L’importance du regard critique et du jugement professionnel

L’importance du regard critique et du jugement professionnel

Évaluer un programme dans lequel trois ministères sont impliqués.

Une particularité du projet à l’étude est qu’il évalue un programme issu d’une concertation entre trois ministères puisque le MELS, le MSSS et le MSP ont arrimé leur mandat respectif en créant ce programme unique. Les partenaires sont tous enthousiastes face au programme et se disent concernés par la réalité et le point de vue des autres, mais dans les faits, le déroulement des activités du programme semble se réaliser en vase clos: le MSP s’occupe du volet sécuritaire, le MSSS du volet thérapeutique et le MELS du volet scolaire. C’est là le défi d’une recherche participative, soit celui de dépasser la simple coopération, qui consiste essentiellement à un arrimage d’univers qUI restent relativement indépendants, pour arrIver à une réelle collaboration, qUI induit l’émergence d’un monde et d’un langage partagé (Leclercq & Varga, 2012). Afin de rapprocher les différentes parties prenantes, au-delà de ce qui existait antérieurement, la présente recherche a mis en place plusieurs stratégies. Dès le début, une rencontre réunissant deux partenaires (MSP, MSSS) a eu lieu afin de discuter des besoins en lien avec la recherche et des stratégies à privilégier pour répondre aux besoins. Lors de la rédaction du devis, les agentes de liaison ont été consultées sur des dimensions très précises qui les concernaient particulièrement, notamment en lien avec la faisabilité du protocole. Des formations (sur les instruments), la diffusion de bulletins trimestriels (faisant état non seulement des statistiques, mais également de cet esprit collaboratif) et des présentations de résultats préliminaires communes lors de colloques ont également permis le maintien de cet esprit collaboratif. Invité à toutes les rencontres, le MELS, plus
concerné par les résultats que par le processus de recherche, s’est impliqué dans les rencontres de partage de résultats. Cependant, tout comme pour les autres acteurs, il a reçu fidèlement les bulletins d’informations diffusés tous les trois mois.

La théorie du programme et les critères d’efficacité

Il est reconnu que la prise en considération de la théorie d’un programme est primordiale pour formuler et prioriser les questions de recherche, pour élaborer le devis de recherche et ultimement, pour interpréter les résultats (Bickman, 1987; Chen & Rossi, 1980). Trop souvent, les évaluateurs ne s’y attardent pas suffisamment avant d’élaborer leur projet, présupposant qu’elle est clairement établie et univoque (Donaldson, Christie, & Mark, 2009). Or, il n’est pas rare que la théorie du programme soit implicite, peu détaillée dans les documents officiels du programme ou que les parties prenantes n’en aient pas toutes la même conception (Chen, 2005; Funnell & Rogers, 2011 ; Rossi et al., 2004). La source des conflits entre les parties prenantes provient souvent de valeurs politiques et d’idéologies parfois difficilement conciliables, même avec le devis de recherche le plus  compréhensif et respectueux de chacun (Rossi et al., 2004). Dans le cas qui nousconcerne, une différence majeure quant à la philosophie d’intervention en regard de la consommation de SPA oppose jusqu’à un certain point deux des partenaires: l’ÉDQ prône l’abstinence alors que le CRDQ croit en la réduction des méfaits (Brisson, 1997). Malgré les flous définitionnels et conceptuels de l’approche de réduction des méfaits, nous adhérons à l’idée qu’il faille bien séparer les approches selon leurs objectifs particuliers et leurs actions distinctes (Gillet & Brochu, 2005). Ainsi, ces deux philosophies soutiennent des conceptions de la réussite d’un programme d’intervention en toxicomanie tout aussi différentes. Si les parties qui sont au cœur du dispositif ne présentent pas un niveau d’accord substantiel concernant la mission, les buts et autres issues du programme, l’évaluation se complexifie. Cette situation peut avoir un impact important sur l’interprétation des résultats, mais également sur la diffusion/présentation des résultats aux partenaires. La recherche collaborative implique par ailleurs l’engagement dans une démarche de coconstruction de savoirs et l’élaboration conjointe d’une compréhension de l’objet de la recherche (Portelance & Giroux, 2009), la dualité des perspectives favorisant les échanges et la réflexion (Garant & Lavoie, 1997). Nous avons donc dû arriver à une description articulée et explicite des conceptions, des hypothèses et des attentes qui constituent le rationnel du fonctionnement du programme et s’assurer qu’il est partagé par tous (Rossi & Lipsey, 1999). Notre stratégie fut simple: la corédaction d’un article avec les partenaires dans un numéro dujoumal de l’équipe de recherche RlSQ (RlSQ-INFO) et d’un chapitre de livre. Ces deux démarches ponctuées de plusieurs allers-retours ont permis de travailler à l’adhésion des partenaires à une définition commune du programme. Lorsque l’on aborde des questions de recherche criminologique, on se retrouve souvent face à des phénomènes difficilement quantifiables, par exemple la réinsertion sociale, ce qui rend la tâche d’opérationnaliser des indicateurs objectivement mesurables parfois difficile. On peut cependant établir une série de concepts permettant de décrire ces phénomènes, en choisir un certain nombre et concevoir des mesures permettant de les évaluer (Legault-Mercier & St-Pierre, 2011). Tout comme pour la théorie du programme, il importe d’inclure les parties prenantes dans l’élaboration des critères de réussites (Funnell & Rogers, 2011). Dans son cas, l’équipe de recherche s’est inspirée des indicateurs qu’ont élaborés les SCQ en regard des différents facteurs de risque liés
aux comportements criminels en les croisant avec l’approche de la réduction des méfaits, prônée par l’autre partenaire (CRDQ). Ainsi, le fait de consommer ou non une drogue ne suffisant pas pour mesurer les changements de comportements, on s’intéressera à l’amélioration de la situation, la diminution des conséquences négatives liées à la consommation, etc. (Fallu & Brisson, 2013).

Enjeux liés aux devis de recherche: la formation d’un groupe de comparaison

Ces enjeux furent rencontrés dans l’élaboration du devis de recherche en lien avec le volet quantitatif.À l’ère des données probantes, on considère souvent les devis expérimentaux randomisés comme étant « l’étalon d’or » de la recherche (Lafortune, Meilleur, & Blanchard, 2009; Rossi et al., 2004). Or, l’application de tels devis dans le cadre d’évaluation de programme n’est pas possible dans tous les milieux (Bachman & Schutt, 2012), particulièrement dans un contexte judiciaire et criminologique (Heck & Roussell, 2007). Dans ce contexte, des enjeux pratiques, administratifs, légaux et éthiques empêchent souvent l’utilisation d’un devis expérimental (Goodwin, 2008; Maxfield & Babbie, 2012). Lamey et Martire (2010) considèrent qu’en plus de ne pas êtrenécessaire, l’utilisation de devis randomisés dans le contexte d’une évaluation de programme en milieu carcéral est éthiquement non recommandée, notamment en raison de l’incompatibilité entre les problèmes de type criminologique et la logique expérimentale de l’assignation aléatoire des sujets au groupe témoin ou de traitement (Lafortune et al., 2009). C’est pour cette raison que les chercheurs dans le domaine de la criminologie se tournent dans la plupart des cas vers un devis quasi expérimental (Mc Shane & Williams 2008). Le devis quasi expérimental demeure la meilleure alternative à un devis expérimental pour maximiser la validité (Bachman & Schutt, 2003) lorsque l’utilisation du devis expérimental est impossible, difficile ou tout simplement inappropriée (Funnell & Rogers, 2011 ; Kraska & Neuman, 2012; Neuman et al., 2004). L’enjeu majeur face à ce type de devis demeure la question de l’équivalence des groupes (Rossi et al., 2004). Plus les groupes sont similaires, particulièrement quant aux caractéristiques personnelles en lien avec les interventions du programme, plus on peut être confiant face aux résultats (Bachman & Schutt, 2012). Tout d’abord, les participants du GT sont recrutés à ÉDTR. Recourir à la population carcérale d’une autre région permet de contourner l’obstacle éthique que présente l’approche évaluative centrée sur les effets, soit de soustraire une partie de la population à une intervention pourtant requise par son état (Haccoun & McDuff, 2009; Newman & Brown, 1996). Le fait d’avoir le GT et le GE dans des établissements différents a également prévenu la contamination qui pourrait survenir si les deux groupes étaient issus du même établissement, car les établissements québécois ne sont pas suffisamment grands pour permettre une frontière étanche entre des GE et GT recrutés au même endroit. Pour s’assurer que les participants du GT correspondent en tout point aux participants du GE, une sélection stratégique des pavillons de l’ÉDTR où le recrutement se déroule, une évaluation du dossier des détenus intéressés par la conseillère en milieu carcéral et une évaluation du niveau de sévérité de la consommation par les assistants de recherche ont été mises en place. Ces mesures permettent de s’assurer que les détenus du GT répondent à l’ensemble des critères d’inclusion qui feraient en sorte que, si une telle initiative de traitement existait dans leur région, ils y seraient éligibles.

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Table des matières

Liste des tableaux
Liste des figures
Remerciements
Introduction
Chapitre 1 : Contexte de l’étude
L’évaluation de programme et les données probantes
Le courant des données probantes
L’utilisation des données probantes
L’importance du regard critique et du jugement professionnel
Devis randomisés vs quasi expérimentaux
L’importance de faire de l’évaluation de programme
La maturité du programme
Un ou des modèles en évaluation de programme ?
La théorie du programme de Chen
L’approche participative
L’intervention correctionnelle
Bref historique sur l’intervention en milieu carcéral
Les établissements fédéraux
Les établissements provinciaux
Punir vs réinsérer
Les orientations prises par les Services correctionnels du Canada
L’influence de la sévérité des peines sur les taux de criminalité
Les orientations prises par les Services correctionnels du Québec
Du « nothings » au what « works »(Martinson)
Qu’est-ce qui fonctionne?
Meilleures pratiques en intervention en milieu carcéral
Une théorie psychologique du comportement criminel sous-jacente
Les principes de Risque, Besoins et Réceptivité
Qui doit profiter d’une intervention et de quelle intensité
celle-ci doit être?
Quelles doivent être les cibles et le contenu de l’intervention?
Comment intervenir?
L’intégrité dans l’application et la prestation du programme
Le personnel responsable de prodiguer les interventions
Meilleures pratiques en intervention en toxicomanie en contexte carcéral
L’approche cognitive-comportementale en dépendance
Les communautés thérapeutiques
Les traitements d’entretien à la méthadone (TEM)
L’entretien motivationnel
Le suivi post-cure
Objectifs général
Objectifs spécifiques
Chapitre II: Méthode
Considérations éthiques
Maturité du programme à l’étude
Influences théoriques de cette démarche
Équipe de recherche
Recrutement
Groupe expérimental (GE) : programme d’intervention en toxicomanie à l’ÉDQ
Groupe témoin (GT) : aucun traitement intensif offert durant l’incarcération
Taille de l’échantillon
Procédure
Instruments de mesure utilisés
Consommation
Sphères psychologiques/émotionnelles
Sphère sociale
Sphère judiciaire
Services utilisés
Critères de réussite du programme
Analyses
Portrait de consommation des participants
Chapitre III : article 1
Introduction
Présentation du programme ayant été évalué dans le cadre de la démarche
Unicité du programme évalué
Description du programme et son fonctionnement
Devis de recherche évaluative
Les défis de la recherche évaluative en milieu carcéral
Défis liés au milieu carcéral
Les mandats des services correctionnels: sécurité et réinsertion
Percer l’institution totalitaire via une approche collaborative en recherche
Le code des détenus
Enjeux liés à la clientèle
Consentement libre et éclairé
Les limites de la confidentialité
Attrition de l’ échantillon
Enjeux liés au programme évalué
Évaluer un programme dans lequel trois ministères sont impliqués
La théorie du programme et les critères d’efficacité
Enjeux liés aux devis de recherche : la formation d’un groupe de comparaison
Discussion: les facteurs favorisant la recherche évaluative en milieu carcéral
Conclusion
Références
Chapitre IV : article 2
Introduction
Method
Participant Recruitment
Procedure
Instruments
Substance use
Psychological/emotional do main
Social domain
ludicial domain
Services used
Statistical analyses
Results
Participant portrait
Evolution ofthe Participants’ Psychosocial Situation Across Time Points
Questionnaire on Perceived Improvements
Discussion
References Chapitre V : Discussion
Pertinence des programmes d’intervention en milieu carcéral
Le programme à l’étude respecte-t-il ces critères?
L’évaluation de programme en milieu carcéral, une bonne idée?
Une pratique complexe, mais réalisable
La carte cachée du chercheur en milieu carcéral: son savoir-être
Martinson avait-il raison? L’absence de résultats statistiquement significatifs et les
données probables
La dépendance, un concept difficile à mesurer
Les prisons provinciales: un milieu hostile aux données probantes?
L’importance du jugement clinique
La recherche qualitative pour évaluer l’efficacité d’un programme?
Apports de la thèse à l’intervention psychoéducative
Apport aux compétences du psychoéducateur
L’intégration des services: l’interdisciplinarité
Limites
Taille de l’échantillon et attrition
L’équivalence des groupes
L’alliance thérapeutique
Évaluer la toxicomanie à court terme
Pistes de recherche
Chapitre VI : Conclusion
Références
Appendice A. Instructions aux auteurs pour la soumission d’un article à la Revue canadienne d’évaluation de programme (article 1)
Appendice B. Instructions aux auteurs pour la soumission d’un article à la revue Evaluation Review (article 2)
Appendice C. Carte des ressources d’aide
Appendice D. Formulaires d’autorisation de transmission de l’information confidentielle
Appendice E. Feuille d’information sur le projet
Appendice F. Formulaires de consentement
Appendice G. Affiche aposée dans les secteurs de vie pour le recrutement des
participants du GT
Appendice H. Feuilles distribuées avec les coupons-réponses

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