L’innovation, moteur de croissance et facteur de compétitivité

Si la formule de Gustave Flaubert met en garde contre les vices de l’innovation, en en stigmatisant les risques, l’économie, le management, la sociologie, ou encore la théorie des organisations tendent à en préférer ses vertus. Thème récurrent qui ne cesse d’interroger un grand nombre de disciplines, l’innovation s’entend aujourd’hui tout à la fois comme une clef de la croissance, comme le processus de mise en œuvre de connaissances scientifiques ou comme un moment privilégié de dynamique sociale efficiente.

Mais la polysémie du terme porte parfois à confusion. C’est surtout sa première acception, à savoir un moteur de croissance et un facteur de compétitivité de la firme, qui retient l’attention. Toutefois, cette problématique de l’innovation a longtemps été associée au seul domaine industriel. Avec l’accroissement de la part des services dans l’économie, les travaux sur l’innovation dans les services, relativement récents, deviennent plus prégnants. À l’heure actuelle, la compétition ne se joue plus forcément sur un modèle standardisé et fordien de la production. Elle se joue non seulement sur la réduction des coûts et la rationalisation des processus de production, mais également sur l’accroissement de la valeur du service. Cette valeur du service étant définie lors du processus de conception, il s’agit désormais, non plus de se battre pour mieux produire, mais plutôt de se battre pour mieux concevoir, comme l’entend Christian Navarre (1992) dans l’industrie. C’est dans cet esprit que le groupe La Poste, troisième opérateur postal européen, a commandé le présent travail de recherche. Pour faire face, entre autres, à la libéralisation du marché postal, aux changements des habitudes de consommation de ses clients ou à la banalisation du livret A, l’opérateur cherche à renforcer sa capacité à innover pour fidéliser sa clientèle et trouver de nouveaux relais de croissance.

L’innovation, moteur de croissance et facteur de compétitivité de la firme

L’innovation est aujourd’hui indéniablement perçue comme un moteur de croissance et un facteur de compétitivité de la firme. La littérature issue des milieux industriels est féconde pour illustrer les vertus de l’innovation. Pourtant, les premiers modèles économiques raisonnent en termes de facteurs de production et ignorent l’innovation. Le fondateur de la théorie néoclassique, Léon Walras, élabore le modèle de la concurrence pure et parfaite avec les mathématiques : l’unique fonction de l’entrepreneur est de combiner les facteurs de production (capital et travail) pour réaliser une production donnée. En définitive, ce courant qui réduit l’entreprise à une fonction de production Y=f(K,W) où Y est le niveau de production, K la quantité de capital utilisée et W la quantité de travail utilisée, ne s’intéresse guère au fonctionnement de l’entreprise et à son environnement : l’entrepreneur ne réalise aucun profit ; il n’innove pas.

Le premier à présenter l’innovation comme moteur de croissance est Joseph Schumpeter (1912). Il développe la théorie des cycles économiques (prospérité, récession, dépression et reprise) qui accorde à l’innovation une place primordiale pour relancer la croissance. La diffusion de technologies ou de produits nouveaux dans l’économie suit d’abord une phase de croissance avant que la saturation des marchés n’entraîne une phase de déclin : l’introduction d’innovations permet alors de relancer la croissance. Dans ce modèle, l’innovation est entendue comme une nouvelle combinaison de moyens de production qui créé de multiples opportunités d’investissement et de profit : fabrication de nouveaux biens, introduction de nouvelles méthodes de production, ouverture de nouveaux marchés, conquête d’une nouvelle source de matières  , etc.. Joseph Schumpeter (1912) considère l’économie comme marquée par une dynamique permanente de transformation, un processus continu de destruction créatrice. L’entreprise compétitive ne s’adapte pas à son environnement, mais, au contraire, contribue à le transformer par l’innovation. En substance, l’innovation consiste à créer un besoin nouveau pour le plus grand profit de l’entreprise innovante. Les nouvelles combinaisons permettent de faire un gain, une plus-value car « le profit est par essence le résultat de l’exécution de nouvelles combinaisons » [Schumpeter (1999), p.202]. De nombreux courants ont repris le travail de Joseph Schumpeter. Le marketing notamment avec Jacques Lendrevie et Denis Lindon (2000) qui expliquent que l’innovation est le seul moyen de relancer la demande de façon significative, qu’elle favorise la restauration les marges et qu’elle apporte plus de pouvoir de négociation pour le producteur vis-à-vis du distributeur. Leur position est orientée marché alors que d’autres approches privilégient la relation face à la concurrence. Mais présenter l’innovation comme une fonction de profit revient également à la présenter comme un facteur de compétitivité de la firme. D’ailleurs, les évolutions économiques participent au renforcement de la place de l’innovation comme facteur de compétitivité.

Jusque dans les années 1970, en réponse à la croissance continue de la demande et au long maintien d’un contexte de compétition principalement basée sur les prix, le modèle général de production est de type fordien et fonctionne globalement sur l’économie de quantité. La logique est de fabriquer des produits hautement standardisés à très gros débit et de profiter à plein des économies d’échelle. Avec ce modèle de production de masse, les entreprises sont à l’abri derrière de puissantes barrières à l’entrée, elles peuvent planifier et s’engager à long terme. Mais au cours des années 1970, la croissance des débouchés s’est fortement ralentie et la demande s’est en partie déplacée vers de nouveaux types de besoins ou vers de nouveaux marchés. Le modèle de performance industriel, basé sur une offre prédéfinie et relativement standardisée, un processus linéaire de production, un produit qui existe et circule indépendamment du client, un résultat tangible et mesurable, ne parait plus adapté aux nouveaux enjeux économiques. Les entreprises sont donc à la recherche de nouveaux facteurs de différenciation, de nouvelles barrières à l’entrée que sont la qualité, la diversité, la réactivité, la réduction des délais ou l’innovation. Ces nouveaux modes de compétition apparaissent contradictoires avec le modèle traditionnel de production de masse. De nouveaux processus de production, de nouvelles méthodes de conception, qui s’éloignent progressivement du modèle industriel initial, sont ainsi mises en œuvre pour que l’entreprise reste compétitive. L’industrie automobile, qui agit comme une véritable vitrine de l’évolution des modes de production et de conception, reste alors la source de best practices industrielles.

L’accent est toutefois mis largement sur l’innovation, à la fois par les chefs d’entreprises et par les vulgarisateurs du management stratégique. Ceux-ci expliquent que l’innovation est l’un des meilleurs remèdes pour faire face à la concurrence. Les patrons « délaissent les road shows et les avions transcontinentaux pour leurs laboratoires, leurs bureaux et leurs usines, en quête de la plus petite idée, de la moindre étincelle. Tout nouveau produit, tout nouveau service, la plus ténue des innovations en matière d’offre commerciale les mobilisent. Ils se concentrent sur ce que les conseils en stratégie appellent la croissance organique. C’est-à-dire sur les moyens de développer leur propre business, par la remise à plat de leurs métiers et l’innovation de produit ou autour du produit. Une rupture par rapport aux folles années de croissance externe. »  C’est cette démarche que préconisent des ouvrages aussi lus que ceux de William Ouchi (1981), de Thomas Peters et Robert Waterman (1982) ou encore de Rosabeth Kanter (1983). Tous insistent sur l’avantage compétitif que peut apporter une avance technologique sur ses concurrents.

Présenter l’innovation comme un facteur stratégique de succès de l’entreprise – quels que soient sa taille, son secteur d’activité et l’étendue de son marché – est, selon Camille Carrier et Denis Garand (1996), devenu un lieu commun. L’innovation est ainsi considérée comme une condition de survie pour l’organisation [Drucker (1985), Peters (1998), Hamel (1998)]. Thomas Peters (1998) explique qu’une entreprise ne peut pas connaître ses concurrents de demain, que les nouvelles technologies modifient sans cesse les façons de fabriquer, de concevoir et de distribuer les produits, et que les goûts des consommateurs évoluent de plus en plus vite. L’innovation est donc le moyen de coller au marché. Mais sous quelle forme se manifeste-t-elle ? Chaque auteur énonce ses propres caractéristiques de l’innovation. Avec une vision industrialiste, Thomas Peters (1998) estime que l’innovation doit être radicale : il est, à ses yeux, inutile d’essayer d’améliorer les produits existants. « Dans bien des cas, la concurrence est devenue si vive et la banalisation de certains produits ou services si rapide que les entreprises doivent faire plus que travailler simplement sur le produit ou revisiter la chaîne de valeur. » Il s’agit donc bien d’innovation stratégique au sens de Gary Hamel (1998) qui considère que la clef du succès est la capacité de reconcevoir totalement son activité de sorte qu’elle engendre, de façon originale, de la valeur pour les clients.

Innovation et entreprises de services : un héritage industriel à dépasser

Depuis plusieurs décennies, l’industrie alimente la majorité des travaux de recherche en sciences sociales et pose la question de l’application aux services des théories qui ont été développées. Les travaux réalisés sur l’innovation sont effectivement issus dans leur quasi-totalité du monde industriel. Pourtant, le secteur des services ne cesse aujourd’hui de prendre de l’importance. La majorité des économistes souligne la baisse des emplois industriels depuis 1975 et la hausse de ceux des services. Christian Grönroos (1990) explique cette croissance du secteur des services par l’augmentation du temps de loisir, un taux élevé de femmes qui travaillent, une hausse de l’espérance de vie, une plus grande complexité des produits, une complexité croissante de la vie, des préoccupations écologiques plus importantes et une pénurie des ressources. Olivier Furrer (1997) explique de son côté que la « servicialisation » de l’économie est le résultat d’une saturation des marchés, du développement technologique, de la mondialisation de l’économie et de l’orientation client. Olivier Furrer (1997) voit d’ailleurs dans la tendance actuelle à l’orientation client un renforcement des services : « De plus en plus, les entreprises adaptent le contenu de leurs offres commerciales au profit des services : que ce soient des entreprises industrielles qui entourent leurs produits de services, ou que ce soient des entreprises de services qui offrent des services annexes autour de leurs prestations de base. » [Furrer (1997), p.98] Ces services autour des produits créent de la valeur et représentent une barrière à l’entrée d’un secteur.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE I DU MANAGEMENT DES SERVICES À LA CONCEPTION D’UN SERVICE : COMMENT ORGANISER L’INNOVATION DE SERVICE ?
INTRODUCTION
CHAPITRE I.1 DISTINGUER LES SERVICES DES BIENS : L’INTERACTIVITÉ À LA SOURCE DE L’INNOVATION DE SERVICE
CHAPITRE I.2 DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX SERVICES : UNE APPLICATION LIMITÉE DES CONCEPTS DU MARKETING ET DE L’INGÉNIERIE DE LA CONCEPTION
CONCLUSION DE LA PARTIE I
PARTIE II LA POSTE, UN FORT POTENTIEL DE NOUVEAUX SERVICES AU CLIENT
INTRODUCTION
CHAPITRE II.1 QUEL PROCESSUS DE CONCEPTION DANS UNE ENTREPRISE DE SERVICES ?
ÉPISTÉMOLOGIE ET MÉTHODOLOGIE
CHAPITRE II.2 LA POSTE, UN TERRAIN DE RECHERCHE PRIVILÉGIÉ : QUEL COMPROMIS ENTRE PRESCRIPTOCRATIE ET INNOVATION ?
CONCLUSION DE LA PARTIE II
PARTIE III LES INNOVATIONS À LA POSTE : ENTRE CONCEPTION CENTRALISÉE ET DÉVELOPPEMENTS LOCAUX
INTRODUCTION
CHAPITRE III.1 L’APPRENTISSAGE LOCAL : UNE RESSOURCE POUR LA POSTE
CHAPITRE III.2 LES SERVICES CONÇUS EN AMONT : APPROPRIATION ET ADAPTATION
CHAPITRE III.3 RÉSULTAT GÉNÉRAL : UNE CONCEPTION COLLECTIVE ET ÉTAGÉE DE NOUVELLES PRESTATIONS
CONCLUSION DE LA PARTIE III
CONCLUSION GÉNÉRALE

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