L’insuffisance de dispositifs de formation et d’accompagnement des enseignants

L’évaluation scolaire jusque vers la fin des années 1960

Jusque vers la fin des années 1960, le courant américain appelé psychométrique exerce une influence sur le monde de l’éducation. Les pratiques dominantes d’évaluation des apprentissages sont sommatives, à savoir une évaluation ayant pour but de sanctionner (positivement ou négativement) des tests représentant l’ensemble du programme visé en comptabilisant des résultats généralement en vue d’une décision administrative. Dans le bilan des travaux sur la mesure et l’évaluation publié par De Ketele en 1983, on mentionne qu’à l’époque du courant psychométrique, les pratiques d’évaluation consistent à mesurer l’intelligence et les connaissances acquises par l’élève et à classifier son rendement scolaire en le situant par rapport à une norme de comparaison , soit à interprétation normative. La performance de l’élève est jugée par référence à celle d’autrui habituellement par des indices statistiques exprimés en rangs centiles ou en stanines de rendement académique, c’est-à-dire qui distribuent le score des élèves selon une échelle standard de neuf positions. La stanine 1 est attribuée aux élèves dont le rendement tant aux tests d’aptitude intellectuelle qu’aux tests académiques est le plus bas et la stanine 9, aux élèves ayant le mieux réussi. Entre ces deux extrêmes sont répartis tous les autres élèves, selon leur degré de rendement. Le bulletin scolaire traditionnel chiffré avec moyenne ou médiane permet de transmettre quantitativement les résultats de l’élève.

Au Québec, selon Scallon (1988), à cette période, les pratiques d’évaluation scolaire, en apparence du moins, étaient assez homogènes. Les militants du courant psychométrique affirment que ces instruments de mesure favorisent l’objectivité, la simplicité d’écriture et de lecture. Cependant, comme le font remarquer plusieurs auteurs (Sain, 1988; Sloom, 1979; Sloom, Hastings et Madaus, 1971 ; Cardinet, 1 ~73 , 1975; Popham, 1975), cette approche mécaniste vise la cueillette et le traitement d’informations quantitatives, c’est-à-dire la mesure selon le principe de l’évaluation du rendement par rapport aux autres. En outre, cette approche permet peu à l’enseignant et à l’élève de recevoir une évaluation de la qualité de son apprentissage. En ce sens, comme le font valoir des chercheurs américains tels Bloom (1979), Bloom, Hastings et Madaus (1981), Travers (1983), Wolf (1977), on reproche aux tests psychométriques de se limiter à des questions sollicitant des réponses très brèves, notamment des questions à choix de réponses ou à des vrais ou faux. Dans cette perspective, la marge de manoeuvre pour l’enseignant est plutôt faible en ce qui a trait à la mise en oeuvre de mesures d’appui et de correction des difficultés, car l’évaluation qu’il pratique a comme principal objectif de mesurer la capacité d’apprentissage de l’élève dans des tâches qui impliquent une entente intellectuelle (le référé, c’est-à-dire son résultat) en comparaison avec un référent (une norme explicite ou implicite) ce, en vue de prédire son rendement futur (Hadji, 1989; Figari, 2001). Travers (1983) et Wolf (1977) ajoutent que le rendement obtenu par l’élève lors d’une séance d’administration d’un test est davantage d’ordre administratif et est souvent l’usage d’autres personnels que le personnel enseignant, principalement des psychologues et des orthopédagogues.

On constate dans les écrits francophones et anglophones recensés que le caractère discriminatoire des tests dits «d’intelligence» et de rendement académique et le tri pratiqué dès le jeune âge se révèlent injustes dans bien des cas et peu favorables à l’épanouissement des élèves, notamment les plus faibles. De fait, comme le soulignent Cardinet (1973, 1975, 1977a), Crahay (1997), Wolf (1977), Girod (1977), Perrenoud (1977a, 1977b, 1984, 1989), ces pratiques d’évaluation traditionnelles à interprétation normative qui mesurent le degré de rendement de l’élève par rapport aux autres élèves reposent sur une justice méritocratique ou une justice distributive, c’est-à-dire une justice qui postule que chacun doit être reconnu et valorisé selon ses mérites, ses dispositions, ses potentialités, ses dons, ses talents. Tout compte fait, comme le mentionnent ces chercheurs, dans cette perspective, on récompense le bien, les mérites, les qualités, on punit le mal, les fautes, on sanctionne donc les appr.entissages. Dès lors, ces pratiques évaluatives qui relèvent de la tradition méritocratique sont contestées radicalement par de nombreux chercheurs tels que Bloom (1979), Cardinet (1975, 1977a), Noizet et Caverni (1978), Perrenoud (1977a, 1977b, 1984, 1989). Dans le contexte québécois, la Commission Parent a, au début des années 60, articulé explicitement l’intention démocratique dans l’enseignement.

Elle a proposé un plan détaillé de son aspiration à davantage de démocratie et de justice dans le rapport Parent publié en 1964. Cette orientation sociopolitique s’inspire avant tout de valeurs telles que la justice, la liberté et l’égalité. Concept central de ce document, la démocratisation de l’enseignement référe à l’ensemble des mesures susceptibles de permettre à plus de jeunes d’avoir accès aux études. C’est de plus, offrir à tout un chacun un enseignement de qualité. Plus encore, la Commission Parent souhaite augmenter le taux de scolarisation de sa population pour mieux se positionner sur l’échiquier international. Conséquemment, elle cherche avant tout à restructurer le système d’éducation québécois, à repenser les programmes d’études pour tous les ordres d’enseignement ainsi qu’à renouveler la formation des maîtres. Rattachées à l’Église, les écoles normales, qui formaient les enseignants depuis 1939, sont abolies et la formation des enseignants est transférée dans les universités. Dans ces conditions, la formation des maîtres devient «scientifique». «L’universitarisation»2 de cette formation s’inscrit désormais dans les nouvelles traditions sociales, notamment de la science, de l’étatisation et de la bureaucratie (Tardif et Lessard, 2004). À l’instar d’autres occupations prestigieuses, on souhaite professionnaliser le métier d’enseignant, c’est-à-dire garantir tant une formation scientifique solide et un statut social rehaussé qu’un lien entre la pratique enseignante et les sciences de l’éducation, entre l’université et l’école.

L’évaluation scolaire au cours des périodes 1980 et 1990

Aux dires de Scallon (1988), au Québec, les nouvelles orientations ministérielles au primaire et au secondaire portent l’empreinte de la pédagogie de la maîtrise développée par Sloom et ses collègues (Sloom, 1968, 1976; Sloom, Hasting et Madaus, 1971 , 1981), c’est-à-dire une pédagogie d’inspiration béhavioriste dans le cadre de laquelle l’apprentissage est envisagé telle une modification de comportements résultant de contraintes externes, de renforcements. Par conséquent, des objectifs généraux d’apprentissage, des sous-objectifs spécifiques sous-jacents et des objectifs terminaux assortis de guides pédagogiques détaillés sont définis dans des programmes par objectifs qui découpent les savoirs ce, tant pour l’enseignement que pour l’évaluation des apprentissages. Conséquemment, comme le font valoir Perrenoud (1993) et Scallon (1988), la raison d’être de l’évaluation scolaire est de vérifier l’atteinte et la maîtrise des divers objectifs d’apprentissage poursuivis ce, dans une logique dite comportementaliste ou behavioriste plutôt que dans une logique systémique. Ainsi, l’enseignant se sert souvent des niveaux taxonomiques comme grille à compléter dans la détermination d’objectifs concrets mesurables pour élaborer des questions d’examens ou de tests reliés aux objectifs ciblés dans le. but d’évaluer les performances des élèves et d’apporter des mesures de remédiation. Ainsi, dans le domaine de la mesure et de l’évaluation, les niveaux taxonomiques déterminés en 1956 par Sloom jouissent d’une popularité. Cette taxonomie est une classification dite organisée et hiérarchisée de phénomènes d’apprentissage ou de comportements cognitifs (qui a trait principalement à l’acquisition de connaissances et aux habiletés et capacités intellectuelles permettant d’utiliser ces connaissances) , affectifs (qui englobe principalement l’adaptation, les intérêts, les attitudes et les valeurs) ou psychomoteurs (relatif aux mouvements observables) mesurables.

Avec les propositions de la pédagogie de la maîtrise, l’apparition des instruments d’évaluation à interprétation critériée, qui relève du principe consistant à comparer la performance d’un élève à un critère d’évaluation énoncé préalablement plutôt que le comparer par rapport à ses pairs (mode normatif), voit le jour au Québec au début des années 1980. Tournée vers le processus d’acquisition de l’élève, l’évaluation critériée est perçue comme un acte essentiel et positif. Dans cette perspective, l’objet à évaluer renvoie aux savoirs et aux habiletés de l’apprenant, qu’ils soient cognitifs ou affectifs. En cours d’apprentissage, l’évaluation critériée vise à déterminer non seulement quel élève a besoin d’un enseignement correctif, mais également en quoi il en a besoin. Dans cette optique, l’évaluation est pédagogique, voire formative, c’est-à-dire fondée sur une justice dite corrective. Selon Perrenoud (1998) et Crahay (2000), cette forme de justice vise à rétablir un «équilibre égalitaire» par la différenciation des traitements plutôt qu’accroître les inégalités scolaires entre les élèves en établissant un classement à l’aide d’une interprétation normative qui mesure le degré de rendement de l’élève par rapport aux autres.

Conséquemment, pour favoriser une meilleure formation et une meilleure évaluation des élèves, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) a très rapidement adopté une conception axée sur la progression des savoirs en lui accordant une place de choix dans sa politique générale d’évaluation pédagogique parue en 1981 . Par voie de conséquence, on parle désormais dans les documents ministériels du MEQ de «progrès continu», concept traité pour la première fois dans un ouvrage de De Landsheere paru en 1974 et repris systématiquement par Cardinet (1986a, 1986b, 1986c), De Ketele (1996), Hadji (1989), Scallon (1988). De fait, certaines valeurs déjà préconisèes avec le rapport Parent fondent cette politique. Il s’agit des valeurs fondamentales préconisées dans les années soixante, soit la justice et l’égalité. Précisément, on recommande dans cette politique d’évaluation une justice faite au refus de l’arbitraire et une recherche de précision et de rigueur, une égalité pour tous les élèves, non seulement dans l’accès aux études, mais aussi dans les chances de réussite scolaire, garantie par un réel dépistage des difficultés et par la mise en oeuvre de mesures efficaces d’appui et de correction de ces difficultés (MEQ, 1981).

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1.1 L’HISTORIQUE DE L’ÉVALUATION SCOLAIRE
1.1.1 L’évaluation scolaire jusque vers la fin des années1960
1.1 .2 L’évaluation scolaire lors des années1970
1.1.3 L’évaluation scolaire au cours des périodes 1980 et 1990
1.1.4 La réforme de l’éducation dans les années 2000
1.1.5 L’avènement des programmes d’études par compétences
1.1.6 Le MEQ et l’évaluation des compétences
1.1.7 Le jugement professionnel dans une approche par compétences
1.1.8 Les enjeux reliés au caractère complexe de l’évaluation certificative
1.2 LE POSITIONNEMENT DU PROBLÈME
1.2.1 Une réalité complexe empreinte de transformations
1.2.2 Les tensions relatives aux pratiques d’évaluation scolaire
1.2.2.1 Les nombreux changements de directives tant ministérielles que locales
1.2.2.2 L’insuffisance de dispositifs de formation et d’accompagnement des enseignants
1.2.2.3 La diversité des logiques de notation
1.2.2.4 Les dérives associées au processus de certification des apprentissages
1.3 Les apports de la recherche sur l’objet de recherche visé
1.4 Les questions générales de recherche
1.5 Le but de la recherche
1.6 Les objectifs de recherche
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE
2.1 LES PRATIQUES ÉVALUATIVES
2.1.1 Les pratiques enseignantes
2.1.2 La notion d’évaluation
2.1.3 Le concept de jugement professionnel d’évaluation
2.1.4 Les biais d’évaluation
2.1.5 Le concept d’évaluation sommative/certificative
2.1 .5.1 La position américaine
2.1 .5.2 La position européenne
2.1.5.3 La position québécoise du MELS
2.1 .6 Le concept d’analyse de pratiques d’évaluation .
2.1.7 L’évaluation d’un processus d’évaluation d’une compétence professionnelle
2.1.7.1 La fidélité
2.1 .7.2 La fiabilité
2.1.7.3 La crédibilité
2.1.7.4 La transférabilité
2.1.7.5 La faisabilité
2.1 .7.6 La validité
2.1 .8 Les gestes professionnels de l’acte évaluatif
2.1.8.1 Les gestes éthiques
2.1.9 Les postures de l’enseignant-évaluateur
2.2 LA PROFESSIONNALISATION DE L’ENSEIGNEMENT
2.2.1 Le concept de professionnalisation
2.2.2 Le concept de professionnalité
2.2.3 La professionnalité de l’agir évaluatif
CHAPITRE III DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 TYPE DE RECHERCHE
3.2 POPULATION VISÉE ET PARTICIPANTS A L’ÉTUDE
3.3 COLLECTE DES DONNÉES
3.3.1 L’entretien semi-dirigé de récits de pratique professionnelle
3.3.2 Le groupe de discussion
3.4 DÉROULEMENT DE LA RECHERCHE
3.5 TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNÉES
3.6 LES CRITÈRES DE SCiENTIFiCiTÉ
3.6.1 Crédibilité
3.6.2 Transférabilité
3.6.3 Fiabilité
3.6.4 Confirmation
3.7 DÉONTOLOGIE
CHAPITRE IV RÉSULTATS
4.1 LES PRATIQUES D’ÉVALUATION CERTIFICATIVE
4.1.1 Les moyens pour recueillir les informations pour les prises de décisions sommatives de certification des apprentissages des élèves
4.1.2 L’interprétation des informations recueillies pour les prises de décisions sommatives de certification des apprentissages des élèves
4.1.3 Le processus pour la notation et l’attribution des résultats des élèves
4.1.4 Les tensions qu’a fait naître le nouveau bulletin scolaire
4.1.5 L’implication de l’élève dans le processus d’évaluation
4.1.6 Le sens donné au jugement professionnel
4.1 .7 Les motifs ou les raisons qui ont influencé les prises de décisions sommatives de certification des apprentissages des élèves
4.1.8 Les résultats des élèves en juin 2012
4.1.9 Les facteurs qui expliquent les résultats des élèves
4.1.10 Les souhaits exprimés de la part des participants
4.1.11 Synthèse au regard de la démarche d’évaluation pour les prises de décisions sommatives de certification des apprentissages des élèves
4.2 LA PROFESSIONNALISATION DE L·ENSEIGNEMENT
4.2.1 Le contexte de travail et son organisation
4.2.2 L’autonomie dans l’exercice de son activité professionnelle
4.2.3 La reconnaissance et le respect envers les enseignants
4.2.4 Les convictions personnelles et professionnelles
4.2.5 L’ouverture à la collaboration entre les enseignants
4.2.6 Les dispositifs de formation et d’accompagnement mis en oeuvre pour le développement professionnel des enseignants
4.2.7 Les références à des orientations éthiques
CHAPITRE V DISCUSSION
5.1 UNE LUMIÈRE SUR LES PRATIQUES DÉCLARÉES D’ÉVALUATION DANS DES
DÉCISIONS SOMMATIVES DE CERTIFICATION DES APPRENTiSSAGES p.157
5.1.1 La crédibilité ou la pertinence du processus d’évaluation dans des décisions sommatives de certification des apprentissages
5.1.2 La fidélité du processus d’évaluation dans des décisions sommatives de certification des apprentissages
5.1.3 La fiabilité du processus d’évaluation dans des décisions sommatives de certification des apprentissages
5.1.4 La transférabilité du processus d’évaluation dans des décisions sommatives de certification des apprentissages
5.1.5 La faisabilité du processus d’évaluation dans des décisions sommatives de certification des apprentissages
5.1.6 La validité du processus d’évaluation dans des décisions sommatives de certification des apprentissages
5.2 UNE LUMIÈRE SUR LA PROFESSIONNALlTÉ DU JUGEMENT PROFESSIONNEL D·ÉVALUATION
5.2.1 Une lumière sur la dimension «nature du prescrit et degré d’autonomie dans l’exercice de son travail»
5.2.2 Une lumière sur la dimension «la formation initiale et continue»
5.2.3 Une lumière sur la dimension «référence à des orientations éthiques»
CONCLUSiON
LIMITES À LA RECHERCHE
FORCES À LA RECHERCHE
PISTES DE RECHERCHE ÉVENTUELLES
APPENDICE A Invitation à participer à un projet de recherche .
APPENDICE B Plan d’entretien semi-dirigé de récits de pratique professionnelle .
APPENDICE C Plan d’entretien semi-dirigée groupe de discussion .
APPENDICE D Grille d’analyse «les pratiques d’évaluation certificative»
APPENDICE E Grille d’analyse «la professionnalisation de l’enseignement» .
APPENDICE F Formulaire de consentement
APPENDICE G Certificat d’éthique de la recherche
APPENDICE H Attestation de prolongation du certificat d’éthique de la recherche
APPENDICE 1 Extraits supplémentaires de verbatim
RÉFÉRENCES

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