chondritique. Le caractère primitif des chondrites fait qu’elles sont depuis longtemps considérées comme le matériel étant à l’origine des planètes telluriques. Bien qu’aucune classe de météorites ne semble correspondre de manière absolue à la composition globale de la Terre sous tous ses aspects, des modèles chimiques de la Terre ont été construits
à partir de la composition d’échantillons chondritiques. Pendant une vingtaine d’années, le modèle majoritaire était le modèle de McDonough et Sun (1995) qui considérait les chondrites CI en tant que matériel constructeur de la Terre. Ce modèle est basé sur la proximité chimique entre ces météorites et le manteau terrestre « pyrolitique », sur la base des rapports d’éléments réfractaires. Néanmoins le caractère réducteur de la Terre, exprimé en termes de rapports Fe0/Fe (Asahara 2004), est en inadéquation avec un matériel type CI, beaucoup trop oxydant. Il faut trouver un mécanisme de réduction pour correspondre aux bonnes conditions. Dans les années 80, sur la base du degré d’oxydation du manteau terrestre mais aussi des abondances de sidérophiles dans le Primitive Upper Mantle (PUM), il est supposé que la Terre se serait accrété à partir de météorites réduites, de type EH à auteur de 80 à 90%. Puis le matériel accrété aurait été de nature plus oxydante jusqu’au dernier 1% d’accrétion qui constitue le vernis tardif riche en volatils et potentiel vecteur d’eau (Javoy, 2005). Un modèle chimique de Terre formée par des chondrites EH a été proposé par Javoy (1995) en se basant sur la proximité isotopique entre la Terre et les chondrites à enstatite en ce qui concerne les isotopes de l’oxygène. Les rapports d’éléments réfractaires au sein de ces météorites semblent incompatibles avec la composition de la Terre mais peuvent être expliqués par des érosions du manteau (Boujibar et al. 2015) ou des incorporations de Si dans le noyau terrestre (Fitoussi et al. 2009). Les similarités isotopiques entre la Terre et les chondrites à enstatite ont été mise en avant pour de nombreux éléments par la suite : O, N, Ca, Ti, Cr, Ni, Mo, Ru, Os (Clayton, 1993 ; Javoy et Pineau, 1984 ; Trinquier et al., 2007, 2008 ; Meisel et al., 1996 ; Dauphas et al., 2004 ; Fischer-Gödde et Kleine, 2017). Récemment Dauphas (2017) a proposé qu’un matériel de type chondrite à enstatite pouvait être impliqué à 70% dans la formation de la Terre. Sur la base du contenu en FeO du manteau actuel, Clesi et al. (2016) ont proposé que la Terre aurait pu être accrétée depuis 85 à 90% de matériel similaire aux chondrites à enstatite. D’autres modèles chondritiques composites ont été proposés pour essayer de coller à la composition de la Terre. Par exemple, Fitoussi et Bourdon (2012) ont proposé, sur la base de calculs, un modèle de mélange de trois composantes chondritiques (LL, CI et CO). Ce genre de modèles mettent en avant la possibilité d’une accrétion hétérogène sans rejeter la possibilité d’inclure des chondrites à enstatite dans le mélange (jusqu’à 15%). La nature du vernis tardif a été discutée par Javoy (2005) qui propose des chondrites de type CI, CM ou des comètes afin d’avoir un matériel capable d’apporter assez d’eau à la Terre primitive. Du point de vue isotopique cette idée ne colle pas à la composition de la Terre, il faudrait donc, toujours d’après Javoy, un vernis tardif composé en majorité de chondrites à enstatite type EH (80%) et d’environ 20% de comètes riches en eau.

Géochimie et cosmochimie des REE :

Traditionnellement en géochimie les terres rares sont considérées comme des éléments incompatibles, c’est-à-dire que lors de processus de fusion partielle ou de cristallisation fractionnée elles préfèreront le liquide à la phase cristallisée. La figure 1.7 présente des coefficients de partage de terres rares dans différents minéraux. A part pour l’Eu dans les feldspaths on peut voir qu’aucun des coefficients de partage n’est supérieur à l’unité. Ce comportement des REE est l’effet de leur rayon ionique nettement supérieur aux cations majeurs des silicates ferromagnésiens. Chaque spectre présente aussi des fractionnements avec une pente en faveur des terres rares lourdes ou des terres rares légères. C’est l’effet de la contraction des lanthanides qui va favoriser l’incorporation des éléments plus gros ou plus petits selon lesquels seront les plus proches en taille du cation principal du minéral concerné.
Compte tenu de ces caractéristiques les terres rares sont un excellent marqueur de différents processus géologiques. Les terres rares vont se trouver fractionnées de différentes manières selon la nature du processus qui les affecte: cristallisations, fusions, évaporations, condensations… Les terres rares sont donc très étudiées pour interpréter les différents processus qui peuvent faire évoluer un réservoir connu.

Les terres rares dans les chondrites à enstatite :

Sous l’effet des conditions très réductrices de formation des chondrites à enstatite le comportement des éléments est grandement affecté. Comme il a été dit plus tôt, des éléments généralement lithophiles dans les conditions du manteau terrestre deviennent sidérophiles ou chalcophiles. C’est le cas du calcium qui va avoir tendance à s’associer avec le soufre pour former des oldhamites (CaS). C’est sûrement le cas des terres rares (REE) dont le comportement est très différent dans ces météorites par rapport aux météorites d’autres groupes. Les abondances moyennes en REE dans les chondrites à enstatite sont pourtant du même ordre de grandeur que dans les CI mis à part des anomalies négatives en Eu, Yb et parfois Sm (Lehner et al. 2014). Mais les minéraux au sein des chondrites à enstatite ont des compositions en REE qui diffèrent beaucoup d’une phase à l’autre. La figure 1.8 présente les abondances en REE dans les différentes phases de chondrites à enstatite normalisées aux abondances dans les CI.
Pour les silicates (enstatite ou olivine) les spectres sont pauvres en REE par rapport aux CI avec un appauvrissement en terres rares légères et des anomalies négatives en Eu, c’est ce qui a été décrit plus tôt sur les compositions terrestres. Dans certaines études, des spectres de REE d’enstatites naturelles sont plats (Weisberg et al. 1994; Crozaz et Lundberg 1995; Gannoun et al. 2011). La matrice se trouve plus riche en terres rares que les CI et présente des anomalies négatives en Eu, Yb et parfois Sm. Dans le cas des sulfures l’abondance de REE est très dépendante de la nature du sulfure considéré. Pour les ningérites (MgS) l’abondance de REE est assez proche de celle dans les CI pour les éléments lourds et plus pauvre d’un ou deux ordres de grandeur pour les éléments légers. Les oldhamites présentent des abondances de REE très particulières. Cette phase est toujours 10 à 100 fois plus riche en lanthanides par rapport aux CI et présente des anomalies positives en Eu et Yb très fréquentes dans les EH3 et des anomalies négatives à enstatite naturelles de la litterature (Larimer et Ganapathy, 1987; Floss et Crozaz, 1993; Wheelock et al., 1994; Floss et al., 2003; Gannoun et al., 2011). Les données de Larimer et Ganapathy (1987) représentées en tireté n’ont été obtenues que sur 5 terres rares en Eu dans les EL. Certains échantillons naturels présentent aussi des spectres plats ou bien présentant une anomalie en Eu seulement. Les sulfures de calcium décrits au sein des aubrites présentent les mêmes particularités, elles sont très riches en REE par rapport à la CI et présentent une grande variété de formes de spectres (Figure 1.9).

La question de la volatilité dans la nébuleuse :

Le modèle de condensation du Système Solaire depuis une nébuleuse primitive considère que cette nébuleuse était homogène et aurait condensé à l’équilibre. Les premières observations d’hétérogénéités chimiques entre les météorites et les calculs thermodynamiques ont mis en avant le rôle important de la condensation dans le fractionnement (Larimer, 1967 ; Grossman et Larimer, 1974). Afin de mieux contraindre le comportement des éléments et leur fractionnement lors de la condensation de la nébuleuse solaire de nombreuses études thermodynamiques ont été réalisées durant les 50 dernières années Lord (1965), Larimer (1967, 1973), Grossman (1972), Grossman et Larimer (1974), Boynton (1975), Wai et Wasson (1977, 1979), Sears (1978), Fegley et Lewis (1980), Saxena et Eriksson (1983), Fegley et Palme (1985), Kornacki et Fegley (1986), Palme et Fegley (1990) et Lodders (2003). Le modèle de Lodders (2003) est basé sur le calcul d’équilibres thermodynamiques gaz-solide pour définir le comportement des éléments et les phases qu’ils vont former au cours du processus de condensation. Dans la littérature ces modèles thermodynamiques sont appuyés par des études expérimentales qui visent à définir la volatilité des éléments mais aussi à nuancer les modèles en considérant les effets cinétiques dans ces processus.

Le modèle de condensation de Lodders :

Le modèle de condensation de Lodders (2003) classe les éléments chimiques sur la base de leur volatilité dans la nébuleuse solaire selon leurs températures de condensation et leurs affinités chimiques. Pour un gaz avec une composition solaire et à la pression de 10 4 atm, les comportements des éléments sont divisés entre les ultra-réfractaires qui condensent au-delà de 1650K (Os, Re, W, Al, Sc, Hf, Th, Y, Zr et les HREE: Gd, Tb, Dy, Ho, Er, Tm, Lu), les hautement réfractaires aux alentours de 1500K (Ir, Mo, Ru, Ca, Nb, Ta, Ti, U et les terres rares: La, Pr, Nd, Sm), les réfractaires à plus de 1360K (Pt, Rh, Ba, Be, Sr, V et les terres rares: Ce, Yb), les communs avec des températures de condensation de 1290K (Mg, Si, Fe, Co, Cr, Ni, Pd et Eu), les modérément volatils qui condensent après 704K (Ag, As, Au, Bi, Cu, Ga, Ge, P, Pb, Sb, Te, Cs, B, K, Li, Na, Mn, Rb, Zn, Cl, S et F) et les volatils qui condensent sous 704K (C, N, O et les gaz rares). Les éléments sont classés selon leurs températures de condensation dans la figure 1.10. Dans ces conditions le modèle prévoit que les majeurs se condensent en différentes phases, le plus souvent sous forme d’oxides. Les premiers condensats, hibonite ((Ca, Ce)(Al, Ti, Mg) 12O 19), grossite (Ca Al 4O 7) et corindon (Al2O3), sont les condensats de Ca-Al-Ti qui sont plus souvent observés dans les CAIs. Apparaissent ensuite les premières phases silicatées, gelhenite (Ca2Al[AlSiO7]), melilite ((Ca,Na)2(Mg, Fe, Al)[(Al, Si)Si O7]) puis anorthite (CaAl2Si2O8) et spinelle (Mg Al2 O4). Ces dernières phases sont issues de la condensation mais aussi de la conversion partielle des phases précédemment condensées. Toutes ces phases condensent intégralement Al, Ca, Si et Mg depuis le gaz. A moins de 100 de différence de la condensation du Mg et du Si, le Fe condense ensuite, sous forme métallique ou bien en tant que sulfure. C’est le dernier condensat rocheux qui va consommer le soufre depuis le gaz, à 650K. Les comportements de tous les autres éléments sont définis en fonction des condensations des majeurs en phases hôte. La chimie de condensation des éléments mineurs et en traces est étroitement liée à leurs affinités géochimiques et la présence de phases hôtes potentielles. C’est en s’inspirant des abondances des éléments dans les différentes phases des météorites qu’un modèle de condensation a été proposé, bien que les éléments aient pu migrer après la condensation des météorites. Parfois ces éléments ont des températures de condensation qui sont supérieures à celle de leur phase hôte principale, ils ont tendance à condenser sous une autre forme à ces températures avant de se concentrer dans leur phase hôte lorsque celle-ci condense.

Techniques expérimentales :

Bien que des modèles complets de condensation des éléments existent, les interactions entre les gaz et les phases condensées sont assez méconnues en sciences de la Terre. L’analyse expérimentale de ces interactions représente un défi étant donné qu’une partie des composantes impliquées lors de telles expériences sont souvent perdues ou difficiles à analyser. Dans les années 1950 à 1980, trois techniques d’effusion ont été utilisées de manière intensive afin de déterminer les propriétés thermodynamiques des matériaux. La technique d’effusion en cellule de Knudsen à spectromètre de masse (Knudsen Cell Effusion Mass Spectrometer, KEMS) a été la plus utilisée. La KEMS consiste en l’évaporation de matériaux au sein d’une cellule de Knudsen maintenue sous vide (10 4 à 10 10 bar), un trou d’assez petite taille pour permettre de garder le vide est percé en haut de la cellule pour permettre l’effusion de gaz vers les spectromètres de masse. Une autre méthode est la méthode de transpiration. Selon cette méthode l’échantillon est maintenu dans la zone chaude d’un four en tube tandis qu’un flux de gaz inerte ou réactif passe au-dessus. Elle a permis d’apporter des données thermodynamiques sur des oxydes-, chlorures-, hydroxydes-, et oxyhydroxydes métalliques sous forme gazeuse et de clarifier les informations apportées par les autres méthodes. La dernière méthode est la méthode de torsion-effusion. Dans cette méthode l’échantillon est suspendu dans la cellule d’effusion et la variation de sa masse va affecter les forces de torsions qui agissent sur la suspension.
Les masses évaporées sont mesurées en direct grâce à des miroirs permettant d’estimer ces variations de pression de torsion. Ici nous ne nous intéresserons pas à ces expériences préliminaires qui ont permis de constituer les principales compilations thermodynamiques utilisées encore aujourd’hui (JANAF, Chase 1998 ; IVTAN, Glushko et al. 1999) mais aux expériences de volatilité appliquées au contexte de la nébuleuse. La figure 1.11 présente un schéma simplifié d’une cellule d’effusion de Knudsen.
Historique des études expérimentales appliquées aux systèmes naturels :
Le retour d’échantillons depuis les missions Apollo a permis de mettre en place des séries d’études afin de comprendre les appauvrissements en volatils (Na et K principalement) dans beaucoup de lithologies dans une bonne partie des roches lunaires (O’Hara et al. 1970 ; Baedecker et al. 1971). Ces études ont été accompagnées des premières expériences d’évaporation de matériel complexe, ici de composition lunaire, en KEMS ou en système libre. Une part des expériences d’évaporation d’éléments depuis des échantillons silicatés complexes sont des expériences d’évaporation libre, dite cinétique ou de Langmuir. Dans les expériences libres, dans un four ou bien chauffées à l’aide de laser, le gaz produit par volatilisation est perdu, la mesure des espèces évaporées se fait donc par différence de masse étant donné que le gaz est perdu après évaporation. Ces expériences sont réalisées sous vide (e.g., Hashimoto 1983; Richter et al. 2002; Yu et al. 2003; Nagahara, 2018) ou en présence de gaz. La nature du gaz varie d’une expérience à l’autre : (1) l’air (ou le gaz résiduel) à moins de 1 atm (Notsu et al., 1978 ; Shimaoka et Nakamura, 1991), (2) des expériences à 1 atm où la fugacité d’oxygène est contrôlée par des flux de mélanges de gaz H2/CO2 ou CO/CO2 (Richter et al., 1999, 2002 ; Tsuchiyama et al., 1981), (3) H2 ou He gazeux représentant les conditions dans la nébuleuse solaire et qui peuvent favoriser l’évaporation (Richter et al., 2002 ; Richter et al., 1999 ; Wang et al., 1999 ; Yu et al., 2003) et (4) gaz avec des espèces composées des espèces gazeuses s’évaporant et qui peuvent inhiber l’évaporation (Nagahara et Ozawa, 2000). Ces différentes expériences montrent que l’évaporation est généralement favorisée à basse fO2 et haute pression de H et qu’elle est annulée à des hautes pressions partielles des espèces composant le liquide. XO + 1 H O=>XO 1:5 + 1 H (1.1)
Plus récemment des systèmes chauffés par laser avec des échantillons en lévitation sur des flux de gaz connus sont utilisés (Pack et al. 2010; Macris et al. 2016). Cette technique permet d’atteindre des températures beaucoup plus importantes, au-delà de 3500K. Ces méthodes, bien que plus adaptées à des systèmes complexes, doivent être isothermales et sont plus faciles à interpréter en l’absence de phase crystallines qui rendent l’évaporation plus difficile. Les évaporations libres apportent des coefficients d’évaporation et des preuves non équivoques du couplage entre fractionnement chimique et isotopique. La suite de cette partie présentera un historique des expériences d’évaporation réalisées, les conditions des expériences,les méthodes utilisées et les résultats obtenus.
La volatilité des majeurs:
Comme l’objectif premier de ce type d’étude était de comprendre l’appauvrissement des roches lunaires en certains éléments (notamment les alcalins), une grande partie traite du comportement des alcalins (Gibson et Hubbard 1972; Storey et al., 1973; Donaldson 1979; Tsuchiyama et al. 1981; Kreutzberger et al. 1986; Tissandier et al. 1998) ou des majeurs lors de l’évaporation depuis des liquides silicatés (Hashimoto 1983; Floss et al. 1996). Ces études ont montré que les éléments les plus volatils parmi les composants majeurs des silicates sont les alcalins (Na et particulièrement K) comme mis en avant par De Maria et al., (1971) à partir d’expériences sur des basaltes lunaires entre 1250 et 2500K ou bien par Gooding et Muenow (1976) à partir d’expériences sur des basaltes hawaiiens entre 1175 et 1250K. Pour les oxides purs les volatilités des alcalins sont, dans l’ordre, Li < Na < K < Rb < Cs bien que cette séquence ne soit pas confirmée par toutes les expériences de volatilité. Ainsi, Shimaoka et Nakamura (1989, 1991) et Shimaoka et al. (1994) ont montré que, parmi les alcalins, depuis l’évaporation de poudres de chondrites, Na est plus volatil que K et Rb entre 1200-1400 C à 8×10 6 torr. Donaldson (1979) observe aussi une perte plus rapide de Na par rapport au K depuis un basalte alcalin à olivines entre 1236 C et 1293 C et logfO2 entre -3.3 et -11.9 (FMQ+4.5 à FMQ-4), tout comme Storey et al. (1973) depuis une tholeiite à quartz riche en Fe entre 1160 et 1210 C. Kreutzberg et al. (1986) a étudié l’évaporation des alcalins (Na, K, Rb, Cs) depuis un liquide An-Di à 1400 C, l’évaporation suit la séquence suivante : Na<K<Rb<Cs. Cet ordre est valable à FMQ-3.6 (tampon IW), à 1400 C et sous vide (<10 6) bar. Les expériences de Gibson et Hubbard (1972) sur des basaltes lunaires 12022 (20 wt % Fe) à 3×10 9 bar et réalisées entre 950 et 1400 C montrent le même ordre PRb>PK >PNa. Hastie et Bonnell (1985) ont mesuré l’évaporation depuis un verre NIST SRM et pour des échantillons de dolomie calcaire et ont trouvé PNa>PK pour le verre (sans Fe) mais PK >PNa pour les dolomies contenant du Fe. Ici, PX est la pression partielle de l’élément X et témoigne de sa présence dans la phase vapeur, donc de sa volatilité. Les données KEMS de de Maria et al. montrent que la différence de volatilité entre Na et K change à 1200 C avec Na qui devient plus volatil que K à de telles températures. De manière générale les alcalins dans ces compositions ont des volatilités 104 fois plus importantes que les autres éléments les plus volatils. L’étude de Hashimoto et al. (1979) présente l’effet d’un chauffage continu ou par étapes afin de savoir comment le « métamorphisme par évaporation » affecte le matériel chondritique et donne l’évolution de la nature des gaz au fur et à mesure de l’évaporation. Depuis, un grand nombre d’expériences d’évaporation ont été faites pour mieux comprendre la cinétique des réactions gaz-liquide silicaté afin de comprendre le fractionnement chimique et isotopique pendant la formation des chondres. Par les expériences, Fe est montré comme étant l’élément majeur le plus volatil depuis un liquide FCMAS de composition type CI ou type CAI type-B (Hashimoto, 1983 ; Floss et al. . 1996 ; Richter et al. 2011 ; Richter et al., 2002 ; Wang et al., 2001). Si, Mg, Ti, Ca et al. sont ensuite les plus volatils, dans cet ordre. Si et Mg ont le même comportement d’évaporation mais Si s’évapore plus vite en début d’évaporation et Mg plus vite en fin d’évaporation. Al, Ca et Ti ne s’évaporent pas avant les stades finaux de perte de masse vers 2000 C (Hashimoto 1983). Dans le liquide le Fe est dissout sous forme FeO et s’évapore soit sous forme de Fe + 12 O2 soit (plus généralement) en tant que Fe et en laissant l’oxygène dans le résidu, ce dernier mode d’évaporation est dit incongruent. Certaines études se sont intéressées à la volatilisation des majeurs depuis des minéraux. C’est le cas de la forstérite (Mysen et Kushiro 1988; Hashimoto 1990; Wang et al. 1999), qui s’évapore en libérant du Mg, du SiO et de l’O2 sous forme gazeuse de manière congruente. A l’inverse, pour les solutions solides forstérite-fayalite (Nagahara et Ozawa, 1994 ; Costa et al. 2017 par KEMS) l’évaporation est incongruente avec une évaporation préférentielle du Fe par rapport au Mg. Le plagioclase s’évapore aussi de manière incongruente (Nagahara et Kushiro, 1988) avec une perte de Na plus importante que la perte de Ca.

L’origine de ces abondances en terres rares, la formation des oldhamites dans les chondrites à enstatite :

Dans cette section je vais énumerer les différents arguments discutés dans la litterature d’abord en faveur d’une origine ignée puis en faveur d’une origine par condensation des météorites. Nous n’allons pas prendre parti pour l’une ou l’autre des ces origines pour l’instant étant donné que c’est l’un des objectifs du travail de thèse.
L’origine ignée :
Certains auteurs ont proposé une origine ignée pour les oldhamites naturelles. Dans des assemblages minéralogiques propres aux météorites à enstatite, la température de fusion des CaS est abaissée à moins de 1000 C (McCoy 1999). Cette basse température implique que les sulfures ont probablement été fondus et recristallisés. Dickinson et McCoy (1997) proposent que les abondances très importantes de terres rares dans les CaS naturels soient dues à la cristallisation depuis un magma évolué. L’un des arguments pour une telle origine est présenté par Weisberg et Kimura (2012) qui considèrent qu’une origine par condensation ne semble pas possible compte tenu de la faible abondance de C présolaire, la rareté de condensats collatéraux de ces CaS (carbures de silice ou de titane) et la présence d’autant de CAIs dans ces chondrites que dans les autres chondrites. D’autres rejoignent aussi l’idée d’un milieu moins réducteur en montrant la présence de silicates qui contiennent du FeO (Lusby 1987, Weisberg et al. 1994, Weisberg et al. 2011) avec le même réservoir isotopique que la chondrite hôte (Weisberg 2011). Les sulfures auraient pu se former par sulfurisation d’un matériel plus oxidé sous l’effet d’un réservoir gazeux riche en S (Fleet et McRae 1987, Lehner et al. 2013). Cette idée serait en accord avec les observations de chondres riches en S mis en avant par Piani et al. (2013). La présence d’anomalies positives en Eu et Yb est aussi un argument en faveur d’une origine ignée, en effet, si l’on considère un condensat il ne devrait pas être enrichi en éléments plus volatils. Il est proposé que Eu et Yb cristallisent après un premier résidu appauvri en REE, comme les CAIs du groupe IV. Un autre argument est la température de fusion des CaS. A ces arguments s’ajoutent aussi les comparaisons aux autres phases minérales présentes dans les météorites et des arguments texturaux :
les oldhamites et les enstatites, dont la composition est influencée par celle des inclusions vitreuses, présentent des spectres en miroir (Hsu et Crozaz 1995)
les anomalies sont dues au métamorphisme du plagioclase qui redistribue les REE et les incorpore dans les oldhamites durant le passage d’EH 3 à EH 4 (Grossman et Wasson; 1985)
certaines textures ignées dans les CaS (Norton County Aubrite) montrent une relation possible entre les CaS et les diopsides, avec deux générations de sulfures (Dickinson 1991)
les spectres uniformes des EL6 sont dus à un équilibre avec les silicates dû à un métamorphisme prolongé (Floss et Crozaz, 1993)
certains gros cristaux de CaS (2cm) décrits dans des échantillons naturels sont très homogènes et semblent avoir été fondus (Wheelock et al. 1994)

L’origine par condensation:

D’autres études ont mis en avant des arguments en faveur d’une origine des CaS par condensation. Le premier est la minéralogie réduite des EC qui suggère qu’elles proviennent de la condensation dans des conditions réductrices. Ce changement de condition redox va affecter le comportement des éléments sans nécessiter une sulfurisation des phases déjà condensées :
Les sulfures deviennent les condensats premiers quand on augmente C/O
La sulfurisation ne fournirait pas assez de CaS par rapport aux quantités observées dans les EC
La sulfurisation nécessite 105 fois plus de Ni qu’il n’y en a dans la nébuleuse
Il n’y a pas assez de REE dans les phases sulfurisées pour expliquer les abondances naturelles Les spectres des fassaites sont trop différents de ceux des CaS
Les minéralogies attendues de la sulfurisation des CaS ne sont pas observées dans les EC.
Afin de reproduire les anomalies et les phases observées dans les chondrites à enstatite naturelles il est nécessaire de considérer des conditions réductrices de formation. Une augmentation du C/O dans la nébuleuse notamment par appauvrissement en oxygène (perte de roches et/ou d’eau) ne semble pas acceptable car elle impliquerait que tous les matériaux chondritiques enregistrent cet appauvrissement (Grossman et al.; 2008). Un haut C/O est possible si la condensation se fait dans le Système Solaire très interne sous l’effet de conditions locales très différentes de la nébuleuse moyenne, sans eau ou bien avec un ajout de poussières enrichies en C (Ebel et al.exander 2011). Piani et al. (2012) propose que la cristallisation partielle de silicates depuis la nébuleuse pourrait consommer l’oxygène de la nébuleuse et ainsi abaisser la fO2 , les condensats suivants seraient ainsi ceux attendus en milieu réducteur. L’origine ignée par fusion ou métamorphisme n’est pas non plus soutenue par les expériences. Les partages sulfure-silicate expérimentaux dépassent rarement 5, et encore plus rarement 20, ces valeurs sont beaucoup trop faibles par rapport aux abondances naturelles et nécessitent une cristallisation très tardive à partir d’un liquide extrêmement enrichi en terres rares (Dickinson et McCoy 1997 ; Lodders 1996, Jones et Boynton 1983).

Analyse des échantillons expérimentaux

Microsonde électronique :

L’identification des différentes phases, de leurs relations et l’obtention de leur composition en éléments majeurs a été faite à l’aide de la microsonde électronique CAMECA SX100 du LMV. Des compléments ont été obtenus avec la Sx100 et Sx-Five-Tactis récemment installée. L’analyse par microsonde électronique est une technique d’analyse in situ non destructive qui permet d’analyser la composition de volumes de l’ordre du micromètre cube avec une sensibilité qui peut descendre jusqu’à 100 ppm. Un canon produit un faisceau électronique en chauffant un filament à l’aide d’un courant. Ce faisceau est accéléré et focalisé par une série de lentilles pour aller heurter l’échantillon. Au contact avec l’échantillon, le faisceau produit des électrons secondaires, des électrons rétrodiffusés et des photons X. La longueur d’onde d’émission est caractéristique de l’atome excité et l’intensité de l’émission est dépendante de la concentration de l’élément considéré. L’analyse de ces rayons X par des spectromètres à rayons X (WDS, dispersion de longueur d’onde) renseigne sur la nature de la matière. La microsonde utilisée est équipée de quatre de ces spectromètres. Cette technique analytique a été appliquée à tous les résidus mis en résine. Les analyses ont été faites à 15 kV avec un courant d’impact de 15nA. Le faisceau était en mode ponctuel sur les cristaux et métaux et élargi à 10mm pour les analyses des verres. Des oxydes ou silicates naturels ont servi de standards pour les phases silicatées tandis que des sulfures (pyrite) et des métaux ont servi de standards pour respectivement les sulfures et les métaux. L’idée est d’utiliser des standards les plus proches possibles de la matrice pour minimiser les erreurs. Selon la phase analysée trois méthodes différentes ont pu être utilisées avec des éléments différents selon chaque méthode. Pour les sulfures : Mg, Al, Si, S, Ca, Fe, Ti, Mn, Ni, Na, Cr ; pour les silicates : Mg, Al, Si, S, Ca, Fe, Ti, Mn, Ni, Na, K ; et pour les métaux Mg, Si, S, Fe, Mn, Ni. Peu importe la méthode les éléments ont toujours été analysés pendant 10 secondes. L’oxygène dans les silicates a été estimé par stœchiométrie et dans l’ensemble le carbone dans les phases métalliques a été calculé par différence bien qu’il ait aussi été analysé pour quelques échantillons. Pour être analysés à la microsonde électronique les plots doivent être métallisés. En effet, l’interaction entre les électrons et la matière amène à des accumulations de charge à la surface des échantillons. Dans notre cas, les échantillons ne sont pas assez conducteurs et ces charges ne seraient pas évacuées ce qui aurait pour effet de déformer le faisceau d’électrons. Il a donc fallu les recouvrir d’une fine couche de carbone afin qu’ils deviennent conducteurs. Il était nécessaire d’avoir une surface parfaitement polie afin que la métallisation soit parfaite et pour éviter les effets de surface sur le déplacement des électrons. Lors des sessions d’analyse à la microsonde il est possible d’obtenir des images des échantillons observés. En plus de l’analyse chimique des différentes phases une cartographie chimique a été réalisée à la microsonde sur 4 éléments (Fe, S, Si et Ni). La cartographie prend une nuit complète à être faite et nous a permis d’appréhender les gradients chimiques à la frontière entre les sulfures et les silicates ou les métaux.

Microscope électronique à balayage:

Le microscope électronique à balayage du LMV (JEOL 5910 LV) a été utilisé principalement pour l’imagerie des échantillons de chaque type. Tout comme pour la microsonde, un faisceau d’électrons vient impacter et exciter l’échantillon et produire des électrons secondaires, des électrons rétrodiffusés et des photons X. A chacune de ces interactions correspond un détecteur qui convertit ces informations en un signal électrique. L’analyse des électrons rétrodiffusés permet d’obtenir une image dont le contraste est directement influencé par la composition de l’échantillon. Les éléments les plus lourds vont produire une image plus claire. Ici aussi, afin d’éviter l’accumulation d’électrons qui risquent de dévier le faisceau, il est nécessaire de métalliser les échantillons avant leur passage au MEB. Afin d’avoir une analyse et une observation de meilleure qualité il est aussi nécessaire d’avoir des échantillons le plus plats et polis possible. Pour optimiser la métallisation mais aussi car une surface mal polie est susceptible de réagir plusieurs fois avec les électrons qu’elle génère. Comme précisé précédemment, le MEB a aussi été utilisé pour l’imagerie et l’analyse chimique des dépôts sur les parois internes des tubes. Dans ce cas-là nous avons sélectionné les fragments de tubes les plus plats possibles mais nous ne les avons pas polis afin d’éviter d’endommager les dépôts. Nous avons donc métallisé les fragments tels quels. Le MEB du LMV est équipé d’un détecteur EDS qui nous a permis d’obtenir une analyse qualitative de la composition chimique des grains déposés sur les parois.

ICP-MS:

La spectrométrie de masse est une technique analytique de séparation, identification et quantification des éléments (isotopes) d’un échantillon en fonction de leur masse. Dans le cadre de l’ICP, la matière est envoyée dans un spectromètre de masse sous forme d’ions positifs, générés par une torche à plasma. L’ICP-MS est une technique destructive qui nécessite la consommation d’une partie de l’échantillon. La matière est conduite dans une torche à plasma d’argon (environ 8000 C) à l’aide d’un flux de gaz plasmagène afin d’être vaporisée, atomisée et ionisée. Le faisceau d’ions excités par la torche plasma est accéléré par un ensemble de lentilles ioniques (électrostatiques) qui permettent de le diriger vers un analyseur quadripolaire. Les quatre pôles sont divisés en paires opposées qui sont soumises à des courants différents afin de faire varier le champ électromagnétique. De cette manière, en sélectionnant les bons courants on sépare les ions les uns des autres en fonction de leur masse atomique, de leur charge électrique et de leur énergie cinétique. La détection est faite grâce à un multiplicateur d’électrons à dynodes. En sortant du quadripôle, chaque ion positif en heurtant la surface de la dynode va provoquer l’émission d’électrons secondaires qui en touchant la paroi de la seconde dynode génèrent un effet boule de neige. Pour chaque ion une centaine d’électrons sortent du système de dynodes. Le nombre de coups générés par ces électrons est mesuré, ce nombre de coup est ensuite converti en concentration à partir de la calibration externe et interne. La technique permet d’analyser de nombreux éléments (traces et des ultra-traces) simultanément et d’être très sensible (analyse sans problème des éléments au niveau du ppt) avec une incertitude assez faible (de l’ordre du pourcent). Pour cette étude deux types d’analyses ICP-MS ont été réalisées : L’ICP-MS par ablation laser a été appliquée à l’analyse des compositions des résidus dans les plots en résine qui ont préalablement été étudiés par la microsonde électronique et au MEB. Cette méthode consiste en l’ablation d’une partie de l’échantillon par un laser pulsé. Afin d’optimiser la qualité du signal, des tailles de spot et des fréquences d’impact des spots différentes ont été utilisées entre les différents échantillons et les différentes phases. Les diamètres des spots varient de 10 à 33 mm tandis que les fréquences varient de 1 à 4Hz. Pour les analyses sur les sulfures il a été nécessaire de diminuer la puissance du laser de 3mJ à 2mJ pour ne pas traverser les sulfures trop vite. Cette solution a permis d’analyser les sulfures assez longtemps pour avoir une information exploitable sans être contaminé par d’autres phases. Trois standards externes de verres ont été utilisés pour ces analyses : deux verres artificiels et un basalte naturel BCR refondu pour être homogène. A partir des concentrations connues de ces standards et des échantillons en éléments majeurs (celles des échantillons ont été mesurées à la microsonde) on normalise les valeurs comptées à l’ICP-MS. L’élément choisi est le standard interne qui sera différent selon la phase analysée : – Mg pour les pyroxènes – Ca pour les oldhamites – Fe pour les métaux et les troilites Le traitement des données brutes a été fait à l’aide du logiciel Glitter. En renseignant le logiciel sur les compositions du standard externe (GSD pour le Fe et le FeS et NIST 610 pour les autres phases) il pourra estimer le rapport nombre de coups/concentration pour chaque élément. Alors que l’intensité du signal est principalement dépendante de l’élément considéré cette intensité est aussi dépendante de l’environnement chimique de l’atome, notamment la concentration des autres atomes. Cette influence est ce qu’on appelle les effets de matrice. Différentes intensités de signaux entre deux phases différentes ne signifient pas nécessairement une concentration différente. Dans notre cas on considère que ces effets de matrice sont comparables dans les standards et dans les échantillons, les rapports coup/concentration sont les mêmes entre le standard externe et l’échantillon. Pour obtenir les concentrations en traces il faut aussi renseigner le logiciel sur la concentration en l’élément choisi comme standard interne. A partir du nombre de coups mesurés, le logiciel estime les concentrations en traces dans les échantillons. Comme expliqué plus haut, le faisceau traverse parfois la phase attaquée (le plus souvent pour les cristaux), le signal reçu est alors celui de la nouvelle phase que l’on traverse. Le logiciel Glitter permet d’isoler une partie de signal pour éliminer la partie contaminée et sélection le signal qui semble le plus adapté. Le deux autre standards externes NIST 612 et BCR sont utilisés pour vérifier l’étalonnage de la machine tout au long des séances d’analyse. Les dépôts de la phase vapeur ont été analysés à l’ICP-MS en mode solution. Plutôt que de procéder à une ablation sur la surface, les échantillons ont été mis en solution selon la méthode décrite précédemment. Cette solution est introduite dans une chambre de vaporisation par le biais d’une pompe péristaltique. Un nébuliseur va ensuite pulvériser la solution sur le plasma de manière à projeter un aérosol composé de fines gouttelettes (quelques mm). En contact avec le plasma la matière sera ensuite vaporisée, atomisée et ionisée. Lors de leur transport dans l’ICP-MS, les ions légers ont tendance à former des ions polyatomiques ce qui peut venir perturber les analyses autour des masses plus lourdes. Pour éviter ce comportement pour les éléments légers (masse/charge de 20 à
80) on peut injecter de l’helium entre la lentille et le quadripôle. L’helium va générer des collisions qui vont limiter la formation des ions polyatomiques. Néanmoins, cette méthode va réduire la quantité de signal reçue. Etant donné que l’on ne connait pas la concentration des dépôts en éléments majeurs, il était impossible de choisir un standard interne. De cette manière on ne peut qu’estimer la concentration de la solution étudiée et pas celle du dépôt lessivé. On accède ainsi à la quantité d’élément présente dans le dépôt. Une solution synthétique CMS concentrée à 10ppb en chaque élément a été choisie comme standard externe tandis que la solution d’acide nitrique diluée utilisée pour le lessivage a servi pour mesurer le bruit de fond des analyses. Le traitement des données a été fait manuellement et sera abordé plus loin dans le Chapitre 7.

Spectroscopie d’absorption de rayons X:

Après l’analyse des compositions en terres rares dans les sulfures des plots en résine nous avons pu obtenir deux sessions de faisceau à l’European Synchrotron Radiation Facility à Grenoble. L’objectif de ces deux sessions était l’analyse XANES (X-ray Absorption Near Edge Structure ou Spectroscopie de structure près du seuil d’absorption de rayons X) afin de déterminer l’état de valence de l’ytterbium et du samarium dans les expériences avec le mélange de poudre de météorite et de CaS.
Lorsqu’un rayon X frappe la matière, l’énergie qu’il apporte est absorbée par l’atome et permet de faire migrer un électron d’une couche inférieure à une couche supérieure. Ce phénomène est associé à un saut d’absorption qui définit les différentes raies d’absorption d’un élément. Les énergies d’absorption de rayons X sont propres aux éléments et à leur environnement et informent donc sur la composition des échantillons mais aussi l’état de valence des éléments qui les composent. Pour réaliser des analyses XANES un faisceau de photon est envoyé sur les échantillons en contrôlant et en faisant varier l’énergie incidente autour de l’énergie du seuil d’absorption de l’élément voulu. Le but est de provoquer l’absorption du photon en regardant à quelle énergie le saut d’absorption se situe. Ces analyses permettent d’obtenir des spectres de l’absorption en fonction de l’énergie du rayon incident. Quand l’énergie du photon est plus faible que le seuil, l’absorption est faible, c’est le préseuil. Alors que l’énergie augmente, l’absorption va croître très rapidement aux abords du seuil et va atteindre un maximum, la raie blanche qui correspond à l’emplacement de la raie d’absorption observée. C’est la position de cette raie blanche qui informe sur la nature de la matière et notamment, dans le cas du XANES, la valence de l’atome observé. Afin de calibrer la position des raies d’absorption il est nécessaire d’utiliser des standards externes de composition connue. Les données sur l’ytterbium ont été obtenues sur la ligne BM 23 en utilisant le microfaisceau en mode réflexion (5mm x 5mm). L’énergie a été scannée entre 8.85 keV et 9.05 keV. Les énergies d’absorption ont été calibrées sur une feuille d’Yb0 métal (Goodfellow) pour l’état Yb, des poudres commerciales de YbI2 (Sigma Aldrich) pour l’état divalent et de Yb2O3 (Sigma Aldrich) pour l’état trivalent. Un cristal d’apatite naturelle a aussi servi de standard secondaire. Les données sur le samarium ont été obtenues sur la ligne CRG BM 16 FAME-UHD. Ici la taille du faisceau était beaucoup plus large 100 mm x 300. Sur cette ligne les cristaux analyseurs permettent d’avoir néanmoins une très forte résolution spectrale (high-energy-resolution fluorescence detection or HERFD-XANES, Hazemann (2009); Proux (2017)). Une telle précision permet de séparer le signal de la raie L3 du Sm ( 6.716keV) de celui de la raie L1 du Nd ( 6.722keV). L’énergie a été scannée entre 6.70 keV et 6.74 keV. Pour calibrer l’énergie de la raie L3 du Sm0, des feuilles de Sm métallique ont été utilisées (Goodfellow). Des poudres commerciales de SmI2 et Sm2O3 (Sigma Aldrich) ont servi de références pour les états de valence 2+ et 3+ respectivement. Les analyses de standards en poudre ont nécessité des préparations de pastilles composées d’un mélange de BN et du standard choisi, avec vingt fois plus de BN que du standard dans chaque pastille. Pour les standards métalliques comme pour les standards en poudre il fallait procéder aux analyses très rapidement après leur premier contact à l’air pour éviter leur oxydation rapide. Les analyses sur les échantillons ont été faites directement sur les plots en résine non métallisés, la localisation sur les échantillons est facilitée par l’obtention préliminaire de cartes de fluorescence de rayons X.

Analyse des images:

Pour déterminer les proportions volumiques de chaque phase les images ont été traitées à l’aide de deux logiciels : Mesurim, un logiciel généralement utilisé pour la colorisation et le comptage d’éléments en biologie, et le programme FOAMS développé par Shea et al. (2010) pour l’étude de la texture de laves. Le premier logiciel permet d’analyser directement les images issues du MEB ou de la microsonde, une impression de l’interface est visible en figure 2.4. Après avoir importé chaque image dans le logiciel on définit quelle couleur correspond à quelle phase, dans notre cas on définit quel niveau de gris correspond à quelle phase. Le logiciel se charge ensuite de recoloriser l’image en associant une nouvelle couleur à chacune des phases et nous renseigne sur les proportions de chaque couleur dans l’image. Afin d’être plus sûr des résultats nous avons appliqué cette méthode sur chaque échantillon à différents zooms et moyenné les résultats. Le défaut de cette méthode est qu’elle détermine une proportion de surface des phases sur une image en 2D, on fait donc l’hypothèse que la tranche observée est représentative du volume total.
Le programme FOAMS (Fast Object Analysis et Measurements System) est un programme développé sur Matlab pour l’estimation du volume de vésicules dans un magma. Afin d’utiliser ce programme il faut d’abord traiter manuellement les images afin que les différentes phases soient représentées par des couleurs homogènes et que chaque cristal soit distinct des autres. Le programme nécessite l’utilisation de plusieurs images avec des zoom différents, jusqu’à 20 images peuvent ainsi être utilisées. A partir de ces images le logiciel renseigne sur la morphologie des différentes phases et leurs proportions en volume dans la roche. Les résultats obtenus via les deux méthodes sur certains échantillons sont très semblables (ils diffèrent de moins de 5%). Compte tenu de l’économie de temps que l’utilisation de Mesurim permet par rapport à l’utilisation de FOAMS et ce pour une perte très faible de précision, certaines images n’ont été traitées qu’à l’aide de Mesurim.

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Table des matières

Introduction
1 État de l’art 
1.1 Les météorites
1.1.1 Classification des météorites
1.1.2 Classification des chondrites
1.1.3 Les composants des chondrites
1.1.4 Chimie des chondrites
1.1.5 La formation des chondrites
1.1.6 L’état d’oxydation
1.1.7 Les chondrites à enstatite
1.1.8 L’accrétion de la Terre
1.1.9 Le matériel fondateur de la Terre
1.2 Les terres rares
1.2.1 Définition et configuration électronique
1.2.2 Géochimie et cosmochimie des REE
1.2.3 Les terres rares dans les chondrites à enstatite
1.3 La question de la volatilité dans la nébuleuse
1.3.1 Le modèle de condensation de Lodders
1.3.2 Techniques expérimentales
1.3.3 L’origine de ces abondances en terres rares, la formation des oldhamites dans les chondrites à enstatite
1.3.4 L’origine par condensation
2 Méthodes 
2.1 Matériel de départ
2.2 Le four
2.3 Préparation des charges
2.4 Déroulement d’une expérience
2.5 Préparation des échantillons pour l’analyse
2.6 Analyse des dépôts
2.7 Analyse des échantillons expérimentaux
2.7.1 Microsonde électronique
2.7.2 Microscope électronique à balayage
2.7.3 ICP-MS
2.7.4 Spectroscopie d’absorption de rayons X
2.7.5 Analyse des images
3 Fugacité d’oxygène et de soufre 
3.1 La fugacité d’oxygène, définition
3.2 Modélisation thermodynamique d’un système et calcul de fO2
3.3 La fugacité du soufre
4 Partage des terres rares entre les sulfures et le liquide 
4.1 Résumé
5 Expériences et données supplémentaires 
5.1 Description des assemblages de phases
5.2 Composition chimique des échantillons
5.2.1 Composition en majeurs
5.2.2 Compositions en traces
5.3 Discussion
5.3.1 Abondances de terres rares dans les sulfures dans l’expérience avec FeS
5.3.2 Abondances de terres rares dans les enstatites comparaison aux études précédentes
5.3.3 Partage des terres rares dans les expériences avec FeS, effet des conditions redox
5.3.4 Effet des conditions redox sur le partage enstatite/verre silicaté
6 Expériences témoins 
6.1 Description des assemblages de phase
6.1.1 Echantillons avec CaS
6.1.2 Echantillons avec FeS
6.1.3 Echantillons avec la poudre CMAS
6.1.4 Echantillons avec Hvittis seule
6.2 Composition chimique des échantillons
6.2.1 Composition en majeurs
6.2.2 Compositions en traces
6.2.3 Cartographies chimiques
6.3 Discussion
6.3.1 Discussion sur l’origine de la wollastonite
6.3.2 Discussion sur la présence du silicate de sodium
6.4 Conclusion
7 Comportement des terres rares en phase vapeur 
7.1 La question de la volatilité des terres rares
7.2 Méthodes
7.3 Résultats
7.3.1 Description des tubes
7.3.2 Observations au MEB
7.3.3 ICP-MS en solution
7.4 Discussion
7.4.1 Qualité des données
7.4.2 Traitement des données
8 Conclusion 

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