L’importance de jumeler le CV avec d’autres filtres

Le mandat

Le principal mandat auquel j’ai répondu au sein de la Direction de l’analyse de marché et des réclamations consiste à analyser et mettre en oeuvre un instrument de détection de la collusion et truquage des offres au sein du Ministère et produire un rapport d’analyse. Cet instrument sera analysé puis appliqué aux contrats de construction qui occupent la plus grande partie des contrats qu’octroie le Ministère et qui enregistrent une part importante d’infractions.

Une revue de la littérature scientifique sur les applications du coefficient est ainsi requise, dans le but de recenser des cas réels où la collusion a été analysée et expliquée par le coefficient de variation. Ayant déjà mis en place une série d’alertes lui permettant de détecter des situations problématiques (soumissions anormalement basses, soumissions dé-balancées des prix par articles, similitude des prix entre soumissionnaires, similitude des prix entre les soumissionnaires et les concepteurs des plans et devis), la Direction désire développer d’autres alertes afin d’améliorer la détection de situations potentielles de collusion et corruption. Dans cette optique, la Direction souhaite analyser le comportement du coefficient 5 de variation (CV) sur les contrats du MTQ et déterminer sa pertinence dans la détection de la collusion, dans l’optique de créer une nouvelle alerte si les résultats sont probants.

Comme il a été relevé à la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (Commission Charbonneau), le coefficient de variation est un bon indice de collusion : « Le coefficient de variation des montants soumis indique le degré de rapprochement des prix soumissionnés. L’expérience internationale confirmée par les travaux de la Commission indique que les prix collisionnés tendent à être plus groupés que ceux fournis en libre concurrence.

Il est possible de faire de nombreuses hypothèses pour expliquer ce phénomène, mais ce qui importe, c’est qu’il est bien réel. Il a d’ailleurs été observé par des chercheurs de plusieurs pays »1. La Direction souhaite ainsi se doter de cet outil afin de pouvoir interpréter les soumissions lors d’appels d’offres publics de travaux de différentes natures. D’autres mandats m’ont également été confiés durant mon stage. Ils consistent pour l’essentiel à proposer un outil facilitant le suivi des résultats des appels d’offres des contrats de construction et de viabilité hivernale du Ministère par directions générales territoriales, et assurer le suivi de ces résultats aux deux semaines. Ces analyses ont pour but de dresser un état de situation des appels d’offres pour permettre le suivi du processus d’octroi de contrats et détecter les situations de marché irrégulières. Un dernier mandat qui s’est vu ajouté à mes tâches est de faire le suivi des entreprises inscrites au RENA (Registres des entreprises non admissibles aux contrats publics) pour s’assurer que ces entreprises ne soumissionnent pas aux appels d’offres du Ministère.

Pertinence du coefficient de variation

De nombreuses études ont conclu à la pertinence du coefficient de variation dans la détection des périodes d’activités de cartels. Elles trouvent des éléments à l’appui des hypothèses selon lesquelles la moyenne augmente et la variance diminue pendant la période de l’entente par rapport aux périodes antérieures et postérieures (Bolotova et al.2008). Aussi, dans le cadre d’un cartel en activité, le fait d’empêcher de nouvelles firmes d’entrer dans le marché ou de recruter de nouvelles entreprises est susceptible de réduire la variation des prix (Connor. 2004).

D’autres études soulignent que l’impact des chocs de coûts sur les prix est atténué et prend plus de temps à passer en période d’entente. En effet, comme les cartels sont conscients de l’incidence de la trajectoire de leurs prix sur les convictions et probabilités de détection, ces mouvements de prix sont tempérés. Ainsi, la variance des prix est plus faible en période d’entente (Harrington. 2006).

Une des études pionnières dans l’analyse du comportement du coefficient de variation arrive à conclure que la variance des prix enregistre une baisse importante durant la période de l’entente. Le comportement du coefficient de variation enregistre ainsi des tendances différentes entre les périodes de collusion et de concurrence. Il est aussi constaté que ce changement significatif des prix ne pouvait être expliqué par un changement de coûts (Abrantes-Metz et al. 2006).

Limites du coefficient de variation

Toutefois, certaines études sont arrivées à des résultats mitigés. L’application du coefficient de variation n’a pas toujours permis d’identifier les complots potentiels dans le cas de certains 11 marchés. De tels résultats peuvent s’expliquer soit par l’absence de collusion dans ces marchés ou par l’échec de la méthode à identifier de tels comportements (Abrantes-Metz et al. 2006). Par contre, quand l’information sur la présence de la collusion dans le marché est disponible et que le coefficient de variation n’arrive pas à détecter cette collusion, les résultats sont interprétés comme étant la conséquence de la période particulièrement longue du cartel, ou par le fait que les ententes de collusion sur ces marchés n’incluent pas toutes les entreprises, n’ont pas un contrôle total sur le prix, ou que des chocs anormaux sur l’offre ou sur les coûts ont une incidence sur les résultats du marché (Bolotova et al. 2008).

Les filtres de variance peuvent alors conduire en erreur dans la détection de comportements collusoires. En effet, comme la faible variance des prix est un synonyme manifeste de l’activité d’un cartel, les cartels peuvent procéder par manipuler les prix pour augmenter la valeur de la variance (Crede. 2016). D’où l’importance de ne pas utiliser ces outils statistiques de manière isolée.

L’importance de jumeler le CV avec d’autres filtres

Vu les limites que rencontre le coefficient de variation dans la détection de comportements collusoires dans certains marchés, et vue sa pertinence prouvée dans la détection dans d’autres, la littérature suggère d’appliquer ces outils statistiques de façon combinée. Une étude très intéressante est recensée à cette étape. Les auteurs de cette étude développent une méthode adaptée pour la détection d’ententes partielles de truquage d’offres. Ils montrent ainsi comment combiner différentes méthodes de filtrage (filtre de coefficient de variation et filtre de distance relative) pour identifier des sous-ensembles de contrats et des firmes suspects.

C’est une méthode qui a permis de soutenir et valider les soupçons sur les comportements collusoires des firmes dans un marché de construction de routes pour lequel aucune information préalable sur la collusion n’était disponible. Il est aussi souligné, dans cette étude, que la détermination d’un seuil raisonnable pour le coefficient de variation n’est pas chose évidente, puisqu’il n’existe aucun argument théorique pour un seuil pouvant séparer les contrats suspects de ceux qui ne le sont pas (Imhof. 2018).

Le filtre par coefficient de variation (CV)

Le filtre analysé durant mon stage est un filtre de variance. C’est le filtre statistique le plus largement testé pour détecter les problèmes de collusion dans le monde. Ainsi, plusieurs études théoriques et empiriques montrent qu’en période de collusion, les prix sont moins sensibles aux coûts effectifs que dans un environnement concurrentiel. Dans le contexte de truquage des offres, le coefficient de variation est le filtre utilisé pour implémenter ce filtre de variance car c’est une mesure invariante à l’échelle de mesure, qui permet de comparer le comportement d’offres à valeurs significativement différentes. Le coefficient de variation (CV) est calculé pour chacun des appels d’offres comme le rapport entre l’écart-type divisé par la moyenne arithmétique.

Le principe est que, pour augmenter les profits d’un cartel, les entreprises s’entendent à présenter des offres plus élevées, ce qui augmente nécessairement la moyenne des soumissions d’un appel d’offres donné. Par conséquent, c’est l’évolution de l’écart-type qui détermine l’effet sur le coefficient de variation. Il est ainsi constaté que de faibles valeurs du coefficient de variation indiquent une activité de truquages des offres. L’implémentation de ce filtre sur les données du Ministère a pour but de déterminer un seuil de concurrence pour les appels d’offres. La détermination d’un tel seuil repose sur la détection d’une tendance intemporelle dans le comportement de ce coefficient.

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Table des matières

Introduction
1.Description de l’organisme d’accueil et du mandat
1.1. Le ministère des transports (MTQ)
1.2. Le mandat
2.Méthodologie de recherche et d’intervention
3.Recension des écrits
3.1. Pertinence du coefficient de variation
3.2. Limites du coefficient de variation
3.3. L’importance de jumeler le CV avec d’autres filtres
4.Résultats
4.1. Retour sur la méthodologie de recherche
4.2. Description des résultats par rapport à la problématique
4.2.1. Livrable principal
4.2.1.1. Le filtre par coefficient de variation
4.2.1.2. Le filtre de distance relative
4.2.1.3. Détection de la collusion partielle
4.2.2. Autres activités
5.Recommandations
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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