L’officialisation de la langue tamazight

L’officialisation de la langue tamazight

Introduction Générale

Les locuteurs et les acteurs sociaux développent, à chaque situation, des images et des représentations dont dépendent souvent leur positionnement face aux langues mais aussi leur usage de celles-ci.
Ces connaissances nous permettent ainsi de saisir ce que pensent les locuteurs à propos des langues. Elles sont socialement élaborées et partagée, elles sont donc, de fait, révélatrices des rôles et des places des langues au sien des sociétés ?
Ces représentations sont « des formes de connaissances socialement élaborées, partagées, synthétiques et efficaces, dont les fonctions interprétatives et dont la lisibilité prennent corps (notamment) dans les discours … ». (D. JODELET 1989.P. 36). Elles sont socialement élaborées et partagées ; elles sont donc ; de fait révélatrices ; de fait des rôles et des places des langues au sein des sociétés.
Qu’en est-il du cas des langues en Algérie ? Il ne s’agit pas, encore une fois, de revisiter les représentations des locuteurs algériens face aux langues d’Algérie, nous voulons plutôt voir s’il pouvait y avoir changement, ou effet sur ces représentations, après changement dans les statuts officiels de ces langues. Le but est donc davantage d’interroger le cas de la langue tamazight, face à l’arabe et au français, après sa consécration en tant que langue officielle en Algérie.
La notion de « représentation » sociale renvoie aux produits et aux processus caractérisant la pensée de sens commun, forme de pensée pratique, socialement élaborée marquée par un style et un logique propre, et partagée par les membres d’un même ensemble social culturel. (ibid. P.36).
Les études portant sur les représentations sont considérées comme assez récentes, comme un nouveau chantier, un nouveau domaine d’investigation. La linguistique a en effet ajouté, voici quelques années, à l’étude des pratiques et des formes celle d’un domaine jusque-là négligé : ce que les locuteurs disent, pensent des langues qu’ils parlent et de celles que parlent les autres. (IPIDp. 07).
Depuis l’indépendance, l’Etat algérien a promulgué des lois sur l’arabisation. Des lois dont l’objectif est de donner à l’arabe classique une légitimité et un statut de langue nationale et officielle dans divers domaines d’utilisation, notamment l’enseignement supérieur qui est l’épine dorsale du développement du pays.

Hypothèses

Partant de l’idée qu’un changement de statut donnerait l’occasion à plus de prestige à une langue, l’officialisation de tamazight mettra celle-ci plus en avant et sera plus positivement marquée dans le discours des locuteurs. Les autres langues, le français et l’arabe principalement, pourraient voir leur prestige reculer et leurs rôles moins essentiels.

Corpus et méthode d’approche

Le travail consiste à tenter de saisir les représentations des locuteurs face aux langues d’Algérie, principalement le tamazight, en focalisant sur les derniers changements survenus dans le statut de la langue amazighe en Algérie.
L’idée est de questionner des locuteurs, à travers une enquête, afin de saisir, entre autres, ce qu’ils pensent de ces langues, leurs usages de celles-ci. Une deuxième batterie de questions tentera ensuite de déterminer si le changement de statut affecte d’une quelconque manière ces usages et ces représentations.

La communauté linguistique

Dans une société, il n’existe pas un locuteur unique qui parle une langue particulière, mais plutôt un groupe de locuteurs qui partagent la même langue ou les mêmes traditions.
C’est qu’on appelle la communauté linguistique. Pour BLOOMFIELD : « une communauté
linguistique est un groupe de gens qui agit au moyen du discours. » BLOOMFIELD L., 1966).
Dans une autre coté, nous pouvons trouver aussi des locuteurs d’une même communauté linguistique qui ne se comprennent pas entre eux. C’est ce que confirme LOUIS JEAN CALVET : « les membres d’une communauté linguistique peuvent parler de manière semblable que chacun peut comprendre l’autre ou peut se différencier au point que des personne de région voisines peuvent ne pas arriver à se comprendre les unes des autres. » (LOUIS JEAN CALVET 1966, p 45 .54).
A ce propos, nous pouvons dire que c’est la langue qui détermine la communauté, c’est ce qu’affirme WILLIAM LABOV pour qui la la communauté linguistique n’est pas seulement vue « comme un ensemble de locuteurs employant les mêmes formes ». Mais plutôt comme « un groupe qui partage les mêmes normes quant a la langue ». (W.LABOV 1976 p 338).

 Le statut linguistique

Selon CALVET le statut d’une langue est la position d’une langue dans la hiérarchie linguistique d’une communauté linguistique, cette position étant liée aux fonctions remplie par la langue, et à la valeur sociale relative conférée à ses fonctions « exemple la langue de la religion sera très valorisée dans une théocratie ». Le statut d’une langue c’est la place qu’occupe celui dans la vie sociale, on lui établit une hiérarchisation, une classification, un enchatonnement en d’autres termes la stratification des langues, les catégories de statuts le plus souvent utilisées sont celle de langue officiel et de la langue national. (LOUIS JEAN CALVET P 1987 P.157).

 Les politiques linguistiques en Algérie

Dans cette optique, nous tenons à présenter la politique coloniale de la France et la stratégie arabisante pour mettre en relief le statut de la langue française à certaines époques et dans l’administration algérienne.

La politique linguistique française de l’Algérie colonisée

Dès les premières années de la conquête de l’Algérie, le pouvoir politique français, soucieux d’une idéologie politique et économique, a entrepris une démarche d’acculturation qui consiste à déraciner les autochtones de leurs traditions et de leurs langues. A ce propos KHAOULA TALEB IBRAHIMI décrit que « je regarde la propagation de l’instruction et de notre langue comme le moyen le plus efficace de faire des progrès à notre domination dans ce pays… » (1995, 2ème EDITION, 1997).
En 1962, tout le pays fonctionne en français, enseignement, administration, environnement, secteurs économiques… La langue arabe classique n’est connue que par une minorité qui l’a apprise dans les écoles coraniques, elle avait perdu sa place de langue écrite de la société du fait de la colonisation Les gouvernements algériens après l’indépendance en met à la place de la langue française la langue arabe, non pas la langue parlée, mais la langue arabe standard issue de l’arabe coranique, ce fut l’objet de la politique d’arabisation. (G.GRANDGUILLAUME 2008).

 L’’arabe algérien

Cette langue est considérée comme dialecte car, pour certains, elle ne peut pas véhiculer les sciences ou être enseignée à l’école. Les textes officiels ne la mentionnèrent nullement et n’en font aucune référence. Malgré un certains discours qui fait d’elle une ‟sous-langue” elle est la langue maternelle de la grande majorité des Algériens.
Elle est caractérisée pas ses différentes variétés linguistique tels que l’oranais l’algérois … qui ne posent aucun problème pour l’intercompréhension. L’importance de cette langue peut être expliquée par la vie socioculturelle où elle joue le rôle de langue de la communication quotidienne et de la production culturelle et artistique. Elle est utilisée dans les films, pièces de théâtre, la chanson … « L’arabe dialectal est la langue maternelle de 72 % de la population algérienne». (J. LECLERC 24 février 2007).
Il est le véritable instrument de communication pour la majorité des locuteurs algériens, c’est la langue du quotidien, et de leur première socialisation. Sans tradition scripturale, cette langue vit et évolue au sein de la population qui en fait usage d’où l’appellation arabe populaire. Elle est utilisée dans les lieux publiques : la rue, les cafés, les stades… Elle est employée dans des situations de communications informelles, intimes : en famille, entre amis etc.

 L’insécurité linguistique

Le concept d’insécurité linguistique est le sujet d’étude de la sociolinguistique ainsi que d’autres disciplines qui essayent de mieux définir, cette réalité polymorphe et ambigu, largement liée aux notions fondamentales en sociolinguistique.
Aussi WILLIAM LABOV, est amené à constater lors de son étude de la situation à New York, où il met en relief le sentiment d’insécurité linguistique et les spécifies des paroles de la petite bourgeoisie il observe que :
Les locuteurs de la petite bourgeoisie sont particulièrement enclins à l’insécurité linguistique, d’où il s’ensuit que, même âgés, ils adoptent de préférence les formes de prestige usitées par les membres plus jeunes de la classe dominante. Cette insécurité linguistique se traduit chez eux très large variation stylistique, par de profonds fluctuations au sein d’un contexte donné ; par un effort conscient de correction ; enfin par des réactions fortement négatives envers la façon de parler dont ils ont hérité. (WILLIAM LABOV 1976, p 183).

 L’hypercorrection

L’insécurité linguistique se traduit aussi bien en situation unilingue qu’en situation de plurilinguisme, cela est lié à des enjeux sociaux tant elle participe à de nombreuse catégorisation (social, géographique, professionnelle…). Une prononciation peut être jugée prestigieuse ou non, d’autres aspects phonétiques ou lexicaux seront considérés comme sabotés en d’autres termes certains locuteurs en situation d’insécurité linguistique et dans leurs pratiques d’hypercorrections, vont chercher à « concilier un idéal de langue et une langue et une langue idéale » (G.LEDEGEN 2000).

Conclusion générale

Notre présente recherche s’est portée sur les représentations des locuteurs de la wilaya de Bejaia à l’égard des langues en présence dans leurs régions après le changement qui s’est; opéré dans le statut de l’une de ces langues, à savoir, le tamazight.
Tenant compte de ce changement, nous avons essayé de vérifier, à travers le discours épilinguistique tenu par ces derniers, si celui-ci a eu des incidences sur leurs représentations et leurs attitudes, et partant, et si ces dernières ont des incidences sur leurs comportements socio-langagiers.
A cet effet, nous nous sommes rapprochées de ces locuteurs, à travers une enquête, pour saisir leurs discours (notre questionnaire renferme des questions ouvertes). Notre motivation était de saisir leurs représentations et leurs comportements que nous avons voulu expliquer en le confrontant à ce qu’ils disent à propos des statuts de ces langues.
Nous avons constaté à travers l’analyse des réponses à un questionnaire, le rôle important et même indispensable dont jouit la langue tamazight dans la société berbérophone et cela par rapport à son utilisation massive par les locuteurs berbérophone. Cependant, il existe une divergence dans les réponses de nos enquêtés par rapport au statut de la langue arabe et de la langue française ne serait-ce qu’au niveau du taux de sa présence dans l’univers quotidien. Ainsi, la majorité des enquêtés déclarent que la langue tamazight est leur langue maternelle. Pour un fort pourcentage, ce sont ceux-là (les Kabylophone) qui voient en cette langue une langue de prestige qui peut s’utiliser au même degré que l’arabe et le français.
D’un autre coté, notre étude nous a mené à des interrogations à propos des langues en présence, et qui se résument en trois axes : d’abord, une contextualisation sociale et historique de notre étude. Puis, nous nous sommes attelées à la description des statuts des langues en Algérie depuis l’indépendance à nos jours.
L’indépendance de l’Algérie a été suivie par une politique linguistique qui s’inscrit du côté de l’arabisation. Mais cette politique va connaitre des développements, et même des bouleversements dans le sens où l’état de monolinguisme consacré avec cette arabisation à l’indépendance a cédé la place à un plurilinguisme plus en adéquation avec les attentes de la société.
Nous avons déduit que les rapports qu’ils entretiennent avec les langues en présence, sont établis d’une manière différente, bien que les valeurs attribuées pour les deux langues (tamazight/ français) n’est pas identique avec celle attribuée à l’arabe.

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Table des matières

Introduction 
Problématique
Hypothèses
Corpus et méthode d’approche
Chapitre I Aspects théoriques et situation politico-linguistique en Algérie
1- Concepts théoriques 
1.1 La communauté linguistique
1.2 La politique linguistique
1.3 Le marché linguistique
1.4 Le statut linguistique
2- La situation politico-linguistique en Algérie
2-1 L’Algérie est un pays plurilingue
2-1-1 Historique
2-1-2 De plurilinguisme au conflit linguistique
2-1-3 Politiques, planification et aménagement linguistique
2-2 Les Langues et a politique linguistique en Algérie
2-2-1 La coexistence des langues (français, arabe et tamazight) en Algérie
2-2-2 Les politiques linguistiques en Algérie
2-2-3- Les politiques linguistiques française de l’Algérie colonisée
2-2-4 La politique d’arabisation de l’Algérie indépendante
3- Statut des langues dans la politique linguistique en Algérie
3-1 Les langues nationales
3-1-1 La langue arabe
3-1-2 L’arabe classique
3-1-3 L’’arabe algérien
3-2 La langue Tamazight (berbère)
3-2-1 Statut de la langue tamazight (berbère)
4- Le Français
4-1 Le statut de la langue française dans l’administration de l’Algérie colonisée
4-2 Le statut de la langue française dans l’administration de l’Algérie indépendante

Conclusion
Chapitre II
Représentations et attitudes face aux langues
Introduction
1- Sécurité / L’insécurité linguistique
1-2 L’insécurité linguistique
1-3 L’hypercorrection
1-4 Les types d’insécurité linguistique
a- L’insécurité formelle
b- L’insécurité identitaire
c- L’insécurité statutaire
2- Les attitudes et les représentations
2-1 Les attitudes linguistiques
2-1-1 Les stéréotypes
2-1-2 Les comportements langagiers
2-2 Les représentations
2-2-1 Les représentations linguistique
2-2-2 Les représentations sociales
2-2-3 Le discours épilinguitique
2-2-4 La norme
2-3 Distinction entre représentation et attitude
Conclusion
Chapitre III : Méthodologie et résultats de l’enquête
Introduction
1- Protocole d’enquête
1-1-1 Les questions fermées
1-1-2 Les questions ouvertes
2- Analyse des résultats
2-1- Parties de questionnaire
2-1-1 Identification de l’enquête
2-1-2 Attitude linguistique
2-1-3 Usages des langues
2 1-4 Politiques linguistiques
3- Le choix de la population et présentation de l’échantillon
1- Pré enquête
3-1 L’enquête effectuée
3-1-1 difficultés rencontrées
3-2 Carte des points d’enquête
2- Les langues préférées à parler le plus
3- Scolarisation en (étude de) tamazight selon les variables sexe et âge
4- Langue maternelle comme prédominance dans les représentations de la langue
berbère
5- L’officialisation de la langue tamazight
6- Les langues par ordre de préférence dans une région kabylophone
7- Les conséquences de l’officialisation de tamazight selon les variables sexe et âges
Conclusion
Conclusion générale

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