L’olympisme, entre rêve et cauchemar

La critique du monde social

Les auteurs postulent que la sociologie pragmatique peut partir des impasses de la sociologie critique traditionnelle, pour expérimenter un nouveau type d’engagement critique. En effet, les cadres explicatifs structurels mobilisés en sociologie traditionnelle ne permettent pas toujours une analyse critique pertinente. Duret & Trabal (op cit) proposent de passer d’une sociologie critique à une sociologie de la critique : il s’agit d’une rupture sur le statut accordé à la critique, où le sociologue n’a plus pour rôle de dévoiler ce qui échappe aux acteurs, mais celui de reconstruire la réalité sociale à partir de leurs jugements et de leurs actions.

La sociologie de l’acteur-réseau

La sociologie de l’acteur-réseau (SAR) est un paradigme sociologique proposé par Latour (2006), qui consiste à considérer le monde social sous la focale des réseaux d’acteurs qui se font et se défont en permanence autour d’intérêts communs. Pour lui, il existe deux façons de faire de la sociologie : chercher à expliquer la société (le social se projette sur différentes sphères de la vie d’un individu : c’est la sociologie des dispositions) ; considérer le social comme l’association nouvelle d’acteurs en renouvellement permanent – conception dans laquelle il s’inscrit.
Il s’agit pour lui d’une nouvelle façon d’étudier le social, caractérisée par trois critères fondamentaux :
• Le principe de symétrie (Bloor, op cit), avec l’intégration d’acteurs (ou actants) non-humains. Dans cette perspective, l’auteur nous invite à repenser la dichotomie entre la nature et le social, qu’il réfute.
• L’absence de composition sociale et de stabilité à priori, qui nuirait à la pertinence de l’analyse.
• Le fait de mener l’enquête en “réassemblant” le social, en analysant la formation des collectifs.
La SAR s’inscrit donc dans une approche pragmatique, en participant à cette même mouvance sociologique qui part du discours des acteurs et du plan des situations pour expliquer le social.
Ce paradigme a été mobilisé lors de travaux sur la recherche scientifique (Callon & Latour, 1991) ou dans le champ de la sociologie de l’innovation (Goulet & Vinck, 2012 ; Boutroy & al, 2014).

Les processus conflictuels

La question de l’escalade olympique est une question qui suscite de nombreux débats. Les opposants à l’intégration de l’escalade aux JO – pour une diversité de raisons – affrontent ainsi ceux qui rêvent de voir l’escalade au programme de cette grande messe sportive. On parle alors de controverse lorsqu’un conflit est caractérisé par une homogénéité des acteurs et du registre argumentatif du débat (Chateauraynaud & Torny, 1999), ou de polémique si ces éléments sont hétérogènes.
Lemieux (2007) propose une approche pragmatique de la controverse. L’auteur propose une analyse pragmatique pertinente pour leur étude. Il postule ainsi que ce sont des actions collectives qui mènent à la transformation du monde social, en remettant en cause les rapports de force, les normes ou les croyances, et ont donc une véritable dimension instituante. L’idée est donc d’étudier non pas ce qui est révélé par ces controverses, mais ce qui est engendré en termes de transformation du monde social.
Pour l’analyse d’une controverse, l’auteur nous invite à saisir la tension entre l’agir stratégique (c’est-à-dire les actions pour dominer le rapport de force) et l’agir communicationnel (les actions pour argumenter et convaincre l’auditoire), sans tomber dans une analyse réductrice d’une de ces deux dimensions.
De plus, Lemieux (ibid) propose deux manières de mener l’enquête :
• Une analyse “feuilletée” où le processus conflictuel est étudié temporellement à différentes phases, correspondant aux degrés divers de publicité du débat, afin de saisir l’évolution des discours et des positionnements des acteurs
• Une analyse portant sur ce qui empêche le débat de se déployer pleinement au niveau argumentatif : il s’agit de comprendre comment certains rapports de force limitent possibilité d’argumenter librement & rationnellement en public. Cela implique d’étudier le dispositif de prise de parole : garantit-il l’égalité ou implique-t-il la prépondérance d’un certain type d’argument dans le débat ?
Pour notre sujet, à la vue de la longue temporalité sur laquelle se déploie la controverse (plus d’une vingtaine d’années), il semble que la seconde proposition ne soit pas la plus pertinente : une analyse feuilletée du débat sur l’escalade olympique, qui a pu largement se transformer depuis les premiers rêves olympiques en 1992, apparait plus pertinente.

L’innovation

Le fait de proposer la participation de l’escalade aux JO peut être entendu comme une innovation – entendue comme un élément nouveau, accepté et intégré socialement – dans le sens où cet évènement est en décalage avec les compétitions d’escalade actuelle, de par différents éléments :
• La taille des compétitions (Müller, op cit) ;
• La visibilité médiatique (Aubel, 2000) ;
• Le public (Wheaton & Thorpe, op cit)
• Les valeurs : l’escalade prônant des valeurs alternatives à celles du sport classique (Le Manifeste des 19, 1985 ; Aubel, 2005), avec un scepticisme à l’égard des JO (Guérin, 2013).
• Le format de pratique, avec la création d’un format combiné généralisé pour l’épreuve olympique
Malgré ce décalage, cette nouvelle façon d’envisager la compétition d’escalade est-elle acceptée par les grimpeurs ? Comment s’en emparent-ils ?
Avant tout, il convient de clarifier la notion d’innovation. L’innovation est une notion largement étudiée dans le domaine des sciences sociales et est l’objet d’une grande diversité de conceptions et de définitions. Ainsi, il existerait plus de trois cent définitions de l’innovation (Cros, 2002), ce qui témoigne d’un manque de consensus autour de cette notion qui désigne un objet ou un évènement qui, par son caractère exceptionnel, entraine un changement important.
La littérature distingue la notion d’invention, qui est un acte créatif individuel, parfois dénué d’utilité sociale, de la notion d’innovation, qui suppose que des acteurs s’en emparent, qui devient un objet social, comme l’écrit Callon (1994): « L’invention se transmue en innovation à partir du moment où un client, ou plus généralement un utilisateur, s’en saisit : l’innovation désigne ce passage réussi qui conduit un nouveau produit ou un nouveau service à rencontrer la demande pour laquelle il a été conçu ».
L’action d’innover consiste à mener ou gérer une action innovante en transformant la pratique : il s’agit d’une action individuelle visant à changer les usages et les mentalités en devenant porteur d’une innovation. Il s’agit d’une action individuelle, qui ne se mue pas forcément en action collective, comme l’affirme Caumeil (2002) : « l’innovation est un objet social, l’acte d’innover renvoie pour sa part au sujet agissant ».
De plus, l’innovation est un processus complexe, non linéaire (Von Hippel, 2007), qui passe par différentes phases : rencontre des géniteurs de l’innovation, appropriation par l’espace de destination, conception, enfantement, maturation (Seurat, 1994). Les phases ne s’enchainent pas nécessairement avec continuité et fluidité, et des obstacles peuvent survenir à chacune d’entre elle.
Hillairet (2005) propose quant à lui une définition intégrative de l’innovation, qui la distingue des autres processus de changement et lui donne sa singularité :
• Une innovation entraine d’importantes modifications des connaissances ou des savoir-faire sur un sujet ;
• Une innovation a un impact sur le long terme ;
• Une large communauté se l’approprie.

Les différentes approches de l’innovation

Boutroy & al (op cit, 2015) proposent une revue de littérature sur l’innovation dans les sports outdoors, et les différents paradigmes sociologiques dans lesquels s’inscrivent les travaux qui l’étudient. Dans une première partie, les auteurs parcourent les différents cadres théoriques relatifs aux innovations.

Approche classique

Dans la perspective des travaux de Schumpeter, l’approche classique de l’innovation – avant tout centrée sur l’innovation technologique – considère celle-ci comme le résultat de l’action d’entrepreneurs individuels avant-gardistes, capable de reconfigurer les systèmes de production. Il s’agit de se concentrer sur l’étude des innovations accomplies, c’est-à-dire les inventions qui ont réussi à se percer, en analysant le rôle décisif de certains acteurs-clés dans le processus d’innovation, et plus globalement les “success stories” (Gaglio, 2011). Les auteurs prennent en exemple les modèles entrepreneuriaux de Petzl (Schutt, 2012) ou Oxylane (Hillairet, Richard, Bouchet & Abdourazakou, 2010), capables d’articuler rationalité et intuition, ce qui leur permet d’être innovants, c’est-à-dire d’inventer des produits avec des nouveautés techniques qui rencontrent une demande.
Par ailleurs, dans cette approche, des études ont également été conduites sur l’innovation organisationnelle (Hillairet, 2003 ; Winand & al, 2013), sur l’innovation dans les services (Paget, Dimanche & Mounet, 2010), ou encore les évènements (Bessy, 2013, 2014).

Approche diffusionniste

Dans la lignée des travaux de Rogers (1962), cette approche s’intéresse à la manière dont se diffuse l’innovation au sein d’un milieu social, dans un contexte historique, sociologique et culturel plus ou moins conducteur pour son développement. Le succès des innovations est ainsi expliqué par une convergence d’éléments qui créent un contexte favorable. Par exemple, le succès de l’entrée de Salomon dans le marché du ski dans les années 1990 est expliqué par les avancées technologiques du matériel mis sur le marché, en résonance avec une bonne visibilité et une communication importante (Desbordes, 1998).
D’autres travaux se sont concentrés sur l’acceptation sociale des innovations, en lien avec les valeurs des pratiquants. Par exemple, Savre, St-Martin & Terret (2010) ont étudié l’influence de la culture californienne et du développement d’une industrie du vélo dans la diffusion du VTT aux Etats-Unis. A l’inverse, des études se sont concentrées sur les résistances de certains milieux aux innovations, lorsqu’elles vont à l’encontre des valeurs et des usages des pratiquants : Trabal (2008) a ainsi étudié les résistances face au développement d’un nouveau kayak, soutenu par la fédération car plus performant, qui s’inscrit dans une philosophie en décalage avec celle des pratiquants.
Toutefois, Boullier (1989) soulève certaines limites du paradigme de la diffusion :
• Ces études postulent d’une relative passivité des profiteurs et des proposeurs de l’innovation
• Elles adoptent une conception binaire de l’acceptance d’une innovation, qui est un processus complexe
• Elles entretiennent une conception statique d’une innovation “déjà là”, en oubliant la contingence, l’incertitude et la sinuosité du processus d’innovation.
c. Emprunts à la théorie Ad Hoc
La théorie Ad Hoc désigne un raisonnement élaboré uniquement pour rendre compte du phénomène qu’il décrive, ne permettant donc aucune généralisation. Beaucoup de recherches sur l’innovation s’inscrivent dans cette perspective : elles se concentrent sur les concepts de territoire, de créativité et d’évolutions, dans une approche empirique, basée sur les données (Corneloup & Mao, 2010), avec un faible ancrage théorique. Les travaux ont principalement porté sur des innovations techniques, comme le matériel de kitesurf (Theillier, 2010), la diffusion du VTT en Europe (Saint-Martin & al, op cit) ; ou sur des stratégies d’innovations comme celle de Salomon (Duroy, 2004).
Les études de ce type se rejoignent par le fait qu’elles considèrent moins les innovations comme une simple nouveauté, résultat d’un processus, mais plutôt comme quelque chose qui est adopté au sein d’un milieu social avec le renouvellement des pratiques. Dès lors, les contraintes techniques sont mises en perspectives dans leur contexte social, culturel et économique, et la complexité du processus d’innovation est soulignée.
Pour autant, certaines limites apparaissent dans cette approche :
• Une certaine linéarité unidirectionnelle (innovation “top down”, du producteur au consommateur) ;
• Une focale sur les acteurs principaux parfois excessive.

Lead User Theory

L’approche de la “lead user theory” développée par Von Hippel (2005) entend accorder une reconnaissance de premier plan au rôle actif des utilisateurs dans le processus d’innovation. Il s’agit d’une démarche participative où le consommateur contribue activement à sa consommation (Cochoy, 2000), en adaptant, déviant ou modifiant les usages des produits utilisés par rapport à ces besoins (Akrich, 1998).
Dans cette optique, c’est l’utilisateur, et non un entrepreneur intuitif, qui est le moteur de la création authentique d’un produit inexistant sur le marché : les experts dans une activité sportive par exemple, insatisfaits face à leurs besoins, vont créer leur propre produit, dans une démarche de tâtonnements, dans le but d’améliorer leur propre pratique et non de faire du profit ; la mise en relation avec les industriels intervient alors dans un second temps.
L’originalité de cette approche réside dans le fait qu’elle inverse le rapport entre les producteurs et les consommateurs, usuellement envisagées de façon descendante (“top down”) ; ici, la focale est mise sur le rôle actif des utilisateurs dans l’innovation, qui par leurs usages, fournissent des feedbacks à l’industrie. On parle alors d’une conception ascendante de l’innovation (“bottom up”).
Toutefois, cette approche, qui se focalise sur le rôle de leader d’un utilisateur ou d’un groupe, ayant un rôle actif dans le processus d’innovation, peut parfois éclipser d’autres acteurs essentiels, bien que moins visibles, tels que les industriels ou les autres utilisateurs, qui, s’ils ne participent pas activement, s’emparent des innovations et se les approprient. De plus, les travaux réalisés se focalisent avant tout sur l’innovation technologique, et délaissent les autres types d’innovations existants (évènementielle, organisationnelle, etc.)

Approche sociotechnique

Cette approche se propose d’appliquer la SAR à l’étude des innovations, en analysant la trajectoire sociotechnique des innovations. Celles-ci sont envisagées comme un réseau, qui associe un objet, son environnement matériel et les parties prenantes dans le processus. Ainsi, il s’agir d’étudier le réseau d’acteurs (ou actants) humains ou non-humains qui se structure autour d’une innovation pour comprendre sa trajectoire.
Le succès de l’innovation dépendrait à la fois des qualités intrinsèques de l’innovation et de la solidité du réseau qui la porte : on retrouve d’une certaine manière les explications avancées dans une approche diffusionnistes, dans laquelle la convergence entre un nouveau produit et un contexte favorable permet d’expliquer son succès. Mais l’accent est mis ici sur le renouvellement permanent du réseau autour de l’innovation, envisagée comme un objet qui se transforme à chaque étape (Akrich & al, 1998), redéfinissant ses propriétés et ses destinataires, et non comme une invention figée qui se développe de façon linéaire en perçant dans un milieu.
L’originalité de cette approche est que l’analyse démarre sans à priori sur la supériorité présumée d’un acteur ou d’un autre, tout en accordant une importance majeure aux acteurs non-humains (principe de symétrie de Bloor, op cit). Goulet & Vinck (2012) ont enrichi ce principe de symétrie en y intégrant une troisième dimension, dans leur étude des techniques agricoles sans labour, envisagée comme une innovation par retrait : à l’attention égale entre les succès et les échecs, et les acteurs humains et non-humains, les auteurs ajoutent le principe de symétrie dans l’analyse entre les associations et les dissociations. Ainsi, si l’étude d’une innovation peut s’envisager sous l’angle de la structuration d’un réseau d’acteur qui s’associent pour porter une innovation, comme ce fut le cas dans la littérature, par exemple pour l’étude des innovations en kitesurf (Boutroy & al, op cit, 2014), il est également possible d’étudier le processus de dissociation entre certains acteurs pour mieux comprendre une innovation. Dans leur étude, il s’agissait de se dissocier de certains actants (comme la pratique agricole du labour, traditionnellement associée au monde agricole) pour que l’innovation du “sans labour” soit acceptée et se développe.

Conclusion sur les différents paradigmes de l’innovation

Fort de l’éclairage de cet archipel de paradigmes, l’étude de la littérature sur l’innovation nous renseigne sur le fait que :
• Ces différentes théories apportent chacune un intérêt pour l’étude des innovations. Plutôt que de les opposer, il faut considérer leur complémentarité dans l’éclairage chaque fois différent qu’elles apportent.
• Les études se focalisent essentiellement sur les innovations techniques ; seule une minorité s’intéresse aux autres types d’innovations qui existent pourtant : innovations évènementielles, organisationnelles, dans les services.

Quel lien avec l’escalade olympique ?

Si on cherche à assimiler l”escalade olympique a une innovation, c’est avant tout en l’envisageant comme une innovation en termes d’évènement (les JO étant très différents des compétitions internationales d’escalade sur de nombreux points : taille, visiteurs, budget, etc.) ou d’organisation (l’IFSC délègue une partie de sa souveraineté de fédération délégataire à une institution supra-fédérale, le CIO).
Peu de travaux sur les innovations sportives se sont intéressés aux évènements et aux fédérations. Seuls Winand & al (2013) se sont intéressés à l’innovation institutionnelle, en étudiant au sein des fédérations sportives la place de l’innovation et sa perception par leurs membres. Leur étude souligne le contexte concurrentiel dans lequel évoluent les fédérations, face aux acteurs privés qui investissent massivement l’offre des pratiques sportives, ce qui fait de l’innovation un enjeu fort pour être attractif et fidéliser les licenciés. L’étude, réalisée sous forme de questionnaire auprès d’une centaine de fédérations belges, souligne une perception favorable de l’innovation chez les membres des fédérations ; membres qui ne sont souvent pas pratiquants du sport en question. Enfin, l’étude souligne le rôle-clé de certains membres,qualifiés d'”innovation champions” : il s’agit d’employés techniques ou sportifs, qui sont souvent les premiers à porter ou développer des innovations au sein des fédérations.
Etudier une nouveauté institutionnelle et pratique, l’escalade olympique, sous la focale sociologique des innovations apparait donc comme une démarche originale qui permet de saisir, en s’appuyant sur la sociologie de l’innovation, comment cette nouvelle forme de compétition est parvenue à s’imposer socialement au sein de l’escalade, en étudiant – à l’instar d’une innovation technique – différents éléments :
• Les acteurs-clés (approche classique ou Lead User Theory) ;
• Le contexte social, culturel et historique (approche diffusionniste) ;
• Les réseaux d’acteurs structurés autour de cet objet (sociologie de l’acteur-réseau).

Problématique

Présentée par la FFME comme un aboutissement, une suite logique dans le développement de l’activité, l’intégration de l’escalade au programme des JO n’en suscite pas moins une vive controverse au sein du milieu de l’escalade. L’étude de ces « processus de dispute » (Lemieux, 2007) est à envisager comme une épreuve, dans le sens où la situation conduit les acteurs à refonder l’ordre social qui les lie entre eux : il s’agit donc de s’intéresser à leur dimension instituante, c’est-à-dire ce qui est engendré par la controverse. L’objectif de ce travail sera alors de proposer une cartographie de la controverse sur l’olympisation de l’escalade en France, afin d’expliciter et comprendre la dynamique de celle-ci, en étudiant le positionnement des différents acteurs-clés sur le sujet. De par le rôle institutionnel majeur de la FFME dans ce processus, il semble pertinent de s’intéresser prioritairement aux acteurs institutionnels ou travaillant avec la fédération (athlètes de haut-niveau, journalistes, etc.).
Au sein d’une controverse, on retrouve chez les acteurs un « agir stratégique » (actions menées pour avoir gain de cause) et un « agir communicationnel » (actions de communication pour convaincre) (Habermas, 1984). Afin de dépasser ce dualisme, Lemieux (ibid) propose une analyse feuilletée de la controverse, où celle-ci est étudiée à différentes étapes temporelles, en conservant l’incertitude constitutive à chaque moment, ce qui rejoint le « présentisme méthodologique » de la sociologie pragmatique (Barthe & al, 2013). Il s’agit donc de prendre au sérieux le discours des acteurs et de l’analyser conjointement de leur réflexivité, en confrontant l’étude du processus historique d’olympisation de l’escalade au discours des acteurs qui y sont impliqués.
Toutefois, une controverse suppose une homogénéité des acteurs impliqués, ayant tous une bonne connaissance du sujet (Chateauraynaud, 2007) : peut-on alors réellement qualifier de controverse l’intégration de l’escalade au programme des JO de 2020 ? Doit-on plutôt parler de débat, de dispute ou de polémique ?
De plus, nous nous appuyons sur les apports de la sociologie de l’innovation afin d’étudier le processus innovant d’olympisation de l’escalade : comment la discipline, que tout sépare à l’origine de l’olympisme, est-elle entrée en conformité avec les exigences olympiques ? Pour cela, nous nous intéresserons aux acteurs-clés de ce processus, au contexte socio-culturel ainsi qu’aux réseaux d’acteurs ayant participé au succès de cette innovation.
A un premier niveau, nous pouvons nous demander comment les acteurs ont-ils perçu, accepté et réagi face à cette nouvelle pratique. Il s’agit d’étudier conjointement les jeux d’arguments et les jeux d’acteurs qui émergent (Chateauraynaud, 2007). Comment les acteurs impliqués dans la controverse sur l’escalade olympique se positionnent sur le sujet, et quel discours emploient-ils ? Quelle portée ont ensuite ces discours dans l’espace social, dont la dépendance est forte vis-à-vis du contexte dans lequel ils sont énoncés ?
Les médias représentent un espace d’expression privilégié pour des acteurs engagés dans une controverse, puisqu’ils peuvent se positionner et exposer leurs arguments afin de convaincre un grand nombre de personnes. Pour notre sujet, leur étude permet – qu’ils s’agissent de médias spécialisés ou généralistes, en format papier ou numérique – d’identifier un certain nombre d’acteurs-clés du processus d’olympisation de l’escalade, ainsi que d’analyser les arguments déployés, et les effets qu’ils produisent.

Sources écrites

Le corpus de sources écrites que nous avons analysé comporte deux-cent sources issues de seize titres différents (vingt si on distingue les différents titres de presses successifs édités par la FFME). Nous avons dégagé au total soixante-six articles portant sur l’escalade et l’olympisme.
En ce qui concerne les titres de la presse spécialisée en escalade, nous nous sommes appuyés sur le magazine Grimper, avec l’étude de quatre-vingt-neuf numéros de janvier 2000 à décembre 2017, dont nous avons relevé dix-huit articles en lien avec notre sujet ; et le magazine gratuit Escaladmag, avec un corpus de vingt-six numéros de janvier 2008 à mai 2013, dont nous avons tiré trois articles en lien avec notre sujet.
Nous avons également analysé les titres de presse de la FFME : le magazine Direct’Cimes, duquel nous avons extrait vingt-cinq articles portant sur l’olympisme et l’escalade parmi cinquante-quatre numéros de janvier 2000 à octobre 2013 ; le magazine en ligne I-Mag, qui comportait quatorze articles sur notre sujet parmi les onze numéros édités de juillet 2014 à décembre 2016 ; et enfin les dix-huit reportages GrandeVoix10, édités depuis 2017, où quatre d’entre eux évoquait l’escalade olympique.
Enfin, nous avons analysé les titres de la presse générale (régionale et nationale) et sportive (non-spécialisée) via le moteur de recherche Europresse. A l’aide d’une recherche par mots-clés (qui associait « Escalade » avec « Olympique », « Olympisme », ou « CIO »), nous avons identifié seize articles portant sur notre sujet, au sein de titres régionaux (comme La Voix du Nord), nationaux (comme La Croix), et sportifs non-spécialisés (comme l’Equipe).
L’ensemble de ces sources écrites a conduit à une double-analyse : à un premier niveau étaient relevés tous les éléments factuels (réunions, évènements, changement de règlement, etc.) liés au processus d’olympisation de l’escalade. A un second niveau, l’analyse a consisté à identifier les auteurs de chacune de ces sources, et d’analyser leur point de vue, l’argumentaire mobilisé, et les réseaux dans lesquels ils s’inscrivaient.

Sources orales

Suite à l’analyse des sources écrites, nous avons mené cinq entretiens semi-directifs avec des acteurs-clés de l’olympisation de l’escalade, qui sont apparus particulièrement important à partir de cette première analyse, de par leur prise de position sur le sujet de l’escalade olympique et/ou par leur implication concrète sur le dossier olympique. Pour respecter leur anonymat, les prénoms ont été modifiés.
Georges est un ancien directeur sportif de la FFE puis de la FFME. Il est membre aujourd’hui de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT). Son opinion politique sur la gouvernance de la FFME est opposée à celle de la liste actuellement au pouvoir : il défend l’équipement des sites naturels comme un axe fondamental, et déplore la focalisation excessive sur les compétitions, le haut-niveau et l’olympisme.
Camille est une ancienne grimpeuse de haut-niveau dans les trois disciplines (bloc, difficulté et vitesse), en équipe de France dans les années 1990, revenue dans à partir de 2005 suite à un congé maternité. Passée par le conseil d’administration de la FFME en 2012-2013, dans la liste de P. You (le président actuel), elle est aujourd’hui entraineur de l’équipe de France de difficulté.
Jean-Marie est le Directeur Technique National (DTN) de la FFME, en poste depuis 1998 ; il fut également entraineur de l’équipe de France de 1993 à 1998, et est politiquement proche de P. You (le président de la FFME) depuis ses débuts au sein de la fédération.
Charles est le speaker officiel de la FFME sur les compétitions nationales et internationales d’escalade en France depuis l’an 2000 ; très proche des athlètes, il est également en relation étroite avec les membres de la direction fédérale.
Jean est un ancien grimpeur de haut-niveau en bloc, et également ancien représentant des athlètes au sein de l’IFSC. Il travaille désormais au sein de la fédération internationale sur le dossier olympique.
Ces sources orales regroupent donc des acteurs impliqués directement sur le dossier olympique dans les plus hautes sphères fédérales (Jean et Jean-Marie), des acteurs proches de la direction fédérale mais non-impliqués dans le dossier (Camille et Charles), et un acteur présent dès les débuts de la FFME, qui a suivi l’évolution du dossier olympique et qui porte un regard davantage critique sur la course à l’olympisme (Georges). L’analyse de ces entretiens s’est déroulé grâce à une grille d’entretien (disponible en annexe).

Analyse des sources

Dans une perspective sociologique pragmatique, où nous souhaitons exclure de l’analyse tout cadre structurant préétabli, nous avons analysé les sources en partant directement du discours des acteurs. En recoupant les discours des différents acteurs, issus d’une pluralité de sources, nous avons pu retracer de manière factuelle le processus d’olympisation de l’escalade, en classant les informations relevées par période temporelle.
Pour étudier la controverse sur le sujet, et sa dimension innovante, nous avons ensuite cherché à réaliser une analyse conjointe (Chateauraynaud, 2007) du discours des acteurs, confronté à leurs actes. Cela nous a permis de comprendre la trajectoire des arguments mobilisés dans la controverse, et comment cette épreuve a été accepté socialement par le milieu de l’escalade.
Pour l’étude de la controverse, nous avons classé les discours des acteurs à la fois d’un point de vue temporel, et également en fonction de leurs discours et du registre argumentatif mobilisé.
Pour l’étude du processus d’innovation, nous avons classé les informations et les discours identifiés dans nos sources selon trois catégories principales : ce qui apportait des éléments sur le contexte (social, historique et /ou culturel) ; les acteurs porteurs de l’escalade olympique et leur discours ; les éléments relatifs aux associations entre actants autour de l’escalade olympique.

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Table des matières

Remerciements 
Sommaire 
Introduction 
I. Cadre Général
1. L’Escalade et son rapport ambigu au monde compétitif
2. L’olympisme, entre rêve et cauchemar
3. Conclusion Cadre Général
II. Cadre Théorique
1. Une sociologie pragmatique
2. Les processus conflictuels
3. L’innovation
III. Problématique 
IV. Méthodologie
1. Choix méthodologiques
2. Sources écrites
3. Sources orales
4. Analyse des sources
V. Résultats et discussion 
1. Le processus d’olympisation de l’escalade
2. L’escalade olympique : une évolution controversée ?
3. L’innovation olympique en escalade
VI. Conclusion
Bibliographie
Table des abréviations
Table des matières 

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