L’itinéraire des caravanes EROM

En 2016, le journaliste Jacob Kushner dénonce dans les colonnes du New York Times les dérives du « volontourisme ». Dans cette chronique, il revient avec beaucoup de dérision sur les travaux de missionnaires chrétiens venus à Port-au-Prince (Haïti) dans le cadre d’un projet humanitaire.

These people knew nothing about how to construct a building. Collectively they had spent thousands of dollars to fly here to do a job that Haitian bricklayers could have done far more quickly. Imagine how many classrooms might have been built if they had donated that money rather than spending it to fly down themselves .

Les critiques à l’égard de ces initiatives sont de plus en plus récurrentes dans la presse, de nombreux journalistes font le même constat que les ONG : il existe depuis les années 1990 un marché florissant de l’humanitaire. Cette nouvelle forme de tourisme « éthique » s’éloigne considérablement des actions d’assistance et d’entraide humanitaires. On fait communément remonter l’action humanitaire au XIXe siècle, en référence à l’aide déployée en Grèce à la suite de l’émoi suscité par les massacres de Chios . Pensé dans les années 1960 par les pays d’Europe à destination du tiers-monde , l’humanitaire cherche d’abord à élaborer des projets d’assistance durable. À la suite des crises qui secouent le monde, telles que la guerre du Biafra en 1970 et l’exil des Boat People venus du Vietnam en 1975, on assiste à l’émergence d’un humanitaire d’urgence. Cependant, depuis la fin des années 1990, l’action humanitaire est ébranlée par un nouveau type d’agence de voyages qui voit le jour majoritairement aux États-Unis et en Angleterre L’agence Project Abroad est emblématique de cette mouvance dite du tourisme volontaire et compte plus de 10 000 clients depuis sa création en 1992. Project Abroad se présente comme une « organisation internationale de volontariat », elle propose une expérience loin des circuits du tourisme de masse, et plus proche des populations locales. Sa démarche marketing brouille les pistes : si elle emprunte le vocabulaire et les codes des organisations non gouvernementales (ONG), l’étude d’Alizée Delpierre sur la branche française de l’entreprise démontre que contrairement aux ONG, les candidats n’ont pas les qualités ou compétences requises. De plus, l’impact sur les territoires concernés est moindre, voire quasi inexistant. Le voyage volontaire se présente comme un produit à part entière qui vend la promesse d’une expérience humaine chargée en valeur morale. Pour vivre cette aventure, les clients sont prêts à débourser entre 1895€ et 2170€ hors frais de transport. Les ONG déplorent la montée et les dérives de ce phénomène, elles usent de la dérision avec des vidéos caricaturant de futurs voyageurs pour sensibiliser le public . L’étude d’Alizée Delpierre permet de comprendre que cette nouvelle forme de tourisme concerne, à l’instar du Grand tour , une clientèle plus élitaire que les acteurs du monde de l’associatif ou de l’humanitaire. Cette expérience constitue un marqueur social très valorisé sur le marché du travail.

L’outil de l’histoire connectée 

De nombreux universitaires français.e.s contemporain.e.s se penchent actuellement sur la question du lien entre jeunesse lettrée et État colonial. C’est notamment le cas de Pascale Barthélémy qui publie en 2015 Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957) . Cet ouvrage retrace le parcours de femmes formées au sein de l’École de médecine et de l’École normale de jeunes filles de l’AOF. Il permet de comprendre la complexité des relations en contexte colonial. Cet angle d’approche questionne aussi le rapport entre jeunesse et politique. Ce sujet est particulièrement bien abordé par le livre Étudiants en Mouvement, contribution à une histoire des années 1968 dirigé par Françoise Blum, Pierre Guidi et Ophélie Rillon. Cet ouvrage revendique sa lecture et sa dimension connectée de l’histoire. La ligne du propos s’articule autour de l’attention donnée aux circulations et aux transferts interafricains et extra africains. À partir de l’analyse de cette culture jeune d’opposition, les auteurs tentent de souligner la singularité de chaque situation, tout en montrant la participation active dans une histoire globale. Mon étude s’inscrit également dans ce cas de figure. Les voyages caravanes EROM mettent en contact des jeunesses qui se retrouvent autour d’un modèle d’apparence commune, véhiculé par un Mouvement qui défend les valeurs d’humanisme et d’universalisme. De ce fait, ces voyages établissent un réseau qui met en relation des passeurs de savoirs dans un monde divisé en trois blocs. L’histoire connectée est également un outil pour penser l’histoire de l’humanitaire qui se distingue dans le champ scientifique depuis une dizaine d’années. L’éditorial de la revue Le Mouvement social publié en 2009, témoigne de l’intérêt et de l’importance d’interroger cette notion aujourd’hui. Cette étude tente de faire le pont entre ces approches.

L’histoire culturelle du voyage 

Les travaux de Sylvain Venayre m’ont à la fois servi d’outil pour comprendre l’imaginaire scout et de source d’inspiration pour interpréter le nouveau modèle de voyageur proposé par l’EROM. Je citerai à la fois son ouvrage tiré de sa thèse intitulé La gloire de l’aventure ; genèse d’une mystique moderne 1830-1940 ainsi que l’un de ses derniers ouvrages, Panorama du Voyage, 1870-1920 mots, figure, pratique qui constitue une synthèse clef dans mon appréhension du sujet. Ces travaux m’ont permis de comprendre les continuités historiques, parfois moins évidentes, entre deux périodes pensées trop souvent comme foncièrement distinctes de la période coloniale et post-coloniale.

Une historiographie plus resserrée : les contributions à l’histoire du Mouvement scout

L’histoire du scoutisme est rentrée récemment dans le champ scientifique. Au carrefour de plusieurs historiographies, l’étude du scoutisme renouvelle les champs de l’histoire de sociale, de l’éducation, celui de l’histoire culturelle ou encore de l’histoire coloniale. La quantité de sources disponibles en fait un vivier pour les historien.ne.s. À l’instar des autres formations scoutes, les Éclaireurs et Éclaireurs de France (EEDF) ont produit énormément de manuels d’éducation d’ouvrages sur l’histoire du Mouvement ou sur les grandes figures qui l’ont façonné. Ces productions sont ambiguës pour la recherche historique : à la fois éclairantes sur l’idéologie du Mouvement, très riches en contenu et bien documentées, elles doivent être reconsidérées et aussi envisagées comme des sources. À l’occasion du centenaire du scoutisme laïque, célébré en 2011, l’UNESCO organise un colloque réunissant les figures actuelles du Mouvement autour de la question du rôle du scoutisme laïque dans l’éducation à la citoyenneté. Le Mouvement entretient une position réflexive et s’interroge régulièrement sur son action. Le centenaire est aussi l’occasion de questionner le passé du Mouvement. Le livre « 100 ans de laïcité dans le scoutisme et l’éducation populaire » , paraît la même année. Rédigé par un ancien EEDF, actuel président de l’Association pour l’Histoire du Scoutisme Laïque (AHSL), le centenaire renouvelle la production historique et mémorielle.

La brèche ouverte par l’histoire de la jeunesse et de l’éducation. 

Les années 2000 représentent un tournant pour la fabrication de l’histoire des organisations de jeunesse et du scoutisme. Plutôt convoitées par la sociologie ou l’ethnologie, les historiens de différents champs s’emparent des “jeunesses“ et en font un sujet à part entière de leur domaine. L’étude du scoutisme peut être approchée sous différents angles. Ce Mouvement intimement lié à la religion est largement traité par l’historien Gérard Cholvy spécialiste de l‘histoire religieuse contemporaine. En y consacrant de nombreuses recherches et plusieurs colloques dont « Le scoutisme quel type d’homme, quel type de femme, quel type de chrétien ?», compte rendu d’un colloque tenu en 1994 avec Marie Thérèse Cheroutre, l’historien renouvelle son propre champ d‘étude et inscrit les formations de jeunes chrétiens dans l’histoire culturelle française. En 1999, il publie un ouvrage majeur, Histoire des organisations et Mouvements chrétiens de jeunesse en France (XIXe  XXe siècles) . Un an plus tard il organise un colloque sur le scoutisme confessionnel et laïc : « Le scoutisme, un Mouvement d’éducation au XXème siècle. Dimensions internationales ». Ainsi, on constate un réel intérêt pour ce nouvel objet et pour la première fois, l’étude s’élargit au scoutisme aconfessionel. Le compte rendu du colloque informe sur la diversité des approches historiographiques. En effet, le scoutisme intéresse à la fois les spécialistes de l’histoire du genre comme Marie Thérèse Cheroutre , ceux de l’histoire de l’éducation comme Odile Bonte ou encore les historien.ne.s de l’histoire de la pensée politique.

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Table des matières

INTRODUCTION
Entrée en matière
Présentation du sujet, définition de l’objet à étudier, justification des bornes chronologiques et spatiales
Formulation des domaines auquel le sujet appartient
Présentation critique de l’historiographie
Présentation critique sources et corpus
État des sources
Annonce du plan
PREMIERE PARTIE Les difficultés à définir le projet de l’EROM
Chapitre I : Les fondements de l’EROM (1938-1958)
I/« Frères et sujets »(1938-1956)
II/L’EROM, un outil didactique pour éclairer la situation coloniale ? (1950-1958)
Chapitre II : Une nouvelle voie pour l’EROM : la direction controversée de Charles Boganski (1955- fin 1970)
I/Un contexte favorable pour l’expansion de l’EROM (1955-1957)
II/La « griffe de Grand Chat » (1955-1960)
DEUXIEME PARTIE L’affirmation d’un nouveau modèle de voyage
Chapitre III : De l’explorateur aux caravanier.ère.s, le modèle de l’EROM
I/Le profil des caravanier.ère.s
II/Des figures d’influences : composer avec l’héritage du scoutisme
Chapitre IV : S’engager avec l’EROM
I/Résoudre « les problèmes de la jeunesse d’Afrique
Épilogue : Quelle rencontre possible ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Entretien Bernard Dumont
Entretien Cheikh Dietalaw Dieng
Entretien Barki Diallo
Entretien Jeanne Hyrvard
Entretien Malick M’Baye
Entretien Seydina Oumar Sy
Extrait compte rendu caravane EROM 1954
Annuaire de l’EROM 1955
Rapport chantier Dio 1959
Règlement intérieur EROM 1962
Rapport EDF EROM
Extrait revue Le Routier EDF EROM Sénégal 1954
Photographie Charles Boganski et Barki Diallo
Affiche Jamborée 1947
Tables des matières

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