L’intégration des Kurdes à la nation iranienne une ligne politique sous le Shah et sous la République Islamique 

LA REBELLION DES KURDES D’IRAN. UNE QUETE DE RECONNAISSANCE SOUS COUVERT DE NATIONALISME

Les Kurdes d’Iran sont définis par Téhéran comme une minorité ethnique et religieuse sunnite. Pierre George, spécialiste de géographie humaine, entend par « minorités » des « groupes juridiquement et sociologiquement mineurs qui vivent une réalité d’ordre (…) différentiel et une condition de dépendance ou ressentie comme telle » . Selon ces dires, la minorité kurde iranienne constitue un ensemble d’individus évoluant au sein d’un environnement national dominé par la majorité perse-chiite, qui s’impose aux autres ethnies iraniennes du fait de son nombre et de sa détention du pouvoir. La minorité est imagée par la majorité, qui entretient cette illusion dans le but de continuer de jouir de ses privilèges. A cet effet, Paul Moore souligne que la différence religieuse est dominante dans la construction de la minorité, en ce que la majorité se retrouve dans des codes nationalisés, tels que sa confession chiite ou sa langue persane. En cela, il n’est pas rare que les minorités soient en situation de discrimination économique, sociale et politique vis-à-vis de la majorité, si celle-ci est détentrice du pouvoir politique.

UNE VOLONTE DE METTRE FIN AUX DISCRIMINATIONS

La communauté kurde iranienne n’a de cesse de se trouver dans une position fragile dans le rapport qui la lie à Téhéran. Ni la monarchie ni la république n’ont manifesté de sympathie à l’égard des aspirations kurdes à l’autonomie, préférant recadrer l’opposition plutôt qu’amorcer des négociations pacifiques et bienveillantes pour l’Iran. Ainsi, et face au refus de Téhéran d’obtempérer, les Kurdes se sont organisés pour faire valoir leurs revendications identitaires, politiques, économiques et religieuses.

Des revendications fondées sur une marginalisation socio-culturelle

En Iran, les revendications kurdes s’affirment dès lors que le pouvoir central consolide la construction d’un Etat-nation qui institutionnalise la marginalisation des minorités religieuses au nom du chiisme. La République islamique ne nie pas la présence des Kurdes au sein de ses frontières : l’une de ses provinces se nomme « Kurdistan », soit « le pays des Kurdes » quand l’usage littéraire et oral de la langue kurde est autorisé. Il existe autant des journaux que des émissions radio et de télévision kurdes. Néanmoins, la volonté de Téhéran d’annihiler les particularismes culturels pour assurer la survie du régime chiite réveille l’ardeur anti-gouvernementale des Kurdes, qui appréhendent de manière sceptique les politiques ambigües de la capitale. Si en acceptant leur pratique de la langue et de la religion le gouvernement reconnaît en soi leur existence en tant que minorité, Gilles Riaux souligne que les sunnites « ne sont pas recensés officiellement car ils appartiennent à la communauté des croyants, qui n’est censée être qu’une ». Joseph Yacoub explique à ce sujet que « la langue et la religion sont deux lieux majeurs de l’identité » . Le manque de reconnaissance culturelle engendre, puis entretient, des tensions entre les provinces et la capitale. Ainsi, les politiques républicaines centralisatrices visant la préservation du pouvoir ne sont pas la conséquence de la diversité ethnique des Iraniens : « les crises politiques de l’origine ethnique sont dues aux politiques centralisatrices au niveau du pouvoir central et non pas l’inverse ».

Des discriminations économiques

La discrimination ethnique et religieuse se combine à une marginalisation économique. L’investissement économique du gouvernement se concentre autour de Téhéran et dans les zones pétrolifères du Sud-Ouest. Pourtant, la région frontalière avec l’Irak est riche en pétrole. Ni les Kurdes, qui y sont implantés, ni Téhéran, du fait de ses différends fréquents avec son voisin, ne jouiraient de ses ressources. Le régime islamique craint que une circulation des revenus du pétrole au Kurdistan, alors même que les Kurdes portes des revendications indépendantistes. Leur enrichissement par le développement de l’industrie pétrolière augmenterait leur possibilité d’autonomie, de manière similaire aux Kurdes irakiens. Téhéran demeure prudent, investissant dans d’autres projets plus sûrs. A cet effet, si les zones de peuplement kurdes connaissent un développement économique rapide dans les années 80, particulièrement à Sanandaj, Mahab Ilâm, l’intervention du régime chiite est discrète voire inexistante. A cela s’ajoute le poids des sanctions économiques américaines contre l’Iran, qui entravent le développement des exportations de pétrole et de gaz, ne permettant pas à la capitale d’exploiter l’ensemble de ses ressources naturelles.
Enfin, la question de l’accès à l’eau est une autre préoccupation prégnante dans la région. Le lac d’Ourumieh, qui sépare les provinces kurdes et azéries, est une illustration des dégradations environnementales qui frappent le pays. Le Nord-Est subit des pénuries d’eau du fait de l’assèchement des nappes phréatiques et des zones humides, conséquences des politiques agricoles et industrielles décomplexées menées depuis 1990 qui s’aggravent avec le changement climatique, ce qui rend difficile l’irrigation des terres agricoles. Or, l’agriculture (blé, orge, céréales et fruits), l’élevage et l’industrie (chimie, métal, cuir et transformation des matières premières) sont les activités majeures de la région et nécessitent un apport conséquent en eau. A cela s’ajoute la surconsommation et l’absence de gestion efficace de distribution de l’eau. L’impasse environnementale engendre des tensions sociales et économiques à l’échelle du pays. Le début de l’année 2018 a été fortement marqué par un renouveau des dissensions avec le gouvernement. L’ensemble des manifestations a mobilisé 42.000 Iraniens selon le ministre de l’Intérieur Abdolreza Rahmani Fazli (le nombre réel est probablement plus élevé, les chiffres sont à relativiser), dont les provinces kurdes. Le 31 décembre 2017, dix personnes ont été tuées par balles à Toyserkan et Doroud.Pour M. Khosrokhavar, « la révolte est beaucoup plus celle des ‘‘va-nu-pieds’’ que des classes moyennes : elle témoigne de la misère, de la baisse du niveau de vie dans une société où la rente pétrolière enrichit indûment, et par la corruption, les élites du régime » . Le politologue témoigne d’un accroissement de l’écart entre le pouvoir et la société, le régime perdant sa légitimité.

UNE LUTTE ARMEE SUR FOND DE SENTIMENT IDENTITAIRE

Les Kurdes contestent le rapport discriminant qu’ils entretiennent avec le pouvoir et entendent faire reconnaître leurs spécificités culturelles. Toutefois, l’échec des mouvements pacifistes amènent les populations locales à entrevoir dans la lutte armée, une alternative pour faire entendre leurs revendications.

L’échec d’une mobilisation pacifique

La société pour la renaissance kurde (SRK), dit Komalay Ziyanaway Kurd , s’inscrit comme la première organisation politique kurde d’Iran. Fondée clandestinement le 16 août 1942, et soutenue par Staline, elle regroupe essentiellement des intellectuels et des chefs de tribus. Ils s’engagent pour l’instauration d’une démocratie fondée sur des valeurs de liberté, de justice sociale et d’équité . Ils défendent la mise en place d’un Etat fédéral, dans lequel les droits nationaux des Kurdes d’Iran seraient pleinement reconnus par le pouvoir central, qui veillerait à leur respect. Le nom du mouvement change trois ans plus tard et devient le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI), encore existant aujourd’hui. Un Congrès des nationalités pour un Iran fédéral (CNFI) est créé afin de représenter les minorités ethniques et religieuses iraniennes . Il coopère avec le Tudeh, parti communiste iranien, et s’inscrit au sein de l’Internationale communiste. Ghazi Mohammad, fondateur du PDKI, devient une figure emblématique de la mobilisation kurde iranienne en devenant le premier président de la République du Kurdistan, aussi nommée République kurde de Mahabad par les historiens, en janvier 1946. Il profite de l’affaiblissement du pouvoir monarchique, du à l’invasion de l’Iran par l’Angleterre et l’URSS en 1941, pour autoproclamer un Etat kurde iranien. Ce dernier reçoit le soutien des Kurdes irakiens et turcs. A cet effet, l’armée de la république kurde, encore en formation, est placée sous le commandement de Mustapha Barzani, leader Irakien.
Néanmoins, la pression exercée par les Britanniques amène Staline à quitter l’Iran quelques mois plus tard. Téhéran reprend le contrôle de ses provinces et attaque fermement la république autonome. Un mois plus tard, le 16 décembre 1946, les Kurdes tombent. Qazi Mohammad et deux autres dirigeants sont assassinés. Mustapha Barzani s’enfuit en URSS. Si le PDKI survit au contrôle étroit et à la répression du gouvernement, il demeure affecté par les assassinats qui ciblent deux de ses leaders, Abdul Rahman Ghassemlou en 1989 et Sadegh Sharafkandi en 1992. Le parti est embourbé dans la chasse à l’opposition que mène la capitale, autant sous le Shah d’Iran qu’une fois la République islamique établie. En 1980, alors que l’Iran s’engouffre dans une guerre contre l’Irak, le PDKI réalise une seconde tentative d’autonomie kurde, sous l’égide d’Abdul Rahman Ghassemlou. Le régime chiite réagit brutalement en envoyant des milices révolutionnaires dans les provinces kurdes afin d’annihiler toute tentative d’indépendance. La proximité des provinces avec l’Irak, en pleine guerre contre Saddam Hussein, accentue la violence de la répression, Téhéran souhaitant maintenir un contrôle ferme sur l’ensemble de son territoire face à l’envahisseur.
L’échec d’une mobilisation pacifiste pour la reconnaissance des droits des Kurdes entraîne des regroupements populaires qui tendent à être plus violents. L’état de la répression alimente les tensions et le mécontentement des Kurdes envers le pouvoir. Pour cela, le juriste iranien Geysari souligne que le phénomène minoritaire devient militant lorsqu’il n’est plus pris en compte par les institutions nationales.

Une organisation armée déterminée

Le sentiment de délaissement qui touche les populations kurdes, du à l’absence de réponse concrète du gouvernement pour faire évoluer la situation dans laquelle se sentent vivre, les mène progressivement à rapprocher leurs revendications des mouvements violents. La lutte armée au Kurdistan est la plus ancienne de celles inféodées à Téhéran. L’irrédentisme kurde iranien bénéficie du soutien du PKK turc, dont le savoir-faire se manifeste particulièrement en Iran à partir de 1978 autour de quatre partis : le Komala, une organisation révolutionnaire maoïste apparue en 1969 qui devient une guérilla dès l’avènement de la République islamique ; le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI), d’inspiration baasiste ; l’Union démocratique du Kurdistan iranien (YDKS) ; et le Parti pour la vie libre du Kurdistan (PJAK). Ce dernier est particulièrement emblématique de l’opposition armée kurde.
Peut-être inspiré par l’accession à l’autonomie du Kurdistan irakien, entérinée par la Constitution en 2005, le PJAK voit le jour en 2004 en s’imposant comme la branche armée iranienne du PKK. Aujourd’hui, il est difficile d’estimer le nombre de combattants dont dispose le PJAK. Il demeure actif en Iran, basé en Irak où il trouve refuge et planifie des actions ciblées contre les forces de sécurités iraniennes et les garde-frontières. Des attaques, aux ripostes réciproques, ont lieu fréquemment.

Un objectif politique et non séparatiste

« Dans l’Iran de demain, toute forme de double oppression sera abolie contre les minorités ethniques ou nationales, (…). Tous les droits et les libertés culturelles, sociales et politiques leur seront garanties dans le cadre de l’unité nationale et de l’intégrité de l’Iran » article 11 de la Charte des Libertés fondamentales pour l’Iran de demain. Maryam Radjavi, rédactrice en chef de la Charte des Libertés fondamentales pour l’Iran de demain, sert la cause kurde depuis son élection en 1993 à la tête du futur gouvernement de transition, prévu pour succéder au régime du Guide. Elle dirige le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) , qui voit le jour en 1981, propulsé par l’opposition déjà affirmée de Massoud Radjavi à la république iranienne, leader des Moudjahiddines du peuple . Maryam, sa femme, souhaite diriger une force politique nouvelle, qui s’inscrit au sein d’une transition qu’elle veut démocratique. Coalition d’organisations démocratiques, le CNRI entend suppléer la gouvernance des mollahs dans le cas où il ne survivrait pas à ses premiers mois à la tête de la république. Le programme politique du Conseil reconnaît la nécessité d’octroyer plus de droits aux minorités ethnoreligieuses, représentées partialement au sein du Parlement. La question de l’autonomie d’un Kurdistan iranien n’est plus seulement évoquée mais bien imaginée et rendue possible par la coalition : le CNRI déclare avoir élaboré un plan pour « assurer l’autonomie du Kurdistan d’Iran afin de garantir et de renforcer autant que possible la souveraineté populaire, l’intégrité territoriale, et à la vue des justes luttes du peuple du Kurdistan pour pourvoir la démocratie en Iran et l’autonomie du Kurdistan, et afin de venir à bout de la double oppression de la nationalité kurde opprimée » . L’objectif principal de l’opposition iranienne est alors d’exister au sein de l’entité étatique sans discriminations ethniques et religieuses. Elle n’entend pas se séparer de l’Iran et ainsi jouir d’une indépendance totale, mais d’être rattachée au gouvernement central par des institutions provinciales, via une décentralisation et une déconcentration des pouvoirs de Téhéran. Le CNRI aspire à la reconnaissance d’une autonomie décisionnelle « partielle ».

LA REPRESSION D’UNE OPPOSITION MENAÇANTE POUR LA STABILITE TERRITORIALE DE L’IRAN

Le nord-ouest de l’Iran abrite une forte concentration de Kurdes, qui représente aux yeux de Téhéran un foyer historique de contestation du pouvoir chiite. Sa crainte qu’il déstabilise l’unité nationale l’amène à accompagner sa tendance intégratrice par des mesures strictes et répressives pour limiter toute insurrection, et ainsi garantir la stabilité de son pouvoir et de ses frontières.

La stabilité d’un pouvoir politique fort

La révolution iranienne a entraîné la création d’un Etat fort, construit autour d’une Constitution qui empêche toute entité ou opposition politique de s’accaparer le pouvoir par la force. Toutefois, l’organisation de l’Etat ne peut se résumer à l’organisation institutionnelle. En effet, la pratique du pouvoir et l’influence des réseaux Pasdarans et Bassijis constituent un élément essentiel de l’organisation étatique du régime iranien. La Constitution exprime cette ambigüité. Le Guide détient le monopole décisionnel et non le Président de la République .Le caractère chiite du régime légitime les pouvoirs du Guide, en tant que lien direct avec Dieu, unique législateur. Le système repose donc sur un équilibre entre intérêts et pouvoirs, dont l’ayatollah Khomeyni est la clé de voute, tel qu’il l’écrit dans son livre Pour un gouvernement islamique . L’activité parlementaire, pourtant officiellement détentrice du pouvoir législatif, est étroitement surveillée par le Conseil des gardiens. Ce dernier examine la légitimité de chaque proposition de loi, en viellant à ce que les principes coraniques ne soient pas enfreints. En réalité, les pouvoirs du Guide dépassent largement le cadre défini par la Constitution : il contrôle l’ensemble de la société. Les réseaux sur lesquels il s’appuie lui permettent d’asseoir son influence sur les ministères, les centres culturels iraniens à l’étranger, la diplomatie, la justice, les organisations religieuses et les forces armées. Le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), Sepah-e Pasdaran-e Enghelab-e Islami aussi nommé Pasdaran, est le corps militaire le plus influent de la République . Sa fonction de préservation du système théocratique chiite lui permet de s’infiltrer dans tous les pans de la société. Il dispose d’outils de renseignement et d’une organisation structurée et puissante, qui lui donne une longueur d’avance dans le contrôle des opposants au régime. Omniprésents, les Pasdaran sont déployés dans les zones de peuplement kurde, au nord-ouest de l’Iran.

Réprimer l’opposition pour mieux maîtriser les territoires insurrectionnels

La répression de l’opposition kurde par Téhéran s’inscrit au sein d’une logique de défense de l’intégralité territoriale iranienne. « Téhéran sent le danger intérieur, les risques de rébellion. [Elle veut donner] un exemple pour terroriser la population »89 et ainsi contenir ses ardeurs. L’Etat met en place une stratégie afin d’annihiler tout mouvement pouvant déstabiliser la nation iranienne. D’une part, il s’appuie sur la proscription et l’étouffement des oppositions politiques, par la violence ainsi que des sanctions punitives telles que l’incarcération ou la peine de mort. D’autre part, et de manière complémentaire, les services secrets traquent les leaders des groupes rebelles avec pour objectif de les éliminer. L’absence d’un leader charismatique fait stagner le mouvement armé au sein d’une période creuse dans laquelle il doit se restructurer autour d’une nouvelle figure, ce qui attise des tensions internes liées à la convoitise du pouvoir, laissant ainsi une meilleure marge de manœuvre aux forces de sécurité pour démanteler le groupe. A cet effet, les principaux chefs de l’opposition kurde sont décédés dans des conditions parfois mystérieuses, en Iran et à l’étranger. Abdul Rahman Ghassemlou est le plus emblématique d’entre eux, décédé en 1989 à Vienne alors qu’il devait s’entretenir avec les autorités iraniennes au sujet d’un compromis sur l’autonomie du Kurdistan. Le décès de Ghassemlou laisse un vide au sein du PDKI, comblé peu de temps après par le PKK et la création du PJAK. Néanmoins, la période marque l’effacement progressif du PDKI au sein du paysage iranien.
La répression des Kurdes se trouve fortement accrue en 2009, suite à la réélection du conservateur Ahmadinejad à la présidence, accusé de fraude électorale, qui entraîne des mouvements de protestation symbolisé par « la Révolution verte » . Mahmoud Ahmadinejad adopte des mesures strictes allant à l’encontre des droits de l’homme au Kurdistan, mobilisant l’Union européenne dès 2008. Une dizaine d’individus sont condamnés à la peine capitale , dont Adnan Hassanpour et Abdolvahed Botimar, deux journalistes « condamné à mort sur des accusations extrêmement graves sans que la moindre preuve ait été apportée » selon l’Institut kurde de Paris, dont les propos sont toutefois à relativiser . Les arrestations augmentent fortement sous la présidence Ahmadinejad. Un Kurde iranien interrogé par Cécile Hennion explique alors que « même si la majorité des Kurdes ne souhaitent pas une intervention américaine en Iran, l’exemple des Kurdes d’Irak qui ont soutenu l’invasion américaine a créé un dangereux précédent aux yeux de Téhéran. La répression exercée est une « mesure préventive », car les Kurdes ont toujours été les porte-drapeaux des problèmes nationaux. On le voit aujourd’hui : les Azéris, les Baloutches, les Arabes d’Iran commencent eux aussi à réclamer des droits ».
Au lendemain des attentats de Téhéran en juin 2017, les autorités iraniennes multiplient les arrestations dans le pays, et particulièrement dans les provinces périphériques qui représentent des foyers de contestation. Des mesures antiterroristes strictes sont mises en place pour contrer l’opposition armée iranienne, mais également prévenir la présence de Daech sur son territoire. La relocalisation du mouvement en Irak amène l’Iran à redoubler de méfiance envers sa population kurde séparatiste, située à ses frontières. Au lendemain des attentats, Téhéran applique une double stratégie : la capitale embauche des jeunes Kurdes aux postes de garde-frontières dans les provinces kurdes, afin de diminuer le nombre d’attaques, affirmant que ces derniers ne ciblent pas des membres de leur communauté ; puis elle médiatise le « profil kurde » de deux terroristes qui ont frappé la capitale le 7 juin, qui se sont avérés être en en contact avec des combattants de Daech au Levant, mais également avec des étudiants en théologie de l’université de Médine, en Arabie Saoudite.

LES KURDES AU MOYEN ORIENT : ACTEURS TERRORISTES OU ALLIES CONTRE LE TERRORISME ?

En 1811, le dictionnaire de l’Académie française définissait la notion de « terrorisme » comme « un système, régime de la terreur » dicté par « un agent ou partisan du régime de la Terreur qui avoît lieu par l’abus des mesures révolutionnaires » . Le terme a évolué, se détachant de la Terreur révolutionnaire française de 1794, quand les Montagnards gouvernaient par la force pour conduire à l’abolition de la monarchie. Aujourd’hui, le « terrorisme » désigne toute action, menée par un ou plusieurs individus, visant à déstabiliser un Etat. Walter Laqueur évoque le principe du « mass murdering », qui conduit les dits terroristes à commettre des attentats, des attaques à la voiture piégée, à placer des bombes dans des lieux symboliques ou à cibler des personnalités connues. Partant de cette définition, l’engagement des Kurdes dans la lutte armée contre les Etats turc, syrien, irakien et iranien aurait un caractère terroriste. Les partis d’opposition entretiendraient en cela un climat d’insécurité nationale, qui amènerait les gouvernements régionaux à réprimer les mouvements armés. Leur regroupement au Kurdistan irakien concentre la menace terroriste aux frontières iraniennes, fortement poreuses. L’avènement d’un Califat au Levant par Abou Bakr al Baghdadi en 2014, considéré comme le leader de l’organisation terroriste Daech par les puissances occidentales, a permis aux mouvements kurdes de légitimer leur engagement armé. Leur organisation militaire efficace a repoussé les avancées territoriales des djihadistes. Toutefois, le manque d’unité entre les différents partis régionaux persiste, alors que le PKK semble, lui, avoir profité de la menace terroriste pour étendre son influence et dominer ses confrères. Les combattants iraniens, eux, sont absents des théâtres de guerre.

LE KURDISTAN IRAKIEN, BASE ARRIERE DES MOUVANCES KURDES REGIONALES

Situé au cœur des frontières turques, iraniennes et irakiennes, la position centrale Kurdistan irakien est un atout dans les relations entre les acteurs Kurdes de la région. La porosité des frontières ainsi que la stabilité économique et politique du Gouvernement régional du Kurdistan en font une région attrayante, et une zone refuge pour les mouvements armés kurdes réprimés en Iran et en Turquie.
Une porosité des frontières propice aux échanges matériels et au transit de combattants En 1991, la naissance d’une région kurde autonome et légale au sein du paysage politique irakien crée une centralité géographique entre les zones d’implantation kurdes en Iran, en Irak, en Turquie et en Syrie. Entre l’Iran et l’Irak, les Kurdes conservent une certaine proximité liée à leur histoire, à leur langue et à des liens familiaux qui effacent les frontières.
Ce contexte est favorable à la pérennisation de réseaux transfrontaliers principalement caractérisés par la contrebande et la circulation humaine clandestine, qui, selon Cyril Roussel , tendent à se renforcer depuis quelques années . Outre les réseaux familiaux solides, le trafic illicite s’appuie également sur les infrastructures routières existantes, qui permettent le transit légal de biens commerciaux. Cyril Roussel affirme que « l’originalité de ce système commercial d’acheminement de marchandises consiste à combiner pratiques légales et pratiques illégales sur des segments particuliers du parcours et ce de manière parfaitement intégrée » . L’autonomie politique du Kurdistan d’Irak en 1991 crée une zone d’échanges indispensables pour la région enclavée. A titre d’exemple, la société Younis, grande entreprise d’importation de produits cosmétiques du Kurdistan irakien, dispose d’entrepôts de stockage au Kurdistan alors que 80% de son activité se réalise avec la Turquie et Dubaï. Par la suite, une partie des marchandises est revendue en Iran, par un réseau de contrebande . Ainsi, nombre de sociétés kurdes ont fondé une partie de leurs activités sur le commerce de transit entre les mondes perse, turc, et arabe. A cela s’ajoute les contextes économiques prégnants des pays sur les échanges transfrontaliers. En effet, l’emprise de l’embargo sur l’économie iranienne favorise le commerce illicite aux frontières. Les passeurs s’adaptent rapidement aux situations géopolitiques changeantes et sont réactifs aux opportunités qui se créent. Au Kurdistan irakien, l’importation de biens alimentaires et manufacturés en provenance d’Iran et de Turquie est rendue possible grâce aux revenus du pétrole, dont la région regorge. Cela renforce l’autonomisation des Kurdes de Bagdad.

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Table des matières

INTRODUCTION 
PARTIE 1 – ENTRE VOLONTE D’ASSIMILATION ET REPRESSION D’UNE OPPOSITION ARMEE, LA GESTION DES KURDES D’IRAN PAR TEHERAN 
Chapitre 1 – L’intégration des Kurdes a la nation iranienne : une ligne politique sous le Shah et
sous la République islamique
Chapitre 2 – La rébellion des Kurdes d’Iran. Une quête de reconnaissance sous couvert de
nationalisme
PARTIE 2 – LES KURDES AU MOYEN ORIENT : ACTEURS TERRORISTES OU ALLIES
CONTRE LE TERRORISME ? 
Chapitre 1 – La centralité de l’Irak dans l’organisation des mouvances armées kurdes régionales
Chapitre 2 – Le monopole d’influence du PKK sur les autres mouvements kurdes
PARTIE 3 – LE PRAGMATISME POLITIQUE DE TEHERAN: ENTRE SOUTIEN
STRATEGIQUE DES KURDES ET CONDAMNATION DES ACTEURS TERRORISTES
Chapitre 1 – Des alliances régionales pour se prémunir de la menace terroriste
Chapitre 2 – L’instrumentalisation de la lutte antiterroriste, levier d’influence iranien
CONCLUSION 
Bibliographie

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