L’influence du dispositif dans la création de dessins animés par programmation informatique

L’influence du dispositif dans la création de dessins animés par programmation informatique

L’œuvre d’art est conditionnée par le dispositif duquel elle émerge. Le dispositif encadre la création, il en détermine les possibilités et les limites. Ce mémoire propose une réflexion sur les aspects novateurs dans la pensée, dans la méthodologie et dans l’esthétique  qu’introduit la pratique de la production de dessins animés par programmation informatique. La démarche comprend un volet théorique de recherche et d’écriture et un volet de production qui permet d’aborder le sujet d’une façon tangible et moins rationnelle. La partie théorique est inspirée de textes de philosophes, de praticiens et de ma propre expérience de production. La production comprend des séquences de dessins animés produites pendant ces études à la maîtrise.

Le mémoire résume d’abord le contexte historique qui précède et prépare l’avènement de l’ordinateur et de l’informatique, dans le but de bien discerner les jalons qui marquent l’évolution de la pensée et par extension, de son expression dans l’art et le dessin. Il nous fournira une assise solide pour bien mesurer l’aspect révolutionnaire que recèle cette technologie. Il propose ensuite un regard sur la nature de la mathématique, son rôle grandissant dans la pratique de Part et son influence sur l’esthétique particulièrement en regard de l’utilisation d’un ordinateur. Finalement, il identifie et discute les éléments novateurs que met en place un dispositif de création df images animées par programmation informatique. Ces éléments sont aussi conceptuels que méthodologiques et ils sf efforcent de montrer comment ils conditionnent le processus créatif et l’esthétique de l’image.

La courbe du progrès

Depuis les premières manifestations du sens esthétique chez Phumain, il y a trois millions d’années , la progression de la faculté de projeter sa pensée sur un support matériel suit une courbe qui montre une accélération phénoménale, malgré le peu d’évidences pour les périodes les plus anciennes. La révolution moderne, en plaçant Pêtre Phumain au centre de sa réflexion, rompt avec la tradition et permet à la raison de renouveler la perception de la réalité. Les sciences se développent et favorisent Pextension des capacités humaines qui décuplent grâce à la création d’instruments et de machines. Nous nous déplaçons plus vite et plus loin. Nous pouvons voir plus; plus loin, plus petit, fixer des moments et les reproduire.

L’éclatement de L’art

La modernité provoque une remise en question sans précédent de rassise de l’art. Cela se manifeste surtout au début du 20e siècle par l’émergence d’une multitude de tendances, chacune appuyée par une justification théorique bien élaborée. En se multipliant, les ismes se complètent, se confrontent et s’opposent reflétant en cela la dynamique culturelle qui prévaudra pendant une soixantaine d’années. Alimenté par les nombreuses découvertes, absolument tout se retrouvera dans les pratiques artistiques : mouvements politiques, sociaux, scientifiques et autres. L’art ne se contente plus de la contemplation, il doit désormais composer avec la raison.

La Deuxième Guerre mondiale provoque une migration massive vers les États-Unis qui profitent de cette conjoncture favorable pour consolider leur position de chef de file dans de nombreux domaines. En ce qui concerne les arts, New York devient le nouveau centre de Part, principalement à cause du développement de l’expressionnisme abstrait qui s’intéresse à l’impact sensoriel pur et simple qu’il produit sur le regardeur et qui redonne un nouveau souffle à l’abstraction née au début de ce siècle. Cette nouvelle forme d’abstraction se fractionnera dans de nouvelles tendances, dont Top art, l’art conceptuel et l’art minimaliste qui influenceront l’esthétique de l’infographie naissante. La juxtaposition d’une œuvre de Victor Vasarely et une de Mona Velmar fait apparaître clairement cette évidence.

Cette émergence de l’art non figuratif témoigne du degré croissant d’abstraction qui s’immisce dans la pensée. Comme nous l’avons évoqué, la modernité favorise la pénétration généralisée de la science et de la technique dans l’activité humaine, ce qui accroît la quantité d’information disponible et crée le besoin de gérer et de traiter des données de plus en plus abondantes. Plus qu’auparavant on mesure, compte, compile, projette et simule. Dans ce contexte, le perfectionnement des machines à calculer devient un impératif pour soutenir des opérations intellectuelles de plus en plus complexes. Le développement de l’électronique, allié aux travaux de Claude Shannon sur l’application de l’algèbre booléenne aux circuits électroniques, prépare le terrain pour la révolution informatique qui émerge avec la création des premiers ordinateurs pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L’apparition de l’ordinateur

En quelque sorte, l’avènement de l’ordinateur poursuit les grands bouleversements de la modernité. Par leur capacité à traiter l’information rapidement, l’ordinateur et l’informatique assistent et augmentent les facultés intellectuelles. Dans tous les domaines, un accroissement phénoménal dans l’acquisition de nouvelles connaissances et une augmentation qualitative et quantitative de la production causent un impact social immense.

Très rapidement, dès le développement des premiers ordinateurs, certains artistes pressentent le potentiel de ces appareils comme outils de production artistique. Dans cette période qui débute dans les années 1950, il faut distinguer les travaux exécutés avec des ordinateurs analogiques de ceux produits par les ordinateurs numériques qui apparaîtront un peu plus tard, au début des années 1960.

Mike King, dans son essai « Computers and Modern Art »,5 identifie ce moment comme la première de trois périodes historiques de l’art par ordinateur. Elle correspond à l’apparition des premières images générées avec des dispositifs électroniques par Ben Laposky en 1950 et par le cinéaste d’animation John Whitney, vers 1956. Un des centres de recherche les plus importants est le Be// Laboratory où se consolide la presque totalité des innovations, tant théoriques que techniques, qui favorisent rétablissement des bases du développement infographique. Jusqu’en 1986 se développent les logiciels de peinture, les interfaces graphiques avec l’ordinateur Apple Macintosh et le début de la micro informatique. La deuxième période se caractérise par un développement fulgurant de la technologie soutenue par une industrie florissante. C’est dans cette période que le cinéma, mais plus spécifiquement le cinéma d’animation et les effets spéciaux, prend un essor spectaculaire et affiche une présence nettement plus marquée. La troisième période commence vers 1994 avec le déploiement du web et du multimédia qui amorce le développement historique de l’image, passant d’un mode d’appréhension contemplatif à un mode permettant l’interaction. Mon arrivée dans ce domaine correspond à la fin de la première période et explique en partie l’origine de mon intérêt pour la création avec du code informatique.

Dans un très court laps de temps, la pensée moderne transforme la pratique artistique qui devient plus rationnelle, abstraite et avide de nouvelles formes. Le développement récent de l’ordinateur soutient le projet cartésien fondé sur le raisonnement mathématique qui devient une composante de plus en plus importante de la pensée.

L’ART ET LA MATHÉMATIQUE

L’édifice informatique repose sur une fondation mathématique. De tout temps, la mathématique suscite curiosité et fascination chez ceux qui s! y intéressent. Nous avons vu comment la science, surtout avec la modernité, imprègne de plus en plus les dimensions de l’activité humaine et il semble important d’élaborer davantage à son sujet, afin d’établir son lien avec l’esthétique de l’image infographique.

Le raisonnement idéal

Les philosophes ont perçu très tôt l’essence particulière de la mathématique. Pour eux, elle a en commun avec la philosophie, le raisonnement. D’un certain point de vue, la mathématique présente un modèle de raisonnement idéal puisqu’elle s’appuie sur des énoncés dont la certitude ne peut être mise en cause de par leur clarté et leur simplicité. Ainsi, toute la connaissance mathématique s’échafaude à partir d’axiomes en s’efforçant de démontrer, par le calcul, l’infaillibilité des propositions. Puisque la mathématique est la science de la certitude, elle incarne la perfection, le vrai,tout en portant en elle le paradoxe de son immatérialité, intrinsèque à son caractère abstrait. Albert Einstein formule ainsi cette dichotomie : As far as the laws of mathematics refer to reality, they are not certain; and as far as they are certain, they do not refer to reality .

Le vrai devient le beau

Jusqu’à Descartes, le divin domine la spiritualité; la mathématique, par son apparente perfection, y est associée. Tous les domaines de l’art s’emparent de la mathématique. La certitude mathématique, le vrai, sera synonyme du beau et justifiera les premières théories esthétiques. Ces théories sont empreintes de l’avancement de la science, du contexte sociologique et philosophique de l’époque. Ainsi, en 1494, l’ouvrage de Luca Pacioli De Divina Proportione établit des lois esthétiques; cinq principes que l’on associe à Dieu et qui s’appuient sur des raisonnements mathématiques .

Charles Bouleau dans La géométrie secrète des peintres fait une analyse exhaustive de la géométrie qui sous-tend les grandes œuvres picturales à différentes époques. On y voit comment les rapports qui s’établissent avec le raisonnement et les découvertes mathématiques se transposent dans les compositions picturales. Ainsi, cette science de l’abstrait et de la synthèse se manifeste secrètement et subtilement dans les structures géométriques qui organisent les éléments figuratifs des grandes œuvres du Moyen-Âge et de la Renaissance.

Progressivement, les grands penseurs, précurseurs de la modernité, font basculer une pensée centrée sur Dieu vers une pensée tournée vers l’homme. Descartes aspire à universaliser la mathématique qu’il préfigure comme la clef de toutes les sciences. Pour Descartes, n’importe quelle réalité qui démontre de Tordre et de la mesure peut devenir un objet mathématique.

Au 20e siècle, les sciences et la mathématique sont abordées plus explicitement dans des œuvres abstraites. La géométrie délaisse son rôle de charpente plus ou moins dissimulée pour devenir dans les œuvres contemporaines, le sujet même.

L’esthétique abstraite reflète davantage la pureté des objets mathématiques. Plusieurs concepts mathématiques trouvent un écho dans la production artistique. C’est le cas, notamment, de Sol Lewitt dont les œuvres produites dans les années 1960, exploitent les procédés naissant de la programmation tout en utilisant les techniques traditionnelles de dessin. Ses Wall Drawings sont des murales réalisées par un assistant à partir d’instructions et de règles écrites par Lewitt. Ces productions n’utilisent pas de support informatique, mais témoignent tout de même de certains éléments de la pensée informatique naissante de l’époque; la répétition, la permutation, la transformation, l’algorithme, etc.

En s’emparant de l’ordinateur, l’art va intensifier son rapport avec la mathématique. Ces dernières suscitent chez les adeptes de la production d’images par programmation une fascination particulière. Parce que les images générées par ordinateur utilisent la numérisation comme élément constitutif, elles héritent de la pureté des objets mathématiques. Généralement, les œuvres produites par programmation informatique sont abstraites, les contraintes liées au dispositif découragent les modes de représentation figuratifs, même les plus simples et les plus épurés. L’obligation de concevoir le dessin dans un contexte mathématique provoque, en revanche, une fascination pour l’échafaudage intellectuel que cette science a élaboré depuis des siècles. Il n’est donc pas étonnant que les artistes du code informatique partagent cette quête des possibilités expressives de la mathématique. Avec la puissance des ordinateurs qui augmente, de nouvelles propositions esthétiques émergent. Philippe Quéau dans Éloge de la simulation observe très justement que la capacité grandissante de l’ordinateur à calculer rapidement a un impact conceptuel important qui s’applique pleinement à l’art.

LE DISPOSITIF

Le travail de Partiste qui génère des images par programmation informatique consiste essentiellement à définir et acheminer les instructions nécessaires pour créer des éléments graphiques dans un espace virtuel. La musique, la danse et le théâtre procèdent de cette façon; des instructions sont codées dans un langage spécifique à la discipline et seront exécutées par les musiciens, les danseurs ou acteurs pour que l’œuvre soit finalement créée. Bien que ce processus nous semble tout à fait naturel pour la musique ou pour la danse, il semble plutôt contre nature lorsqu’appliqué au dessin. Pourtant Partiste américain Sol Lewitt a exploré cette façon de concevoir le dessin en développant les Wall Drawings . À la même époque où se développait Pinfographie, Sol Lewitt propose donc de créer ces dessins par Pentremise dl une description textuelle des opérations nécessaires à leur réalisation, tout en considérant que cette ultime étape pouvait être exécutée par une main autre que celle de Pauteur. Cette façon de faire dissocie l’idée et sa réalisation obligée par l’auteur et brise ainsi la corrélation séculaire bien ancrée de l’œuvre qui s’incarne à travers la main de l’artiste. Bien sûr, cette vision du dessin s’accommode du style de Lewitt où l’emphase n’est pas mise sur l’interprétation, c’est-à dire sur les particularités physiques que le performeur pourrait induire dans l’œuvre, mais bien sur le concept. Le dessin par programmation procède de la même façon; des commandes textuelles définissent la procédure, les opérations et les règles qui permettent de le constituer. Cependant, contrairement aux instructions de Lewitt qui s’adressent à un être humain ayant la faculté d’interpréter les directives, la communication avec un ordinateur ne tolère aucune ambiguïté et exige un langage explicite.

La pensée informatique

Pour repérer ces éléments de la pensée informatique dans le processus de création d’images animées par programmation, les cinq principes des nouveaux médias énoncés par Lev Manovich dans son ouvrage The Language of New Media10 peuvent nous servir de grille. Ce sont : la représentation numérique, la modularité, l’automatisation, la variabilité et le transcodage. Dans l’esprit de Manovich, ces principes sont comme les axiomes en mathématique, c’est-à-dire qu’ils se combinent pour enrichir la pensée informatique.

Le premier principe, la représentation numérique, est une condition imperative pour concevoir un dessin par programmation. L’artiste doit pouvoir définir numériquement l’objet de sa création, c’est-à-dire qu’il doit être décrit formellement de façon mathématique et qu’il puisse être manipulé par des algorithmes (doit être programmable). En analysant le programme de la figure 3.3, on compte sept lignes de codes qui réfèrent directement à des nombres pour définir soit des couleurs, soit un nombre fini d’itérations. Le deuxième principe, la modularité, s’apparente à la structure fractale où les éléments forment des objets plus complexes, tout en conservant leur identité. Tout comme les fonctions, les procédures et les sous-routines des langages de programmation structurés, les objets peuvent être assemblés pour former des ensembles plus grands. La modularité permet de stocker les éléments séparément et de façon indépendante. Il devient alors possible d’avoir un accès direct et de modifier ou de substituer un élément sans altérer la structure globale. Toujours dans la figure 3.3, chacune des fonctions invoquées est considérée comme un module. La fonction for qui crée une boucle itérative est utilisée à deux reprises, mais chacune, tout en gardant son identité propre, agit différemment. Les deux premiers principes rendent possible le troisième principe qui est l’automatisation des nombreuses opérations sur les objets. Ce principe permet à l’être humain de déléguer certaines parties du processus de création. On peut distinguer les automatisations de bas niveau qui permettent de créer des objets à l’aide de gabarits ou d’algorithmes, des automatisations de plus haut niveau (intelligence artificielle) qui demandent une programmation plus sophistiquée, car la tâche exige une analyse et une compréhension de la part du logiciel. Toujours dans notre exemple, la fonction for est une fonction d automatisation de bas niveau, mais très puissante puisquf elle permet l’exécution en boucle des commandes qui lui sont assignées. Ici nous avons une boucle de quatre itérations qui invoque des fonctions dessinant une courbe de couleur différente à chaque fois. Cette boucle est elle-même imbriquée dans une autre boucle qui répète 200 fois les quatre itérations pour un total de 800 courbes dessinées. On voit bien, par cet exemple, comment la pensée informatique élabore une proposition pour ^accomplissement d! une tâche, en combinant pensée abstraite, décomposition, modularité et itération.

CONCLUSION

L’écriture de ce mémoire et la recherche qu’elle a exigée m’ont permis de rationaliser une pratique qui jusqu’à maintenant était instinctive et motivée par une curiosité naturelle. La réflexion qu’une telle entreprise oblige m’a conforté dans ma démarche en me permettant de mieux la situer dans ce domaine où les tendances explosent dans toutes les directions. Il est manifeste que ma formation en cinéma influence grandement ma pratique avec le dispositif informatique .

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Table des matières

Introduction 
Chapitre 1 Le contexte historique
1.1 La courbe du progrès
1.2 L’éclatement de Part
1.3 L’apparition de l’ordinateur
Chapitre 2 L’art et la mathématique
2.1 Le raisonnement idéal
2.2 Le vrai devient le beau
2.3 L’esthétique du pur
Chapitre 3 Le dispositif
3.1 La pensée informatique
Chapitre 4 Le processus de création
4.1 La genèse de mon projet de création
4.2 Le cheminement
4.3 L’inspiration, le sujet
4.4 Le langage
4.5 L’espace
4.6 L’absence du corps
4.7 L’animation
Conclusion

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