L’introduction des marchés dans le secteur de l’électricité

L’introduction des marchés dans le secteur de l’électricité

Le premier processus de création d’un marché a été initié en 1986 avec le développement de l’Acte Unique Européen, qui avait pour but de constituer un marché commun libéralisé pour plusieurs commodités, dont l’électricité et le gaz. (Declercq and Vincent, 2000). La commission européenne présenta un processus en trois étapes clés : l’application dans un premier temps des directives concernant la transparence des prix et l’obligation du transit du gaz et de l’électricité sur les grands réseaux pour leurs opérateurs, ensuite la libéralisation des secteurs du gaz et de l’électricité à partir du 1er janvier 1993 par l’introduction de la possibilité (limitée dans un premier temps) d’un accès de tiers au réseau, et enfin un élargissement de cette possibilité à partir du 1er janvier 1996 (Declercq and Vincent, 2000).

La directive européenne 96/92/CE a donc libéralisé le secteur de l’électricité dans les États membres de l’UE après dix ans de débats (Commission Européenne, 1996). Celle-ci a ainsi pour objectif la mise en place d’un marché intérieur de l’électricité concurrentiel et compétitif, tout en assurant un certain nombre d’obligations de service public. La directive permet notamment d’imposer aux entreprises du secteur des obligations de service public pour assurer la sécurité d’approvisionnement, la protection du consommateur et la protection de l’environnement, qu’un cadre de marché pur ne pourrait, selon eux, pas assurer. Néanmoins, le préambule de celle-ci insiste sur la progressivité nécessaire dans la mise en place du marché libéralisé, afin notamment de protéger les consommateurs qui, dans un marché encore imparfait, pourraient être victimes « d’un pouvoir de marché ». A partir du début des années 90, la libéralisation du secteur de l’électricité a donc été amorcée en Europe, en commençant par plusieurs états pionniers comme le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède (Joskow, 2008). Dans un second temps, des pays européens comme l’Allemagne ou l’Espagne ont entamé des réformes concurrentielles à partir de 1998, tout en conservant dans leurs mises en place certaines spécificités prévues par la directive susmentionnée (Glachant, 2000).

En France, la libéralisation a commencé en 1999 pour s’achever en 2007. En effet en février 1999, on note une première possibilité de choisir librement leur fournisseur pour les entreprises électrointensives (consommant plus de 100 GWh). Cette contrainte de seuil a diminué progressivement pour que toutes les entreprises puissent y avoir accès à partir de février 2003 (Defeuilley, 2011). La séparation officielle des activités de production, de transport, de distribution et de fourniture de l’énergie a été rendue effective à partir d’août 2004. Enfin, comme pour le reste de l’Europe, à partir de la fin 2007, toute la production électrique fut donc soumise aux dispositions du marché de gros : tout l’accès aux systèmes de transmission et de distribution a pris la forme d’un accès réglementé par des tiers et tous les clients de détail pouvaient désormais choisir leur fournisseur, lequel fournisseur évolue dans un cadre de concurrence (Roques, 2020).

Enjeux et caractéristiques spécifiques du secteur électrique 

La gestion d’un système électrique, quel que soit le mode de gouvernance décidé, se doit tout d’abord de composer avec les caractéristiques techniques indispensables à son bon fonctionnement. De ce fait la libéralisation du secteur électrique, pouvant être définie comme le remplacement total ou partiel du « contrôle-commande » centralisé d’une entreprise liée à des mécanismes de marché, fut rendue plus complexe que pour une commodité « classique » (Saguan 2007). En effet, certains aspects techniques sont ainsi communs à tous les systèmes électriques sans distinctions selon les modes de gestion des systèmes. Tout d’abord, le « produit » électricité comporte plusieurs spécificités :
– Non stockabilité : la production d’électricité est considérée comme non stockable en grande quantité et à des coûts abordables,
– Équilibre en temps réel entre l’offre et la demande : en raison des contraintes de fréquence et de stabilité, l’équilibre production/consommation doit être assuré à tout moment. Un déséquilibre durable entre les deux peut provoquer des fortes variations de fréquence et déclencher la protection des composants du système allant jusqu’ à un “black-out”,
– L’électricité n’est qu’un flux : un flux électrique est généré par l’électricité dynamique et les charges électriques se déplacent dans un matériau conducteur : les « actifs du réseau ». Sans « actifs de réseau », l’électricité produite ne peut pas être utilisée par les utilisateurs finaux,
– Les flux électriques sur un réseau ne sont pas complétement contrôlables (lois de Kirchhoff) et doivent respecter les contraintes physiques des infrastructures.

Ces caractéristiques principales, spécifiques à l’électricité impliquent une coordination nécessaire entre les quatre principaux éléments de la chaine de valeur du système électrique qui sont :

La production : les actifs de production d’électricité sont des technologies qui permettent de transformer une source d’énergie primaire en énergie électrique qui peut être injectée dans un réseau. Il existe différentes familles d’actifs de production d’électricité en fonction de leur technologie de transformation des sources d’énergie primaire :
– Les centrales thermiques,
– Les centrales nucléaires,
– Les centrales hydrauliques,
– Les centrales éoliennes,
– Les centrales photovoltaïques.

La consommation étant quasiment inélastique et difficilement gérable en temps réel, la production doit être flexible pour répondre à la première exigence d’équilibre en temps réel entre production et consommation. Cette flexibilité implique une adaptabilité (à la hausse comme à la baisse) de la puissance injectée par les actifs de production sur le réseau. D’un point de vue économique, les centrales électriques sont caractérisées, pour la majorité d’entre elles, comme des actifs à forte intensité capitalistique. En effet, elles comportent des coûts moyens typiques qui peuvent être deux fois supérieurs aux coûts variables, ainsi que des coûts fixes durables, de l’ordre de 30 à 50 ans (Newbery 2006).

Le transport :
L’électricité peut être transportée facilement et rapidement grâce aux actifs du réseau. Les lignes électriques du réseau de transport acheminent l’électricité de la centrale de production au réseau de distribution (interfacé par les postes de transformation). Le transport de l’électricité à l’échelle nationale est principalement assuré à très haute tension (400 000 volts) par des lignes aériennes. A l’échelle régionale ou locale, le transport est assuré en haute tension (principalement 225 000 et 63 000 volts) par des lignes qui peuvent être enterrées ou aériennes. L’utilisation de la très haute tension permet de limiter les pertes en ligne dues à l’effet Joule (dégagement de chaleur) ou aux effets électromagnétiques (effets captifs entre la ligne et le sol). Les pertes d’énergie dans les lignes à haute tension sont proportionnelles aux distances parcourues par le courant électrique.

Enfin, les réseaux de transport ont été développés sur une structure « maillée » en respectant un critère de sécurité n-1* pour assurer la continuité de l’alimentation électrique en cas d’incident sur une ligne. La structure dite de N-1* assure, en cas d’incident sur le réseau via une ligne de transport qui devient inutilisable, la répartition de l’énergie qui y transite sur les lignes restantes en fonction de leur impédance, tout en assurant la continuité de l’alimentation électrique. En transport, la règle du N-1* « absolu » s’applique : la perte d’une ligne ne doit pas entraîner d’interruption de service pour les clients. Lorsque deux lignes à 400 kV sont sur le même support, il faut vérifier la règle N-2.

D’un point de vue économique, les actifs de transport d’électricité sont des actifs capitalo-intensifs. Du fait du coût important de développement (coûts fixes très importants), de leurs coûts d’opérations (coûts variables très faibles) et de la présence d’importantes économies d’échelles, le transport de l’électricité est considéré comme un « monopole naturel » (Lévêque, 2003). Dans une industrie, Un monopole naturel se justifie lorsque, compte tenu de coûts d’infrastructure élevés et autres barrières à l’entrée par rapport à la taille du marché, un opérateur unique garantit une plus grande efficacité de gestion de préférence à une situation de concurrence. Cela se produit fréquemment dans les industries où les coûts en capital prédominent, créant des économies d’échelle importantes par rapport à la taille du marché (Mosca, 2008).

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Chapitre introductif
1.1. L’introduction des marchés dans le secteur de l’électricité
1.1.1 Enjeux et caractéristiques spécifiques du secteur électrique
1.1.2 « Market-design » des marchés de l’électricité
1.1.3 Modification du « market-design » au fil du temps
1.2. Nouvelle évolution du paysage électrique : la décentralisation des ressources
1.2.1 La décentralisation : un vaste sujet
1.2.2 Vecteurs de la décentralisation des ressources électriques
L’évolution des usages vers une électrification de ceux-ci
1.2.3 Les implications en termes de « market-design »
1.3. L’évolution du « market-design » pour la gestion des congestions sur le réseau de distribution
1.3.1 De nouvelles possibilités pour la gestion des réseaux
1.3.2 Conséquences en termes de « market-design »
1.4. Conclusion du chapitre
2. Marchés de flexibilité locale – Revue de littérature & problématique
2.1. Définition et diversité des designs possibles
2.1.1 Produits échangés et temporalité
2.1.2 Rôle des différents acteurs et coordination
2.1.3 Adaptation des marchés aux ressources décentralisées
2.2. Incitation des marchés de flexibilité locale à l’investissement
2.2.1 Gains économiques de l’utilisation des flexibilités locales comme alternative au renforcement de réseau
2.2.2 Impact du « market-design » sur la coordination entre le réseau et les flexibilités locales
2.3. Retour d’expérience de la gestion des congestions grâce à des ressources locales
2.3.1 Premiers retours issus des démonstrateurs
2.3.2 Des premières communications des opérateurs de marché ont émergé
2.4. Conclusion & questions de recherche
3. Chapitre 3 : Marchés de flexibilité locale pour la gestion des congestions pour le réseau de distribution. Quel design pour quel besoin ?
3.1. Introduction
3.2. Les spécificités locales conduisent à des approches différentes pour la gestion des congestions et pour le rôle potentiel des marchés de flexibilité locale
3.2.1 Une variété de situations et d’approches pour la gestion de la congestion dans différents pays européens
3.2.2 Impact de ces différences locales sur les motivations des marchés de flexibilité locale
3.3. Les marchés de flexibilité locale existants présentent un large éventail de « marketdesigns »
3.4. Analyse conjointe des marchés de flexibilité locale et des spécificités de chaque pays : quel design pour quel besoin ?
3.5. Conclusion
4. Chapitre 4 : Quel « market-design » pour assurer la coordination entre investissements réseau et investissements en sources de flexibilité ?
4.1. Introduction
4.2. Revue de littérature
4.3. Définition du problème et du cadre d’analyse
4.3.1 Problématique d’investissement dans des actifs de flexibilité via le cadre de l’économie industrielle
4.3.2 Possible solution de « market-design » : quelle alternative pour répondre au risque de hold-up en fournissant les incitations appropriées pour développer des actifs de flexibilité ?
4.4. Comparaison de différents « market-design » : illustration numérique théorique des problématiques de coordination du développement du réseau et de la flexibilité pour un besoin de développement d’un actif de flexibilité à la hausse
4.4.1 Description de l’exemple illustratif et hypothèses
4.4.2 Solution de premier rang ou solution socialement optimale
4.4.3 Gestion des congestions dans un système libéralisé en utilisant différents « market-design »
4.4.4 Conclusion
4.5. Conclusion et discussion
Annexes
Exemple en considérant « les effacements de consommation »
5. Chapitre 5 : Étude de cas sur l’efficacité des marchés de flexibilité locale avec réservation multi-annuelle de capacité. Le cas du gestionnaire de réseau de distribution UKPN au Royaume-Uni
5.1. Contexte et revue de littérature spécifique
5.2. Présentation et intérêt du cas UKPN
5.2.1 Présentation et fonctionnement
5.2.2 Un « market-design » en construction : des évolutions au fil du temps sur l’accessibilité et la visibilité
5.3. L’appel d’offres Secure 2021
5.3.1 Présentation générale
5.3.2 Illustration du fonctionnement du marché de flexibilité UKPN pour une localisation
5.3.3 Cas illustratif d’un participant au marché de flexibilité locale UKPN 2021
5.4. Quelles incitations à l’investissement via le « market-design » UKPN ?
5.4.1 Une rémunération fondée principalement sur la capacité
5.4.2 Un engagement contractuel sur plusieurs années
5.4.3 Une rémunération capacitaire importante en comparaison d’autres outils incitatifs pour l’investissement (marché de capacité)
5.4.4 Une rémunération qui permettra de couvrir les annuités d’investissement d’actifs de flexibilité mais également une partie des CAPEXs totaux (cas d’une batterie)
5.4.5 Un possible empilement des revenus pour les sources de production qui peut rendre moins spécifique l’investissement
5.4.6 Conclusions
CONCLUSION

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