L’IRONIE DANS LE THEATRE D’ALFRED de MUSSET

La dissimulation

   La dissimulation, dérivée du verbe dissimuler qui signifie rendre moins apparent, cacher, est une feinte : c’est-à-dire une façon de parler où l’on ne dit pas ouvertement ce que l’on veut exactement dire. Il s’agit là d’un énoncé indirect par lequel un auteur peut s’adresser à une communauté. Certains auteurs ou dramaturges se servent d’elle pour faire entendre leurs voix. Elle se présente comme un discours voilé. En ce sens, la dissimulation peut être comprise comme un langage qui ne s’exprime pas clairement. La dissimulation, comme un phénomène discursif, épouse une pensée plus qu’elle la dévoile. Pour se faire, elle fait généralement appel aux situations, à l’esprit et aux mots pour en faire un habit. La dissimulation, dans une situation d’énoncé, est une manœuvre. Elle est un discours double, c’est-à-dire qui a deux sens. Il ne livre pas les choses telles qu’elles sont, mais à réfléchir. C’est ainsi que Sigmund Freud en parlant du double sens de l’ironie affirme : « Il (le double sens) permet à la réponse la déviation de la suite des idées suggérées, déviation qui dans le mot du « saumon mayonnaise » se passe d’un tel artifice verbal.20 » (Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscience, p.49) La dissimulation n’est-elle pas une certaine façon de s’exprimer ? Car, la pensée qui est annoncée est transmissible. Elle suppose, en effet, un interlocuteur capable de donner une signification à ce qui est dit par l’auteur même. Par ailleurs, la dissimulation, comme son nom l’indique, est une forme d’expression particulière. Elle n’est du tout facile à comprendre. Dans un énoncé dissimulé, nous recevons en premier lieu le sens banal derrière lequel se cache le vrai sens de ce que l’on veut dire en réalité. C’est pourquoi, pour mieux repérer ce qui est exactement dit dans un tel énoncé, il faut voir le jeu de mots et l’inversion de sens qui nous permettront de bien souligner cet aspect de la dissimulation. A cet égard Sigmund Freud affirme : Le double sens permet dans un discours ou dans un énoncé de déplacer ou de dériver la suite des idées de la situation initiale. Le double sens permet à l’esprit de faire plusieurs interprétations d’un mot d’où le passage d’un sens à l’autre. Dans cette technique d’énonciation le vrai sens de ce que dit l’énonciateur est déplacé au second plan que l’interlocuteur doit plus accorder l’attention que ce qu’il entend. 21 (Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, p.49) Dans un énoncé dissimilé l’auteur pense à une chose et dit une autre. Il fait toujours allusion à une chose qui n’est pas directement exprimée. De là, la dissimulation s’exprime tout en laissant le lecteur lui-même chercher ce qui est dit : le sous entendu. Dans cette façon de parler, tout ce qui est dit, est placé dans l’ombre. Il est donc un langage indirect. Sur le plan littéraire se sont les écritures qui expriment les idées de l’être humain précisément celles de l’écrivain et que l’on se rappelle de la fameuse affirmation de Mallarmé selon laquelle : Evoquer, dans une ombre exprès, par des mots allusifs, jamais directs, se réduisant à du silence. Abondant dans le même sens, Alain cité par Jankélévitch écrivait: Le poète ne dit pas ce qu’il dit, [mais de sa manière] dit ce qu’il ne dit pas, tantôt plus, tantôt moins [mais en tout cas il dit] autre chose enfin ! Pourtant ce sont encore des mots qui servent à nous faire oublier les mots ; pour valoriser la matière, il faut d’abord accepter la matière, et l’artiste le sait bien, qui s’installe dans le monde des corps figurés. En cela consiste sans doute l’acrobatie du « style » ; à tout moment nous devinons, derrière la lettre, la secrète respiration de l’esprit…22» (L’ironie, pp.49-50) Le langage dissimulé cache plus qu’elle révèle. L’auteur dissimule son message en montant avec raffinement. Le message est détourné du chemin et se manifeste de manière indirecte. La dissimulation n’est rien d’autre, par ailleurs, qu’un langage qui joue avec toutes les formes du secret. Le langage manifeste directement et véridiquement la pensée humaine. Ainsi, dans le système de communication, la feinte occupe une place de choix parce que toute vérité n’est pas bonne à dire. Car on ne dit pas à n’importe qui son secret pour échapper quand même à tout ce qui peut arriver dès que cela sera connu de tous. C’est pourquoi le personnage de Lorenzo n’a pas voulu révéler son propre identité au duc Alexandre de Médicis afin d’être son propre collaborateur pour enfin l’assassiner. Il lui présente alors une identité qui est ambiguë. Ce caractère déguisé ne se limite pas seulement sur le héros mais aussi sur les autres personnages. La dissimulation est pour eux un moyen qui permet d’échapper à la clairvoyance d’un regard plus méfiant. Le masque est utilisé ici dans le sens de dissimuler l’identité comme « Vois-tu celui-là qui ôtes son masque ? C’est Palla Ruccellai. Un fier luron! 23 » (Lorenzaccio, acte I, scène II, p.47) Dans le théâtre, c’est dans le dialogue que la dissimulation occupe une place de choix, car les personnages ou les acteurs ne parlent pas de façon à exposer leurs idées, c’est-à dire ce qu’ils disent. Le dialogue de Perdican et Camille dans On ne badine pas avec l’amour montre bien ce caractère dissimulateur du langage théâtral. Camille ayant reçu une éducation religieuse, même si elle est avant tout un être humain qui peut comme tout individu aimer, ne se laisse pas facilement emportée par le sentiment d’amour que son cousin Perdican lui lance les avances. La lecture même de cet extrait finira de nous convaincre : Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille, de m’avoir refusé un baiser? Ŕ Je suis comme cela ; c’est ma manière. […]. Ŕ Non, je suis lasse. Ŕ Cela ne te ferait pas plaisir de revoir la prairie ? […]; je tiendrai les rames, et toi le gouvernail. Ŕ Je n’en ai nulle envie. Ŕ Tu me fends l’âme. Quoi ! Pas un souvenir, Camille? … Tu ne veux pas venir voir le sentier par où nous allions à la ferme ? – Non, pas ce soir. Ŕ Pas ce soir ! et quand donc ? Toute notre vie est là. Ŕ Je ne suis pas assez jeune pour m’amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé. Ŕ Comment dis-tu cela ? Ŕ Je dis que les souvenirs d’enfance ne sont pas de mon goût. Ŕ Cela t’ennuie ? Ŕ Oui, cela m’ennuie.24 (On ne badine pas avec l’amour, acte, scène, pp.63- 64) La dissimulation apparaît aussi dans le théâtre lorsque les personnages présentent un double. Le double est un élément qui permet aux héros d’Alfred de Musset d’offrir un caractère insaisissable. A cet égard nous lisons : « Le personnage de Lorenzo répond aux caractéristiques des héros romantiques complexe, ambigu, avec des émotions contradictoires, il est à la fois idéaliste et débauche, victorieux et vaincu ». Ici nous avons un personnage complètement déchiré par le court des événements. Ce double chez lui se manifeste dans la pièce dès l’instant qu’il feint de se complaire dans le vice, et en fait une composante de sa vie pour être l’entremetteur, le proche collaborateur ou le vrai compagnon de débauche de son ennemi : le duc Alexandre. Et, c’est Philippe qui tente de révéler au spectateur ou au lecteur ce double de Lorenzo quand il affirme : « Si je te comprends bien tu as pris, dans un but sublime, une route hideuse 25 » (Lorenzaccio, acte III, scène 3, p.140). Abondant dans le même sens, le monologue de Lorenzo à l’acte IV scène 5 achève de nous convaincre : Ô Dieu ! les jeunes gens à la mode ne se font-ils pas une gloire d’être vicieux, et les enfants qui sortent du collège ont-ils quelque chose de plus pressé que de se pervertir ? Quel bourbier doit donc être l’espèce humaine qui se rue ainsi dans les tavernes avec des lèvres affamées de débauche, quand moi, qui n’ai voulu prendre qu’un masque pareil à leurs visages, et qui ai été aux mauvais lieux avec une résolution inébranlable de rester pur sous mes vêtements souillés, je ne puis ni me retrouver moi-même, ni laver mes mains, même avec du sang!26 (Lorenzaccio, p.176)

L’ironie sur soi

   Parler de l’ironie sur soi dans le théâtre d’Alfred de Musset, revient à parler de la constante dépréciation de soi-même inspirée d’une attitude philosophique cynique qui permet d’expliciter les rôles des différentes auto-caricatures. Dans cette démarche, Alfred de Musset tourne en ridicule les personnages qu’il prête sa propre personne. Christian Angelet cité par Kaboub dit à ce propos que: « C’est sa pensée qui se tourne contre elle-même et se nourrit de sa propre insatisfaction dont elle tire d’âcre jouissances60 » (De la révolte à la découverte de la sagesse populaire, p.51) Et nous pouvons suggérer que cette technique permet au dramaturge de faire un témoignage de sa conscience qui adopte des attitudes excentriques afin d’évoquer la dérision. Par le biais de l’ironie, Alfred de Musset accentue la caricature permettant aux effets de chutes de construire l’expression du mal de vivre et que l’on se rappelle du « mal du siècle » du romantisme. La réflexion de Jankélévitch relative à la distanciation que crée l’ironie en est une parfaite illustration du recours à l’autocaricature: « L’ironie nous présente la glace où notre conscience se mirera tout à son aise: où, si l’on préfère, elle renvoie à l’oreille de l’homme l’écho qui répercute le son de sa propre voix. » En effet, l’auto-caricature que développe Alfred de Musset réside dans les rapports avec autrui, autrement dit celui de l’individu avec la collectivité. Le théâtre d’Alfred de Musset puisqu’il nous parle des faits humains, c’est-à-dire de l’humaine condition ou bien de l’humanité ; Alfred de Musset lui-même n’est pas exclu de cette société dont il fait la peinture des vices : donc, nous pouvons dire qu’il se peint lui-même. Et c’est à partir d’ici que la notion de l’ironie sur soi occupe une place dans son œuvre théâtrale. Alfred de Musset, avant de représenter des héros déchirés par l’amour profane en est la première victime. Trahi à plusieurs reprises par ses compagnes comme George Sand pour ne citer qu’elle, Alfred de Musset exprime ses souffrances par le caractère qu’il prête à ses personnages. Il nous semblerait même si l’on peut affirmer ainsi que le jeune Perdican renté au château paternel porte en lui les marques d’Alfred de Musset rentré de Venise avec un cœur qui saigne. Soutenant dans une lettre écrite le 15 juin 1834 que George Sand l’avait dit ceci à Venise: « Il faudra bien que nous restions amis,», il le reprend par Perdican qui s’adresse ainsi à sa cousine « Eh bien! Adieu. J’aurais voulu m’asseoir avec toi sous les marronniers du petit bois, et causer de bonne amitié une heure ou deux. Mais si cela te déplaît, n’en parlons plus; adieu, mon enfant. (On ne badine pas avec l’amour, acte II, scène2, p.54) Le dramaturge part d’une question personnelle pour concevoir ses héros afin de construire sa propre personnalité selon les dires de Bernard Masson : Etre c’est réaliser en soi le triple tour de force de faire son unité personnelle, de se situer dans la société et d’y prolonger son être par l’action. Cette unité personnelle, cette aisance parmi les autres, cette empreinte de la personne laissée sur l’histoire humaine, voilà ce qui était refusé à Lorenzo et peut-être à son créateur.64 (Lorenzaccio ou la difficulté d’être, p.21) Il s’agit seulement de voir que le théâtre d’Alfred de Musset, bien qu’il s’adresse à l’humanité, exprime de façon flagrante l’édification de soi-même dans une société. Selon Emmanuel Mounier cité par Bernard Masson : « l’effort spirituel de l’édification de moi est un effort pour rassembler autour d’un centre et d’itinéraire les parties démembrées de la psyché, stagnations inconscientes, projections mal situées, effort conscient.65 » Il faut retenir dans ce passage la représentation de l’être intérieur de l’individu que Bernard Masson qualifie de : projection extérieur de l’image de soi comme signe d’un déséquilibre personnel. Car, Alfred de Musset, de la même manière que Lorenzo qui cherche un lien entre plusieurs images de lui-même pour se composer, l’a fait, lui, aussi dans les différentes couches sociales de son temps. « Je vous estime, vous et elle. Hors de là, le monde me fait horreur.66 » (Lorenzaccio, acte II, scène IV, p.97) Par ailleurs, l’ironie sur soi relève de la difficulté de l’individu autrement dit du « moi » (le moi romantique) de s’insérer lui-même au sein des autres, c’est-à-dire de ses semblables qui traduit le « mal du siècle » quand Lorenzo dit « L’air que vous respirez, Philippe, je le respire; mon manteau de soie bariolé traîne paresseusement sur le sable des promenades;67» (Lorenzaccio, acte III, scène III, p.141) Alfred de Musset lui-même fraîchement rentré de Venise marqué par sa séparation avec George Sand le démontre aussi en renonçant à la vie collective comme Camille qui dit dans On ne badine pas avec l’amour « j’ai renoncé au monde 68 » (acte II, scène 5, p.65). Ainsi, Françoise Gastinel écrit: Le 12 avril 1834, Musset était rentré de Venise convalescent à peine, chargé physiquement et « le cœur en écharpe ». Il se retire dans la maison familiale, rue de Grenelle, ne veut plus sortir ni recevoir qui que ce soit ; il ne cesse de penser à l’écroulement de son grand rêve d’amour et sent le mordre une jalousie qu’il n’a jamais connu jusqu’ici.69 (ALFRED DE MUSSET COMEDIES ET PROVERBES Tome II, p.325) Une manifestation claire de la difficulté d’être en société, l’échec si nous pouvons le dire ainsi dans la communion avec autrui : le projet de mariage entre Perdican et Camille ainsi que celui de Perdican et Rosette achève de nous convaincre. A vrai dire, Alfred de Musset ne peint pas seulement la difficulté de l’homme de vivre dans une collectivité mais il pose aussi la question du regard de l’autrui par rapport à son existence. Il convient de s’accorder avec Alfred de Musset que le regard de l’autre qui, aussi fascinant qu’il soit, permet la consolidation intérieur de l’être. C’est ainsi que Lorenzo pour avoir l’opinion des autres à son endroit n’a pas cherché à les cacher sa blessure ; une blessure qui est pourtant celle d’Alfred de Musset profondément rongé par la trahison amoureuse de son séjour à Venise.

La satire politique

   Le théâtre, en tant que genre social par excellence, est de par son engagement le lieu où s’expriment les conflits politiques. La satire politique, pour bien atteindre sa cible, est orientée vers les excès de gouverner du pouvoir royal qui a à sa tête le duc Alexandre. Cette satire se manifeste alors chez Alfred de Musset par la critique et les attaques au pouvoir ducal. Il s’agit d’une dénonciation des abus du comportement du roi et de son entourage. Le duc Alexandre constitue lui-même un poison pour le peuple. Il participe par la débauche à la destruction de la couche sociale dont il est appelé à assure la progression. Alexandre, en suivant ses sentiments, devient un grand débauché de première classe, car la débauche est le premier aspect qui montre qu’il impose à tout Florence (le peuple Florentin) l’exercice de la prostitution. Le duc, pour satisfaire son instinct sexuel, achète des jeunes filles de 15 ans dont la somme est versée aux parents de ces dernières. La débauche est présentée par Alfred de Musset comme un phénomène néfaste vu qu’elle participe fortement à la destruction de la société. L’affirmation de Lorenzo à propos de l’enlèvement de la sœur de Maffio en est une parfaite illustration: Nous n’avons avancé que moitié. Je réponds de la petite. Deux grands yeux languissants, cela ne trompe pas. Quoi de plus curieux pour les connaisseurs que la débauche à la mamelle ? Voir dans un enfant de quinze ans la rouée à venir ; étudier, ensemencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d’ami, […]102 (Lorenzaccio, acte I, scène I, p.38) A vrai dire, l’impudicité freine le développement de la cité de Florence étant donné que les jeunes filles chargées de satisfaire le plaisir du duc sont achetées avec le bien commun. Elle est aussi selon Alfred de Musset à l’origine des souffrances introduites par les sentiments au sein de la société Florentine. Evidemment, la débauche, comme le montre Musset, participe dans bien des cas, surtout pour un roi comme Alexandre, à la mauvaise gouvernance vu que le duc de Florence pour jouir de son appétit sexuel utilise le pouvoir royal. C’est dans ce sens que Bénédicte Gelignon dans son étude de : Les Satire d’Horace et les comédies Gréco-latine souligne que : « La débauche se présente comme une accusation qui se lit comme une calomnie de la conduite du duc » La critique de la débauche s’inscrit dans le contexte de la lutte contre le pouvoir politique qui se présente ici comme l’ennemi du peuple de Florence parce qu’elle participe à l’affront du statu patriotique de l’individu. Aussi, elle apparaît comme instrument qui met en jeu le patrimoine de Florence. En effet, la dénonciation des excès de diriger que le pouvoir ducal exerce sur le peuple de Florence, c’est-à-dire la tyrannie du régime ducal constitue un point focal de la satire politique. Ce caractère agressif du régime politique se manifeste souvent dans bien des cas lorsque le duc et son entourage pour mener à bien leurs actions politiques imposent la force afin d’infléchir vite la position de tout citoyen. C’est bien cette intervention musclée de la part des gouvernants vis-à-vis du peuple qui s’oppose évidemment aux réalités de vie libre des citoyens qui sème le désordre. La liberté de vie perturbée, le peuple de Florence qui renvoie à celui de France de son temps vit sous l’oppression du pouvoir ducal comme nous lisons : « La cour ! le peuple la porte sur le dos, voyez-vous ! Florence était encore (il n’y a pas longtemps de cela) une bonne maison bien bâtie ; tous ces grands palais, qui sont les logements de nos familles, en était les colonnes.104 » (Lorenzaccio, acte I, scène II, p.45) Le peuple, privé de toute liberté parce que la tyrannie du roi pèse lourde sur les épaules des citoyens, Alfred de Musset se fait par la critique le réformateur du régime politique de la France à travers la cité de Florence. Rappelons-nous que Alexandre de Médicis gouverne bien Florence au nom de la domination comme l’illustrent l’expulsion des bannis de la ville à laquelle s’ajoute les familles républicaines chassées hors de Florence. Aussi, l’occupation de la ville de Florence par les troupes Allemandes est une expression de la domination impériale. Il s’agit bien d’une domination qui s’exprime par une violence comme Les familles Florentines ont beau crier, le peuple et les marchands ont beau dire, les Médicis gouvernent au nom de leur garnison ; ils nous dévorent comme une excroissance vénéneuse dévore un estomac malade. C’est en vertu des hallebardes qui se promènent sur la plate-forme qu’un bâtard une moitié de Médicis, un butor que le ciel avait fait pour être garçon boucher ou valet de charrue couche dans le lit de nos filles, boit nos bouteilles, casse nos vitres, et encore le paye-t-on pour cela.105 (Lorenzaccio, acte I, scène II, p.46) Il faut noter que dans ce passage, la tyrannie, en tant qu’instrument de domination, prive à tous les citoyens la liberté et le respect des droits de citoyenneté, qui permettent de mener une belle vie. A Florence, la liberté dans laquelle aspire vivre le peuple est substituée par la violence qui permet au duc Alexandre d’arriver à ses fins. A cet égard lisons : « Si tu n’étais pas boiteux, comment resterais-tu, à moins d’être fou, dans une ville où, en l’honneur de tes idées de liberté, le premier valet d’un Médicis peut t’assommer sans qu’on y trouve à redire ?106 » (Lorenzaccio, acte II, scène II, p.87)

La satire religieuse

   La ville de Florence est religieusement considérée comme un lieu d’habitat du péché, pour ainsi dire, la nouvelle Babylone où la religion, du fait que l’espace est envahi par l’incroyance, rencontre énormément des difficultés à travailler pour sauver (le salut) des âmes et pour le bien de toute l’humanité. Et les religieux quant à eux n’assurent plus correctement leur fonction de guide dans la vie spirituelle c’est-à-dire servir Dieu dans la sainteté en renonçant aux choses de ce monde ici-bas. Car servir l’Eternel demande un détachement et désintéressement de tout ce qui n’est pas en relation avec le spirituel. Aussi, l’œuvre de Dieu doit se faire avec honnêteté comme le démontre Valori : « Seul prêtre honnête homme que j’ai vu de ma vie126 » (Lorenzaccio, acte I, scène IV, p.57) Le Cardinal, ministre du Père Eternel qui a le droit et le devoir de veiller sur tout ce qui peut profaner l’œuvre salvatrice, se laisse conduire par ses désirs personnels. Il se présente comme un vrai politicien corrompu et corrupteur à la fois puisque la scène de la confession ne nous démentira pas parce que là d’une façon flagrante la collusion entre le temporel et le spirituel plane sous le regard du lecteur/ spectateur. A cet égard pour être convaincu lisons cette scène du confessionnal […] Ŕ J’ai écouté des discours contraires à la fidélité que j’ai jurée à mon mari. Ŕ Qui vous a tenu ces discours ? Ŕ J’ai lu une lettre écrite dans la même pensée. Ŕ Qui vous a écrit cette lettre ? Ŕ Je m’accuse de ce que j’ai fait, et non de ce qu’on fait les autres. Ŕ Ma fille, vous devez me répondre, si voulez que je puisse vous donner l’absolution en toute sécurité. Avant tout dites-moi si vous avez répondu à cette lettre.Ŕ […] Ŕ Qu’un confesseur doit tout savoir, parce qu’il peut tout diriger, et qu’un beau-frère ne doit rien dire, certaines conditions. (Lorenzaccio, acte II, scène III, pp.90-94) Le moins que nous pourrions dire est que le Cardinal en voulant satisfaire ses besoins désacralise le sacrement de la réconciliation qui permet aux fidèles d’entrer dans la miséricorde de Dieu étant donné que lorsque le prêtre encore plus le Cardinal accorde l’absolution à un fidèle celui-ci est pardonné de ses péchés. A vrai dire, le Cardinal tout comme le Pape offre que des masques, leurs tuniques apparaissent comme, pour un nageur, un gilet de sauvetage. Par ailleurs, les attaques contre le célibat des religieux ne restent pas sans écho vue que le duc dès le début est présenté comme le fils du souverain pontife en ces termes: « entaille du pape !128 » (Lorenzaccio, acte I, scène I, p.37) L’acte de paternité du pape, la tête même de l’Eglise est devenu le sujet de conversation de tous jours en la personne du duc encore qui n’est qu’un « bâtard ». En fait, ce sont ces mauvais comportements du pape qui refuse la chasteté qui est à l’origine de sa caricature. Une satire poignante saisit le haut clergé et le déshumanise quand nous lisons: « l’architecte mal avisé129 » N’oublions pas aussi que la course effrénée des religieux à la recherche de leur intérêt les a tous fait oublier les règles de base de l’Eglise qu’ils servent et la mission que les a confiée Dieu et pour laquelle ils se sont engagés. Sans doute, la marquise en parlant de « règles mystérieuses » pointe du doigt l’inconduite du cardinal à l’égard des principes religieux. Le déguisement du duc d’ailleurs montre bien l’interférence de l’image des religieux dans le temporel, leur omniprésence dans les affaires qui ne les concernent pas. De plus, leur interaction avec les fidèles au sein même des événements festifs peut riche d’enseignement sur la conduite de ces derniers. Le Cardinal, si on s’en tient à lui seul, est un homme de Dieu exceptionnel. Insaisissable qu’il est les raisons personnelles n’hésite pas de vendre sa robe à vil prix car nous le savons tous la tunique est le seul habit qui différencie les religieux des laïcs. Alors posons-nous les questions suivantes à savoir: jusqu’où peut-on trouver les limites de la religion ? Est par la vertu ou l’habit que nous devons reconnaître les fidèles serviteurs de Dieu ? Car la lecture du dialogue entre le Cardinal et la Marquise nous montre les outrages que subit l’Eglise qui devait avoir comme défenseurs les ministres de la parole divine quand affirme le machiavélique Cardinal que la Marquise ne tardera pas à répondre: On peut respecter les choses saintes, et, dans un jour de folie, prendre le costume de certains couvents, sans aucune intention hostile à la sainte Eglise catholique. – L’exemple est à craindre, et non l’intention. Je ne suis pas comme vous; cela m’a révolté. Il est vrai que je ne sais pas bien ce qui se peut et ce qui se peut pas, selon vos règles mystérieuses. Dieu sait où elles mènent. Ceux qui mettent les mots sur leur enclume, et qui les tordent avec un marteau et une lime, ne réfléchissent pas toujours que ces mots représentent des pensées, et ces pensées des actions. Ŕ Bon ! bon, le duc est jeune, marquise, et gageons que cet habit coquet des nonnes lui allait à ravir. 130 (Lorenzaccio, acte I, scène III, pp.53-54)

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’IRONIE COMME STRATEGIE DU DISCOURS
CHAPITRE 1 : LA DISSIMULATION, LA PERSUASION ET L’AMBIVALENCE DU DISCOURS IRONIQUE
1-1-La dissimulation
1-2-La Persuasion
1-3-Ambivalence du discours ironique
CHAPITRE 2 : L’IRONIE SUR SOI, L’IRONIE DANS LE DIALOGUE ET LA DISTANCIATION
2-1-L’ironie sur soi
2-2-L’ironie dans le dialogue
2-3-La distanciation
DEUXIEME PARTIE : L’IRONIE COMME EFFET SATIRIQUE
CHAPITRE 3 : LA SATIRE POLITIQUE, SOCIALE ET RELIGIEUSE 
3-1-La satire politique
3-2-La satire sociale
3-3-La satire religieuse
CHAPITRE 4 : LA RIDICULISATION, LA NAÏVETE ET LE DENIGREMENT DES VALEURS DE GRANDEURS
4-1-La ridiculisation
4-2-La naïveté
4-3-Le dénigrement de valeurs de grandeur
TROISIEME PARTIE : L’IRONIE COMME ATTITUDE MORALE
CHAPITRE 5 : L’IRONIE COMME JEU D’AMOUR, D’HUMOUR ET LE DESESPOIR 
5-1-L’ironie comme jeu d’amour
5-2-L’ironie comme jeu d’humour
5-3 Le désespoir
CHAPITRE 6 : LE CYNISME, L’ORGUEIL ET LA MORALE DE L’IRONIE
6-1-Le cynisme
6-2-L’orgueil
6-3-La morale de l’ironie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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