L’orientation de la peine: le sens idéal de la peine?

«Le sens des peines a été à lui seul dans l’Histoire un formidable révélateur politique. Apparaissant ça et là en positif ou en négatif, il a suivi l’évolution de la législation, ainsi que les contradictions de son application. Il est surtout un outil de mesure des tensions sociales, des résistances et des impuissances: les années passant, les objectifs et les pratiques se rejoignent ou se tournent le dos, trahissent une succession d’hésitations idéologiques» .

C’est ainsi que le compositeur de musique contemporaine Nicolas FRIZE, dont les activités musicales l’ont amené à s’intéresser à l’univers carcéral, traduit toute la difficulté mais également tout le besoin des penseurs et acteurs de la pénalité moderne d’apporter une raison d’être à la peine. Il n’est sans doute pas anodin qu’une retranscription aussi accomplie de la complexité que revêt le sens de la peine soit l’oeuvre d’un musicien. Celui-ci a ce talent qui consiste à combiner les sons et silences pour faire une mélodie et cela ne s’éloigne pas de la recherche et de l’analyse des sons et silences de la peine.

La notion de peine 

Ainsi, le terme «peine» vient du grec «poiné» ou «poinè» selon différentes transpositions, ainsi que du latin «poena». La «peine» désignerait ainsi le «prix d’un meurtre» ou le «prix du sang». D’autres significations font de la peine une «rançon destinée à racheter un meurtre», une «expiation», une «vengeance» ou un «châtiment». «La poiné est le châtiment et la réparation dus pour la violation du serment. Les formes comparables, hors du grec, […] se rapportent toutes à la punition: c’est le cas du latin «poena», terme du droit criminel, emprunt ancien à la forme grecque «poina» […]» précise ainsi Le vocabulaire des institutions indo européennes .

Ici, ce sont donc deux notions de la peine qui sont présentées à travers les origines étymologiques du terme: la sanction et la réparation. Quand bien même il semblerait que la réparation soit acquise par la sanction, selon une conception vindicative de la peine ancienne, la peine a plusieurs origines étymologiques qui renvoient à différents fondements, ce qui complexifie encore davantage sa compréhension.

Au regard d’une définition de la peine moderne, peut-être pourrions nous identifier sa nature et ses contours. Si l’on s’en tient au Vocabulaire juridique de Gérard CORNU, la peine est définie comme «le châtiment édicté par la loi à l’effet de prévenir et, s’il y a lieu, de réprimer l’atteinte à l’ordre social qualifiée d’infraction» . Plusieurs éléments de cette définition permettent ainsi de déterminer ce qu’est une peine aujourd’hui.

Cette définition renvoie tout d’abord à différentes caractéristiques de la peine. Ainsi, l’un des caractères les plus fondamentaux de la peine est sa légalité, issue du principe de légalités des délits et des peines proposé par le juriste italien BECCARIA . Le critère essentiel de la peine est la loi: ce qui fait une peine est sa consécration dans la loi . Le principe de légalité est inscrit à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (DDHC) qui dispose que «la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée». Le principe de légalité criminelle a donc d’autres incidences. Un comportement ne pourra être qualifié d’infractionnel, et dès lors être punissable, que si un texte le prévoyait antérieurement à la commission de cette infraction, de la même manière que la durée d’une peine doit être strictement fixée par la loi. L’article 8 de la DDHC prévoit également d’autres caractères attachés à la peine, à savoir sa stricte et évidente nécessité, ainsi que sa proportionnalité. Si ces deux principes peuvent puiser leur origine dans ledit article, c’est avant tout la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui y fait référence .

La légalité criminelle est aussi à mettre en corrélation avec le principe d’égalité de la peine qui indique que, la loi étant la même pour tous les citoyens, la peine doit l’être tout autant, sous réserve que celle-ci soit adaptée à la personnalité du délinquant ou que l’individu puisse être responsable de ses actes. Ainsi, seule la peine encourue est identique pour tous tandis que la peine prononcée et la peine exécutée pourront faire l’objet d’adaptation. Il s’agit du principe hautement important aujourd’hui de personnalisation de la peine, ou devrait-on dire d’individualisation, au regard de la formulation utilisée dans les derniers textes pénaux.

Un autre caractère fondamental de la peine est sa personnalité. Toute peine est personnelle mais il ne faut toutefois pas confondre ce principe avec celui de personnalisation ou d’individualisation de la peine. Une peine personnelle signifie que l’on ne peut pas condamner un individu pour une infraction qu’il n’a pas commise. Seul l’infracteur reconnu en tant que tel est punissable .

Les sens de la peine

Etymologiquement, la question du sens à donner aux sens de la peine n’est pas chose aisée… D’après le Littré, le terme «sens» a plusieurs définitions. Il est notamment défini comme une «signification, une manière de comprendre», comme «une direction» ou encore comme «la faculté de comprendre les choses et d’en juger sainement» .

Dans son ouvrage Sens et non-sens de la peine, Michel VAN DE KERCHOVE cherche à répondre à la question du sens en faisant une analogie avec les questions que nous nous posons au sujet du sens de notre existence: «Que sommes-nous? D’où venons-nous? Où allons-nous? A quelles conditions notre existence est-elle réussie ou notre vie est-elle «bonne»?» . C’est ainsi en terme de «significations» et «direction» que l’on s’intéressera aux sens de la peine. Il ne s’agira donc pas de savoir ce qu’est la peine mais ce qu’elle veut dire et où elle semble se diriger.

Si la question des sens de la peine emporte forcément celle de la détermination de la nature et des contours de la peine, c’est parce que les sens stricto sensu de la peine s’intéressent à ses fonctions et finalités. La détermination des fonctions et finalités de la peine, c’est déjà donner du sens à la peine. Autrement dit, les sens de la peine s’intéressent aux questions du «pourquoi» (quia peccatum) et du «pour quoi» (ne peccetur). Aussi, dans le présent écrit, nous ne chercherons pas à identifier de manière précise les sens de la peine mais plutôt à mettre en lumière ce que sont ces fonctions et finalités, ce sur quoi elles se fondent. Il s’agira également de s’intéresser aux transformations dont elles ont fait l’objet, au regard des évolutions du droit de la peine.

Ces évolutions doivent notamment être prises en compte au regard des différents paradigmes punitifs qui ont gouverné notre conception de la pénalité, mais également au regard des effets de la peine et des représentations que la personne condamnée, la société et la victime peuvent s’en faire. C’est à cet égard que nous parlons des sens de la peine et non du sens de la peine: le sens de la peine pour le condamné ne correspondant ni à celui poursuivi par le législateur, ni à celui perçu par la victime ou la société. Cette analyse est acceptée par certains auteurs comme le professeur Claire SAAS qui affirme que «le sens de la peine ne peut certainement plus être saisi au singulier, tant la nature des sanctions pénales et les modes d’aménagements se sont multipliés au cours des quinze dernières années. Il apparaît fuyant, fugace, et certainement multiple selon que l’intéressé est celui qui propose, défend, prononce, aménage, subit, accepte, accompagne ou regarde la peine» .

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Table des matières

Introduction
Première partie. L’orientation de la peine: le sens idéal de la peine?
Chapitre I. La consécration des fonctions et finalités de la peine par le législateur
Section 1. Les fonctions de la peine
§ 1. La sanction de l’auteur de l’infraction
A. La rétribution: entre essence et fonction de la peine
B. Une «sanction» obscure tournée vers l’avenir
§ 2. L’amendement, l’insertion ou la réinsertion du délinquant
A. Le souffle humaniste de la défense sociale nouvelle sur la peine
B. Le «relèvement» du condamné par l’adaptation de sa peine
Section 2. Les finalités de la peine
§ 1. La protection de la société et la prévention de la récidive
A. L’objectif dissuasif de la peine
B. L’élimination du délinquant fondée sur sa dangerosité
§ 2: La restauration de l’équilibre social dans le respect des intérêts de la victime
A. Une finalité nouvelle et sibylline
B. Le développement de la justice restaurative
Chapitre II. Les écueils du sens textuel de la peine
Section 1. Une définition incohérente des fonctions et finalités de la peine
§ 1. La nécessité d’un sens pluriel de la peine
§ 2. La nécessité d’un sens pragmatique de la peine
Section 2. Une définition équivoque des fonctions et finalités de la peine
§ 1. La confusion entre les fonctions et finalités de la peine
§ 2. Le sens de la peine: carrefour de rationalités divergentes
Conclusion intermédiaire
Seconde partie. Les représentations de la peine: le sens réel de la peine?
Chapitre I. La perte de sens de la peine pour le condamné
Section 1. L’échec de la prison: signe de la perte de sens de la pénalité
§ 1. Les conditions indignes de détention en France
§ 2. Les courtes peines et «les sorties sèches»: facteurs criminogènes?
A. La fugacité des courtes peines privatives de liberté
B. Les «sorties sèches»: un retour brutal dans la société
Section 2. Les distorsions de la pénalité: peine prononcée et peine exécutée
§ 1. La valeur symbolique de la peine prononcée
§ 2. L’inéluctable disjonction de la peine exécutée
A. Une logique manifeste d’individualisation de la peine
B. Une logique latente de résultats
Chapitre II. La privatisation de la peine par la victime et la société
Section 1. La progression de la victime dans le paradigme punitif
§ 1. L’action civile vindicative
A. Une action en réparation du dommage causé par l’infraction
B. Une action en répression du «mal» causé par l’infracteur
§ 2. La présence ambiguë de la victime au stade de l’exécution de la peine
A. Le développement des droits de la victime lors de l’exécution de la peine
B. La quête d’un sens post-sentenciel pour la victime ou pour le condamné?
Section 2. Les représentations de la peine par la société et ses dangers
§ 1. Une représentation détournée et instrumentalisée de la pénalité
A. Une instrumentalisation de la compassion et de la colère
B. Une peine omnino contra le condamné
§ 2. Les dangereuses conséquences du populisme pénal sur la logique punitive
A. L’intrusion de la morale dans la pénalité
B. L’intrusion de l’obsession sécuritaire dans la pénalité
Conclusion
Bibliographie

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