L’intervention civile de paix : accompagner les défenseur·e·s des droits humains guatémaltèques menacé·e·s

Les caractéristiques sociales des volontaires internationaux

Communément, les volontaires des nations les plus riches voient l’accompagnement comme un moyen de compenser la contribution de leur propre société aux injustices économiques et aux violations des droits humains dans le reste du monde.
Dans son livre, Sidney Tarrow propose une analyse des activistes, ces cosmopolites, comme il les appelle, qui savent tirer profit des opportunités qui s’ouvrent à eux afin d’entreprendre des activités à une échelle transnationale. Ces cosmopolites ont fait des études supérieures, sont connectés, parlent plusieurs langues et voyagent plus souvent que leurs compatriotes. Ils appartiennent à des réseaux d’intérêts et de valeurs qu’ils partagent avec d’autres personnes semblables. Dans cette étude, les douze personnes interrogées ont toutes un profil socioprofessionnel similaire. Elles ont réalisé des études supérieures (au niveau Master) et la majorité d’entre elles avaient déjà eu plusieurs expériences associatives ou professionnelles -dans le domaine des droits humains, de la coopération ou même de l’environnement- avant de partir comme volontaire, notamment à l’étranger. Lorsque la question sur leur motivation était posée au cours des entretiens, toutes répondaient que c’était l’envie d’aider l’autre qui les motive, même s’ils ne sont qu’ « un grain de sable pour améliorer la situation des droits humains. » Liam Mahony et Luis Enrique Eguren ont également cherché à comprendre d’où venait la motivation des volontaires et ils se sont inspirés de l’étude d’Eva Fogelman sur les personnes qui ont sauvé des juifs durant l’holocauste. Selon eux, il y aurait alors deux groupes de volontaires, le premier serait composé de ceux qui ont des motivations morales, religieuses ou humanitaires et le deuxième groupe serait formé par ceux qui agissent pour des motivations politiques.
Au sein des PBI, la grande majorité des volontaires viennent d’Europe (de l’Ouest). Les pays européens les plus représentés sont l’Espagne, puis Allemagne. Il y a peu de volontaires venant du Canada et des États-Unis. Les personnes originaires d’Amérique Latine sont principalement de nationalité Chilienne, Mexicaine et Colombienne. Entre 2013 et 2017 au Guatemala, aucun volontaire ne venait de l’Asie ou de l’Océanie (à part une personne avec la double nationalité Australienne).

L’intervention civile de paix ou les stratégies employées pour justifier leur présence

Les missions d’intervention civile de paix sont moins susceptibles de violer les principes de la souveraineté car leur effectifs sont généralement réduits, elles ne possèdent aucun pouvoir officiel et elles ne sont pas armées.
L’intervention civile de paix est une méthode qui consiste à «envoyer» des volontaires internationaux dans un pays tiers, de par son appellation c’est une intervention de personnes non locales. Cela pose alors la question de la justification de la présence de l’organisation dans ce pays. En effet, comme l’expliquent Liam Mahony et Luis Enrique Eguren, l’accompagnement peut-être ressenti comme étant une sorte d’intrusion de par la présence physique d’étrangers. Cela pourrait être vu comme remettant en cause la souveraineté du pays. Ils ajoutent également que, malgré que les organisations soient non violentes et ne prennent pas parti directement dans le conflit, elles peuvent être perçues comme aidant les acteurs en opposition à l’État. Cependant, d’après Mahony et Eguren, les problèmes de respect ou non de la souveraineté d’un pays tiers sont plus ressentis dans le cas de missions organisées par les Nations Unies ou par une organisation gouvernementale. Les organisations non-gouvernementales auraient ainsi plus de liberté « de mouvement » dans des contextes où un État refuse l’intervention de personnes tierces. Ils donnent l’exemple des forces observatrices des Nations Unies –MINUGUA- au Guatemala, qui n’ont pas réussi à se déployer avant un certain stade des négociations. Alors que durant ce temps-là, les PBI ont réussi à rester dans le pays et à maintenir leur présence à leur petite échelle. Ce fut le cas également au Salvador avec l’ONUSAL, qui put se mettre en place bien après la présence des PBI dans le pays.

L’accompagnement de défenseur·e·s des droits humains : une présence internationale dans un contexte local

L’accompagnement physique des défenseur·e·s

Les services de protection fournis par les PBI sont variés et changent selon la nature des menaces et les besoins de la population locale. Les services les plus communs sont les suivants : accompagnement 24h/24 ou escorte d’individus en danger immédiat […], accompagnement public […] lorsqu’ils font une apparition en public ou voyagent dans des endroits dangereux, une présence observatrice dans les bureaux […] et les observateurs accompagnent les manifestations, marches ou cordons de grève durant lesquels la brutalité policière ou la violence étatique pourrait être dirigée contre les manifestants. L’accompagnement est l’action principale des Brigades de Paix Internationales. C’est un moyen de pacification par « le bas » qui promeut le dialogue entre les parties et des techniques de résolution des conflits. Cette méthode d’accompagnement –avec pour seule « arme » un tee-shirt ou gilet portant le sigle de l’organisation- est considérée comme permettant une plus grande liberté d’action pour les défenseur·e·s. En effet, comme l’expliquent Mahony et Eguren, par le graphique suivant qui représente l’espace politique d’un activiste. Sans l’accompagnement, la frontière « perçue » par la personne est celle en gras (en diagonal). Avec l’accompagnement, cette frontière se déplace vers le haut du graphique et laisse moins de place aux « actions avec des conséquences acceptables » pour les personnes qui les menacent. Alors la frontière « réelle », en horizontal, se déplace également vers le haut. La nouvelle frontière «réelle» montre que l’activiste aurait alors plus d’espace de travail.

Le principe d’impartialité : être accompagné·e et garder son indépendance

Le travail de PBI en tant que troisième partie impartiale, requiert que les équipes de PBI et leurs membres ne soient pas impliqués dans le travail des organisations et personnes accompagnées ; qu’ils fassent de leur mieux afin de rester objectif, malgré leur possible identification émotionnelle avec les victimes ; qu’ils ne soient pas impliqués dans les politiques officielles du pays hôte ; qu’ils partagent les outils de résolution des conflits dont ils disposent avec ceux qui le leur demandent, tant en informant ou sous la forme de formation et d’ateliers sans intervenir ou imposer leurs propres opinions.
Les PBI veillent à respecter le principe d’impartialité lors des accompagnements des défenseur·e·s des droits humains. En effet l’organisation souhaite éviter de «dire aux gens ce qu’ils doivent faire». Il est écrit sur leur site internet que les Brigades de Paix Internationales cherchent un moyen de servir dans le reste du monde tout en évitant les traces paternalistes des missionnaires et du travail pour le développement, qui dominent souvent ces relations internationales. Les volontaires sont fiers de « ne pas faire pour eux ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes » et ils soulignent souvent le fait que « nous disons à personne ce qu’il faut faire ».

L’accompagnement : une intervention extérieure non-violente

Le rôle des volontaires dans la création d’un espace politique sécurisé

Les activités sont nécessairement notre premier sujet. Dans un monde de plus en plus internationalisé, une couche fluide, cosmopolite, mais enracinée de militants et de défenseurs développe des ressources, des compétences et des opportunités nationales pour promouvoir les objectifs collectifs des personnes qu’ils prétendent représenter. Certains militants le font au nom de la mondialisation, d’autres contre ses ravages.
Tarrow parle d’individus et de groupes d’individus qui travaillent à l’intérieur et à l’extérieur de leur propre pays. Il appelle les activistes transnationaux des «rooted cosmopolitans», des «cosmopolites ancrés» qui «mobilisent des ressources et opportunités domestiques et internationales pour présenter les revendications d’acteurs externes, contre des ennemis externes, ou en faveur d’aspirations en commun avec les alliés transnationaux. »
Ces « cosmopolites ancrés » forment un sous-groupe dans la « grande famille » des activistes transnationaux. Ils sont engagés dans des activités politiques contentieuses et impliqués dans des réseaux transnationaux. Alors qu’ils se déplacent physiquement et cognitivement en dehors de leur pays, ils ont accès à des ressources et opportunités de leur lieu d’origine.
Comme l’expliquent Guidry, Kennedy et Zald, les groupes de pairs travaillant pour les droits humains sont composés d’activistes qui sont persuadés que le langage des droits humains est un moyen de critiquer la violence étatique.

L’ouverture d’arènes politiques internationales à des activistes locaux

Les volontaires accompagnateurs forment un pont entre les activistes menacés et le monde extérieur, ainsi qu’entre leurs communautés d’origine et la réalité du combat mondial pour les droits humains. [Ils] vivent un rare privilège d’être aux côtés de quelques-uns des activistes les plus courageux et engagés du monde.
Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme reconnait que les défenseurs agissent dans leur pays mais « collaborent aussi avec des mécanismes régionaux et internationaux susceptibles de les aider à améliorer la situation des droits de l’homme dans leur pays. » Pour Khagram, Riker et Sikkink, s’il n’est pas possible de se faire entendre dans les arènes politiques locales, les activistes auraient alors tendance à chercher des alliés dans des réseaux transnationaux, parfois, pour pouvoir protéger leurs vies. Comme l’explique Jorge Luis Morales : Les Brigades de Paix nous ont beaucoup aidé, elles ont ouvert des portes, commenté nos cas, les partageants dans les journaux. Le cas de la Primavera, ils l’ont traduit en anglais. […] [Un volontaire] m’a aidé à faire la présentation. Et cela s’est partagé dans les endroits où les Brigades Internationales de Paix sont présentes. Et de la même manière, ils ont commenté des cas actuels. Les défenseur·e·s seraient également conscients que l’accompagnement n’est pas infaillible. Mais pour Mahony et Eguren, ils le demandent car ils pensent que cela leur ouvre de nouvelles opportunités. Ils espèrent aussi pouvoir mettre en place des actions qu’ils ne pouvaient faire auparavant. Ils sont également persuadés que la probabilité d’être attaqué est plus faible.

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE 1 – Les volontaires internationaux : une sociologie des engagements dans un environnement dangereux
I. Les volontaires internationaux : qui sont-ils ?
A) Un long processus de sélection et une formation approfondie pour un terrain dangereux
B) Les caractéristiques sociales des volontaires internationaux
II. Les principes de non-violence et non-ingérence comme moyens de justification de l’intervention 
A) L’intervention civile de paix ou les stratégies employées pour justifier leur présence
B) Une application de la théorie de la dissuasion via l’établissement de relations avec divers acteurs locaux et nationaux
III. Les volontaires internationaux : un engagement périlleux
A) Une importante charge de travail : missions confiées et conditions de vie
B) L’impact psychologique d’un volontariat pas comme les autres
CHAPITRE 2 – L’intervention civile de paix : accompagner les défenseur·e·s des droits humains guatémaltèques menacé·e·s
I. Défendre les droits humains, une activité à haut risque
A) (Sur)vivre au quotidien avec les menaces
B) « La fois de trop » : demander un accompagnement lorsque la situation n’est plus supportable
II. L’accompagnement de défenseur·e·s des droits humains : une présence internationale
dans un contexte local
A) L’accompagnement physique des défenseur·e·s
B) Le principe d’impartialité : être accompagné·e et garder son indépendance
III. Faire face aux manquements de l’État guatémaltèque 
A) Un complément aux mécanismes de protection défaillants
B) Un soutien moral pour les défenseur·e·s des droits humains
CHAPITRE 3 – Défenseur·e·s locaux et volontaires internationaux : une coalition transnationale pour la défense des droits humains
I. L’accompagnement politique et informatif : le rôle des acteurs internationaux et du partage des informations
A) Mobilisation des réseaux de réponse urgente et de solidarité des PBI
B) Les tournées de plaidoyer : rencontres des défenseur·e·s avec des acteurs internationaux
II. L’accompagnement : une intervention extérieure non-violente
A) Le rôle des volontaires dans la création d’un espace politique sécurisé
B) L’ouverture d’arènes politiques internationales à des activistes locaux
III. La contestation locale devient internationale : le rôle de la coalition transnationale formée par les PBI et les défenseur·e·s
A) Volontaires et défenseur·e·s : un exemple de coalition transnationale
B) Mobilisation des réseaux de solidarités transnationaux et tentatives d’influence des normes et politiques des États et organisations internationales
Conclusion
Bibliographie

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