L’océan mondial à l’heure de l’Anthropocène

L’océan mondial à l’heure de l’Anthropocène 

De l’importance de l’océan mondial

L’océan mondial couvre 70.8 % de la surface de la Terre, soit 361 millions de km², pour un volume évalué à 1332 millions de km3 . Il représente respectivement 97 et 99 % de l’hydrosphère et des espaces de vie disponibles sur Terre en volume, et produisent, grâce au phytoplancton, 50 à 85 % de l’oxygène disponible sur notre planète. Plus de trois milliards de personnes dépendent directement ou indirectement des océans et de la biodiversité marine qui s’y développe pour subvenir à leurs besoins. La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime que la pêche et l’aquaculture assurent la subsistance de 10 à 12 % de la population mondiale. Selon Selig et al. (2018), 775 millions de personnes sont dépendantes des écosystèmes marins pour des raisons économiques, de sécurité alimentaire ou encore de protection côtière. Parmi ces 775 millions de personnes, 525 millions le sont pour des raisons nutritives. En 2016, la production halieutique globale, pêche et aquaculture confondues, a atteint une valeur record d’environ 171 millions de tonnes et a généré plus de 362 milliards de dollars américains à la première vente (FAO, 2018d). Au niveau mondiale, la part de la production halieutique destinée à la consommation humaine directe a considérablement augmenté en quelques décennies et est aujourd’hui d’environ 88 %,soit 151 millions de tonnes, le reste (20 millions de tonnes) étant principalement réduit en farine et en huile et utilisé pour les élevages aquacoles et agricoles (FAO, 2018a). Toujours selon la FAO, environ 3.2 milliards de personnes dépendaient en 2016 du poisson (d’origine marine et continentale) comme source de protéine animale. Autrement dit, le poisson représentait au moins 20 % de leur apport moyen en protéines animales. En outre, les ressources halieutiques représentent environ 17 % des protéines animales consommées par la population mondiale. La demande en protéines animales d’origine aquatique n’a cessé de croitre depuis 1961 et l’augmentation annuelle moyenne de la consommation de produits halieutiques (3.2 %) a dépassé non seulement la croissance démographique (1.6 %) mais également la croissance de la consommation de l’ensemble des produits d’origine terrestre (2.8 %) sur la période 1961-2016. Bien qu’une forte disparité géographique existe, la consommation de poisson par personne et par an atteint aujourd’hui en moyenne 20.5 kg. Elle était d’environ 9 kg en 1961. La gestion de la pêche et de l’accès aux ressources halieutiques relève donc d’un enjeu de sécurité alimentaire mondiale, particulièrement pour les pays les plus pauvres pour lesquels les produits halieutiques sont parfois la seule source de protéines animales. Parallèlement à son importance pour la consommation humaine, l’activité de pêche joue également un rôle social et économique majeur. Les statistiques officielles font état de 40.3 millions de personnes engagées totalement, partiellement ou occasionnellement dans le secteur primaire des captures de pêche, 19.3 millions dans l’aquaculture. Les ressources halieutiques comptent parmi les produits alimentaires les plus échangées dans le monde. En 2016, près de 60 millions de tonnes (35 %) de poissons et d’autres produits aquacoles ont été exportées sur les marchés internationaux pour un montant de 143 milliards de dollars (FAO, 2018d). La pêche occupe ainsi une place importante, tant à travers son rôle économique et social qu’à travers la sécurité alimentaire qu’elle peut assurer pour de nombreuses populations.

Les services écosystémiques fournis par l’océan mondial ne se cantonnent pas aux services d’approvisionnement tels que l’activité de pêche. Ce ne sont donc pas 3 milliards mais 7.6 milliards de d’habitants qui dépendent en 2019 des océans pour leur bien-être. Selon le rapport d’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment, 2005), les services écosystémiques peuvent se décliner en trois autres types : les services de soutien (e.g. cycle des éléments et des nutriments), les services culturels (e.g. tourisme, bénéfices esthétiques et spirituels, loisirs) et les services de régulation (e.g. séquestration et stockage du carbone, prévention de l’érosion, traitement des eaux usées). L’océan mondial est ainsi responsable de l’absorption de plus d’un quart (>25 %) des émissions anthropiques de dioxyde de carbone émises au cours de la période industrielle (DeVries, 2014; Khatiwala et al., 2013; Le Quéré et al., 2018). En outre, en absorbant près de 93 % de la chaleur accumulée dans l’atmosphère, l’océan mondial joue un rôle majeur dans la régulation du climat (Gattuso et al., 2015; GIEC, 2014; Schuckmann et al., 2016). Il est également moteur des grands processus biogéochimiques à l’œuvre sur Terre (Rahmstorf, 2002). La valeur des services écosystémiques marins et côtiers est ainsi évaluée à plus de 20 900 milliards de dollars annuellement (Costanza et al., 2014). A titre de comparaison, le PIB (produit intérieur brut) des Etats-Unis a atteint 20 200 milliards de dollars en 2018. Néanmoins, en dépit des services écosystémiques rendus, parfois en raison des services écosystémiques rendus, l’océan mondial se dégrade sous l’influence grandissante du changement global.

À un océan mondial en danger

En 2050, la population mondiale devrait s’établir à 9.7 milliards d’habitants, nous étions 2.6 milliards en 1950, nous serons 11.2 milliards d’ici à 2100 (United Nations, Department of Economic and and Social Affairs, Population Division, 2017). Plus de 40 % de la population mondiale vit actuellement sur une bande côtière de moins de 100 km et ce pourcentage continue à progresser (Millennium Ecosystem Assessment, 2005). A mesure que la pression démographique et l’activité économique augmentent dans les zones côtières, les pressions anthropiques sur les écosystèmes marins s’accroissent et se cumulent (Butchart et al., 2010; Halpern et al., 2015; Minin et al., 2019). Nos activités affectent directement ou indirectement la quasi-totalité des océans et la biodiversité qui les occupent. Seul 13.2 % de l’océan mondial peut aujourd’hui encore être considéré comme à l’état “sauvage” (Jones et al., 2018). Pour autant, Halpern et al. (2015) ont calculé que 97.7 % des océans faisaient l’objet de multiples perturbations. Le changement global, à travers le changement climatique et des phénomènes massifs de pollution, d’invasion biologique, d’eutrophisation, de perte, de dégradation et/ou de fragmentation d’habitats, de surexploitation des ressources vivantes, tend à altérer le fonctionnement des écosystèmes et réduire les biens et services qu’ils fournissent (Barnosky et al., 2012; Cardinale et al., 2012; Halpern et al., 2015; Hammerschlag et al., 2019; IPCC, 2014; Parmesan and Yohe, 2003; Poloczanska et al., 2016; Smale et al., 2019; Vitousek et al., 1997; Wilcox et al., 2015; Worm et al., 2006). Les activités humaines sont en passe de mener à la 6ème grande crise d’extinction et ce à un rythme encore jamais observé au cours des 550 millions d’années passées (Barnosky et al., 2011; Davis et al., 2018; Dirzo et al., 2014; Dirzo and Raven, 2003; Godet and Devictor, 2018; Leakey and Lewin, 1996; Steffen et al., 2011). Le taux d’extinction des espèces est en effet aujourd’hui 100 à 1000 fois plus élevé qu’il ne l’était avant l’ère pré-humaine (Pimm et al., 1995). A titre d’exemple, Lotze & Worm (2009) ont calculé que les populations marines exploitées auraient décliné de 89 % par rapport à leurs niveaux d’abondance historiques. Au cours des 40 dernières années, l’abondance des poissons marins et de certaines espèces de baleine a respectivement diminué de 38 % et 80-90 % (McCauley et al., 2015). Toujours au cours des 40 dernières années, les vertébrés marins (poissons, oiseaux marins, tortues de mer, mammifères marins) ont, en moyenne, décliné en abondance de 22 % (McCauley et al., 2015). A une échelle d’avantage locale, Roff et al. (2018) ont montré qu’au cours des 55 dernières années, les captures par unité d’effort (CPUE) de trois espèces de requin (requin marteau, requin baleine et requin tigre) ont diminué de 74 à 92 % le long des côtes australiennes. Il s’agit bien sûr, pour les espèces marines, d’extinction le plus souvent d’origine commerciale (McCauley et al., 2015). Néanmoins, ces extinctions commerciales peuvent amener à des extinctions écologiques, l’abondance des espèces devenant insuffisante pour assurer leur rôle fonctionnel au sein des écosystèmes. Au cours des 150-300 dernières années, en zones côtières et estuariennes, les activités humaines, exploitation et dégradation d’habitats en tête, ont entrainé un épuisement rapide de plus de 90 % des espèces autrefois abondantes, ont détruit plus de 65 % des herbiers et des zones humides (35 % des zones humides ont été perdues entre 1970 et 2015), ont dégradé la qualité des eaux et ont accéléré les invasions biologiques (Lotze et al., 2006; Ramsar Convention on Wetlands, 2018). Au regard des zones humides, dont les services rendus bénéficient à plus d’un milliard d’êtres humains, leur disparition est 3 fois plus rapide que celle des forêts (Ramsar Convention on Wetlands, 2018). Dans 45 et 42 % des cas d’épuisement et d’extinction, les facteurs responsables n’agissent pas en isolation mais d’avantage en synergie où, très souvent, exploitation et perte d’habitats sont parties intégrantes du cocktail érosif de la biodiversité (Lotze et al., 2006).

A l’époque de l’Holocène (de 10 000 à 12 000 ans avant le présent) succède donc le temps de l’Anthropocène et de la “grande accélération” (Crutzen, 2002, 2006), période durant laquelle l’influence d’Homo sapienssur la biosphère a atteint un niveau tel, qu’elle est devenue une “force géologique” majeure, capable de rivaliser dans ses impacts sur le fonctionnement du système Terre avec les “grandes forces de la Nature” (Steffen et al., 2011). Ladite période débuterait en 1950, date à laquelle, un changement abrupt d’un ensemble d’indicateurs socio-économiques et écologiques est observé (e.g. population mondiale, utilisation de fertilisants, transport, urbanisation, tourisme ou encore dioxyde de carbone, acidification, captures de pêche, domestication des terres) (Steffen et al., 2015). Néanmoins, Yasuhara et al. (2012) estiment que la dégradation écologique des systèmes marins aurait commencé bien plus tôt, dès le 18ème siècle en Europe et en Amérique du nord et dès le 19 ème siècle en Asie. Selon ces auteurs, le 20ème siècle marque une accélération des processus de dégradation, ceci principalement après la seconde guerre mondiale, période de reprise et de croissance économique importante. Aucune zone de la planète ne semble échapper aux évolutions en cours et aux impacts anthropiques parfois cumulatifs (Halpern et al., 2008, 2015; Stock et al., 2018). Entre 2008 et 2013, Halpern et al. (2015) ont ainsi mis en évidence une augmentation de 66 % des impacts humains sur les océans, la plupart de ces impacts étant majoritairement lié aux effets du changement climatique. Selon ces mêmes auteurs, 5 % de l’océan mondial est fortement impacté par les activités humaines croissantes tandis que 10 %, seulement,semble peu impacté et bénéficie d’une réduction des pressions anthropiques.

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Table des matières

Chapitre 1. Introduction générale
1.1 L’océan mondial à l’heure de l’Anthropocène
1.1.1 De l’importance de l’océan mondial
1.1.2 À un océan mondial en danger
1.2 La mer Méditerranée, un point chaud de la biodiversité et du changement global
1.2.1 Biodiversité : Origines et caractéristiques
1.2.2 La Méditerranée proche du burn-out ?
1.3 La pêche, une activité millénaire en Méditerranée
1.3.1 Bref aperçu historique : le déplacement de la ligne de référence
1.3.2 État actuel des ressources exploitées
1.3.3 Impacts écosystémiques d’une activité millénaire
1.4 La Méditerranée sous l’influence du changement climatique
1.4.1 Profils représentatifs d’évolution de concentration et projections futures
1.4.2 Impacts “bottom-up” du changement climatique
1.4.3 Impacts du changement climatique sur les ressources marines
1.4.4 Changement climatique et pêcheries
1.5 L’Approche Écosystémique des Pêches
1.6 La modélisation, outils clé de l’approche écosystémique
1.7 Enjeux, problématiques et objectifs de la thèse
Chapitre 2. Catching the big picture of the Mediterranean Sea biodiversity with an end-to-end model of climate and fishing impacts
2.1 Introduction
2.2 Materials and Methods
2.2.1 The low trophic levels model NEMOMED 12 / Eco3M-S
2.2.2 The high trophic levels model OSMOSE
2.2.3 Parameterization of OSMOSE-MED
2.2.4 Modelling high trophic level species distribution
2.2.5 Calibration of the end-to-end model OSMOSE-MED
2.2.6 Evaluation of OSMOSE-MED outputs with independent data
2.3 Results and discussion
2.3.1 Calibration
2.3.2 Confronting OSMOSE-MED to observations and current knowledge
2.3.3 Emerging spatial patterns
2.4 Conclusion and perspectives
2.4.1 The OSMOSE-MED challenge
2.4.2 Limitations of the model
2.4.3 Potential uses of OSMOSE-MED
Chapitre 3. An End-to-End model reveals losers and winners in a warming Mediterranean Sea
3.1 Introduction
3.2 Materials and Methods
3.2.1 General structure of the end-to-end modelling chain
3.2.2 The regional biogeochemistry model Eco3M-S
3.2.3 The high trophic level model OSMOSE
3.2.4 Implementation of the future scenario
3.3 Results
3.3.1 Current and future environmental conditions
3.3.2 Current and future plankton productivity
3.3.3 Current and future species geographic distribution
3.3.4 Projected changes in biomass of the high trophic level species
3.3.5 Projected changes in size structure
3.3.6 Projected changes in trophic indicators
3.3.7 Projected changes of catch
3.4 Discussion
3.4.1 Advances, limits and perspectives
3.4.2 Structure and functioning of the Mediterranean Sea ecosystem under climate change
3.5 Conclusion
Chapitre 4. Rebuilding Mediterranean marine resources under climate change
4.1 Introduction
4.2 Materials and methods
4.2.1 The End-to-End modelling chain
4.2.2 Fishing scenarios and simulation design
4.2.3 Indicators of ecosystem structure and functioning
4.3 Results
4.3.1 Projected changes in biomass and catch
4.3.2 Projected changes in trophic indicators
4.3.3 Projected changes in size-based indicators
4.3.4 Multivariate analysis of fishing and climate change scenarios
4.4 Discussion
Chapitre 5. Conclusion

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