L’internement des prisonniers de guerre en Suisse

L’internement des prisonniers de guerre en Suisse

Définition et historique de l’internement

Il convient d’abord de délimiter l’internement de manière claire et détaillée. Ainsi, l’historien Hervé De Weck explique le contexte dans lequel ce système s’est imposé : Des formations ou des combattants isolés qui se trouvent à proximité de la frontière d’un État neutre peuvent lui demander de s’y réfugier. Si les autorités les acceptent, elles les désarment et les internent jusqu’à la fin du conflit. Soldats et sous-officiers sont placés dans des camps ; les officiers peuvent rester libres, sur leur parole de ne pas quitter le territoire. Les prisonniers de guerre amenés par des formations bénéficient du même statut.37 37 DE WECK Hervé, « internés », DHS, 2008 [en ligne]. De fait, la pratique de l’internement s’applique principalement aux militaires. Deux cas de figure existent : dans le premier cas, des troupes peuvent revendiquer leur droit au refuge directement à la frontière helvète en cas de nécessité, leur désarmement étant une condition sine qua non ; dans le second cas, il s’agit de prisonniers, conduits en Suisse par leurs geôliers afin d’y être maintenus en captivité. L

a finalité de ce service est de proposer un refuge sûr, des conditions de vie décentes et des soins au sein d’un territoire épargné par la guerre. L’internement offre une certaine liberté aux internés qui peuvent jouir de la visite de leur famille, participer à des activités sportives ou culturelles ; ils n’en demeurent pas moins des captifs puisqu’il leur est interdit de quitter le pays refuge avant la fin des hostilités. À ce propos, l’internement entre en résonnance avec la politique de neutralité de la Confédération suisse. Il est clair que la Suisse, forte de son statut d’État neutre, cultive une certaine tradition d’accueil de troupes ou de civils en temps de guerre. Dans son histoire, trois évènements majeurs illustrent cette pratique : la Guerre franco-allemande (1870-1871), la Première Guerre mondiale (1914-1918) et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Le premier événement intervient, en 1871, lorsque l’armée française de l’Est, dont les hommes sont appelés « Bourbakis », trouve refuge en Suisse. En effet, lors de la Guerre franco-allemande, l’armée française de l’Est, menée par le général Charles Denis Soter Bourbaki, voit ses soldats, affaiblis et découragés, contraints à se replier vers la Suisse. Le haut-commandement sollicite alors l’internement de ses troupes sur le territoire helvétique, requête que le Conseil fédéral accepte. De cette manière, le 1er février 1871, 87’000 Bourbakis désarmés pénètrent en Suisse pour y être internés jusqu’au mois de mars de la année.38 Les archives n’ont pas répertorié à ce jour un journal qui aurait été élaboré par ces internés même, dont la durée du séjour en Suisse fut, somme toute, limitée.

Un résultat de la médiation suisse

Si la Confédération ne prend pas part aux conflits, elle n’en demeure pas moins en contact avec tous les belligérants et active au niveau diplomatique et humanitaire. La Première Guerre se caractérise par sa durée inattendue et par son intensité meurtrière. En effet, entre 1914 et 1918, tant militaires que civils sont victimes d’une violence aveugle et démesurée, conduisant ainsi à la mort de plus de 8,5 millions d’individus.49 L’heure est aux combats de tranchées, aux champs de batailles dévastés, sur lesquels s’abat un déluge de feu et d’acier. Chaque jour se ressemble : le haut-commandement ordonne la conquête ou reconquête d’une butte ou d’un territoire dérisoire, sachant qu’il faudra réitérer la manoeuvre le lendemain. Inéluctablement, les combats s’enlisent, le moral des soldats, simples pions sur l’échiquier des grandes puissances, est au plus mal. À cela s’ajoute la captivité qui frappe entre 7 et 9 millions de soldats, soit 1 soldat sur 10 environ, raison pour laquelle l’historienne Uta Hinz évoque la captivité comme « une destinée de masse »50.

De plus, les prisonniers sont victimes de mauvaises conditions, de carences alimentaires, de maladies et de souffrances psychologiques.51 La situation pour ces hommes est inquiétante et agir pour ramener une maigre lueur d’humanité dans les atrocités de la guerre devient une nécessité. À partir du constat des terribles conditions d’emprisonnement, va naître le système de l’internement helvétique. Édouard Favre estime, dans son grand rapport sur l’internement, que les premières mentions d’un éventuel internement, voire d’une « hospitalisation internationale » en Suisse, sont attribuées à un dénommé Louis de Tscharner (1853-1927) qui, dans les numéros du 23 septembre et du 31 octobre 1913 de la Berner Tagblatt,

 Le développement des journaux d’internés

L’internement des soldats blessés ou malades commence donc dès le début de l’année 1916. Assez rapidement, entre juillet et octobre 1916, des journaux d’internés voient le jour parmi les différentes nationalités de prisonniers. Le Service de l’internement suisse reconnait d’abord deux journaux comme organes officiels des internés ; il s’agit des revues les plus importantes de la presse d’internement ; l’une est française et l’autre est allemande. En octobre 1916, est créé le Journal des internés français, hebdomadaire, publié sous le haut patronage de l’ambassade de France en Suisse avec l’autorisation du Service de l’internement. Le journal cible les 37’515 Français en captivité sur le sol suisse et son objectif est de lier les internés entre eux. Comme cette revue représente le coeur de ce travail, son contenu sera détaillé dans les parties suivantes. Quant au journal des internés allemands en Suisse, il est publié en juillet 1916.71 Il s’intitule le Deutsche Internierten Zeitung, « herausgegeben mit Genehmigung des Schweizer Armeearztes von der Deutschen Kriegsgefangenen Fürsorge », c’est-à-dire « délivré avec l’autorisation du médecin d’armée suisse des prisonniers de guerre allemands ».72 Hermann Hess73 et Richard Woltereck74 participent à la création de cette revue hebdomadaire dont les lecteurs potentiels font partie des 21’225 détenus allemands en Suisse.75

Le Journal des internés français et le Deutsche Internierten Zeitung possèdent des similitudes. Hebdomadaires de 20 à 30 pages, riches en illustrations et en publicités, ils sont édités à Berne : Dalmaziweg 46 pour la revue française et Thunstrasse 23 pour la revue allemande. Ils donnent des nouvelles des camps de prisonniers, des centres d’internement et du front ; ils possèdent des parties de poésie et d’art ; ils détaillent la Suisse et ses paysages. La ressemblance entre les deux journaux est non seulement grande au niveau du contenu mais aussi au niveau du visuel. Il suffit de feuilleter quelques numéros pour s’en rendre compte. Leurs pages de garde se ressemblent, comme en témoignent les deux images ci-dessous. La page de garde du numéro allemand du 10 février 1917 affiche les couleurs de l’Allemagne et de la Suisse ainsi qu’une photo de la visite officielle de Johann Georg von Sachsen auprès des internés. Celle du numéro français adopte une composition similaire avec sur le numéro du 10 mars 1918, une photo de remise de décoration à des internés par un officiel français.

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Table des matières

Introduction
PARTIE 1 : Quelle est la genèse du Journal des internés français ?
1 L’internement des prisonniers de guerre en Suisse (1914-1918)
1.1 Définition et historique de l’internement
1.2 Présentation de l’internement durant la Grande Guerre
1.3 Un résultat de la médiation suisse
1.4 Fonctionnement du Service de l’internement
1.5 La vie des internés
1.6 Le développement des journaux d’internés
2 L’affaire à l’origine de la création du Journal des internés
2.1 Un nouveau venu dans la presse suisse : L’Interné
2.2 L’affaire Léon Paillet
2.3 Éliminer L’Interné pour créer le Journal des internés
2.4 L’implication conjointe des autorités françaises et suisses
PARTIE 2 : Un journal pour les internés ?
3 La tradition journalistique dont est issu le journal
3.1 La presse traditionnelle
3.2 Les journaux de tranchées
3.3 Les journaux des camps de prisonniers
3.4 Le Journal des internés
4 Les fonctions du journal pour les internés
4.1 Un lien entre les internés, leur famille et la France
4.2 Un lien pour la communauté d’internement
4.3 Un guide et un soutien
4.4 Un divertissement
4.5 Un moyen d’expression des internés
PARTIE 3 : Un journal pour la propagande française ?
5 L’incursion de la propagande française dans le journal
5.1 Les enjeux de la propagande
5.2 Aux origines de la Maison de la Presse
5.3 La Maison de la Presse
5.4 Guy de Pourtalès, un agent de la Maison de la Presse en Suisse
5.5 La Maison de la presse aux commandes du Journal des internés
6 Les fonctions du journal pour la propagande française
6.1 Le consentement au sacrifice
6.2 La construction d’une image exemplaire des internés
6.3 Combattre l’oisiveté des internés
6.4 Le journal comme porte-voix de la politique française
6.5 Pour un rapprochement de la France et la Suisse
PARTIE 4 : Un journal pour les intérêts suisses ?
7 Intérêts et réaction des autorités suisses envers le journal
7.1 La politique humanitaire suisse
7.2 Le contrôle de l’information
8 Fonctions du journal pour la Suisse
8.1 Un relais officiel pour les autorités suisses
8.2 Un objet publicitaire
8.3 Un outil de propagande
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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