L’ordre des éléments de la phrase en coréen

LA STRUCTURE DU CORÉEN : DE L’ÉNONCE AU SYNTAGME 

Ordre des mots et linéarité du langage 

On sait que le langage n’articule pas tous les mots en même temps, comme un orchestre articule les sons d’une symphonie. Ses éléments à lui se disposent l’un après l’autre ; au moins en ce qui concerne l’écrit. Lors d’une discussion sur les propriétés du signe, F. de Saussure évoquait l’arbitraire du signe et sa linéarité. La position du maître genevois sur ce propos est rapportée dans le Cours de linguistique générale (1979, p. 170) : l’impossibilité physique d’une prononciation simultanée provient du « caractère linéaire de la langue, qui exclut la possibilité de prononcer deux éléments à la fois ». C’est ainsi qu’il oppose la linéarité du signifiant comme « image acoustique » à la pluri-dimensionnalité des signifiants visuels. L’image acoustique possède un caractère unidimensionnel. Le langage humain se réalise alors dans la durée et le signifiant est linéaire.

La question de l’ordre des mots invite à réfléchir à la linéarisation et à la dynamique de la ligne, à la relation entre le sens et les positions syntaxiques, à la délinéarisation et à la diversité du linéaire . La question est de savoir si les positions de chaque élément dans la phrase, du fait de leur linéarité, sont le produit de structurations indépendantes, ou constituent des signes linguistiques au même titre que les autres?

Les études antérieures sur l’ordre des mots en coréen

Il semble que les études sur l’ordre des mots en coréen ont été stimulées par les travaux de J. H. Greenberg (1966), d’une part pour justifier la place du coréen comme modèle de langue de type SOV, d’autre part, pour introduire la perspective communicationnelle dans l’analyse de l’énoncé, en termes de thème-rhème (topic-comment). En coréen, le sujet s’identifie au thème, l’objet et le verbe au rhème. C’est un retour en quelque sorte la structure sujet-prédicat de l’énoncé, mais dans une perspective communicationnelle.

L’ordre des « mots » : perspective psychologique

L’étude pionnière, concernant l’ordre des mots en coréen, est celle de Chae Wan (1986) . Il s’agit d’une étude centrée sur l’ordre des éléments dans les mots composés, soit réitératifs de mots similaires, soit juxtaposés, d’après une perspective psychologique et phonologique. Selon elle, la réitération des mots similaires est un moyen phonétique qui plaît à l’oreille, basé sur un jeu de langage. De fait, ce type de mot ne s’emploie pas dans un contexte de politesse. Ce phénomène apparaît beaucoup dans la formation des onomatopées, par exemple le mot chul leong chul leong ‘clapotant’. Il y a aussi chol lang chol lang ‘clapotant’, ‘attitude irréfléchie’, ou ‘être frivole, agir de façon frivole’. Le premier possède une structure de voyelles u – eo, le deuxième o – a. Selon l’ordonnancement des voyelles, nous avons l’idée de grandeur dans la structure voyelle u – eo, chul leong chul leong, tandis que le deuxième mot o – a manifeste l’idée de petitesse. De ce point de vue, il existe trois types d’alternance : alternance de voyelles, alternance de consonnes et alternance syllabique. La caractéristique majeure de ce type de mot est une opposition phonétique qui confère de la clarté à l’impression phonique (Chae Wan, 1986 : 112).

Concernant la logique de l’ordre des mots juxtaposés, Chae Wan propose 7 logiques combinatoires : i) le mot temporel : présent-futur ; ii) le mot verbal : départ-retour ; iii) dessus-dessous ; iv) avant-après ; droit-gauche ; verticalhorizontal ; v) positif-négatif ; vi) moi-toi ; vii) jugement de l’importance : adulte (super-hiérarchie)-hiérarchie inférieure, homme-femme, tout-partie ; le locuteur peut également évaluer une importance de façon subjective, et ainsi ordonner deux mots juxtaposés. Comme son étude sur l’ordre des mots est limitée aux mots composés réitératifs et juxtaposés, les mots composés de type dérivatif et de type « composé du verbe » sont exclus. Par exemple le mot dérivatif seon saeng-jil ‘professeur-travail’ est un mot composé du mot nominal seon saeng et d’un suffixe, tandis que le mot nop-pu leu da ‘être haut-être bleu’ s’obtient au moyen de deux mots verbaux. Le deuxième mot se comporte comme un suffixe de sens ‘être bleu fortement’. Il manifeste une intensité ‘être bleu’. Dans tous les cas le support dans ce type de mot a tendance à se situer après le mot d’apport. Le suffixe -jil ‘acte de faire’, de sens péjoratif, est un support formel, qui intègre le mot dans la catégorie nominale. Au contraire, dans le mot nop pu leu da ‘être haut-être bleu’, c’est pu leu da ‘être bleu’ qui assume le support et qui fait le mot verbal. Malgré une différence de quantité quant à la matière notionnelle dans les deux cas, c’est le deuxième mot qui assume la fonction de support.

On trouve aussi un autre essai d’analyse du mot complexe qui explique la logique de l’ordre des mots dans l’étude de Kim Seung-lyeol (1988 : 127-192). Ce dernier analyse l’ordre des éléments dans les mots complexes selon la vision de Cooper et Ross (1975) . Il propose également les 7 logiques combinatoires de Chae Wan (1986). Il traite parmi les mots composés, mots coréens, mots chinois, le mot juxtaposé de même sens, le mot juxtaposé au mot verbal et le mot réitératif.

Tout cela nous mène vers des approches phonétiques et psychologiques, et au niveau du mot seulement. Nous pensons que ce domaine est à revoir d’un point de vue syntactico-sémantique. La logique syntaxique seule permet d’expliquer l’ordre des éléments dans le mot complexe.

L’ordre des « mots » : perspective typologique 

La problématique de l’ordre des « mots » dans la perspective typologique est centrée sur la question suivante : le coréen est-il un modèle-type de langue SOV ? À cela, on peut certainement répondre oui, dans la mesure où l’on ne considère que l’énoncé déclaratif et transitif. L’étude de Kim Seung-lyeol (1988) démontre que le coréen est un type de langue SOV selon le principe universel proposé par J. H. Greenberg (1966). Cette étude mentionne aussi la contrainte syntaxique de l’ordre des mots. La règle principale est de mettre le noyau en post-position par rapport au déterminant, quelle que soit l’unité syntaxique. Ce qui donne :
1) l’ordre déterminant-déterminé ; 2) l’ordre SOV ; 3) l’ordre nom-quantifiant ; 4) l’ordre adverbe-verbe. On peut encore ajouter à cette liste la place de la particule, d’après l’ordre nom-particule dans le syntagme nominal (SN).

De l’énoncé au syntagme, le coréen a une tendance à postposer l’élément support dans les relations de dépendance. Quant à l’ordre des constituants, il s’effectue de façon libre, ou du moins obéit à une relation gouvernée par le point nodal entre les arguments de l’énoncé — sachant que ceux-ci ne construisent pas la relation hiérarchique au sein de l’énoncé. Selon Kim Seung-lyeol toujours, c’est là le trait majeur d’une langue non-configurationnelle. Il est vrai que la place finale d’une unité syntaxique est un support. Mais en ce qui concerne l’ordre libre des constituants, il ne peut pas être expliqué simplement par la relation de dépendance entre les arguments, puisque c’est le signifié de la particule qui participe à la signification globale de l’énoncé.

Il existe une étude sur l’ordre fixe des mots à l’intérieur d’une langue nonflexionnelle. C’est l’étude de Jo Mi-Jeong (1986), à propos de l’ordre fixe verbe auxiliaire dans la vision générative . Parmi les cas d’ordre fixe, elle analyse la construction de double sujet — l’ordre thème-sujet n’étant pas déplaçable (pp. 40- 49). Également, elle étudie la place de l’attribut et du sujet dans la construction attributive (pp. 99-137). Dans le débat sur l’ordre des mots en coréen, il y a donc une permutabilité relative des constituants au sein de l’énoncé, d’une part, et un ordre fixe inscrit dans le système de la Langue, d’autre part.

Lorsque l’on étudie l’ordre des mots en coréen, la question dont il faut se préoccuper avant tout est de déterminer si oui ou non la particule est une marque casuelle du SN. Étant donné que les arguments se réalisent au moyen du SN en coréen, un rôle casuel attribué à la particule permet d’affirmer que l’ordre des constituants en coréen est libre — une fois admis que les arguments réalisés en SN disposent d’une certaine liberté (cf. infra).

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 – LA STURUCTURE DU CORÉEN
CHAPITRE 1 – PROBLEMATIQUE DE L’ORDRE DES “MOTS” EN COREEN : NOUVELLE PERSPECTIVE ENONCIATIVE
1. Ordre des mots et linéarité du langage
2. Les études antérieurers sur l’ordre des “mots” en coréen
3. L’ordre des mots en coréen : introduction à la systématique énonciative
CHAPITRE 2 – STRUCTURE DE L’ENONCE
1. La relation prédicative en coréen
2. Structure de l’énoncé coréen : les trois types d’énoncés
CHAPITRE 3 – LE MOT DE DISCOURS EN COREEN : SYNTAGME NOMINAL ET SYNTAGME VERBAL
0. Introduction
1.Trois points de vue sur la reconnaissance du mot dans la tradition grammaticale coréenne
2. Le syntagme coréen dans la perspective dynamique de l’acte de langage : puissance/effet
3. Déclinaison nominale ou le syntagme nomnnominal
4. Conjugaison verbale ou syntagme verbal
5. En guise de conclusion
PARTIE 2 – LA DISPOSITION DES CONSTITUANTS DANS L’ENONCE
CHAPITRE 4 – LA PLACE DU SUJET
0. Introduction
1. La place du sujet-support
2. La place du sujet et le degré de l’attraction sémantique du SN en i/ga et en eun/neun
3. En guise de conclusion
CHAPITRE 5 – LA RELATION OBJECTALE
1. Pour une définition de l’objet en coréen
2. La place de l’objet : stratégie discursive
3. En guise de conclusion
CHAPITRE 6 – LA PLACE DU VERBE DANS L’ENONCE : ORDRE FIXE OU ORDRE LIBRE ?
1. Le sens de la place finale du verbe dans l’énoncé : morphologie discursive du verbe et incidence du mot formel du verbe de discours
2. Le jeu de la personne : modalité virtuelle gess
3. En guise de conclusion
PARTIE 3 – L’ORDRE DES ELEMENTS DANS LE SYNTAGME NOMINAL
CHAPITRE 7 – LES ELEMENTS MATERIELS ET FORMELS A ORDRE FIXE DANS LE SYNTAGME NOMINAL
0. Introduction
1. Le mécanisme constructif du SN
2. Mise en lumière de la détermination nominale au sein de l’acte de langage
3. Extension et extensité : déterminant matériel et déterminant formel
4. En guise de conclusion
CHAPITRE 8 – LES ELEMENTS ANTEPOSES DU NOM : LE DETERMINANT NOMINAL
0. Introduction
1. Caractérisation de la matière nominale
2. Le déterminant au plan verbal, mot de discours
3. En guise de conclusion
CHAPITRE 9 – LES ELEMENTS POSTPOSES AU NOM : DETERMINANTS FORMELS OU “RELATEURS”
1. À propos de la classification de la particule en coréen
2. La double agglutination de la particule : le cas de N+loc+compl
3. Double agglutination discursive de la particule : l’exemple du SN en e neun
PARTIE 4 – MOBILITE ET L’INCIDENCE ADVERBIALE
CONCLUSION

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