L’interactionnisme symbolique: principales caractéristiques

La terminologie

Qu’est-ce que le théâtre interculturel ? Répondre à cette question en apparence simple peut s’ avérer un réel problème quand on sait que la terminologie du théâtre interculturel varie beaucoup. En effet, selon les théoriciens, ce ne seront pas les mêmes termes qui seront employés pour désigner un phénomène en apparence similaire. Pour Jacqueline Lo et Helen Gilbert (1998), le terme privilégié est le « cross-cultural theatre » qui inclut les théâtres multiculturel, postcolonial et interculturel, ce dernier étant subdivisé en théâtres transculturel, intraculturel et extraculturel. Les différences dans la dénomination s’expliquent par la façon dont l’échange interculturel se fait. Par exemple, le théâtre multiculturel existe surtout dans un contexte, comme le Canada, où le multiculturalisme fait partie des politiques officielles. Le théâtre postcolonial, lui, se trouve dans des endroits où la présence de l’ impérialisme occidental est avérée. Les tenants de ce type de théâtre offrent donc une forme de résistance en interrogeant la culture étrangère dominante, la gouvernance, les représentations sociales, l’économie, etc. De son côté, Patrice Pavis explique que le terme « théâtre interculturel est en train de se perdre Il » depuis les dernières années pour se décliner en diverses spécialités: théâtres multilinguistique, syncrétique, postcolonial, créole, multiculturel, migrant, des minorités, etc. On réalise alors qu ‘ il est assez facile de se perdre dans la multitude de termes servant à expliquer un phénomène relativement simple. Ric Knowles 12 résume cependant assez bien ce en quoi consiste le terme interculturel et pourquoi il est préférable aux autres termes utilisés. Il insiste sur le fait qu ‘ il s’ agit d’une interaction entre différentes cultures dans une pièce, l’ importance étant mise sur le principe d’interaction, donc de réciprocité. En d’ autres mots, le théâtre interculturel s’appuie sur une hybridation volontaire des cultures, sur une rencontre intentionnelle entre des traditions théâtrales issues de différentes cultures.

Mais qu’en est-il de la pertinence de faire entrer en contact diverses cultures dans le domaine théâtral? Ric Knowles considère qu’ il devient primordial de redéfinir l’idée qu’on se fait de l’échange culturel pour proposer de nouvelles façons à partir desquelles le spectateur peut constituer ses idées et son identité à travers la performance. Ainsi, le théâtre interculturel est un endroit où « il y a renégociation des valeurs culturelles et reconstruction des identités individuelle et communautaire l3 » (RK, p.4-5). D’ autres aspects entrent aussi enjeu aux dires d’autres penseurs: « le fait d’établir des liens de sociabilité entre des personnes issues de cultures différentes [ .. . ] constitue une transgression de la frontière séparant les microcosmes culturels, et génère un dialogue interculturel dont l’ objectif est de prendre en compte la diversité et le caractère hybride du monde moderne l4 . » Susan Bennett pense quant à elle que le théâtre interculturel peut amener le public à reconsidérer ses relations avec les individus provenant d’une communauté culturelle différente de la sienne ou, du moins, pourrait avoir pour effet de « transformer les confrontations en négociations qui, au mIeux, offrent une imagination où nous pouvons voir notre histoire et celle de l’ autre sinon mieux, du moins différemment’ 5. »

En cette ère de mondialisation où l’ immigration s’ accroît et où il devient de moins en moins rare d’être confronté sur une base quotidienne à des individus nés dans une grande variété de pays, le théâtre interculturel est susceptible de générer un échange avec les spectateurs qui peut provoquer une plus grande ouverture d’ esprit devant l’Autre et, à long terme, un changement dans les valeurs mêmes de la société. Or, comme le soulignait Susan Bennett, le public constitue un élément clé des pratiques interculturelles au théâtre. 1.1.2 Principales caractéristiques du théâtre interculturel Chef de file des théoriciens du théâtre interculturel, Patrice Pavis, dans son livre intitulé Le théâtre au croisement des cultures, établit les bases de sa théorie de l’ interculturalité théâtrale. Pour lui, « [e]n s’ élargissant à l’échange interculturel , la pratique théâtrale contemporaine [ … ] n ‘y va pas de main morte: elle confronte et interroge des traditions, des styles de jeu et des cultures qui ne se seraient jamais rencontrés sans ce soudain appel d ‘ air’ 6. »

Pour mieux comprendre comment se déroule le processus d’échange interculturel au théâtre, Pavis l’a modélisé en créant son sablier. Celui-ci présente le mode de fonctionnement du passage de la culture étrangère, la culture-source, jusqu’à celle du spectateur, la culture-cible. Dans le haut du sablier se trouve la culture-source et dans le bas, la culture-cible. Pour parvenir au spectateur, les grains de la culturesource doivent être suffisamment fins pour traverser de l’autre côté du sablier. Ils doivent ensuite passer par plusieurs filtres – qui représentent entre autres le travail du metteur en scène, les modélisations culturelles ou encore les attentes propres du public ainsi que leurs présupposés – avant d ‘être reçus par les spectateurs.

Ces filtres n’ont toutefois pas un ordre linéaire préétabli puisqu ‘ ils sont faits pour être projetés et glissés un dans l’autre selon le spectateur. Il en résulte que la culture-source se trouve à avoir subi des transformations importantes avant d ‘arriver au public, ce qui fait qu’elle n’est plus aussi authentique que ce qu ‘on pourrait initialement croire. Pavis explique que son sablier peut être renversé pour que la culture étrangère aussi soit en mesure de puiser des éléments dans la nôtre, et que c’est même sa fonction première que de pouvoir s’écouler indéfiniment entre les cultures. Or, dans les faits, ce modèle du sablier est difficilement renversable et a amené beaucoup de spécialistes à le critiquer en raison de son caractère unilatéral. Lo et Gilbert l’adapteront et lui insuffleront un vent de fraîcheur en misant sur le caractère bidirectionnel des échanges. Selon elles, « le terme interculturel suggère une exploration de l’ intersection des cultures; il attire l’attention sur le troisième espace séparant et unifiant différentes personnes. [ … ] [Leur] modèle est autant un modèle pour une pratique interculturelle qui encourage la mutualité et un essai de représentation de la mutualité qui existe déjà à certains niveaux l7 ».

Leur schéma représente donc un flux d ‘échanges qui va dans les deux directions, c’est-à-dire de la culture étrangère à celle du public, et inversement. Chaque source apporte sa vision de la représentation théâtrale et subit une série de transformations dans le processus d’échange avec l’autre. Contrairement à Pavis pour qui le contexte sociopolitique apparaissait comme un des filtres par lequel devaient passer les grains de culture, le schéma de Lo et Gilbert place « toute activité interculturelle dans un contexte sociopolitique identifiable. Ceci sert non seulement à mettre au premier plan le caractère indissociable des comportements artistiques et des relations sociopolitiques, mais sert aussi à nous rappeler que la théorie et les stratégies de lecture sont elles aussi imbriquées dans un contexte historique et politique spécifique l8. »

L’appartenance de Trois au théâtre interculturel

Cette trilogie apparaît comme faisant partie intégrante des définitions du théâtre interculturel énoncées plus haut. La particularité des pièces de Mani Soleymanlou, surtout Deux et Trois, est que ce caractère interculturel est double. Effectivement, une· première interaction culturelle se fait entre le public et les artistes. Les spectateurs se trouvent à découvrir l’ expérience d’ individus provenant de l’ immigration et à être sensibilisés à ce qu’ ils vivent. La seconde interaction culturelle se fait sur la scène même, soit à l’ intérieur de la pièce. Les personnages eux-mêmes sont issus de différents groupes culturels ; le public les voit alors interagir et réfléchir ensemble sur les composantes de leur identité dans une atmosphère privilégiant un dialogue interculturel dans lequel chacun peut s’exprimer librement même s’ il n’a pas la même opinion que l’ auteur. À première vue, sur cette scène, tous les interprètes sont égaux et ont voix au chapitre. Le spectateur peut donc s’ inspirer de ce que la pièce lui présente pour modifier ses propres relations avec l’étranger et se délester de certains préjugés. L’ auteur luimême contribue à briser les préjugés. D’ailleurs, la trilogie souligne cette possibilité de diverger d’opinion avec l’auteur à plusieurs reprises. Mais le plus frappant intervient lorsque Mani discute de la situation actuelle en Iran avec Mazyar, un immigrant iranien comme lui.

En fait, tout au long de la trilogie, Mani parle d’ un Iran avec lequel il a perdu progressivement contact puisqu’ il l’a quitté tôt dans sa jeunesse. Or, Mazyar est arrivé récemment au Québec et est plus au fait de la situation actuelle du pays. Le moment est raconté dans une didascalie de l’ édition papier de Trois, publiée aux éditions L’ instant même: Un jour, pendant les répétitions, Mazyar m’a réellement interrompu en me disant que ce que j ‘ avais écrit dans UN n’était pas très juste. [ … ] On a eu une longue discussion à ce sujet, tout le monde était là. C’ était très intéressant d’avoir cette discussion, au point où on a décidé d’en faire une scène. [ … ] On remet en question, surtout Mazyar, ma vision de l’ Iran et comment lui, qui vient d’ immigrer, a vécu l’ Iran. [ … ] Mazyar doit parier des manifestations en Iran, des femmes voilées, de sa vie avant qu’il immigre au Canada, de comment il arrivait à être heureux. Comme j ‘ ai un peu de mal avec sa vision des faits, je vais le rejoindre et lui montre la vidéo de la jeune fille que j’ai regardée dans UN. Pour répliquer, Mazyar sort à son tour son cellulaire de sa poche, me montre une vidéo de jeunes Iraniennes et lraniens dans la rue en train de boire, de danser. (MS, p. ISO) On comprend alors qu’il est normal d’entretenir des préjugés à l’égard d’un peuple, et même au sujet de son pays d’origine. Ainsi, l’échange interculturel – et même intraculturel dans l’exemple précédent puisque les deux appartiennent doublement à la même culture: la culture iranienne et le culture québécoise – permet de voir un aspect de la situation qui nous échappait et peut nous conduire à modifier notre perception.

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Table des matières

Table des matières
Remerciements
Résumé
Introduction
CHAPITRE 1 Cadre théorique
1.1 Le théâtre interculturel
1.1.1 La terminologie
1.1.2 Principales caractéristiques du théâtre interculturel
1.1.3 L’appartenance de Trois au théâtre interculturel
1.2 Les théories de la réception théâtrale
1.2.1 Les notions de public et de spectateur
1.2.2 L’ identification du spectateur
1.3 L’ interactionnisme symbolique
1.3.1 Le paradigme interprétativiste
1.3.2 Les approches herméneutique et phénoménologique
1.3.3 L’interactionnisme symbolique: principales caractéristiques
CHAPITRE 2 Cadre méthodologique
2. 1 La recherche qualitative
2.1.1 Justification et caractéristiques du type de recherche
2.2 L’ entretien semi-dirigé
2.2.1 Les considérations éthiques
2.3 Le choix des participants
2.3.1 Le nombre de participants
2.3.2 Les critères d’ inclusion
2.3.3 Les critères d’exclusion
2.3.4 Modalités de recrutement
2.4 L’ élaboration du questionnaire
2.4.1 Les types de questions
2.4.2 Les questions posées aux participants
2.5 Déroulement des entretiens
2.5.1 Préparation des rencontres
2.5.2 Déroulement type d’une rencontre
2.6 Traitement des données
2.6.1 Transcription des données
2.6.2 Codage des résultats
2.6.2.1 L’approche thématique
CHAPITRE 3 Présentation des résultats
3.1 Profil sociologique des participants
3.1.1 Immigrants
3.1.2 Non-immigrants
3.2 Les questions concernant l’objet théâtral
3.2.1 Appréciation générale de la pièce
3.2.1.1 Immigrants
3.2.1.2 Non-immigrants
3.2.2 Moments marquants : scènes, répliques, personnages
3.2.2.1 Immigrants
3.2.2.2 Non-immigrants
3.2.3 Autres éléments reliés à l’objet théâtral
3.2.3.1 Immigrants
3.2.3.2 Non-immigrants
3.3. Les questions concernant l’ immigration
3.3.1 La vision personnelle de l’ immigration
3.3.1.1 Immigrants
3.3.1.2 Non-immigrants
3.3.2 Représentation de l’ immigrant dans la pièce
3.3.2.1 Immigrants
3.3.2.2 Non-immigrants
3.4 Autres questions
3.4.1 La question identitaire
3.4.2 Reproductibilité de Trois
3.4.3 Influence possible de Trois sur la société
CHAPITRE 4 Analyse des résultats
4.1 Le rapport des participants à l’ immigration
4.1.1 La définition culturelle des enquêtés
4.1.2 La connaissance de l’Autre
4.1.2. 1 La connaissance de l’ immigration par les participants non immigrants
4.1.2.2 La connaissance de la société d ‘accueil par les participants immigrants
4.2 Réal ité et fiction de la représentation de l’ immigrant dans Trois
4.2.1 Réponses des participants immigrants
4.2.2 Réponse des participants non immigrants
4.3 Représentation de l’échange intraculturel dans la société québécoise à partir de Trois
4.3.1 L’échange intraculturel tel que perçu par les participants
Conclusion
Le rapport à l’ immigration : la définition culturelle des enquêtés
Le rapport à l’ immigration : la connaissance de l’ Autre
La représentation de l’ immigrant
La perception de l’échange intraculturel
Considérations théoriques et méthodologiques
Tableau 1 : Conception de l’ identité
Tableau 2: Modalités de l’échange intraculturel
Tableau 3 : Transformation du spectateur par une pièce traitant de l’ immigration
Bibliographie

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