L’ivraie : les risques pour la santé, l’impact socio-économique

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Le véganisme ou végétalisme intégral

Dans « Médecine des Maladies métaboliques » le Professeur J.L Schlienger donne une définition du régime alimentaire qui précise bien le rôle important de l’environnement sous toutes ses formes : « Un modèle alimentaire est un système élaboré à partir d’un ensemble de règles, de choix et de pratiques d’ordre technique, social et symbolique, accumulés de génération en génération et partagés par un groupe d’individus. Il incarne l’identité et les valeurs d’une société et des individus qui la composent. Les modèles alimentaires varient à travers l’espace et le temps. Leur élaboration progressive dépend, d’une part, de la maîtrise de la production et de la transformation alimentaire et, d’autre part, de traditions culturelles et de l’organisation sociale. Au service d’un acte alimentaire vital destiné à satisfaire les besoins en énergie et en nutriments afin de maintenir la meilleure santé possible, les régimes sont aussi un trait identitaire fort et évolutif. Leur diversité témoigne de la grande malléabilité des mécanismes biologiques et physiologiques de l’homme omnivore. »
Cette définition permet d’appréhender des notions non évidentes au premier abord lorsque l’on parle de régime alimentaire, mais non négligeables et nécessaires à une bonne compréhension des us et coutumes alimentaires en général et des véganes en particulier.
Le véganisme semble se présenter avant tout comme un engagement à ne pas œuvrer à l’assujettissement, aux mauvais traitements et à la mise à mort d’êtres sensibles. Les véganes s’efforcent ainsi d’éviter tout produit, tout service et toute activité impliquant l’exploitation d’animaux quels qu’ils soient.
Ce qui fait la distinction avec le végétalisme qui consiste à ne pas consommer de nourriture animale pour des raisons qui peuvent être multiples, sans avoir pour point de départ cet engagement (comme des raisons sanitaires ou de goût…). On peut donc être végétalien sans être végane, mais non l’inverse.
En rejetant l’exploitation animale, le véganisme se positionne comme un acte politique qui implique de renoncer à de nombreuses habitudes de consommation, pas seulement alimentaires. Il en est ainsi de nombreux produits d’utilisation courante comme le cuir, la laine, des produits cosmétiques ainsi que certains traitements médicamenteux dont les vaccins et la contraception… Tout ce qui a potentiellement nécessité l’exploitation animale pour l’élaboration ou le test.
Les produits issus d’animaux et de l’exploitation animale étant exclus, ne reste plus dans l’alimentation que les produits cultivés : légumes, fruits, oléagineux, légumineuses et graines. Limitant de fait les sources d’iode, de calcium, vit B12, zinc, acides gras oméga 3, protéines, fer, vit D… Or l’homme, omnivore, s’adapte… jusqu’à un certain point (1).

Approche historique et évolution

On trouve déjà mention au IVe siècle avant J.C. chez certains philosophes grecs tels que Platon et Pythagore, de l’exclusion des produits animaux de l’alimentation, légitimée par des raisons éthiques et spirituelles.
De tout temps certains humains ont, pour des raisons diverses tenté d’éviter la chair animale, souvent dans un souci de « pureté ».
Alors que beaucoup de religions préconisent la non-violence face aux êtres vivants, certains interprètent l’interdiction biblique de consommation de sang, dans le sens d’une abstention de viande, voire de tout aliment d’origine animale.
L’église catholique, qui désapprouve le mauvais traitement fait aux animaux, n’a jamais réellement prôné d’interdit alimentaire permanent.
Et même si la question de la souffrance animale a toujours fait réfléchir les hommes, les épisodes de famines successifs n’invitaient guère à faire régime.
Cependant, la question ne s’éteint pas au fil des siècles et s’il est peu fait mention de groupes d’adeptes, le thème est récurrent.
En France l’œuvre de l’écrivain et philosophe Voltaire en fera écho dès 1762. Il écrira alors sous la relative indifférence des critiques : « Il ne leur manque que la parole ; s’ils l’avaient, oserions-nous les tuer et les manger ? Oserions-nous commettre ces fratricides ? Il n’est que trop certain que ce carnage dégoûtant, étalé sans cesse dans nos boucheries et dans nos cuisines ne nous paraît pas un mal, au contraire, nous regardons cette horreur, souvent pestilentielle, comme une bénédiction du Seigneur et nous avons encore des prières dans lesquelles on le remercie de ces meurtres. Qu’y a-t-il de plus abominable que de se nourrir continuellement de cadavres ? ».
Cependant nous connaissons ses goûts mais pas sa diète, et tout porte à croire qu’il était ambivalent (7). L’exemple de Voltaire nous permet d’admettre qu’en matière de véganisme, l’idée précède l’acte, la conviction précède l’adoption du régime.
La création d’abattoirs en périphérie des villes a permis en France au XIXe siècle d’invisibiliser la mise à mort des animaux. Cela a pu contribuer à élever les seuils de sensibilité rendant les populations urbaines plus sensibles à l’abattage des animaux. De même que l’éloignement des lieux d’élevage favorise une déconnexion entre animal et viande dans les représentations des populations urbaines. Il est possible que ceci augmente le risque de survenue d’un choc de type « meat insight » et, par conséquent un rejet de la viande (8).
Peu à peu naîtront des sociétés végétariennes, puis le mouvement vegan, en Angleterre puis aux USA.
C’est en Angleterre au XIX e siècle que le terme végétarien serait apparu. Auparavant la pratique était appelée abstinence, diète végétale, régime pythagoricien ou encore xérophagie. La Vegetarian Society a été fondée en 1944 par le britannique Donald Watson professeur de menuiserie. Ses membres ont rapidement été en désaccord car les conditions structurelles et individuelles qui déterminent cet engagement donnaient déjà lieu à des variations de pratiques et à des conflits au sein même des adeptes du mouvement. La différence fondamentale entre végétalisme (en tant que mode d’alimentation) et un mode de vie incluant le végétalisme mais ne se limitant pas à cela fût débattue, causant le clivage de ses membres. Donald Watson inventa la même année le terme VEGAN qui est formé des 3 premières et des 2 dernières lettres du mot vegetarian et faisait référence au mode de vie engagé « car le véganisme commence avec le végétalisme et le porte à sa conclusion logique ». La Vegan Society est fondée en 1950. Celle-ci met la lumière sur cet ensemble de pratiques issues du principe d’émancipation des animaux de l’exploitation humaine et accorde une place centrale à l’abolitionnisme. Elle marque le début du véganisme tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Le discours intègre alors des revendications de protection de la planète, d’humanisme, de justice et de progrès. Au cours des « carrières » végétariennes et véganes, les raisons évoluent et s’additionnent (6).
Au fil du temps, les arguments moraux s’affirment, comme l’antispécisme et l’anticarnisme, l’émergence des droits des animaux, l’attribution à ceux-ci du statut d’êtres sentients (8).
Le concept de sentience est central car un être sentient ressent la douleur, le plaisir, et diverses émotions ; ce qui lui arrive lui importe. Ce fait lui confère une perspective sur sa propre vie, des intérêts (à éviter la souffrance, à vivre une vie satisfaisante, etc.), et bien sûr des droits (à la vie, au respect). Ces intérêts et ces droits impliquent l’existence de devoirs moraux de notre part envers les autres êtres sentients.
En 1975, le philosophe utilitariste australien Peter Singer développa cette idée dans La libération animale et introduisit les notions d’animaux humains et d’animaux non humains en lieu et place de la dichotomie humains / animaux dorénavant considérée comme un concept spéciste.
D’autres motivations politiques viendront enrichir ce courant idéologique déjà inhomogène présenté comme une méthode de libération individuelle autant que de régénérescence de l’humanité. En France, le végétalisme deviendra un outil de l’anarchisme dans la première moitié du XXe siècle, prônant lui aussi une société sans domination et sans exploitation. Dans le cercle restreint des anarchistes individualistes écologistes et naturistes, des adeptes militants se rassemblent en petites communautés, soutenus parfois par des scientifiques comme le médecin naturiste.
Paul Carton qui apportent des arguments médicaux et physiologiques au bien-fondé d’une alimentation végétalienne pour contrer la « dégénérescence contemporaine ». Ces « colonies » sont alors déjà perçues d’un mauvais œil par le voisinage hostile au « buveur d’eau » et au « mangeur d’herbe » et ne parviendront pas à prendre un réel essor mais l’idéal ne s’éteindra pas (9).
Le végétarisme a initié sa mise à l’épreuve de la science avec l’étude de cohorte californienne des Adventistes du 7e jour. Des milliers d’adeptes de cette doctrine qui prône entre autres restrictions, le sans viande, ont été inclus de 1976 à 1988. Les résultats encourageants mais discutables à bien des égards, ont depuis été réévalués et souvent contredits (10).
Gary Yourofsky activiste et maître de conférence américain, militant pour le droit des animaux a eu une influence majeure sur le véganisme contemporain. Il a été arrêté plus de 10 fois, et a fait un séjour en centre de détention haute sécurité, il est banni d’au moins 5 pays pour ses actions engagées ce qui lui confère d’autorité le courage et la témérité auxquels peut aisément s’identifier son auditoire masculin. En 2010, il a donné une conférence, intitulée Un discours qui changera votre vie vue par des centaines de milliers de personnes. Il remet en cause des faits acceptés unanimement par la communauté scientifique et affirme par exemple que l’homme est biologiquement et anatomiquement déterminé pour être herbivore et que nous mangeons des produits animaux uniquement car nous avons été forcés à avaler cela lorsque nous étions enfants. Pour lui, la viande est la plus vieille et la plus forte des dépendances. Il oppose les raisons pour lesquelles nous la consommons : habitude, tradition, commodité, goût, aux raisons plus nobles qui doivent nous faire cesser sa consommation : éthique, moralité, décence, compassion. « Vous pouvez choisir d’être bon ou de rester cruel ». Selon lui, être végan seulement pour sa santé serait égoïste.
Enfin le terme végane fait son entrée dans les dictionnaires de langue française en 2015, signe que ce « mode de vie respectueux des animaux » selon la définition proposée par le Petit Robert, commence à bénéficier dans les pays francophones d’une certaine reconnaissance.
Ainsi, bien que les bases de la philosophie végane aient été jetées il y a des siècles, ce mouvement connait un essor notable depuis une poignée d’années et continue d’attirer nombre de nos semblables aux motivations protéiformes, souvent cryptiques, parfois divergentes. Le trait commun restant l’exclusion de plus en plus large de toute chose dont la production a nécessité de près ou de loin, la contribution de l’animal. Sorte de surenchère, attestant de la capacité à réaliser cet engagement personnel (3).
Nous assistons à la constitution d’une véritable communauté végane aux influences multiples, aux facettes diverses qui a pris note que les grands changements viennent souvent de mouvements minoritaires et que l’on ne vote plus seulement en déposant un bulletin dans une urne mais aussi par le biais de notre consommation qui est assimilée à un pouvoir (2). Internet va jouer un rôle important nous le verrons, dans le développement et comme support à la création d’une culture commune, évoluant en parallèle de la culture dite savante.
Le phénomène bénéficie d’une attention médiatique croissante, relayant les « actions chocs » menées par les militants activistes.
L’hebdomadaire britannique The Economist a salué 2019 comme étant l’année du Véganisme.

Le véganisme en France et dans le monde

Le véganisme est probablement le dernier niveau d’«évolution» de ce continuum de modification des habitudes alimentaires. L’évolution est rapide et la croissance importante, les premiers niveaux faisant de nouvelles recrues et alimentant les niveaux supérieurs. Et ainsi de suite, chaque strate voit son nombre d’adeptes augmenter. Les spécialistes parlent d’ailleurs volontiers de « vegans en transition » (3), (11).
Jeunes actifs, étudiants, retraités, pères et mères de famille sont visibles sur les salons de plus en plus nombreux dédiés au mode de vie vegan même si un profil type a tendance à se détacher du lot. Selon Pascale Hebel, Directrice du pôle consommation au CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie), il s’agit plus souvent d’une femme, jeune, plutôt très diplômée (plus la catégorie socio professionnelle augmente, plus grande est la préférence du sans viande et ce dans tous les pays où le mouvement se développe), vivant dans un cadre plutôt urbain. Si l’Inde est en réalité le pays qui compte le plus de végétariens avec 38 % de ses habitants, les motivations semblent plus culturelles, religieuses, financières et la consommation de lait est par ailleurs appréciée. Il ne s’agit pas de véganisme. De plus, le pourcentage de la population pratiquant ce végétarisme est décroissant (avec l’amélioration des conditions de vie), contrairement au mouvement que nous étudions. Au Moyen Orient, l’état hébreu est considéré comme le premier territoire vegan au monde avec 13 % de sa population et une croissance rapide. Tel Aviv, ville plutôt laïque, branchée et ouverte sur le monde est devenue un modèle du genre en Israël, pays très jeune composé d’immigrants aux traditions culturelles variées. Faute d’une révolution qui amènerait la paix durable, Israël connait une autre révolution. Ce mouvement a commencé comme une partie intégrante de la lutte pour la justice et contre toute sorte d’oppression, y compris l’occupation et la colonisation de la Palestine (12).
L’hétérogénéité dans les différents types d’alimentation rend difficile l’interprétation des résultats en matière de prévalence du régime vegan qui nous intéresse, d’autant que les individus se déclarent eux-mêmes ce qui laisse une marge d’appréciation subjective. L’institut d’études économiques spécialisé dans l’analyse des stratégies et les prévisions sectorielles XERFI a publié des chiffres intéressants. Ce cabinet éclaire les marques et les enseignes de la petite et de la grande distribution dans leurs études de marché. Lesquelles marques sont plus réactives à cette transition nutritionnelle vers le tout végétal qu’elles ne l’ont été lors de l’émergence du bio et s’en félicitent. Les ventes de produits végétariens et véganes ayant générés l’an dernier en France, un chiffre d’affaire de 380 Millions dans les grandes et moyennes surfaces. XERFI anticipe pour la période 2019-2020 une progression annuelle moyenne de 17% soit 600 Millions annuels d’ici 3 ans (13). Notre consommation de produits carnés en France a diminué de 12 % ces dix dernières années, passant de 153 g par jour à 135 g par jour selon le CREDOC et 30% des français déclarent désirer manger moins de viande. Les raisons sont sanitaires (une moindre consommation de produits carnés étant associée à un meilleur état de santé), environnementales, et bien sûr éthiques, en défense de la cause animale (14).
Ce « flexitarisme » est pour certains le niveau d’entrée dans le process / continuum d’exclusions progressives décrit plus haut.
Toujours en France, 5% se déclarent végétariens, végétaliens ou véganes.
L’inspiration vient des pays du Nord de l’Europe.
En Angleterre ils sont autour de 9% ainsi qu’en Allemagne et entre 5 et 10 % des habitants de la Finlande, des Pays-Bas et de la Suède se déclarent au moins végétariens.
Certains pays ont pris l’avis d’experts et commencent à prendre position. Ainsi l’Académie Royale de Médecine de Belgique, à la demande du délégué aux droits de l’enfant s’est prononcée en juin 2018 conjointement avec la société belge de pédiatrie :
« Il est tout à fait non recommandé médicalement et même proscrit de soumettre un enfant à un tel régime justifiant des supplémentations et nécessitant des contrôles cliniques et biologiques fréquents. Ceci s’apparentant non plus à une alimentation classique mais à une forme de traitement qu’il n’est pas éthique d’imposer à des enfants ». Le délégué aux droits de l’enfant B. De Vos souhaite motiver le retrait de la tutelle aux parents imposant cette diète à leur enfant au motif qu’elle s’apparente à une maltraitance (15). Le Véganisme concernerait désormais 3% des enfants belges et les hôpitaux ont donné l’alerte sur l’augmentation de situations graves dont des décès. En Suède, où pas moins d’un suédois de moins de 30 ans sur 5 est au minimum végétarien et ou Mac Donald a lancé le premier Happy Meal vegan (menu pour enfant), les cas de malnutrition infantile graves se multiplient aussi. Là, les services pédiatriques ont plutôt choisi de travailler sur l’accompagnement et la prévention et ont commencé à instaurer des consultations de suivi et diététique ciblées pour les parents vegans. La Suède suit ainsi les recommandations de l’Association Européenne de Pédiatrie qui préconise de respecter les choix parentaux à conditions d’informer des graves conséquences incluant des dommages cognitifs irréversibles et le risque de décès en cas de non-respect d’une supplémentation appropriée. Ces recommandations incluent une supervision pédiatrique régulière, seule garantie de l’adéquation nutritionnelle du régime végétalien (16).
Si les pays du Nord comptent beaucoup d’adeptes (Finlande, Pays-Bas, Suède entre 5 et 10 % de leurs populations respectives), l’Europe du Sud n’est pas en reste, Turin en Italie (autour de 9% de végétariens/végétaliens) a pour ambition de devenir la ville la plus végétarienne au monde. Au Portugal, où le nombre de végétariens a été multiplié par 4 en 10 ans, et où 0,6 % de la population se déclare vegan, une option de repas végétalien est désormais obligatoire dans toutes les cantines publiques. L’Espagne compte quant à elle plus de 1800 restaurants végétariens et Barcelone s’est auto-déclarée 1ere ville vegan friendly et s’engage à développer des actions pour promouvoir le tourisme vegan.
Les analyses du moteur de recherche Google suggèrent qu’il s’agit du mouvement culturel dont la croissance est la plus rapide.

Le rôle de la (cyber)communauté, support de l’engagement et de la construction d’une identité

Nous l’avons compris, le véganisme est d’avantage un mode de vie qu’une pratique alimentaire. L’ensemble des véganes tend à partager une identité́, définie par des valeurs et des pratiques (à peu près) communes.
Afficher un mode de vie végane hors des cercles d’initiés peut représenter un risque d’exclusion ou de stigmatisation. C’est en partie pourquoi la rencontre avec des sphères sociales en sympathie avec l’idéologie et la praxis véganes peut constituer un tournant conséquent dans une carrière végane. L’individu est accepté et non marginalisé, il peut également être encouragé et soutenu (3), (11), (1), (2).
Les réseaux sociaux offrent une large palette de soutien de l’engagement végane sur le plan relationnel (comment annoncer son changement de régime, expliquer ses convictions, déjouer les attaques, les moqueries, les mises à l’épreuve …). Le pendant de ce « soutien communautaire » est l’émergence d’un éloignement voire d’une méfiance à l’égard de ceux qui « n’en sont pas » et en particulier vis-à-vis du médecin. En effet, celui-ci est souvent perçu au mieux comme réticent face à ces diverses exclusions et au pire suspect d’être à la botte de l’industrie pharmaceutique ou agroalimentaire.
Nombre d’écrits sociologiques et philosophiques, tentent d’ expliquer les fondements personnels qui amènent une personne qui éprouve de l’empathie pour les animaux, à ne plus pouvoir s’en nourrir, à se sentir peu à peu responsable vis-à-vis de la souffrance animale puis, tout naturellement, à ne plus consommer de viande pour enfin se revendiquer végane. C’est-à-dire, œuvrant pour l’abolitionnisme et l’antispécisme, réservant la même place et la même considération aux animaux qu’aux êtres humains. Il s’agit avant tout d’une décision, la décision d’un engagement pour se sentir acteur, utile, engagé, œuvrant pour une noble cause (11).
Dans son écrit Notes on the Concept of Commitment (1960), le sociologue américain Howard Becker s’attèle à théoriser l’engagement. L’avantage de son approche est qu’elle permet de considérer toutes les formes d’engagement, y compris celles de la vie courante comme accepter un emploi, se marier, ou même s’engager dans un mode de vie, tel que le véganisme. Becker définit l’engagement comme une ligne de comportements cohérents, initié par un individu qui fait un « pari adjacent », c’est-à-dire qui choisit de suivre cette ligne en évaluant qu’il s’agit de la plus à-même de servir ses buts.
Il rattache le concept d’engagement à celui de la déviance, qu’il décrit comme un processus circulaire, où une personne commettant « une infraction mineure se voit peu à peu mise au ban de la société, tentée de commettre des infractions toujours plus importantes. » Ainsi, même si l’engagement peut être initialement choisi par l’individu, il peut s’intensifier par des mécanismes qui lui échappent. Becker illustre cette idée en écrivant que l’individu engagé sera plus susceptible de s’entourer de « personnes pensant que son acte est adéquat qu’avec la majorité déniant son acte », ce qui contribue à légitimer l’acte aux yeux de l’individu engagé. L’auteur insiste sur le fait que les engagements ne sont pas nécessairement pris délibérément, en pointant que l’engagement a des répercussions sur d’autres intérêts et activités de la vie de l’individu, ce qui l’amène à chercher à rester cohérent avec cet engagement : « Les conséquences de l’incohérence seraient si coûteuses que celle-ci ne représente plus une alternative envisageable. »
Le rôle primordial du contingent affectif dans cette prise de décision quant à lui explique le vocabulaire et les images employées (« l’holocauste dans votre assiette », « cannibalisme », « massacre de masse »… ).
C’est naturellement et tôt dans le processus que les engagés vont éprouver le besoin de se rassembler (au moins virtuellement). L’adoption d’un nouveau régime alimentaire ne peut être dissociée de l’insertion simultanée dans des sociabilités au sein desquelles l’expérience accumulée par les uns conforte et encourage l’engagement croissant des autres.
Soucieux de défendre au mieux leur « cohérence personnelle », les militants sont ainsi incités à renoncer à un nombre croissant de produits qu’ils associent à la scandaleuse exploitation animale qu’ils dénoncent.
La fréquentation des sociabilités militantes permet aux végétaliens débutants d’accéder aux connaissances et savoir-faire indispensables au maintien et à l’intensification de leur engagement dans un mode de vie de plus en plus strict. Ils trouvent auprès de véganes confirmés des prescripteurs, incitateurs ou accompagnateurs en mesure de leur apprendre comment persister et progresser dans la « carrière » (11) ; écartant de facto le corps médical.
Ainsi, alors qu’ils n’ont pas le même âge, qu’ils n’appartiennent pas aux mêmes milieux sociaux, n’ont pas la même culture ou croyance religieuse, les véganes sont parvenus à se rencontrer et à se fédérer grâce aux possibilités offertes par Internet. Avec les sites d’information, les forums, les blogues, les réseaux sociaux, la Toile joue un rôle absolument considérable dans le développement et la consolidation du mouvement végane. (Cf la conférence de Gary Yourofsky vue plusieurs centaines de milliers de fois).
Le groupe Facebook Vive la B12 créé en 2014 et administré par Fédération Végane qui compte 32 000 membres en mars 2019 (+ 450 nouveaux inscrits sur ce dernier mois) et connait une forte croissance témoigne bien de la recherche par les véganes de moyens pour compenser les risques sanitaires liés à leur régime. Sur ce réseau social les membres et administrateurs n’hésitent pas à se faire prescripteurs de suppléments vitaminiques, d’examens de laboratoire ou d’imagerie comme en témoigne cet échange reproduit in extenso :
– « Bonsoir, j’ai besoin d’une réponse avant ce soir car je vois mon médecin… je suis végétarienne depuis 10 ans et végane depuis 4 ans, j’aimerais savoir quels tests sanguins et urinaires lui demander de me prescrire ? le plus fiable pour la B12 et pour le fer, je précise que je n’y connais rien. Merci »
– « J’espère que tu te supplémentes en B12 ! le test le plus fiable est le dosage de l’acide méthyl malonique en urinaire. »
– « Merci. Je dois l’aiguiller car elle (le médecin) n’y connait rien du tout en alimentation et encore moins en B12. Elle me servira juste à avoir une ordonnance mais je chercherai toute seule à comprendre les résultats… »
Cet exemple en dit long sur la considération de l’expertise médicale…
Des groupes organisés proposent des programmes comme celui baptisé Challenge 22 élaboré par le groupe Anonymous for Animals Rights ou en France Veggie Challenge chapeauté par l’association L214 qui consistent en un accompagnement de 22 jours ou 1 mois vers le Véganisme (Newsletter quotidienne avec recettes, un groupe Facebook, un mentor et les conseils d’un diététicien, le tout gratuitement). Le leitmotiv est « pour les animaux, pour la santé, pour l’environnement ».

Le bon grain : les vertus attribuées au régime végane

Il y a les vertus du mouvement qui tout en étant parfois trop « radical » offre une possibilité de réflexion sur les conditions d’élevage et d’abattage des animaux ainsi que sur la considération que nous portons à notre environnement.
En ce qui concerne le régime, ses vertus sont en réalité celles attribuables à une diminution de la consommation de produits carnés et transformés ainsi qu’à une augmentation de la consommation de végétaux et fibres. Une moindre consommation de graisses saturées, de sel, de produits transformés, associée à une amélioration du transit intestinal et à une activité physique régulière sont associés de façon inversement proportionnelle à la survenue de syndrome métabolique, d’obésité, de diabète de type 2, de maladie cardio vasculaire, de diverticulose colique, de maladie lithiasique et de nombre de cancers (18).
Le régime ovo-lacto-pesco-végétarien, dans lequel une partie des protéines et de l’apport calorique est d’origine végétale pourrait bien correspondre au régime alimentaire de référence élaboré par la commission EAT-Lancet réunissant 16 pays et 37 intervenants dont les conclusions ont été publiées en janvier 2019 dans l’article Food in the Anthropocene (19).
Des légumes, des fruits, des céréales complètes, des légumineuses, des noix, des huiles insaturées associés à une quantité faible à modérée de fruits de mer, de poissons, de volailles, de produits laitiers et de peu ou pas de viande rouge, de sucres ajoutés et de grains raffinés constituent les recommandations pour une alimentation saine et une production alimentaire durable. Cette diète, qui n’est pas sans rappeler le régime crêtois ou méditerranéen (mais auquel le régime végétalien ne peut être comparé en aucune mesure), pourrait selon les auteurs contribuer à une diminution de la mortalité globale (20).
Nous n’avons pas trouvé d’étude fiable montrant une diminution de la mortalité totale ou par cancer chez les véganes. Et les études de morbidité sont peu fiables car peu sont réalisées avec un nombre suffisant de patients chez qui il est par ailleurs souvent malaisé de définir objectivement le régime suivi et le recul en nombre d’années d’exclusion des produits animaux. De plus, de nombreux facteurs de confusion sont à prendre en compte (sédentarité, origine ethnique, consommation de compléments alimentaires ou de produits enrichis, consommation de toxiques, motivations, conditions de vie…).
Les résultats de l’étude de cohorte prospective étudiant la mortalité des végétariens anglais dans le cadre de l’étude européenne EPIC-Oxford qui a été conçue pour recruter autant de végétariens que possible (16 000 hommes et femmes et le double d’omnivores de 20 à 89 ans recrutés entre 1993 et 1999, tous exempts de maladie notamment cardiovasculaire ou cancer), n’a pu mettre en évidence aucune différence significative de mortalité toutes causes entre les 2 groupes (21).
En revanche, nombre d’études ont permis d’approcher les effets du végétarisme notamment durant la grossesse sur la santé des mères et de leur progéniture (22), (23), (24). Ces travaux nous permettent d’envisager les effets d’un régime plus strict. Il est probable que dans les prochaines années, de nouveaux travaux seront venus enrichir les connaissances sur le sujet et apporter d’autres éléments de réflexion.
L’étude finlandaise Food and Nutrient Intake and Nutritional Status of Finnish Vegans and non végétarians parue en 2016 dans PLOS One portait sur une petite cohorte de 22 vegans pratiquant ce régime depuis en moyenne 7 ans et 19 sujets non végétariens comparables (25). Les auteurs comparaient les apports nutritionnels et les concentrations sanguines et/ou urinaires de différents nutriments, vitamines, oligoéléments et acides gras dans les 2 groupes. Une large proportion de sujets consommait des compléments alimentaires (91 % des vegans se supplémentaient notamment en vitamine B12 et 77 % en vitamine D) et des produits enrichis, et ce dans les 2 groupes. Cette étude a permis de mettre en évidence une concentration en LDLc inférieure de 25 % dans le groupe vegan comparé au groupe témoin ainsi qu’une plus grande concentration en certains polyphénols (puissants antioxydants). En contrepartie, les apports en protéines et en acides gras oméga 3 étaient insuffisants et les concentrations sériques de ferritine, vitamine B12, Vitamine D, b-carotène, a-tocophérol, sélénium ainsi que l’iode urinaire étaient abaissées, en dessous des concentrations de référence.
Et c’est ainsi que les effets protecteurs s’amendent lorsque émergent des déficits nutritionnels. La diversité de ces derniers est attribuable à la complexité d’action souvent interdépendante des différents constituants de l’alimentation, à des différences d’absorption, de biodisponibilité et de rentabilité. Ces déficits et carences surviennent parfois malgré des supplémentations qui relèvent souvent, il faut bien le dire, de l’empirisme et de l’auto-prescription.
La plutôt bonne notoriété du régime végétalien tient donc à l’amalgame qui est fait avec le régime végétarien (conservant les œufs et les produits laitiers et le poisson et désormais spécifié ovo-lacto-pesco-végétarien). Avec une bonne mise en œuvre de ce régime, les végétariens seraient en meilleure santé que les non végétariens (surtout lorsque des facteurs non diététiques comme l’activité physique, la lutte contre la sédentarité et la consommation d’alcool et de tabac sont ajoutés et qu’un soin particulier est apporté à l’équilibre des menus !) mais sans que cela influe sur la mortalité. Le fait que les personnes adoptant ce régime le font souvent par souci de manger sainement n’est pas à négliger (bénéfices à manger des produits moins transformés, plus souvent bio, intérêt et connaissances en matière de nutrition…), car rappelons le, le régime végétarien mal mis en œuvre, est aussi à risque de carences (26).

L’ivraie : les risques pour la santé, l’impact socio-économique

Les risques encourus par la pratique des régimes d’exclusion en général et du véganisme en particulier commencent à être connus mais tous n’ont probablement pas été observés ou étudiés. Une alimentation strictement végétale est intrinsèquement déséquilibrée pour un être humain, déficitaire en protéines, fer, calcium, vitamine D3, zinc, acides gras oméga 3, iode et surtout en vitamine B12 (1).
Une multitude de nutriments et vitamines sont impactés, beaucoup interagissent et sont parfois tellement corrélés qu’il est difficile de séparer leurs effets. Les déséquilibres apparaissent alors en cascade.
Ces risques doivent être discutés avec les patients concernés ou en demande d’information. Certains, du fait de leur gravité, doivent être prévenus ou corrigés par des supplémentations.

Anémie et autres anomalies de l’hématopoïese

L’anémie est fréquente, multifactorielle, arégénérative. Elle peut être symptomatique ou de découverte fortuite. La carence en fer est inévitable, le fer issu de végétaux étant moins bien assimilable que le fer héminique, issu de produits animaux. D’autre part, la quantité de fer présente dans les légumes (même connus pour être « riches » en fer) exigerait de consommer une quantité qui n’est pas humainement envisageable sur le long terme.
Par exemple pour un enfant de 7 à 11 ans, l’apport recommandé en fer est de 11 mg par jour qui équivaut à un besoin en fer absorbé de 1,1 mg par jour. Pour 1 mg de fer absorbé par l’organisme, il faut consommer par exemple 510 ml de lait de croissance ou 17 g de boudin noir ou 130 g de viande de bœuf. Sur la base d’une alimentation sans produit animal, Il faudrait en théorie 1,3 kg d’épinards ou 1,8 kg de légumes secs voire 14 kg de fruits (annexe 4)
De plus, la forte consommation de fibres et de phytates contenus dans les enveloppes des végétaux diminue l’absorption de fer (ainsi que celles du zinc et du calcium).
A la difficulté à pourvoir l’organisme en fer, s’ajoute la carence en vitamine B12, vitamine hydrosoluble essentielle entre autres à la croissance et à la division cellulaire, qui participe comme cofacteur à la synthèse et la réparation de l’ADN et de l’ARN.
Cette vitamine provient exclusivement des aliments d’origine animale (synthétisée par des bactéries dans le tube digestif des ruminants notamment). L’anémie mixte par carence en fer et en vitamine B12 peut être normocytaire. Le déficit en cobalamine (vitamine B12) peut donner à voir d’autres anomalies biologiques telle qu’une hypersegmentation des polynucléaires neutrophiles, une macrocytose seule, une élévation des LDH et de la bilirubine libre (hématopoïese inefficace par apoptose des mégaloblastes) et plus rarement des thrombopénies ou neutropénies isolées voire une pancytopénie.
Chez l’enfant et l’adolescent, les conséquences de la carence martiale sont plus graves que chez l’adulte. Elle peut être responsable d’une plus grande susceptibilité aux infections, d’un retard de croissance et lorsque la carence en fer survient dans les premiers mois de vie, le déficit cognitif peut-être irréversible.

Troubles neuropsychiatriques

La carence profonde en Vitamine B12 par épuisement des réserves après plusieurs années de non consommation ou après seulement quelques mois chez un nourrisson, peut conduire à des dommages neurologiques cliniques. Outre les effets propres de la carence en ce cofacteur impliqué dans la production de la gaine de myéline et de neurotransmetteurs, survient l’accumulation de substrats de certaines réactions biochimiques. C’est le cas de l’acide méthylmalonique qui en excès devient neurotoxique et de l’homocystéine qui est un facteur indépendant de risque cérébrovasculaire (27).
L’atteinte neurologique qui se manifeste par des troubles neuro-sensoriels et de la motricité (ataxie) peut évoluer vers la myélopathie subaiguë par sclérose combinée de la moëlle. Celle-ci doit être traitée précocement par vitaminothérapie pour espérer une récupération complète car l’absence ou le retard diagnostique peut aboutir à la paraplégie. Elle se manifeste par un syndrome pyramidal et cordonnal postérieur qui débute souvent par une paresthésie distale. Les principales manifestations rencontrées sont des troubles sensitifs témoins de l’atteinte cordonnale postérieure avec troubles de la marche, signe de Romberg et de l’Hermitte. L’IRM élimine une compression médullaire et confirme l’existence d’une myelopathie (hyper signal T2). Ces situations cliniques de tableau neurologique peuvent être vues sans diminution de vitamine B12 sérique (normale : 200-800 ng/l), en lien avec des facteurs de faux-positifs (28).
D’autres troubles tels qu’un syndrome cérébelleux, une névrite optique, une incontinence, des troubles psychiatriques et cognitifs évoluant vers la démence, peuvent être causés par la carence en B12 (29).
Des cas de nourrissons de mère végétalienne stricte hospitalisés pour apathie, retard de croissance et altération de l’état général avec troubles neurologiques et du développement ont été rapportés ces dernières années, dont certains ont gardé de lourdes séquelles neurologiques malgré la vitaminothérapie. Il y a eu des cas de décès également dans plusieurs pays européens (30), (31), (32), (33).
Les associations véganes de tous les pays recommandent désormais une supplémentation en vitamine B12 à tous les âges de la vie (28). Pour mémoire, la levure de bière riche en vitamines du groupe B, ne contient pas de B12 et la spiruline ne constitue pas non plus une source de vitamine B12 (analogues non utilisables par l’homme).
Les valeurs normales du taux sérique de vitamine B12 sont comprises entre 200 et 800 pg/mL. Il existe néanmoins une grande variabilité qui rend l’interprétation du taux délicate jusqu’à des valeurs inférieures à 160 pg/mL, qui à ce niveau est compatible avec un diagnostic de carence « certaine ». Des taux entre 160 et 200 pg/mL définissent plutôt une carence « possible », notamment en l’absence de manifestation clinique et/ou hématologique (34). Le dosage sérique de la vitamine B12 qui est le plus couramment demandé pour documenter un déficit peut être insuffisamment informatif et il faut connaitre l’existence de marqueurs indirects de carence comme l’homocystéine et l’acide méthylmalonique, marqueurs d’une carence tissulaire et non sérique (permet l’exploration de la part fonctionnelle de la vitamine B12). Ces 2 derniers marqueurs augmentant de concert lors d’une carence en vitamine B12.
De plus, le faible apport en Oméga 3 nécessaire à la fabrication de médiateurs chimiques, impacte défavorablement le risque de survenue de syndrome dépressif, de fatigue par perturbation de la transmission nerveuse.
Enfin, une attention toute particulière doit être portée aux jeunes, notamment les filles attirées par le véganisme qui comme tout régime d’exclusion et de restriction à cet âge clé, peut être un mode d’entrée dans un trouble du comportement alimentaire (36), (37).

Ostéoporose et risque de fracture

L’effet matrice des aliments aussi complexes que le lait n’a d’égale aucune autre source de calcium. La présence d’autres nutriments tels que phosphore, lactose, protéines, vitamine D, ajoutée à l’« effet repas », favorise l’absorption du calcium. La supplémentation calcique qui s’impose n’a pas les mêmes bénéfices que la consommation de produits laitiers. Pour atteindre 1g/jour (apport nutritionnel conseillé ANC de l’adulte), il faudrait consommer de telles quantité des aliments végétaux dits riches en calcium que cela n’est pas envisageable. Les équivalences en termes de calcium montrent clairement que la consommation de lait et de produits laitiers est le moyen le plus simple pour assurer ces besoins colossaux (voir Annexe n°4)
D’autant plus que les apports en Calcium des végétaliens doivent être majorés d’au moins 20 % car son absorption est gênée par la présence de phytates et oxalates apportés par les végétaux et leur enveloppe. Oxalates, phytates, tanins, parfois considérés comme « anti-nutriments » se comportent comme des chélateurs et sont présents dans la plupart des végétaux sauf le chou frisé. Pour être considéré comme une source de calcium, un aliment doit en contenir 120 mg/100 g ou 100 ml (indexé sur le lait de vache), les aliments dits enrichis en calcium doivent donc atteindre ce ratio. Le jus de soja appelé à tort lait de soja en contient 7,5 mg/100 ml et le jus de riz 2,4 mg/100 ml. Par exemple pour apporter 300 mg de calcium, nous pouvons consommer au choix un bol de lait écrémé, 30 g de gruyère, 1 kg d’oranges (ou 2,5 l de jus), 3,8 litres d’eau d’Evian, 570 ml de Courmayeur ou 1 kg de chou (voir annexe). L’absorption de Calcium inhibe par ailleurs l’absorption de fer, d’où l’intérêt plus général de consommer certains aliments à distance d’autres afin d’en favoriser l’absorption.
L’excés de phosphore dans une diète fortement végétale associée au manque de calcium peuvent provoquer une hyperparathyroidie secondaire d’origine nutritionnelle. Par ailleurs, la quantité de Vitamine D apportée par l’alimentation végétalienne étant quasiment nulle, ses sources principales hormis la production endogène étant le poisson gras et dans une moindre mesure les viandes et abats, l’absorption intestinale du calcium et sa réabsorption rénale sont moindres. Afin d’assurer une minéralisation optimale (os, cartilages de croissance, dents) et une homéostasie calcique, il est important d’apporter une supplémentation vitamino-calcique, à tout âge, chez le végétalien. (et conseiller des eaux riches en calcium).
Une minéralisation insuffisante au cours des deux premières décennies de la vie augmente le risque fracturaire pour le reste de l’existence et la diminution de la densité minérale osseuse chez les adultes végétaliens est scientifiquement bien étayée (38). Les femmes enceintes végétaliennes sont à haut risque de déficit en vitamine D, d’ostéoporose et d’hypocalcémie (23).
De plus, l’Indice de masse corporelle souvent abaissé dans cette population est un facteur non négligeable de risque de survenue d’une ostéoporose. Chez l’adulte, il existe une corrélation positive entre la consommation de protéines animales et les densités minérales osseuses de la hanche et du rachis lombaire.

Risque cardiovasculaire et thromboembolique

En dépit d’une diminution de l’Indice de masse corporelle, de la cholestérolémie et une moindre prévalence du diabète de type 2 et de l’hypertension artérielle, des déséquilibres nutritionnels en cascade font émerger des facteurs de risques cardio-vasculaires identifiés.
Le déficit en vitamine B12 altérant la conversion de l’homocystéine en méthionine, l’homocystéinémie augmente avec son cortège d’effets délétères sur les cellules. L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant dont le lien est bien établi avec l’augmentation du risque de maladie coronaire dont IDM, d’AVC, d’artérite des membres inférieurs et de thrombose vasculaire périphérique (39). Plusieurs cofacteurs nutritionnels sont nécessaires au bon métabolisme de l’homocystéine dont les vitamines B12, B9 et B6. Le déficit en vitamine B12 est dans ce cas le facteur limitant mais la vitamine B6 est aussi plus rare et moins biodisponible dans l’alimentation végétalienne.
Le déficit en acides gras polyinsaturés AGPI w-3 avec déséquilibre du rapport w-6 / w-3 (idéal de 5) majore ce risque. Ces 2 AGPI sont dits essentiels et doivent donc nécessairement être apportés par l’alimentation. Il n’y a pas de transformation possible de l’un à l’autre et pas de substitution fonctionnelle possible.
L’acide Linoléique AL, principal représentant des acides gras w-6 est surtout présent dans les huiles végétales (tournesol, maïs, pépin de raisin…) donc très représenté dans l’alimentation végétarienne. L’acide Alpha linolénique ALA de la série w-3, est moins accessible, surtout présent dans les poissons gras et certaines huiles d’assaisonnement (noix, colza, soja).
S’ajoutent la concurrence enzymatique mettant en compétition leur conversion en acides gras à longue chaine métaboliquement plus actifs (acide eicosapentaénoïque EPA et acide docosahexaénoïque DHA pour l’acide alpha linoléique ALA de la série w-3 et acide arachidonique pour l’acide linoléique AL de la série w-6), et un rendement de conversion des w-3 naturellement plus faible et la rareté des sources alimentaires d’EPA et DHA (et ce dans tous les types d’alimentation) (40).
Ce rapport w-6 / w-3 est donc déjà défavorable dans la population omnivore, se situant plutôt à 10 ou à 15 et son déplacement en faveur des w-6 est encore plus flagrant en population végétalienne (41).
Or dans l’organisme, les acides gras w-3, sous forme de phospholipides, sont aussi des constituants des membranes cellulaires, ils modulent leur fluidité et l’activité des protéines qu’elles contiennent. EPA et DHA ont des propriétés antiinflammatoires, anti-agrégantes plaquettaires et vasodilatatrices à l’inverse de l’acide arachidonique dont le métabolisme est favorisé et qui est pro-agrégant, pro-inflammatoire et vasoconstricteur.
De plus, la balance oxydation-antioxydation est déséquilibrée et ce malgré la forte présence de molécules antioxydantes comme les caroténoïdes entraînant une peroxydation des lipides et une diminution de l’oxyde nitrique NO, concourant à l’atteinte vasculaire (dysfonctionnement endothélial, risque thromboembolique).
Une publication dans le British Médical Journal de septembre 2019 reprend les résultats d’une étude de cohorte prospective réalisée à partir de la cohorte EPIC – Oxford, son objectif principal était cette fois d’examiner les associations entre le végétarisme/végétalisme et les risques de cardiopathie ischémique et d’AVC (42). Après un suivi de 18 années, les incidences de cardiopathie ischémique dont IDM et d’AVC ont été comparées dans 3 groupes (omnivores, pesco-végétariens, végétariens-végétaliens). Un taux de cardiopathie ischémique plus bas de 13 % a été observé chez les pesco-végétariens et les végétariens-végétaliens par rapport aux omnivores, et qui semble être dû en partie au moins à un indice de masse corporelle plus bas et à une moindre incidence d’hypertension artérielle, d’ hypercholestérolémie et de diabète associés à ces régimes (cette association étant moindre après ajustement pour tenir compte de ces facteurs de risque). À l’inverse, les participants du groupe végétarien-végétalien avaient un risque plus élevé de 20% d’accident vasculaire cérébral en particulier hémorragique. Cette discordance entre des profils de facteurs de risque cardio vasculaire plus favorables et des AVC plus nombreux suggère l’existence d’autres facteurs alimentaires associés aux effets imbriqués des carences d’un régime excluant les produits animaux. Les auteurs ont comparé leurs résultats avec ceux de plusieurs études japonaises montrant cette même association entre régime comportant très peu ou pas de produits animaux et une incidence et une mortalité accrues par AVC. Ils émettent l’hypothèse que cette association pourrait être expliquée par la découverte dans la cohorte EPIC – Oxford de concentrations sériques plus basses pour plusieurs nutriments. Des études plus approfondies avec un groupe uniquement végétalien permettraient de déterminer avec plus de précision le rôle de ces facteurs de risque moins évidents.

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Table des matières

1 Introduction
2 Le véganisme ou végétalisme intégral
2.1 Définition
2.2 Approche historique et évolution
2.3 Le véganisme en France et dans le monde
2.4 Le rôle de la (cyber)communauté, support de l’engagement et de la construction d’une identité
2.5 Le bon grain : les vertus attribuées au régime végane
2.6 L’ivraie : les risques pour la santé, l’impact socio-économique
2.6.1 Anémie et autres anomalies de l’hématopoïese
2.6.2 Troubles neuropsychiatriques
2.6.3 Ostéoporose et risque de fracture
2.6.4 Risques cardiovasculaire et thromboembolique
2.6.5 Troubles du cycle menstruel, de la procréation et risques pour la progéniture
2.6.6 Troubles trophiques
2.6.7 Impact sur l’activité physique et sportive
2.6.8 Risque de refus de soins
2.6.9 Peut-être un surcoût pour la collectivité
3 Matériels et Méthodes
3.1 Le type d’étude
3.2 Les médecins interrogés
3.3 Les données recueillies
3.4 Analyse statistique
4 Résultats
4.1 Les médecins interrogés
4.2 Le sujet de la nutrition en général
4.3 Le véganisme
4.4 En pratique
5 Discussion
5.1 Interprétation des résultats et comparaison avec la littérature
5.1.1 Le patient vegan n’est pas une exception
5.1.2 Le médecin généraliste mal à l’aise face au patient vegan
5.1.3 Le médecin généraliste mal documenté sur le véganisme
5.1.4 Les représentations mentales des médecins parfois négatives
5.1.5 Un impact défavorable sur la relation médecin-patient
5.1.6 Le temps, ressource finie et précieuse
5.2 Forces et limites de l’étude
5.3 Application pour la pratique
5.3.1 Une révision de la relation thérapeutique
5.3.2 Une amélioration des connaissances
6 Conclusion
7 Bibliographie

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