L’intérêt de la parole dans l’apprentissage

LA PAROLE DANS L’ART

La parole comme acte artistique

Performance : corps, voix, geste et posture

Si les arts plastiques sont parfois réduits à l’art du visuel, certains artistes ouvrent cette définition à un art de la parole comme c’est le cas au début du XXᵉ siècle avec l’apparition de la performance. Liée aux avant-gardes désireuses de rompre avec les médiums traditionnels de l’art (Dada, le futurisme ou le surréalisme…), la performance s’inscrit dans un ici et maintenant, un moment éphémère partagé directement par l’artiste et son public. Si l’œuvre n’est plus matérielle comme pourrait l’être une sculpture ou un tableau, elle est pourtant bien plus « présente » dans le sens où le médium devient le corps vivant de l’artiste. L’effet sur le spectateur est donc décuplé, l’artiste provoquant des pensées et des sensations chez son public par sa posture et son action.
Hélène Singer met en avant le fait que la voix est en réalité un matériau plastique puisque elle est élastique et malléable. Elle peut donc se travailler lors de cours de chant par exemple afin de mieux l’appréhender et ainsi mieux maîtriser les effets produits. L’artiste performeur doit donc prendre conscience de son corps et de ce qu’il produit (voix, gestes, déplacements…) afin de toucher son public. Si l’on regarde du côté du professeur, ce dernier doit également maîtriser l’ensemble de ces paramètres afin d’assurer son cours. Il devra moduler sa posture, ses déplacements lorsqu’il s’agit de s’adresser à l’ensemble de la classe, à un petit groupe ou à un seul élève. De plus, il doit être capable de gérer sa voix en fonction de ses intentions : intéresser les élèves à un projet, recadrer les écarts, rassurer et motiver. On peut donc se demander s’il est possible de rapprocher les postures de l’artiste performeur et du professeur d’arts plastiques ? Quelles sont les limites à un tel parallèle ?

Jouer un rôle et entrer dans la fiction

Pour illustrer ce recoupement entre la démarche de l’artiste et celle du professeur, nous pouvons prendre l’exemple de Thomas Huber qui pense ses peintures indissociablement des conférences qui les accompagnent. Ici, on a du mal à savoir si la parole est un acte de description ou un acte artistique à part entière sans lequel l’œuvre serait incomplète. D’après lui, « Le tableau est un lieu de communication d’un message » or cela ne signifie pas qu’il soit directement accessible. L’artiste recourt à la symbolisation dans sa peinture en utilisant mises en abîme, présence simultanée d’éléments ou de temporalités apparemment contradictoires. Le discours vient donc aider le public dans son appréhension de l’œuvre, dans sa compréhension et dans sa manière de voir la peinture. Cette idée d’accompagnement dans l’accès conceptuel à l’œuvre d’art est évidemment très proche du travail mis en place par le professeur d’arts plastiques. Ce dernier cherche avant tout à ce que l’élève s’intéresse aux œuvres d’arts qui constituent son patrimoine culturel en rendant accessible l’intention de l’artiste, en amenant l’adolescent à décrypter ce qu’il voit.
Dans son discours inaugural de l’exposition Sonnez les matinesau musée départemental d’Art contemporain de Rochechouart (2003), Thomas Huber s’imagine guide touristique et tente d’intégrer son public dans son histoire : « Mesdames et messieurs. Les cloches se sont enfin tues.
Le silence règne. Je peux donc m’adresser à vous. On dirait presque que nous participons à un petit voyage organisé. Faites travailler votre imagination ! Enfin descendus du car ou du train, nous venons d’arriver. Vous êtes les touristes, je suis le guide. Nous espérons tous ne pas ressentir la fatigue du voyage ; impatients de visiter Huberville, le but de notre excursion, nous nous sentons frais et dispos. »
En plongeant dans cette fiction, les spectateurs sont invités à voir autrement le monde qui les entoure : l’exposition, les œuvres, l’artiste lui-même. C’est également ce que le professeur d’arts plastiques est amené à faire : il plonge les élèves dans une histoire plus ou moins fictive qui les mobilise, qui les fait se détacher de leur rôle d’élève et du milieu classe pour les mettre en action et se poser de vraies questions artistiques. Le professeur joue un rôle : tantôt figure d’autorité, tantôt conseiller ou encore coach, tout comme Huber endosse l’habit du guide touristique. Il peut alors être le chef d’orchestre tout en laissant la place aux spectateurs/élèves de s’emparer de ce qui leur est mis à disposition afin qu’ils créent du sens.
Dans le même principe, nous retrouvons le duo d’artistes Dector & Dupuy qui lors de la Nuit Blanche 2013 avait proposé une visite performative de la ville de Paris intitulée Le sommeil des tumultes. Ainsi il détourne la visite guidée classique en en faisant une performance décalée et artistique. Le public invité à les suivre entre 21h et 6h du matin était alors plongé dans une promenade insolite où réalité et fiction se mêlaient afin de mettre en avant les rapports sociaux et politiques de l’espace urbain. Cet acte artistique se rapproche de ce qu’on a vu précédemment sur les différents rôles qu’endosse le professeur et les histoires dans lesquelles il plonge les élèves afin de les mobiliser. On peut voir cependant une limite : si les artistes peuvent se permettre toute sorte d’extravagances pour faire voyager leur public, les fictions racontées par le professeur ont toujours pour but de rendre explicite les notions que l’élève s’approprie. La fiction amène à la réalité plastique ou artistique, et à l’intelligibilité.
Pour aller plus loin, nous pouvons prendre l’exemple d’Éric Duyckaerts qui joue de l’ambiguïté entre une parole savante destinée à nous apprendre quelque chose et une parole artistique qui montre l’absurdité de ce dispositif. Dans sa conférence-performance How to draw a square, l’artiste joue le rôle du professeur et parodie la construction et la transmission des savoirs. On assiste à un véritable paradoxe entre le sérieux de cette démonstration où tout nous rappelle un cours magistral : tableau blanc, explication accompagnée de schéma, geste et parole relevant d’un discours savant et l’incongruité de la situation dans laquelle ce « pseudo » professeur tente de nous apprendre pendant quasiment un quart d’heure une chose aussi simple que de dessiner un carré. Éric Duyckaerts montre à quel point la posture et la manière de parler donne corps à nos idées, celles-ci étant aussi absurde que sa démonstration du dessin d’un carré.
On peut noter sa qualité d’orateur : il obtiendra la deuxième place au Tournoi d’Éloquence de la Faculté de Droit en 1972. Mais encore une fois, si cette manière de procéder est tout à fait adaptée au propos de Duyckaerts dans une démarche artistique, le professeur d’arts plastiques ne cherchera pas à jouer de cette ambiguïté entre fiction et réalité où s’il lui arrive de le faire, ce ne sera que pour mieux rendre explicite son propos par la suite. L’enseignant ne cherche pas à ce que les élèves l’écoutent, mais à ce qu’ils comprennent par eux-même le sens de ce qu’il leur propose.

Un discours institutionnel unique

Depuis les années 1980 et de manière plus importante en 2000, le discours est entré au musée comme une manière d’accéder aux œuvres par le biais des conférenciers, et plus récemment des médiateurs. Stéphanie Airaud, chargée des publics et de l’action culturelle du MAC/VAL, va même plus loin en affirmant : « Le conférencier, le commissaire, le critique d’art, dès lors qu’ils s’expriment sur ou avec l’œuvre dans un espace muséal, performeraient le concept d’art, voire l’œuvre elle-même, la feraient exister pour le visiteur/spectateur. »
Ainsi la parole d’une personne autorisée, et même pour aller plus loin, dont le travail est de parler des œuvres ferait « exister » l’œuvre pour le public. On est loin de l’œuvre autonome qui parle et existe par elle-même. L’œuvre deviendrait donc dépendante du discours qui lui est attribué par l’institution muséale. L’artiste Andrea Fraser met en avant cette autorité que le musée fixe avec sa vidéo
Little Franck and His Carp(2001) dans laquelle une visiteuse réagit de manière incongrue en écoutant le discours enregistré de l’audioguide du musée Guggenheim. Ainsi elle pose la question de ce que plus aucun visiteur n’ose : doit-on croire en un discours unique et se contenter d’écouter LA parole vraie, validée par l’institution sans aucune réaction face à l’œuvre, sans pouvoir se forger sa propre idée ?

La parole comme outil social

On retrouve un lien très étroit entre l’acte artistique et l’acte oral. Ces deux actions relèvent du sensible, quelque chose qui sort de nos entrailles et qui se donne à voir ou à entendre, à communiquer avec l’autre. Il s’agit bien dans les deux cas d’un regard sur le monde explicable à autrui, une affirmation personnelle amenant sur l’ouverture à l’autre. Nous avons vu précédemment que la parole engage l’individu face à l’autre, ainsi, il s’agit de créer des oppositions, des débats entre les élèves non seulement pour qu’ils puissent affirmer leurs choix mais également afin qu’ils acceptent l’avis parfois différent voir contradictoire au leur. Ceci est très important lors des séances d’arts plastiques puisque cela passe par apprendre à accepter et tenter de comprendre toute production artistique quelle qu’elle soit. Cette faculté est également nécessaire en dehors du collège lors de tout échange avec autrui. C’est alors leur permettre de se défendre par la parole et non par la violence, de maîtriser ses propos, d’argumenter pour permettre de se valoriser ou de créer de nouveaux liens sociaux qu’ils soient amicaux ou plus tard professionnels.
Enfin, le langage qu’il soit écrit ou parlé est ici synonyme de partage d’une culture commune : si l’autre me comprend c’est bien parce qu’il partage le même langage que moi.
Communiquer lors de débat, de questionnement autour des productions faites par les élèves ou d’œuvres d’art de référence c’est aussi trouver sa place dans une communauté, faire parti d’un groupe, ce qui ouvre sur le partage de valeurs et d’une culture (artistique ou non) communes.
À cet égard, les programmes d’enseignement des arts plastiques du collège insistent fortement sur le fait que cette matière « développe un esprit d’ouverture et concoure à tisser un lien social ». De plus on retrouve les termes « expression personnelle », « relation à l’autre », « respect mutuel des échanges »… On peut noter que la parole est un outil essentiel dans l’acquisition du socle commun de compétences en ce qui concerne les compétences civiques et sociales telles que la conscience de l’altérité et l’écoute de l’autre.

La parole comme outil cognitif

Les pédagogies actives apparaissent au début du XXème siècle chez Adolphe Ferrière qui parle d’une « école active ». Il s’agit de rompre avec les pédagogies traditionnelles considérant l’élève comme simple récepteur d’un savoir émis par le professeur. Les méthodes actives sont centrées sur l’élève en l’amenant à construire son savoir, en se positionnant comme acteur de son apprentissage. Les théories psycho-cognitivistes mettent en avant que « l’apprentissage dépend de la manière dont l’élève organise les informations qu’il reçoit, dont il interprète, les hiérarchise, les codes, les met en mémoire. On désigne par activité cognitive l’ensemble des opérations mentales par lesquelles l’élève transforme des informations qu’il reçoit en connaissance pour lui. »
Ainsi il ne s’agit plus de considérer l’enseignement comme un certain nombre de connaissances à transmettre à nos élèves mais bien d’envisager des situations d’enseignements ouvertes où chaque élève pourra s’approprier des compétences et des connaissances. Les thèses constructivistes se basent sur l’idée que l’on construit ses connaissances dans l’action, par la réflexion qui va suivre ce qu’on a fait.
Un enfant qui apprend par l’action construit le concept avant de mettre des mots dessus. L’idée se forme dans son esprit et c’est par le langage qu’il va pouvoir prendre conscience de celle-ci. La parole n’est donc pas nécessaire pour construire les connaissances qui sont déjà mises en place lors de la pratique en arts plastiques, mais elle permet de rendre intelligible ces savoirs. Lors d’un cours magistral, on demande aux apprenants de mémoriser des informations qui viennent du professeur, c’est-à-dire de l’extérieur. Il devra ensuite restituer ce qu’il a appris lors d’examens et on imagine qu’il pourra éventuellement faire appel à ces connaissances dans une situation de la vie quotidienne. Le constructivisme fait la distinction entre l’acte d’apprendre et l’acte de mémorisation. Quand l’élève apprend dans l’action, c’est-à-dire qu’il construit lui-même ses savoirs à partir de situations réelles, la connaissance prend naturellement sens dans son esprit. L’acte de mémorisation ne vient pas d’une recherche de l’élève, elle émane de l’extérieur et ne semble donc pas évidente pour lui, il doit alors faire un effort de rétention pour la mémoriser, et non apprendre. Jean Piaget met en avant l’idée qu’apprendre est le fait de deux actions : assimiler et s’accommoder.
Assimiler, c’est comprendre une nouvelle connaissance par l’action de l’environnement sur soi-même. S’accommoder, c’est la réinvestir dans une nouvelle situation, c’est à dire agir sur son environnement. Dans le cours d’arts plastiques, on a vu que la pratique de l’élève, favorisée par un dispositif mis en place par l’enseignant, permet de faire émerger des notions dans l’esprit des élèves. La parole devient nécessaire afin qu’ils aient prise sur ces idées. En les formulant avec leurs propres mots, les notions abstraites deviennent claires et s’ancrent naturellement dans leur esprit. De plus, le constructivisme met en avant que la connaissance est une question d’adaptation au nouveau. Quand l’élève prend l’habitude de réfléchir sur ses actes et de prendre du recul en les mettant en mot, il peut se confronter à n’importe quelle nouvelle situation. Il s’adaptera beaucoup plus facilement que s’il s’est toujours trouvé dans un cadre magistral où toute nouvelle connaissance vient de l’extérieur et où l’élève n’a pas la possibilité de comprendre par lui-même.
En résumé, dans ce dernier cas, ce qu’on n’a pas enseigné à l’élève, l’élève ne le sait pas. Dans le cas d’un apprenant habitué à la construction de son savoir dans l’action, ce qu’il ne sait pas encore, il va pouvoir le comprendre par l’analyse des éléments nouveaux. Bernard-André Gaillot relève l’importance de l’interaction avec son milieu dans l’apprentissage chez Henri Wallon : « Wallon, se fondant sur ses observations en neuropsychosociologie, insiste sur la participation indispensable de l’enfant à l’élaboration de son savoir : c’est par l’interaction répétée avec son milieu (le milieu social et technique, pas le milieu naturel de Rousseau) que l’enfant se construit par adaptation progressive et engrange l’expérience qui lui permettra un jour de dépasser la simple intelligence sensori-motrice pour le recul de l’intelligence discursive. »
Il s’agit donc de laisser l’élève acteur de l’élaboration de son savoir tout en lui apportant un milieu social et technique riche et cohérent. Ainsi les dispositifs proposés par le professeur doivent être ouvert dans les possibles réponses des élèves (afin que chacun construise son savoir à partir de sa propre culture, de ses propres représentations, de sa motivation) mais centré sur les notions mises en place afin que l’élève puisse comprendre ce sur quoi il a travaillé lors de la verbalisation.
Comme nous l’avons observé précédemment, la pratique orale met l’élève en action, il s’exprime personnellement, s’affirme. Ainsi, le fait que le questionnement parte de l’élève lors de la verbalisation lui permet de construire son apprentissage bien plus concrètement que si le professeur lui avait fait une démonstration, comme c’est le cas lors d’un cours magistral. La parole est aussi proche de la didactique spécifique aux arts plastiques : elle relève du sensible mais également de l’intelligible : il s’agit de formuler des sons codifiés afin de se faire comprendre par autrui. Le fait d’agir dans un aller-retour constant entre pratique et réflexion, ce que l’on nomme praxis, fait émerger chez l’élève le questionnement mis en place par l’enseignant.
Par l’expérience du faire lors de la pratique puis du dire à partir de ce qu’il a fait lors de la verbalisation, l’élève s’empare des notions que le professeur lui a proposé (et non imposé) et les fait siennes, se les approprie pour mieux les comprendre. La connaissance et la compréhension du monde en arts plastiques ne se fait pas par la restitution de connaissances venant de l’extérieur mais par l’action de l’élève qui crée sa propre réponse (plastique par la pratique, conceptuelle par la parole). Elle est ainsi construite par lui, venant de l’intérieur et donc facilement compréhensible.

L’EXPÉRIMENTATION EN COURS D’ARTS PLASTIQUES

Objectifs visés

Nous avons vu de manière théorique en quoi la parole était un outil essentiel dans l’apprentissage des arts plastiques. Nous nous intéresserons à présent à l’analyse d’un cas concret : sa mise en place dans une classe de troisième. Ici nous verrons quels objectifs nous visons en fin d’année scolaire 2014-2015 pour ces élèves qui entrerons par la suite au lycée.

Parler d’une œuvre

La première compétence que l’élève doit acquérir est celle de savoir parler d’une œuvre d’art ou d’une production plastique faite par lui-même ou un camarade. Le moment de verbalisation lui permet de croiser différents regards et de forger son œil à l’analyse. Plusieurs phases sont travaillées depuis la sixième et même avant : la première est celle de la description.
Ainsi, l’élève doit acquérir un vocabulaire spécifique aux arts plastiques afin de décrire précisément une œuvre : nature, couleur, point de vue, cadrage, technique, matériaux, gestes etc… Cela est loin d’être suffisant en classe de troisième et c’est alors que vient un deuxième niveau qui est celui de l’analyse : l’élève peut expliquer pourquoi tel artiste a utilisé telle couleur, une prise de vue en contre-plongée, le matériaux bois plutôt que le fer, en résumé les intentions qui ont amené cette œuvre. Enfin, pour aller plus loin avec un véritable recul réflexif, on attend d’un élève en fin de troisième qu’il soit capable de conceptualiser les données qu’il repère. Cela veut dire qu’il fait un lien avec le contexte historique et artistique de l’œuvre, qu’il comprend les intentions de l’artiste au delà des données matérielles que constituait la description.
Plus qu’une simple compétence plasticienne, il s’agit d’un acquis transdisciplinaire. Savoir analyser une image est nécessaire dans beaucoup de disciplines : histoire-géographie, français, sciences et vie de la terre ou sciences physiques. De même dans la vie de tous les jours, il s’agit de permettre aux élèves d’adopter une posture critique face à la publicité par exemple et de prendre conscience de la manipulation et de la fascination qu’exercent les images. Fabriquer des images, c’est comprendre qu’il y a un auteur à son origine qui crée du sens en fonction de ses intentions. C’est alors opérer un recul critique sur le monde qui nous entoure et devenir un citoyen responsable.

Faire preuve de curiosité envers l’art

Dans la classe de troisième témoin, une élève souhaiterait se diriger vers une option arts plastiques en seconde. Mais qu’en est-il pour les autres ? La majorité continuera son cursus scolaire sans plus entendre parler d’arts plastiques. Certains d’entre eux n’iront même jamais voir une œuvre d’art dans un musée. Alors comment éviter un désintérêt total pour les arts plastiques après leur sortie du collège. Comment les sensibiliser à ce patrimoine culturel qui est le leur ?
Encore une fois, cela passe par la parole de l’élève qui doit se sentir autorisé à discuter les œuvres. Qu’il apprécie ou non un Picasso, l’important est qu’il n’y soit pas indifférent ou catégoriquement allergique. Prendre conscience qu’on peut avoir sa propre opinion d’une œuvre d’art, c’est se sentir concerné. C’est ne pas se dire que certaines personnes vont au musée mais pas eux parce que ce n’est pas dans leurs habitudes. C’est en quelque sorte les rendre familiers à l’art sous toutes ses formes afin qu’ils ne soient plus muets face à un univers qu’ils ne comprendraient pas. Ainsi les échanges oraux permettent de rendre accessible par des mots les intentions d’un artiste, les enjeux d’une problématique artistique. La parole permet de mettre à leur portée ce qui leur semblait à première vue être « n’importe quoi ». Le programme du collège de l’enseignement d’arts plastiques met en avant qu’en fin de troisième, les élèves auront appris à exprimer leurs émotions et à développer une réflexion argumentée grâce à la confrontation régulière aux œuvres d’art.
La discipline des arts plastiques doit donc tout au long du collège rendre les élèves concernés et curieux des œuvres d’art aussi bien historiques que plus contemporaines.

L’épreuve d’histoire des arts au brevet des collèges

Cette épreuve constitue l’objectif commun au professeur et aux élèves. En effet, il s’agit du deuxième oral seulement que les élèves auront à passer après l’oral de stage. Cet examen sera sanctionné d’une note qui comptera pour l’obtention du brevet des collèges. Autant dire que la plupart des élèves de troisième ne se sentent pas prêts et qu’il est du devoir du professeur, entre autre d’arts plastiques, de les préparer à la réussite de cet oral. L’épreuve d’histoire des arts peut prendre plusieurs formes. Dans le collège où j’exerce cette année, chaque élève choisit cinq œuvres étudiées avec différents professeurs ou créations personnelles toujours en lien avec ce qui  a été vu en cours. Le jour de l’examen, le jury composé d’un enseignant spécialiste de l’histoire des arts (arts plastiques, éducation musicale, histoire-géographie et lettres) et d’un non spécialiste, choisit l’œuvre sur laquelle l’élève sera interrogé. Ce dernier a alors dix minutes pour préparer son oral qui ne dépassera pas quinze minutes : en général cinq minutes durant lesquelles l’élève parle de l’œuvre puis dix minutes de questions du jury.
Si on regarde de plus près les critères d’évaluation (tableau en annexe 4) on note que dix huit points sont accordés à l’analyse de l’œuvre et à sa remise en contexte historique et artistique.
Il s’agit ici de vérifier que l’élève est en possession d’un vocabulaire spécifique, qu’il sait prendre en compte ce qu’il voit et en tirer des conclusions quant à l’intention de l’artiste et aux significations de l’œuvre. C’est exactement ce que l’on fait lors de la verbalisation ou lors de la mise en perspective de leurs productions avec des références artistiques. Faire prendre conscience aux élèves que le moment où ils sont invités à parler de leurs productions est ce qui les attend le jour de cette épreuve contribuerai à les mobiliser davantage dans la prise de parole.
Puis, huit points sont attribués au recul critique de l’élève et à sa prise de position personnelle : le jury doit voir qu’il ne s’est pas contenté de réciter la fiche donnée par un professeur mais qu’il s’est interrogé et qu’il peut éventuellement faire des liens avec d’autres œuvres. Cela est plus facile si tout au long de l’année, l’élève a pris cette habitude de regarder les productions de ses camarades et de voir comment elles peuvent rejoindre son travail ou au contraire apporter une toute autre réponse. Un adolescent qui aura pris l’habitude de parler devant n’importe quelle image ou œuvre d’art qui se présente devant lui pourra avoir cette réflexion lorsque le jury lui demandera pourquoi tel ou tel choix de sa part ou bien de la part de l’artiste. En revanche un élève qui a toujours été passif lors des moments de verbalisation aura plus de mal à se dégager de ce qu’il sait et à apporter sa propre réflexion. Enfin, quatorze points sont accordés à la prestation orale : il s’agit de plus d’un tiers de la note. Il convient donc d’encourager les élèves à participer le plus possible à l’oral afin qu’ils se sentent à l’aise. Ceci est encore plus vrai pour ceux qui sont très timides et qui n’osent pas prendre la parole. En prenant l’habitude de parler un petit peu à chaque cours, ils prendront de plus en plus confiance en eux et ne seront plus si angoissé devant le jury final.

Solutions mises en place et résultats obtenus

Donner du sens à la parole pour les élèves

Il me semble qu’on apprend mieux si ce qu’on apprend a du sens pour nous. Or, nous avons vu précédemment que les élèves ne comprenaient pas forcément qu’il y avait un apprentissage lors des échanges oraux, certains ayant le sentiment qu’ils ne faisaient rien, en opposition à l’action importante lors des moments de pratique. Il convient donc de donner du sens à cette parole comme acte d’apprentissage afin que les élèves puissent s’en emparer. Une des solutions envisagée pour donner du poids à la parole serait de donner une note chiffrée à la participation orale (cela se fait souvent dans les cours de langues pour inciter les élèves à participer) ou encore de proposer un questionnaire qui viendrait vérifier l’écoute lors de l’échange collectif. Or, cette méthode de ne paraît pas forcément judicieuse : les élèves qui se sont déjà détourné de l’école ne se sentiront pas concerné et continueront à ne pas s’investir ni à respecter le silence lors de ces moments de parole. Plus généralement, peut-on dire que l’oral comme acte d’apprentissage prend du sens dans l’esprit des élèves uniquement parce que celui-ci souhaite avoir une bonne note. Cela montrera juste qu’il fait ce que souhaite le professeur et ses parents en levant la main chaque fois pour gagner un point. Cette attitude de récompense ne devrait pas être favorisée et il existe à mon avis, d’autres méthodes pour donner du sens à l’oral. En début d’année, j’ai particulièrement insisté sur l’explication de ce moment nommé verbalisation lors de la réunion avec les parents d’élèves. Cela m’a permis de mettre en avant que les arts plastiques étaient une discipline dans laquelle la pratique nécessitait un recul réflexif afin que l’élève prenne la responsabilité de ses choix face aux spectateurs c’est-à-dire le reste de la classe. Cela a sans doute rassuré quelques parents quant à l’intérêt de la discipline dans la réflexion qu’elle pouvait mettre en place chez l’élève mais seulement deux ou trois collégiens avaient accompagné leurs parents en 3e6. Il aurait peut-être fallu demander en classe « On va maintenant accrocher tous les travaux, à votre avis à quoi cela sert-il d’en parler ? » En leur demandant tout simplement s’ils y voient un sens et en le construisant ensemble. C’est aussi mettre en avant le caractère transdisciplinaire des compétences acquises par l’oral en arts plastiques : cela permet d’être plus à l’aise dans sa prise de parole, d’apporter du vocabulaire, d’acquérir des outils d’analyse d’image…
Depuis 2008, il me semble que la motivation est plus facile à faire émerger chez les élèves grâce à l’épreuve d’histoire des arts. N’ayant eu qu’un oral sous forme d’examen suite au stage de troisième, les élèves ont conscience du travail qui les attend pour cette épreuve dont ils n’ont pas eu l’habitude. Ainsi, l’entraînement devient un prétexte pour faire parler les élèves, cela leur donne un but grâce auquel ils améliorent aussi bien leurs capacités cognitives de réflexion et d’analyse des œuvres d’art, que leur confiance en eux : ils se sentent petit à petit plus à l’aise, leur voix tremble moins et devient plus audible, leur posture se décrispe et s’ouvre aux auditeurs.
Ainsi lors de la séance orale autour des productions La lumière transforme l’espace, je leur ai précisé en tout début d’heure que cet exposé ne serait pas noté mais constituerait un entraînement pour l’épreuve d’histoire des arts. En passant devant les autres mais aussi en observant leurs camarades, ce premier essai leur a permis de voir quelles sont les attitudes qui donnent envie d’écouter quelqu’un, les postures qui rendent la voix inaudible ou encore les tics de langage qu’il faut éviter. Cette séance se construit donc en lien avec l’avenir proche, celui qui les angoisse : le brevet, et donne de la consistance à ce qui est fait en cours dans l’esprit des élèves.

Donner confiance et valoriser les élèves

Quand bien même les élèves auraient conscience de l’importance de l’échange oral dans la construction de leur apprentissage, certains n’ont pas confiance en eux et on a vu que la prise de parole nécessitait un engagement fort, plus intimidant que celui pris à l’écrit par exemple. Ainsi, le professeur doit utiliser les bons mots pour accompagner les élèves, les encourager afin de leur donner envie de participer. La première séance enregistrée montre que je ne leur laisse finalement que peu de place pour intervenir et que je finis par répondre à la plupart des questions que je pose. Cela constitue un problème puisque les élèves ont tendance à garder une conception de l’enseignant détenteur du savoir qui attend la bonne et unique réponse. Dans ce cas, ils se positionnent inférieurement quant à leurs capacités à réfléchir sur les images proposées. Les questions posées doivent être ouvertes et un temps de silence doit être observé pour laisser les élèves intégrer ma parole et y répondre. A un moment, un élève chahute et je lui demande son carnet, après avoir tenté de se trouver une excuse il me le donne et le cours continue. C’est alors qu’il pose une question (minute vingt-trois) au groupe en train d’exposer. « Pourquoi vous n’avez pas fait de photos ? » Je lui répond alors « Très bonne question ». En effet, cela me permet de rebondir sur les choix que chaque groupe a fait pour mettre en valeur leur projet (une photographie, une série ou une vidéo). De plus, en valorisant la parole de l’élève pour la réflexion et non pour le bavardage, cela me permet de ramener l’élève dans le cours et de l’encourager à poursuivre dans cette voie. Les élèves comprennent que si dans les deux cas des mots sortent de leur bouche, participer à un débat et bavarder avec son voisin n’a pas la même valeur. Dans un cas ils montrent leur capacité réflexive et participent à une réflexion collective, dans l’autre ils se retirent du groupe, n’écoutent plus et sont donc dans un refus de l’apprentissage.

 

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Table des matières
INTRODUCTION
LA PAROLE DANS L’ART
La parole comme acte artistique
La parole comme acte d’analyse
LA PAROLE DANS LE COURS D’ARTS PLASTIQUES
L’intérêt de la parole dans l’apprentissage
Du côté de l’élève
Du côté de l’enseignant
L’EXPÉRIMENTATION EN COURS D’ARTS PLASTIQUES
Objectifs visés
Problèmes rencontrés
Solutions mises en place et résultats obtenus
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE
INDEX
TABLE DES MATIÈRES

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