L’Orient latin et l’Occident médiéval, un même monde

L’Orient latin et l’Occident médiéval, un même monde 

Un certain nombre de parti pris sous-tendent ce travail de thèse, qu’il convient d’expliciter d’emblée. J’ai évité le plus possible de me référer aux grands ouvrages juridiques codifiés par Jean d’Ibelin et Philippe de Novare et désignés collectivement comme les « Assises de Jérusalem » : ceux-ci donnent en effet une image trop statique des relations féodales. Rédigés tardivement, ils cherchent en outre souvent, comme l’a bien montré Jonathan Riley-Smith, à affaiblir le plus possible le pouvoir royal pour mieux mettre en valeur une identité nobiliaire idéale78. Dès lors, ces textes jouent comme autant de mirages, d’autant plus difficiles à éviter qu’ils sont très longs, extrêmement bien écrits, fascinants par l’abondance de réponses qu’ils semblent pouvoir offrir. Mieux valait alors les laisser presque entièrement de côté, même si l’on ne s’interdira pas d’y faire référence de temps en temps pour contextualiser un point précis. Je me suis surtout concentré sur le royaume de Jérusalem, pour éviter de faire doublon avec deux très bonnes thèses consacrées respectivement au comté de Tripoli79 et à la principauté d’Antioche80. Si l’on croisera souvent dans ce travail les autres États latins81, dans la mesure où l’Orient latin forme à bien des égards un tout cohérent, il s’agit de ne pas oublier que la focale est centrée sur Jérusalem et que les cultures politiques des autres États latins, nées d’autres legs initiaux et modifiées par une histoire propre, peuvent être sensiblement différentes. Enfin, j’ai peu parlé de l’Église latine, de ses rapports avec la papauté ou encore des manifestations de la piété aristocratique : ce choix s’explique à la fois par l’existence de travaux récents et de bonne qualité sur ces points82 et par la nécessité de réduire le sujet, dans le cadre d’une thèse déjà assez longue. Il s’agit donc d’un vrai choix méthodologique83 et non d’un oubli qui sous estimerait le rôle structurant de l’Ecclesia dans la fabrication des sociétés médiévales84, ou la nature particulièrement imbriquée des relations entre l’Église et la société seigneuriale .

La date de début de notre enquête ne pose guère de difficultés : il est même assez rare de trouver un sujet dans lequel elle soit assez nette. Les États latins d’Orient sont en effet une création ex nihilo, nés du succès de la première croisade. Entre 1098 et 1100 sont jetées les bases territoriales, politiques et institutionnelles sur lesquels vont pouvoir peu à peu se construire le royaume de Jérusalem, la principauté d’Antioche et les comtés d’Édesse et de Tripoli. La date de fin, par contre, est bien plus floue : idéalement, il aurait probablement fallu poursuivre l’enquête jusqu’en 1291, avec la prise d’Acre par les Mamelouks et la fin de la présence latine en Orient, mais cela aurait forcé à prendre en compte les Assises, et j’ai expliqué pourquoi il fallait mieux les laisser de côté sur un tel sujet. Aussi est-ce là encore le face-à-face du prince et de l’empereur qui nous servira de césure finale. Les années 1225-1230 marquent en effet une véritable coupure dans l’histoire de l’Orient latin, à travers une série d’évolutions, certaines retentissantes, d’autres plus discrètes, ce qui explique que j’ai adopté cette date comme date limite de mon travail, de préférence à des dates plus conventionnelles alignées sur des grands évènements comme la perte de Jérusalem, en 1187, ou l’échec de la cinquième croisade, en 1217. Se distinguent en effet, à la fin des années 1220, trois coupures. La première est géopolitique. En devenant roi de Jérusalem, l’empereur annonce d’abord et surtout l’intégration définitive de l’Orient latin dans le jeu politique occidental – ce qui sera encore accru, quelques années plus tard, par la longue présence de saint Louis en Orient, en attendant l’avènement de Charles d’Anjou. Le destin de l’Orient latin est plus que jamais rattaché à l’histoire de l’Occident, ce qui se reflète également dans nombre de trajectoires personnelles : l’un des fils de Jean d’Ibelin accompagne l’empereur lors de son retour en Occident et obtient de lui des terres dans les Pouilles. Au contraire, j’ai choisi de me concentrer sur une période dans laquelle les affaires de l’Orient latin concernant avant tout l’Orient latin, tenu solidement sous l’égide d’une dynastie de rois et de reines nés en Orient, ce qui favorise l’émergence d’une identité locale, dans un processus que l’on a pu qualifier d’ethnogenèse86. Ce qui ne revient pas à nier l’importance des contacts, à la fois humains, matrimoniaux, diplomatiques, culturels, sur lesquels on aura l’occasion de revenir dans ce travail. Mais reste que le centre de gravité politique de l’Orient latin est bien, pendant notre période, à Jérusalem, Acre ou Nicosie, pas en Italie, en Provence ou à Paris. La seconde coupure est politique. Même si Frédéric II récupère tout à fait légitimement la couronne, grâce à son mariage avec la fille de Jean de Brienne (voir arbre généalogique 1), son avènement n’en demeure pas moins une rupture, qui contraste fortement avec les treize souverains précédents (figure 1). Premier roi de Jérusalem à ne pas résider en Orient, Frédéric II est également le dernier roi de Jérusalem à se faire couronner dans la Ville Sainte, récupérée par le traité de Jaffa, signé entre l’empereur et le sultan alKāmil le 11 février 1229. Il est même le dernier roi de Jérusalem à se rendre dans cette ville, qui, quelques années après, échappe à nouveau et définitivement aux Latins, ce qui n’empêche pas le titre même de « roi de Jérusalem » de se transmettre, au fil des siècles, dans plusieurs maisons royales et nobiliaires d’Occident. Enfin, Frédéric II est également le premier roi de Jérusalem à rencontrer une opposition aussi forte de la part de la noblesse locale, ce que manifeste la fausse folie de Bohémond IV. En arrivant en Orient, Frédéric II entend visiblement y faire ce qu’il a fait en Italie, notamment lors de la diète de Capoue en 1220, en attendant les constitutions de Melfi en 1231 : reprendre le contrôle de toutes les fortifications, réduire fortement les privilèges des nobles, réimposer l’autorité impériale à tous les niveaux de l’édifice politique87. Ce transfert d’un programme politique est symbolisé par l’arrivée d’hommes nouveaux : Frédéric tente en 1229 d’imposer Thomas d’Acerra, l’un de ses capitaines lors des campagnes italiennes, comme lieutenant du royaume de Jérusalem. La longue guerre qui l’oppose aux Ibelins, la folie feinte de Bohémond IV sont révélatrices d’une rupture des relations entre le roi et les nobles, ou plutôt de l’incapacité d’un nouveau souverain à renouer le fil des liens vassaliques qui constituaient, depuis près d’un siècle et  demi, l’épine dorsale du royaume de Jérusalem. Son couronnement l’illustre bien, puisque l’on sait que Frédéric II, anticipant de près de six siècles sur le geste d’un autre empereur, se couronne lui-même à Jérusalem, faute d’avoir pu trouver un clerc d’Orient prêt à le faire88 . Dans ce geste se dit moins l’autorité du jeune empereur que la vacuité du pouvoir qu’il prétend réclamer ce faisant. La troisième et dernière rupture, la moins visible, est documentaire. En 1231, pour la première fois, une charte d’Antioche est rédigée en français89 ; trois ans plus tard, une charte de Chypre l’est également90. L’irruption du vernaculaire se voit également dans les monnaies : la première monnaie en français est frappée en 1230 par Balian Grenier91. Ce second tiers du XIIIe siècle qui s’annonce sera celui du français, du français écrit, ce qui se manifeste également par l’apparition des Libri feudorum qui codifient plus systématiquement les règles du jeu féodal et dont les Assises sont l’un des grands monuments. Au contraire, dans ma période, la codification n’est que provisoire, faite au fur et à mesure. Les sources, en particulier le corpus de chartes, révèlent énormément de flottements à la fois terminologiques et juridiques, soulignant que tout n’est pas encore fixé : on a affaire à une période dans laquelle l’effort législatif tient plus du bricolage permanent92 que du programme soigneusement mis en œuvre.

La recherche d’un équilibre entre les pratiques et les théories, dont j’ai souligné l’importance plus haut, se reflète dans les sources utilisées. J’ai essayé en effet de croiser le plus possible trois types de textes : des chroniques, des textes de lois et des chartes. Signalons à cet égard que le corpus de chartes se compose d’un peu moins de mille documents pour toute la période, qui ne se distribuent pas harmonieusement sur la période étudiée : les années 1150-1190 concentrent en effet près de la moitié des chartes, tandis qu’à l’inverse le premier demi-siècle n’en représente qu’à peine un quart (figure 2). Le nombre de chartes peut paraître relativement peu important lorsqu’on le compare aux 3200 chartes émises pendant le seul règne d’Henri II Plantagenêt93, mais il faut bien se rappeler que nous n’avons conservé qu’une petite partie des chartes produites : seules celles réunies par les grandes institutions ecclésiastiques ont en effet survécu à la perte de la Terre sainte et au passage du temps. D’un point de vue méthodologique, le chiffre d’un millier de chartes se retrouve, plus ou moins, dans d’autres ouvrages d’historiens étudiant des sociétés seigneuriales (figure 3). À ces trois types de textes, l’on peut également ajouter des sources non-textuelles, notamment des monnaies ou des sceaux, qui livrent d’utiles éléments pour analyser l’image que les seigneurs entendent donner d’eux-mêmes.

Toutes ces sources ne couvrent pas les mêmes périodes, et certaines, telles la première et la troisième croisades, sont dès lors mieux documentées que d’autres, ce que met en valeur la présentation graphique des sources (figure 4). La totalité de ces sources sont connues, souvent depuis longtemps, et presque toutes sont éditées, sinon forcément traduites. Pour autant, à côté de ces textes extrêmement célèbres que sont les chroniques de Guillaume de Tyr, de Geoffroy de Villehardouin, d’Usāma ibn Munqidh ou d’Ibn al-Athīr, j’ai essayé d’attirer l’attention sur le potentiel de certains textes moins utilisés et que l’on retrouvera tout au long de ce travail : citons en particulier la Petite Chronique de Terre sainte, le récit de pèlerinage intitulé le Tractatus de locis et statu sancte terre ierosolimitane et le Livre au Roi, texte juridique rédigé au tout début du XIIIe siècle. De même, si l’ensemble des chartes sont éditées depuis plusieurs décennies, je pense avoir dégagé un certain nombre de documents peu voire jamais cités auparavant. En plus de croiser la nature des documents, j’ai également voulu croiser leurs origines : on rencontrera dans cette thèse des chroniques latines, arabes, syriaques, arméniennes et grecques, des lettres écrites en Occident et des bulles papales, des colophons de manuscrits jacobites et des documents de la Geniza du Caire ; un pèlerin juif dialogue avec un moine russe, un poète arabe avec un marchand génois, un évêque jacobite avec un seigneur poitevin, un roi norvégien avec un historien kurde94. Toute la richesse de l’Orient latin se donne à voir dans ce corpus plurilingue et pluriethnique de sources, qui transpose sur le plan documentaire le statut de centre du monde de la Terre sainte médiévale, bien attesté dans les récits de pèlerinage. Une chronique de la troisième croisade réécrit légèrement le motif en décrivant une étrange pierre située près d’Acre, qui est « l’endroit où se rencontrent les trois parties du monde, l’Asie, l’Afrique et l’Europe ; bien qu’à elles trois elles contiennent toutes les autres divisions, cet endroit seul n’appartient à aucune et, libre, brille comme une exception95 ». Centre du monde, lieu lumineux où convergent les hommes et les fois, la Terre sainte est surtout un carrefour, un lieu de rencontre des espaces et des cultures, qui n’appartient à personne quand bien même tous en revendiquent la possession. Si cette rencontre, au cours de notre période, prend souvent une forme violente, entre croisades et jihad, il convient pour autant de ne pas la penser qu’à travers le prisme de l’affrontement96 . L’un des enjeux importants de ce travail était également, en effet, d’essayer de retracer la pleine vitalité de cette société. L’Orient latin n’est pas qu’un front où l’on combat, un estran où se rencontreraient en permanence les tsunamis des croisades et la marée du jihad : pendant plusieurs décennies, les Latins qui s’y sont installés puis qui y sont nés commercent, échangent, construisent, écrivent, voyagent. Il s’agissait donc en quelque sorte d’arracher l’Orient latin au bruit et à la fureur des croisades pour mieux faire entendre les murmures du quotidien. Or, pour filer la métaphore du bruit, cet effort conduit à réinscrire l’Orient latin dans un paysage sonore occidental. Il est en effet évident que l’Orient latin appartenait pleinement, pour les médiévaux, au même monde que l’Espagne, l’Italie ou la Scandinavie. En 1135, Henri de Huntingdon évoque ainsi, dans sa célèbre Lettre sur le mépris du monde, la figure de Robert, come de Meulan, « l’homme le plus au courant des affaires séculières entre ici et Jérusalem97 ». Certes, Jérusalem est un ailleurs, un lointain, le contraire de l’ici ; mais il n’en appartient pas moins à un ensemble cohérent, marqué notamment par la circulation fluide des informations politiques et géopolitiques98. Ce n’est visiblement qu’au-delà de Jérusalem que l’on rentre véritablement dans un ailleurs, une terra incognita dont les « affaires séculières » échappent à la connaissance du subtil évêque de Leicester. Les seigneurs de l’Orient latin qui sont au cœur de ce travail ne sont pas radicalement différents de leurs homologues occidentaux. Ils lisent les mêmes livres99, jouent aux mêmes jeux100, parlent la même langue101. Les croisés de 1095, rejoints au fil du siècle par des parents, des amis, des pèlerins venus d’Occident, s’installent en Orient avec leurs façons de se battre, de prier, de se nourrir. On a souvent qualifié ces régimes de féodalité d’importation, mais cette expression, qui emprunte au vocabulaire du marché économique, ne me satisfait pas, et je lui préfère celle de féodalité emportée : tout comme les Latins emmènent avec eux leurs microbes et leurs bactéries, que l’archéologue peut retrouver dans leurs bains et leurs tombes près d’un millénaire plus tard102, de même ils emportent leurs idées et leurs pratiques du pouvoir, que l’historien cherche ensuite à décortiquer dans les textes. D’où, tout au long de ce travail, les comparaisons très nombreuses avec l’Occident, notamment avec la Sicile médiévale, la Grèce latine ou la péninsule ibérique, trois terrains dont les dynamiques propres,  sur fond de reconquête et de coexistence de plusieurs religions, sont forts proches de l’Orient latin, mais également avec les royaumes de France et d’Angleterre. Pour ouvrir la réflexion, j’ai également souhaité inclure des comparaisons avec d’autres espaces, géographiquement plus proches de l’Orient latin même s’ils en sont très éloignés d’un point de vue politique et religieux : ainsi de l’empire byzantin et du monde musulman, qui seront fréquemment convoqués au cours de ce travail. Ce travail s’appuie donc largement sur d’autres monographies centrées sur une société seigneuriale précise : les travaux de Dominique Barthélémy, Maïté Billoré, Hélène Débax, Bruno Lemesle, Laurent Macé, Didier Panfili103 , pour ne citer que les plus importants d’entre eux, constituent à la fois des sources d’inspirations constantes et des pierres de touche permettant de vérifier l’originalité ou la conformité de l’Orient latin. Cette thèse n’a d’autre ambition que de répondre à ces travaux pour apporter au mur de la connaissance historique de la société féodale une petite pierre venue de l’Orient. Comme le souligne bien Hans Gelting, ce n’est qu’en travaillant sur les pratiques politiques de chaque espace que l’on pourra « saisir les traits communs liant toutes les variations européennes de la féodalité104 ». Une variation, au sens musical de l’expression105, ou, pour prendre une image plus littéraire et plus médiévale, une variante106 : c’est ce qu’est l’Orient latin par rapport à la féodalité telle qu’elle est développée et pratiquée en Occident. Car rattacher plus fortement l’Orient latin à l’Occident médiéval ne revient pas pour autant à noyer les spécificités des États latins dans une histoire médiévale plus large. De nombreuses pratiques spécifiques, nées de l’influence des mondes byzantin ou musulman ou de la volonté de s’adapter aux conditions locales, se dégagent en effet. Très vite, du fait notamment de la distance qui le sépare de l’Occident – rappelons qu’il faut au minimum plusieurs semaines, et souvent plusieurs mois, pour aller de Rome à Jérusalem à l’époque – l’Orient latin devient un tout à part entière, politiquement autonome. Les seigneurs qui y vivent développent une nouvelle identité, ce que reflète cette expression de « barons de la chrétienté orientale107 » qui leur est appliquée dans une charte de 1171, et qui dit à merveille à la fois l’appartenance à un ensemble continu dont  la religion est le ciment et l’étrange altérité de ces chevaliers qui vivent sous d’autres cieux. Il convient alors d’adopter une approche large, en considérant que, dans cette civilisation féodale au singulier, les États latins d’Orient ne sont pas de lointaines boutures entées dans un sol hostile mais plutôt, comme le dit Guillaume de Tyr lui-même, « une nouvelle plantation108 ». Ces deux expressions, prises ensemble, invitent à préférer, au débat stérile sur les racines chrétiennes de l’Europe, l’étude des branches (extra-)européennes de la chrétienté.

Chroniques latines

Les chroniques de la première croisade
La première croisade entraîne une explosion documentaire qui se traduit par un grand nombre de chroniques dédiées, dont la plupart sont connues des historiens depuis longtemps .

1° Les premières chroniques
Le premier de ces textes est la chronique intitulée Gesta Francorum et aliorum hierosolimitanorum, rédigée par l’Anonyme, dit aussi Anonyme Normand. La question de son identité fait encore débat, certains voulant y voir un chevalier normand proche de Bohémond de Tarente , d’autres un clerc d’Italie du sud . Il ne fait plus de doute en tout cas que le texte a été composé à la demande de Bohémond, probablement pour servir sa propagande personnelle lors de son voyage en France . Ensuite, on peut mentionner l’Historia de Hierosolymitano itinere du prêtre poitevin Pierre Tudebode. On a longtemps cru que ce texte était l’inspiration des Gesta de l’Anonyme, mais il semble en fait que ce soit l’inverse ; l’hypothèse longtemps avancée de l’existence d’une source commune aux deux textes6 n’est plus guère en faveur actuellement. La chronique du chanoine Raymond d’Aguilers, Historia Francorum qui ceperunt Jerusalem, coécrite avec le chevalier Pons de Balazun, offre une vision précise de l’armée du comte de Toulouse, dont Raymond d’Aguilers était le chapelain7 . Le récit s’interrompt brutalement après la prise de Jérusalem. Foucher de Chartres (c. 1059-c. 1128), chapelain de Baudouin de Boulogne, a écrit un long récit, intitulé Gesta Francorum Jerusalem expugnantium, qui part du concile de Clermont (auquel il assiste et dont il donne une version qui a pendant longtemps fait autorité avant d’être peu à peu remise en question) et s’achève en 1127. Caffaro di Rustico da Caschifellone (c. 1080-c. 1164) est un chroniqueur et combattant génois, qui participe à la première croisade, dont il rédige un récit mettant l’accent sur la participation des Génois à la libération de Jérusalem.

2° Après la croisade : mémoire et réécritures
Les Gesta Tancredi de Raoul de Caen (av. 1079-ap. 1130) sont un panégyrique épique8 , écrit après la croisade, vers 1108, qui se centre sur le personnage de Tancrède de Tarente. Raoul de Caen est un ancien chevalier devenu clerc, qui connaît personnellement Tancrède9 . Quelques années après la croisade, Baudri de Dol (c. 1050-1130), abbé et évêque breton, rédige un court texte largement inspiré des Gesta de l’Anonyme, mais également appuyé sur la consultation de témoins de première main. La chronique de Robert le Moine (1047-1122), moine de Reims, est une réécriture très littéraire des Gesta qui est la plus diffusée de toutes ces chroniques durant l’époque médiévale10 . Albert d’Aix est un clerc allemand dont le texte est depuis peu redécouvert par les historiens, notamment sous l’impulsion des travaux de Susan Edgington11. Son Liber christianae expeditionis pro ereptione, emundatione, restitutione sanctae Hierosolymitanae ecclesiae est en effet très bien renseigné, notamment pour des événements survenus en Allemagne. Les Gesta Dei per Francos de Guibert de Nogent (1054-1124) sont une grande œuvre historique, rédigées vers 1120 par un auteur assez célèbre par ailleurs pour son autobiographie12 : né dans une famille noble du Beauvaisis, il devient moine bénédictin à Saint-Germer-de-Fly, puis est élu abbé de l’abbaye de Nogent-sous Coucy, probablement vers 1104. Guibert brasse un ensemble de textes antérieurs, notamment ceux de l’Anonyme Normand, de Foucher de Chartres et d’Albert d’Aix13. Gilon de Toucy (c. 1090-1142), moine de Cluny, puis évêque de Tusculum et enfin cardinallégat, rédige dans les années 1130-1140 un long poème en prose de la première croisade .

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Table des matières

Introduction
Un temps de folie
Dessiner des cultures politiques
Actualité de la recherche
L’Orient latin et l’Occident médiéval, un même monde
Présentation des sources
1) Chroniques latines
a/ Les chroniques de la première croisade
1° Les premières chroniques
2° Après la croisade : mémoire et réécritures
b/ Les chroniques des autres croisades
1° La deuxième croisade
2° La troisième croisade
3° La quatrième croisade
4° Les cinquième et septième croisades
c/ Chroniques produites en Orient
1° Guillaume de Tyr et ses continuateurs
2° Gautier et Philippe : les seigneurs qui prennent la plume
3° Textes divers produits en Orient
2) Récits de pèlerinage
3/ Chroniques orientales
a/ Les auteurs grecs
b/ Les auteurs arméniens et syriens
c/ Les auteurs arabes
4) Chartes
5) Lois
Sources citées en abrégé
Chroniques latines
Récits de pèlerinage
Chroniques orientales
Chartes
Lois
Lettres
Bible
Chapitre 1 : Fiefs, domaine royal et seigneuries : l’espace politique des États latins d’Orient
1) Tenir la terre
a/ Les mots pour dire le fief
1° Feodum
2° Terram
3° Seigneurie, baronnie, dominium
b/ Le fief et le seigneur
1° Le fief au cœur de la fidélité
2° Le fief au cœur de l’identité aristocratique
3° Tenir en bourgeoisie
4° Sine servitium
c/ Faire fief : l’exemple de la seigneurie du comte Josselin
1° La fabrication progressive d’une seigneurie discontinue
2° Un marché des fiefs
3° Un royaume en plusieurs parties
4° La recherche d’une cohérence
2) « Et le roi se réserva pour lui… » : la question du domaine royal
a/ Historiographie du domaine royal
b/ Appréhender et cartographier le domaine royal
1° Carré de villes
2° Un domaine très fluide
3° Des biens divers
c/ Les nobles du roi
d/ Une comparaison : les domaines du prince d’Antioche, du comte de Tripoli et du roi de France
3) Le royaume et les seigneuries, une histoire cartographiée
a/ Cartographier l’espace féodal
1° L’intérêt d’une représentation cartographique
2° Les difficultés d’une telle représentation
3° Les principes directeurs
b/ 1099-1118 : les premiers temps
1° La carte politique
2° La carte féodale
3° Une comparaison : l’exemple de la conquête de l’empire byzantin en 1204
c/ La progressive mise en place d’une carte féodale (1118-1174)
1° Vers l’apogée du royaume
2° Un paysage politique mobile
3° Trois évolutions majeures
d/ Les temps difficiles (1174-1192)
e/ Après la chute (1192-1228)
Conclusion de chapitre
Chapitre 2 : Pratiques et maîtrises de l’espace
1) Les lieux du pouvoir
a/ Églises et monastères
b/ Tenir l’espace par les châteaux
1° Les « clés de la terre » : châteaux et contrôle de l’espace
2° Le château comme centre administratif et économique
3° Faire construire un château : mémoire, pouvoir et ordre social
c/ Tenir les châteaux par les forteresses : l’exemple de la Tour de David
d/ Tenir les forteresses par les portes
1° Un symbole de la ville
2° Contrôler les portes
3° Enjeux économiques
4° Marquer (par) les portes
2) Circuler et contrôler
a/ Un espace à la mesure des chevauchées
1° Vitesse et maîtrise spatiale
2° Pratiques et mentalités
3° Circuler pour gouverner son fief ?
b/ Un roi en selle
1° Des mouvements incessants ?
2° De Jérusalem à Antioche
3° Le centre et le circuit : une remarque sur la spatialisation du pouvoir
c/ Refuser le passage, contrôler son espace
1° Refuser l’entrée
2° Être « sire de sa terre »
3) Faire frontière
a/ Placer et penser les frontières
1° Une querelle historiographique : de la ligne aux pôles
2° Des frontières imaginées ou héritées
3° Des frontières fleuves
4° …ou des « frontières liquides » ?
b/ Que font les frontières ?
1° Le sens de la coupure
2° Le pouvoir, le droit et les émotions : qu’est-ce qui change en franchissant une frontière ?
c/ La délimitation comme appropriation : le prisme de l’échelle locale
1° Bornes et bornages
2° La mémoire, le consensus et la domination
3° S’approprier la terre
Conclusion de chapitre
Conclusion

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