L’insertion socio-économique des handicapés moteurs

Toute société est hétérogène. Les différences humaines sont normales. Des handicapés moteurs, sensoriels, mentaux…vivent au côté de valides. Selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat de mille neuf cent quatrevingt huit (1988), les Sénégalais handicapés représentent cent trente quatre mille sept cent quatre vingt douze (134.792) personnes. Les handicapés moteurs constituent le quart (1/4) de ces personnes soit trente deux mille quatre vingt dix (32.090) individus. Bien que ne disposant pas totalement de toutes leurs capacités physiques, les personnes déficientes motrices sont des citoyens à part entière. A cet égard, elles ont droit à l’éducation, à la formation, à l’exercice d’un travail décent et convenable, dans le but d’avoir une certaine indépendance économique et participer à l’effort de développement de la nation. Seulement, du fait de la crise économique que traverse le Sénégal à l’image de tous les pays en voie de développement, il existe des obstacles qui empêchent la réunion des conditions requises favorisant cette participation. Dans les zones urbaines comme Dakar, l’exclusion des handicapés est un phénomène courant. Le handicap mène presque irréversiblement à la mendicité, à la prostitution… Pour un grand nombre de handicapés moteurs, trouver un emploi relève du domaine de l’impossible. Et pour ceux qui arrivent à en trouver, il s’agit la plupart du temps d’un travail non valorisant et peu rétribué. Certes, les handicapés peuvent rencontrer des difficultés dans l’exercice de certaines activités mais cela ne saurait être un prétexte pour les écarter de la vie socio-économique. Il revient à la société de prendre en compte ces difficultés.

Selon la Règle numéro quinze (15) des vingt deux (22) Règles pour l’égalisation des chances des handicapés «c’est aux Etats qu’il incombe de créer le cadre législatif dans lequel s’inscrit l’adoption de mesures destinées à permettre la pleine participation des handicapés et à leur assurer des chances véritablement égales ». Déjà, de nombreux pays ont entrepris d’éliminer ou de réduire les barrières empêchant la pleine participation des handicapés moteurs à la vie de la collectivité. En Europe, la France et la Belgique fixent aux entreprises un quota de personnes handicapées à employer et une prime est allouée à celles qui recrutent un nombre de personnes supérieur au quota fixé par la loi. En Amérique latine, l’Argentine accorde une assistance financière aux personnes handicapées qui démarrent une activité économique et au Costa Rica, les employeurs doivent fournir des installations qui permettent à tous les travailleurs, y compris les personnes handicapées, de travailler et de progresser dans l’emploi. En Afrique, tout près de chez nous, le Burkina Faso réduit les droits de patente et autres impôts applicables aux artisans handicapés en fonction du degré de leur invalidité. Qu’en est-il du Sénégal ? Nous allons essayer d’apporter des éléments de réponse à cette question. Nous tenterons d’abord de faire un état des lieux et ensuite, nous arrêterons sur un cas de prise en charge de handicapés, à savoir le « Projet d’appui à l’insertion et à la réinsertion des personnes handicapées motrices de la ville de Dakar ». Cependant, nous allons nous intéresser uniquement au volet insertion de ce dit projet.

Cadre théorique et conceptuel

Problématique 

En Afrique, la ténacité de préjugés ancestraux et le manque de connaissances des populations sur les capacités réelles des personnes handicapés sont à l’origine de la marginalisation de cette frange de la population. C’est pour contribuer à la diminution partielle ou totale de cette absence d’informations sur le handicap, que nous avons eu à travailler sur les handicapés moteurs, les enfants en particulier. C’était dans le cadre d’un mémoire de maîtrise avec comme thème : ‘’La scolarisation des enfants handicapés moteurs à Dakar : exemple du centre Talibou Dabo de Grand Yoff’’. Dans cette étude, les enquêtes menées ont montré que si les handicapés moteurs ont d’énormes difficultés pour aller à l’école, ils ont également beaucoup de mal à se maintenir à l’école et à poursuivre des études. Par ailleurs, les portes de la formation et du marché du travail leur sont si peu ouvertes qu’ils bénéficient que rarement d’un emploi pour participer pleinement à la vie socio-économique du pays. En effet, sur les quatorze (14) promotions d’élèves sorties de Talibou Dabo, seules onze (11) personnes ont réussi à réussir à l’examen du Brevet de Fin d’Etudes Moyennes (BFEM) et dix sept (17) seulement ont pu obtenir le baccalauréat. Selon les informations fournies par l’association des anciens élèves du centre, seuls quelques uns de ces derniers sont dotés d’un, métier, au prix de beaucoup de difficultés à surmonter. Et il leur reste presque tous à trouver un emploi. Sensible à la situation des handicapés moteurs et soucieuse de contribuer à leur insertion dans la société, nous avons choisi de rester dans le domaine du handicap et des personnes handicapées pour le mémoire de DEA. Mais, en quittant les enfants pour les adolescents et les adultes.

L’objet de cette nouvelle étude est l’insertion socio-économique des personnes atteintes de déficiences motrices. Quelles sont les possibilités de formation professionnelle qui s’offrent à elles ? Quelles sont les mesures prises pour leur permettre de trouver un emploi dans le marché du travail ? Bénéficientelles de facilités en matière d’octroi de prêt ou de subvention pour démarrer une activité ? En somme, la problématique de notre étude sera de voir les mesures qui ont été prises par l’Etat du Sénégal en matière d’insertion des handicapés moteurs conformément au Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées qui avait invité les Etats membres de l’Organisation des Nations unies (O.N.U) « à favoriser l’accès des personnes handicapées au marché ouvert du travail au moyen d’un large éventail de mesures telles que les quotas d’embauche, les postes réservés spécifiquement, l’octroi de prêts ou de subventions aux petites entreprises et coopératives en fonction des situations nationales ». Dans le but de mener à bien cette étude, nous avons décidé de faire une étude de cas.

Objectifs

L’un des grands obstacles de l’insertion sociale et économique des personnes handicapées réside dans la tendance générale à la discrimination de ces personnes de la part de la société. Les proches, les employeurs et même certains handicapés eux-mêmes pensent que le handicap empêche celle ou celui qui en est atteint de travailler, ce qui n’est pas toujours vrai. Une grande partie des handicapés, pour ne pas dire la majorité peuvent sans doute être actifs, sans aucun danger pour leur santé. C’est pourquoi, l’Organisation Internationale du travail (O.I.T) s’est très tôt préoccupée de la situation dans le milieu du travail des personnes handicapées. Déjà en mille neuf cent cinquante cinq (1955), la recommandation numéro quatrevingt dix neuf (99) sur l’adaptation et la réadaptation professionnelle des invalides a été adoptée. En mille neuf cent soixante six (1966), l’Organisation des Nations Unies (O.N.U), en partenariat avec l’O.I.T, adopte le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce pacte oblige les Etats parties à reconnaître au moyen d’un travail librement choisi ou à accepter de prendre les mesures nécessaires pour garantir ce droit. La formation puis l’insertion socio économique des personnes handicapées apparaissent comme de vieux problèmes. Pourquoi tarde-t-on à y remédier ? Est ce dû à un manque ou à une insuffisance de prise en charge de la part de l’Etat ? A travers un projet déjà ciblé, nous allons essayer de voir comment se déroule l’insertion socioéconomique des personnes handicapées motrices, les avantages qu’elles peuvent tirer de la formation, les difficultés qui entravent leur formation puis leur insertion.

Revue de la littérature

En choisissant de travailler sur les handicapés, nous n’avions nullement la prétention d’aborder un thème sur lequel personne ne s’était penché auparavant. Des chercheurs ont eu à donner leur vision sur le handicap ou sur les personnes handicapées. Cependant, le public est encore mal informé sur les causes, la prévention et le traitement de l’incapacité des enfants. Ses conceptions dans ce domaine sont erronées et entourées de considérations relevant de la superstition. Plusieurs publications ont tenté d’apporter des éclaircissements sur le handicap et les handicapés. C’est le cas de l’Unicef qui a publié dans la revue «Les carnets de l’enfance», un article intitulé «L’enfance handicapée : une conception nouvelle de la prévention et de la réadaptation ». Dans cet ouvrage, l’Unicef avance qu’un (1) enfant sur dix (10) né ou devenu handicapé l’est faute de prévention . La quasi totalité des infirmités pouvait être prévenue ou leurs conséquences néfastes enrayées. Pour l’organisme des Nations Unies, l’infirmité est essentiellement liée à la pauvreté.

Nous partageons ce point de vue car, si dans les pays industrialisés l’infirmité est aujourd’hui liée au processus de vieillissement et aux accidents multiples (routiers, domestiques etc), dans les pays en développement, elle est encore causée par la malnutrition, l’environnement insalubre. Par ailleurs, une fois que l’infirmité s’est installée, il convient maintenant de prendre des mesures appropriées pour permettre à l’enfant atteint de déficience de vivre normalement. D’après l’organisme onusien qui défend leur cause, les enfants ont une extraordinaire faculté d’adaptation. Il faut les aider à s’adapter à leurs limitations en leur donnant les moyens nécessaires : cela s ‘appelle la réadaptation. C’est un processus destiné à restituer à la personne handicapée un usage aussi complet que possible de la ou des fonctions atteintes. En résumé, l’Unicef suggère que la prévention de l’incapacité et la réadaptation des handicapés soient intégrées dans les structures fondamentales de chaque pays, ce qui permettrait de ‘’ fournir les services nécessaires en obtenant le meilleur rapport coût-efficacité ‘’. Il est clair que l’assistance revient beaucoup plus chère que la prévention du handicap. Et pour permettre aux handicapés de dépasser leur déficience et de participer aux activités quotidiennes, il est nécessaire de prendre en considération les enfants handicapés dans les programmes de santé, d’éducation et de formation. Dans « le Développement durable et les Personnes handicapées. Le processus d’obtention du pouvoir personnel », Yash TANDON s’adresse d’abord aux personnes handicapées elles-mêmes ; mais aussi à leur famille, à leur communauté, aux professionnels de la rééducation, aux agences gouvernementales chargées des questions relatives aux personnes handicapées, aux ONG, aux organismes du système des Nations Unies (BIT, UNICEF….).

L’ouvrage est un guide qui ‘’ vise à essayer d’influencer les évènements ainsi que l’orientation générale des politiques qui affectent la vie des personnes handicapées ‘’. Il s’articule autour de trois grands thèmes : la compréhension et la perception du handicap, l’acquisition de l’autonomie financière et les stratégies de lobbying, de constitution de réseaux et de création d’alliance. Son thème central repose ainsi sur une stratégie d’obtention du pouvoir personnel par les personnes handicapées elles mêmes. Pour Yash TANDON, la personne handicapée ne doit pas ‘’ être un simple récipiendaire d’aide sociale mais plutôt un participant qui lutte pour son propre développement’’. Certes certains handicapés ont besoin d’une assistance mais, la grande majorité, qui en est capable, doit avoir la chance de participer aux activités de développement de la collectivité. C’est ainsi que l’auteur défend la thèse selon laquelle les personnes handicapés doivent être les premiers agents de leur insertion. Il revient ensuite à leur communauté d’origine, au gouvernement et aux ONG de les soutenir. Cependant TANDON prévient qu’il ne faut pas trop attendre des gouvernements parce qu’ils font toujours des promesses qu’ils ne peuvent pas tenir, les politiques d’ajustement structurel (PAS) les obligeant à réduire les dépenses sociales, notamment la santé et l’éducation.

En abordant la question de l’autonomie financière, Yash TANDON pense que la capacité de prendre en charge ses propres affaires est nécessaire à un certain degré d’estime de soi. L’emploi est sans doute le moyen le plus adéquat d’être autonome. C’est là où réside le problème, les personnes handicapées devant faire face à d’énormes difficultés pour trouver un travail. La dernière section du livre est relative à la manière dont les handicapés doivent s’y prendre pour changer leurs conditions de vie. Ils doivent être aux premiers rangs de la lutte à travers un mouvement fort pour mettre la pression sur les autorités. Le Bureau International du Travail (BIT) pour sa part, a publié un manuel intitulé : « Normes internationales du travail concernant la réadaptation professionnelle, guide pour leur application ». Dans ce document, sont exposées et expliquées les principales conventions adoptées par l’Assemblée Générale de l’Organisation Internationale du Travail que les pays signataires doivent appliquer. Parmi toutes ces conventions, la convention numéro cent cinquante neuf (159), adoptée en mille neuf cent quatre vingt trois (1983), semble être la plus actuelle. Elle concerne la réadaptation professionnelle et l’emploi des personnes handicapées et préconise à tous les pays qui l’ont ratifiée d’ élaborer une politique nationale concernant la réadaptation et l’emploi des personnes handicapées. Le BIT se propose même d’apporter son aide à tout pays qui en fait la demande pour la mise en œuvre de cette politique.

Gertrude UMUHIRE SEZIKEYE pour son Mémoire de fin d’étude à l’Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Spécialisés se penche sur une question d’intérêt : «Quelle alternative à la réinsertion socioprofessionnelle des handicapés moteurs au Sénégal: cas des handicapés moteurs mendiants du Point E à Dakar » . Ce thème s’intéresse aux handicapés moteurs qui s’adonnent à la mendicité dans le quartier résidentiel du Point E. Ils ressort de son étude que ces personnes ne mendient pas de gaieté de cœur. Selon eux, la mendicité est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour survivre, face à l’absence d’ une prise en charge de l’Etat à même de leur assurer une réinsertion sociale et économique. Bien que nous ne partageons pas totalement l’avis de ces handicapés moteurs, nous pensons quand même, que si l’Etat avait pris certaines mesures, beaucoup de personnes déficientes motrices ne seraient pas dans la rue à exercer cette activité dévalorisante pour tout individu. Maïmouna Katia BA s’est intéressée elle à une autre catégorie, les étudiants handicapés. Elle a cherché à démontrer dans son Mémoire de Fin d’Etudes « situation sociale des étudiants handicapés physiques de l’université Cheikh ANTA DIOP de Dakar (UCAD) que toutes les installations au sein de l’université ont été construites pour accueillir des étudiants valides mais pas des handicapés moteurs. Cette situation se ressent sur leur formation et freine par la même occasion, leur participation au développement de la communauté. Si les étudiants déficients physiques ne sont pas à égalité de chance avec leurs camarades valides, il est évident que cela va se ressentir au niveau des résultats. Ce déséquilibre au niveau de la formation va naturellement se poursuivre sur le marché du travail.

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Table des matières

Introduction Générale
Première partie : cadre théorique et méthodologique
Chapitre I : Cadre théorique
1. Problématique
2. Objectifs
3. Hypothèses
4. Définition des concepts
5. Revue de la littérature
6. Cadre d’étude
Chapitre II : Méthodologie
1. Les personnes ressources
2. La recherche documentaire
3. La collecte des données
4. Les difficultés rencontrées
Chapitre III : Les handicapés moteurs
1. Définitions et quelques causes du handicap moteur
2. Situation sociale
3. Situation économique
4. La formation suivie de l’insertion socio-économique
4.1 La formation
4.2 L’insertion socio-économique
Deuxième partie : Le Projet d’appui à l’insertion ou la réinsertion des personnes handicapées motrices dans la ville de Dakar
Chapitre I : Présentation du projet
1. Les partenaires
1.1 COOPI
1.2 L ‘Association Nationale des Handicapés Moteurs du Sénégal (ANHMS)
2. Mise en œuvre
3. Description détaillée
4. Les ressources humaines et matérielles
Chapitre II : Le premier volet du projet : la formation professionnelle
1. Justification
2. Les filières
2.1Description
2.2Les critères d’accès
3. Les apprenants
3.1Les effectifs
3.2 Cursus scolaire et âge
3.3Autres caractéristiques
4. L’organisation des enseignements
4.1 Déroulement des cours
4.2 Les modes d’évaluation
4.3 Les résultats
4.4 Les difficultés
Chapitre III : La phase essentielle du projet : l’insertion par le micro crédit
1. Présentation
2. Les différentes types de crédit
3. Les modalités d’octroi de crédit
3.1Le processus d’obtention
3.2Les remboursements
4. Les financements
4.1Caractéristiques des demandes
4.2Les demandes accordées
4.3Les demandes rejetées
4.4Les demandes ajournées
5. Les blocages notés
6. Bilan du projet
6.1Au niveau de la formation professionnelle
6.2Au niveau de l’insertion par le micro crédit
6.3Au niveau global
Conclusion

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